Dans son intervention télévisée du 28 octobre 2020, le président de la République n’a utilisé qu’une seule fois le mot « vie ». C’était pour rappeler, si besoin en était, que la vie est désormais au-dessus de tout : « Rien n’est plus important que la vie humaine. » Tout était là pour rappeler que les décisions prises par l’exécutif depuis la mi-mars – et a fortiori les plus contraignantes : confinement, couvre-feu – sont vitales. Mais, à y regarder de plus près, n’est-ce pas plutôt de survie qu’il est question ? Cette vie réduite au strict minimum ou aux « bonnes raisons » (c’est-à-dire au travail), pour reprendre la formule du chef de l’État, n’est-elle pas la définition même de la survie ou de ce que Walter Benjamin appelle la « vie nue » par opposition à la « vie juste » ? En somme, ce qu’il reste de la vie après qu’on en a soustrait les plaisirs et les nécessités que nous lui attachons spontanément. La situation ressemble étrangement aux épidémies de peste de la fin du xviie siècle décrites par Michel Foucault : « Chacun enfermé dans sa cage, chacun à sa fenêtre, répondant à son nom et se montrant quand on le lui demande, c’est la grande revue des vivants et des morts. »
En quelques mois, la survie est devenue la valeur cardinale de nos sociétés démocratiques. Elle l’était sans doute déjà avant, mais peut-être ne le voyions-nous pas. L’impératif de survie prime désormais sur toute autre valeur et donc sur tout autre droit fondamental. Il justifie toutes les interdictions et tous les excès…