Que penser de la polémique de février à propos du nombre de personnes qui vivent dans la rue à Paris, après des déclarations de responsables politiques de la majorité La République en marche ! (Lrm) qui le minimisaient ?
Il faudrait se dire d’abord qu’elle est salutaire. Mais la crispation autour de données chiffrées, qui feraient « masse » et seraient à réviser, nous oblige collectivement dans le sens d’une réelle volonté de dépasser le constat quantitatif, même très précis. Sinon, l’indignation citoyenne contre une sous-estimation risque de nous plonger, au mieux, dans la considération et l’empathie, au pire, dans la sidération, l’ambivalence, voire le cynisme, qui peuvent se révéler de dangereux poisons démocratiques et contribuer au délitement du principe de solidarité. Toutes ces réactions fragilisent l’institution politique et administrative et la confinent dans l’impuissance à dégager une politique publique crédible, avec une vision durable et garante de la cohésion sociale.
Du point de vue quantitatif, le chiffre de 143 000 personnes sans domicile fixe en France reste de prime abord symboliquement fort et politiquement signifiant, même s’il convient de le relativiser du fait du caractère « liquide » inhérent à la situation des sans-abri, marquée par l’invisibilité, la disparition et des allers-retours permanents. En réalité, un mort de la rue, dans une République mûre, n’est-ce pas déjà un mort de trop ? N’est-ce pas la preuve que la digue des mécanismes d’aide aux plus exclus aurait déjà cédé …