Longtemps marginalisé, le revenu universel connaît depuis quelques années un engouement tout aussi croissant qu’inédit. Dans le sillage des initiatives suisse et finlandaise, l’idée s’est imposée comme un thème majeur de la dernière campagne présidentielle et s’affirme désormais comme une perspective non seulement désirable mais crédible. Non plus comme un « fantasme d’excentriques », comme « l’utopie des utopies », mais comme le potentiel « nouveau pilier de notre système de protection sociale ».
Dans ce contexte, ses partisans se trouvent de plus en plus fréquemment, et en toute logique, confrontés à la question de la faisabilité de leur projet. « Au-delà des débats philosophiques, affirme par exemple Clément Cadoret, le cœur du problème réside sans doute dans le caractère réaliste ou non d’une telle proposition. » Tendanciellement, le problème ne serait donc plus de savoir quelle est l’idée défendue et pourquoi, mais comment la mettre en place et avec quels résultats. Il s’agirait de passer de l’utopie au réel.
Une telle reconfiguration des débats n’est pourtant pas sans poser problème. Le revenu universel atteint il est vrai un niveau de publicité inédit et il devient donc nécessaire, sinon urgent, d’établir sa faisabilité à court ou moyen terme. Mais lesdits « débats philosophiques » ne peuvent être simplement exclus de cette évaluation. Que faut-il en effet entendre par « faisabilité » ? En quoi peut-on dire qu’une politique publique est réaliste ? Il ne s’agit pas tant de savoir si un revenu universel est finançable ou non que de montrer que les conditions dans lesquelles il le serait lui permettraient de produire les effets qui sont attendus de lui, tant en termes d’autonomie individuelle que de justice sociale…