On pourra penser que l’événement fondateur de la poésie de Gabrielle Althen fut sa rencontre et son échange de lettres avec René Char. C’était en 1974 et la jeune Colette Astier était sur le point de publier son premier ouvrage, le Cœur solaire, sous le nom de Gabrielle Althen. Outre la trentaine de lettres adressées à sa correspondante par le poète provençal, certaines sous forme de poèmes, Gabrielle reçut de lui encouragements et conseils. Splendide patronage pour un début ! Viendraient par la suite douze recueils jusqu’au récent Soleil patient, composant une production raisonnablement espacée dans le temps. Sans doute ce rythme correspondait-il d’abord à l’emploi du temps chargé de l’enseignante de lettres à l’université de Nanterre que fut également Gabrielle, mais s’accordait-il plus profondément avec sa pratique (on cherche vainement à ce stade un adjectif qu’on formerait avec le nom de Char ; il n’en existe pas : Char est un nom non adjectivable) condensée de la poésie ?Et qu’il faille mener paître tant de labours en ruines, rameuter le possible, et s’éprendre encore d’une main chère… Des repas, je le sais, pourrissaient dans les châteaux. Campagnes demeurées probables, jachères qui duraient, entre nos dates vaines, nous errions, et je savais pourtant, berger d’absences, que la robe de la terre me fraierait une route depuis l’armure équitable du ciel jusqu’à l’anneau des lampes partagées.
Dans ce paysage qui se déploie dans le Cœur solaire, que l’auteur réintégrera plus tard dans le recuei…