Les guerres mondiales, la Shoah, les génocides et les totalitarismes du xxe siècle ont engendré une mémoire traumatique. Dès lors, comment lutter contre le tragique et le ressentiment, l’aphasie ou la logorrhée, le refoulement ou la mémoire intempestive charriés par ces moments de barbarie ? La capacité à trouver une forme adéquate est l’une des voies les plus puissantes, mais aussi les plus périlleuses, pour tenter d’appréhender des événements qui dépassent l’entendement. L’histoire violente de la Chine et de Taïwan au siècle dernier a contraint écrivains et cinéastes à lutter non seulement contre la difficile mise en forme de leur expérience du totalitarisme, mais aussi contre la censure et les versions imposées de l’histoire. Lorsque s’amorce enfin une libération de la parole et des arts, on assiste à des expérimentations esthétiques qui interrogent la place du sujet dans l’histoire, la portée du témoignage, les possibilités de la narration, les pouvoirs de la fiction.
Il semble que seuls le récit et la mise en forme – aussi imparfaits, aussi lacunaires soient-ils – offrent leurs ressources pour panser une mémoire traumatique qui ne passe pas. L’enjeu existentiel de la narration, du témoignage littéraire ou de la représentation cinématographique loge dans leur capacité à réarticuler le passé au présent pour tenter de reconstruire la possibilité d’une expérience. Sauf que la tâche est ardue, douloureuse, voire impossible. Comment, face à leur impuissance, arracher au langage ou aux images des bribes de sens …