Dans un poème manifeste dédié à son ami André Velter, Zéno Bianu donne sa vision – abstenons-nous d’employer le mot « définition » – de la poésie :
Avant même de s’attacher au sens de tels vers, c’est à leur disposition typographique sur la page qu’il convient de prêter attention. Zéno Bianu pratique de préférence un vers court, libre de toute contrainte prosodique, souvent arrangé en triade, où les retraits composent un dessin pyramidal. Ainsi le poème apparaît-il d’abord comme une figure. Chaque ligne, inégale à ses voisines par la longueur, revient avec une régularité d’alternance évoquant la rime d’un poème classique. Zéno Bianu est à sa manière un formaliste. Sans doute serait-il surpris, à juste titre, que nous le rangions dans cette catégorie. Cette présentation purement extérieure de son poème a simplement pour but de caractériser le jeu de répétitions et de variations qui constitue le cœur de son travail. Zéno Bianu est un poète du motif, ce qui le fait se rapprocher en ce sens du musicien. Le poème est pour lui la conduite ou la reconduite d’une cellule, d’une structure à laquelle il imprime de menues variations. On comprend qu’il ait pour héros et modèles, en particulier, les musiciens de jazz. De Miles Davis à John Coltrane ou à Chet Baker, il dresse et tresse des portraits musicaux jouant à intensité alternée sur le souffle, qu’il module à la dimension d’un solo, comme dans ce portrait du saxophoniste Coltrane :
De là, sans doute, une certaine rigidité qui, d’ailleurs, ne doit pas déplaire au poète, dont on n’imagine pas qu’il lâche l’embouchure du cuivre si facilement…