Depuis le 15 juillet 2016, une période nouvelle s’est ouverte pour le monde de la recherche en Turquie. Ce dernier n’a jamais été tout à fait libre, et comme d’autres secteurs professionnels, il connaît différentes turbulences depuis la déclaration de l’état d’urgence, le 21 juillet 2016. Mais la répression y prend également un caractère spécifique. Ambiguë, aléatoire, incertaine et invisible, cette répression s’exerce par le truchement d’agents publics de plus en plus réticents à prendre la moindre initiative. Par exemple, un groupe d’instituteurs syndicalistes d’Egitim Sen (l’un des principaux syndicats dans le secteur de l’enseignement, situé à gauche et proche du mouvement kurde) voulait partir en mission à l’étranger. Pour ce faire, ils ont sollicité tous les échelons requis afin d’obtenir une autorisation de départ, mais personne dans les services concernés n’a voulu assumer cette responsabilité, par peur des sanctions qui pourraient suivre en fonction des résultats de la mission. Les instituteurs n’ont donc pas pu partir. On est face à un État bloqué, paralysé, faible, voire à un État en voie de disparition, comme toutes ses institutions.
D’après différentes sources, l’une des caractéristiques principales des états d’exception est la limitation de la libre circulation. Le gouvernement de l’Akp (Parti de la justice et du développement) a aussi suivi ce chemin. Pour se rendre à l’étranger, les fonctionnaires turcs détiennent des passeports particuliers, dits « passeports verts » pour les hauts fonctionnaires, et « passeports gris » pour toutes les autres catégories de fonctionnaires susceptibles de partir en mission…