L’exposition « Piet Mondrian Die Linie » organisée dans le cadre des Berliner Festspiele 2015 en partenariat avec le Gemeente Museum Den Haag va à l’essentiel. Il ne s’agit pas d’une écrasante rétrospective, mais d’un parcours d’étape, organisé en forme de L : on voit d’abord la (bonne) peinture figurative, des paysages, des campagnes hollandaises massives, des ciels prêts à renverser au crépuscule l’ordre du jour. S’opère une décantation progressive par des stades moins séduisants de symbolisme coloré, avant d’arriver de nouveau à un langage propre. Puis, au coude du L, le visiteur aperçoit au fond d’une suite de trois salles le point de fuite de l’ensemble, la Composition de lignes et couleur III de 1937. C’est exactement où l’on veut procéder. Couleur est au singulier. Le dépouillement a progressé. Restent les lignes qui font composition. Le stade de l’œuf est lui aussi abandonné en chemin, comme une peau d’une ancienne mue.
Les tableaux de cette dernière salle proviennent des années 1920, à l’exception de ce point de fuite à la seule couleur qui est de 1937. Vu de loin, ce dernier fascine doublement : une fenêtre vient stabiliser la vue, qui émerge d’une échelle de ligne et d’une grille heureusement si irrégulière qu’elle n’oppresse nullement. Un mouvement ascensionnel se dégage, posé avec solidité sur une structure qui n’est pas un simple tréteau, mais l’expression des lignes de forces de ce nouvel espace. Or sur la droite, dans la partie inférieure, l’unique bloc de couleur intrigue, et vient proposer une autre logique à cette construction qui s’échafaude, en revendiquant crânement l’asymétrie…