Remake du film des frères Coen de 1996, la série Fargo illustre la tendance actuelle de la production audiovisuelle : de plus en plus de séries remarquables sont non pas des créations originales mais des adaptations d’œuvres littéraires (Dexter, Hannibal, Masters of Sex), cinématographiques (Gomorra) ou de fictions télévisées (Homeland, House of Cards). Cette évolution témoigne moins d’une crise d’inspiration des scénaristes que de leur conviction que la série télévisée est un genre narratif majeur capable de recycler toutes les formes d’expression artistique. Du complexe d’infériorité envers le cinéma que nourrissait David Chase qui, faute d’avoir pu diriger le film de gangster dont il rêvait, s’est tourné vers Hbo pour réaliser les Sopranos, à la décision de Noah Hawley d’adapter une œuvre marquante du septième art, on mesure le chemin parcouru : qu’il n’ait pas craint de rivaliser avec des cinéastes aussi talentueux que les frères Coen en dit long sur le prestige culturel qui entoure désormais les séries d’auteur.Terra incognita des séries d’auteur américaines, dont la distribution géographique se répartit entre la côte Est (Sur écoute, les Sopranos, Mad Men, House of Cards) et le Sud (Breaking Bad, True Detective, Treme, Rectify), l’Amérique rurale du Midwest est le théâtre de l’action de Fargo : si elle porte le nom de la plus grande ville du Dakota du Nord, cette fiction se déroule essentiellement dans deux agglomérations, Bemidji et Duluth, de l’État du Minnesota. Parce qu’elle est le gage du réalisme de cette fiction policière, la mise en valeur des particularismes du Minnesota constitue la pierre angulaire de l’adaptation réalisée par Noah Hawley : un paysage glacé d’une beauté oppressante, des conditions hivernales extrêmes, des autochtones pleins de bonhomie, des relations sociales empreintes de pudeur, aucun trait du portrait tracé par les frères Coen de leur région natale ne manque dans la version télévisée…