Ce qu’il y a de bien avec la poésie de Philippe Beck, c’est qu’on a tout de suite envie de dialoguer avec elle. Dans le questionnement comme dans le désaccord. Rares sont les aventures poétiques offrant une telle opportunité aujourd’hui. Avant même de frapper l’attention par son usage singulier de la langue et de la prosodie, ce poète, strasbourgeois par la naissance, littéraire puis philosophe de formation, saisit par son ton. Que nous qualifierons d’imperturbable. Il y a, propre à Philippe Beck, une qualité de recul et d’analyse, de sang-froid et de courage qui ressemble très souvent à du flegme. Non pas que les émotions, essentielles à la poésie, ne soient présentes ni travaillées par le poète, mais son engagement de philosophe dans le réel produit des effets d’humour. S’évoque immédiatement, le lisant, la figure de cette autre humoriste impassible que fut, en son temps, Gertrude Stein. Chez Beck, on qualifierait plutôt l’humour de britannique, mélange de mise à distance et de pudeur. Par ailleurs, ce poète qui constamment maîtrise sa démarche s’avère un poéticien de tout premier ordre. Ainsi défend-il farouchement le vers dont il dispute le terrain dans la production littéraire contemporaine à l’envahissante prose. Il a, pour ce faire, recours à cette « lyre dure » qu’il donne pour titre à l’un de ses plus récents ouvrages. Du coup, il se tient prêt aux opérations les plus hardies. « Je lautréamonte Montaigne », confie-t-il dans le même texte. Ailleurs, il force son art guerrier jusqu’au paradoxe en affirmant : « J’appelle philosophie/l’art d’être dans la poésie/et d’avoir en poésie/beaucou…