Si la crise met à mal la croyance en un mouvement social uniforme, applicable à tous les salariés, et favorise l’atomisation des situations d’emploi, comment des salariés peuvent-ils encore faire valoir leurs droits ? Difficilement, comme le montre l’exemple de Litwin, un bureau d’étude en ingénierie pris dans la tourmente d’une liquidation judiciaire chaotique.
Début juillet 2012, les salariés de Litwin, une compagnie travaillant pour l’industrie pétrochimique située à Rueil-Malmaison, alertent les syndicats de la situation pour le moins singulière dans laquelle ils se trouvent : suite à la liquidation judiciaire de leur entreprise, la société où ils ont été transférés par décision du tribunal de commerce n’est toujours pas constituée et le nouveau président ne remplit pas ses obligations légales, notamment le paiement des salaires et des cotisations sociales. Dans l’attente du virement des sommes qui leur sont dues, ils doivent continuer à se rendre sur leur lieu de travail pour ne pas se mettre en faute. En l’absence de mission, ils vaquent aux affaires courantes, tentent de maintenir les installations en état, veillent à l’hygiène et à la sécurité de l’immeuble. Les élus du comité d’entreprise essayent pour leur part d’examiner les voies de recours possibles, mais la complexité et le caractère inédit de la situation interdisent toute solution simple : comment faire valoir ses droits dans une société qui n’existe pas encore ? Comment prétendre aux allocations chômage quand on n’est pas chômeur …