Les révélations sur les prêtres pédophiles ébranlent l’Église catholique plus que toutes les critiques du dehors et du dedans, anciennes ou récentes, contre l’institution. Ce n’est pas une « abomination dans le temple », un péché d’hommes consacrés, une faute contre leur état sacré qui suscitent la colère et le scandale ; c’est le cri des victimes et l’aggravation générale du droit pénal pour les crimes sexuels qui produit ce séisme historique. Des victimes nombreuses (aujourd’hui souvent adultes), ou leurs parents, se manifestent à propos d’un crime qui semble en peu de temps devenu le crime par excellence : l’abus sexuel sur des enfants par des personnes ayant autorité sur eux ; et pas seulement autorité en l’occurrence : connaissance de l’intime par la confession (même s’il ne faut pas fantasmer sur le « riche contenu » des aveux au confessionnal), pouvoir de lier et délier, personnes bénéficiaires de surcroît, souvent, d’une immense confiance – qui confine à la naïveté chez certains parents... De là un côté glauque, malsain, « sale », de la pédophilie des prêtres (pire sans doute que celle des instituteurs par exemple), et la perception sévère ou accablée que le public en a. On a été, on est toujours, beaucoup plus indulgent pour les expériences pédophiliques racontées par des écrivains au xxe siècle ou avant... sans parler des frasques des milieux du cinéma.
La « pédophilie » n’est certes pas un concept très clair. À s’en tenir à son étymologie – l’« amour des enfants » –, le mot pourrait même paraître quelque peu inoffensif…