Le sociologue Zygmunt Bauman a, le premier, avancé l’image d’un monde et d’une société devenus « liquides » à la faveur de la mondialisation, pour illustrer le développement des flux de capitaux et de matières premières, des flux informationnels et immatériels, ainsi que la souplesse accrue des transactions et des échanges, qu’il oppose à la rigidité des États-nations et des cadres traditionnels de gouvernance. Il a étendu la qualité de malléabilité qui y est liée aux valeurs morales elles-mêmes, pour signifier que, dans la société actuelle, celles-ci ne sont plus autant rigides et incontestables qu’hier mais s’adaptent continuellement, au gré des flux et reflux des modes et des besoins. En conséquence, selon Bauman, le rapport à la géographie qui fonde la géopolitique se modifie, et les États passent de l’ère de l’espace à une « ère liquide » où l’accent est mis moins sur la traditionnelle recherche de maîtrise de l’espace géographique que sur la maîtrise de ces flux liquides.
Et en effet, aujourd’hui l’image des « tubes » s’est largement banalisée dans le but d’évoquer les contenants qui assurent le passage des flux, qu’il s’agisse des gazoducs et pipelines ou des canaux de transmission de l’internet. De plus, force est de constater que des politiques de maîtrise de ces tubes par les États ont bien été enclenchées et qu’elles sont même devenues un axe essentiel d’activité des diplomaties : le contrôle des routes d’acheminement des matières premières et des marchandises a pour but d’assurer la sécurité de l’approvisionnement, qu’il s’agisse d…