On a tous en tête des images bouleversantes, des paysages comme ceux du cinéaste iranien Abbas Kiarostami par exemple. Mais celles de ce paysan fatigué, brûlé par les années et la solitude, celles de ce paysan qui s’appelle Paul Argaud sont troublantes. Elles ne sont pas comparables à ceux de la grande photographie des années 1930, celle qui a photographié, à l’instar de Walker Evans, les visages de la Grande dépression en milieu rural. Les images de ce paysan que l’on a déjà vu dans les deux films précédents de la trilogie Profils paysans (diffusion Arte vidéo) ont été souvent commentées par les chroniqueurs qui ont vu La vie moderne de Raymond Depardon (ce film intervient après Approches et Le quotidien).
Ce ne sont pourtant pas n’importe quelles images : le visage de Paul Argaud est là, face à nous sur l’écran, en train de nous regarder en apparence. Il est assis à sa table de cuisine et affirme ne pas vouloir prendre sa retraite. On voit ses cheveux longs, style hippie d’une autre époque, style le chanteur Jean-Louis Murat qui arpente ces terres de petite montagne, ce visage moins buriné que creusé, les traits sont profonds et les cavités manifestes, c’est le visage d’un paysan au corps décharné qui sait que sa vie va finir et qu’il n’y aura plus jamais de paysans comme lui. Il n’y aura plus de paysans capables d’accepter les rythmes imposés par les saisons, la nature et les bêtes. Mais ce visage d’un autre monde qui nous regarde frontalement, les yeux dans les yeux, assiste en fait à la messe d’enterrement de l’abbé Pierre que retransmet un poste de télévisio…