L’athlète plus rapide que l’éclair sacré au championnat du monde de Berlin, celui qui mime la flèche avant d’aller plus vite qu’elle, est au cœur de l’image actuelle du sport. Il est au cœur aussi de questions plus complexes qu’il n’y paraît.
Il confirme d’abord la manière dont l’univers sportif sait manier les belles histoires. Le sport, avec ses compétitions pléthoriques passe tout son temps à fabriquer du récit. Il privilégie les narrations pimentées de morale, faites de logiques aussi édifiantes que magistrales. Toutes les figures y sont représentées : de l’individualisme à la solidarité, de la parcimonie à la générosité, du dur labeur au talent brut. Le sport est de part en part culture. Ses récits miment notre vie quotidienne. Ils l’exemplifient aussi : le sport a su construire un lieu très particulier d’affrontement où, tout, du règlement à l’arbitrage, de la mesure au résultat, serait justice, égalité des chances, perfection. Les exploits de notre coureur ailé ont du coup un versant transparent, incarnant une figure marquante de ces récits possibles, l’histoire de l’exception faite « humanité » : celle de l’être projeté cent coudées au-dessus des autres, l’homme dépassant d’impensables limites, tutoyant les dieux, frôlant l’inhumain, tout en demeurant accessible, détendu, « normal ». L’extrême de la différence, dans l’extrême de la proximité. Les yeux des spectateurs s’écarquillent, le sacré n’est pas loin. La normalité est, là aussi, ce qui d’emblée rassure : le dieu plaisante, le dieu sourit…