Esprit – L’Europe commence à célébrer les vingt ans des révolutions démocratiques de 1989. Mais cet anniversaire arrive dans un contexte morose. C’est en France, particulièrement, que cette réunification de l’Europe a été accueillie avec le moins d’enthousiasme, comme si nous avions du mal à intégrer ces événements dans le fil d’un autre récit historique, celui de la construction européenne où la France pouvait jouer un rôle central. Comment surmonter cette coupure des deux récits et des deux Europes?Bruno Le Maire – L’intégration des anciens États du bloc de l’Est était un impératif majeur. Il s’agit d’un formidable accomplissement de l’Union européenne : la réunification européenne était une exigence politique, stratégique, mais aussi morale. L’Europe peut être fière de cette réalisation majeure. Nous célébrerons donc les vingt ans de la chute du mur de Berlin, malgré la crise et les difficultés concrètes qui préoccupent nos concitoyens, car nous ne devons pas sous-estimer cet anniversaire qui donne l’occasion de prendre pleinement conscience du chemin parcouru depuis le discours de Robert Schuman, le 9 mai 1950.
Mais vous avez raison de souligner le questionnement, voire le manque d’intérêt suscité par l’élargissement de 2004. Responsables politiques, médias, associations n’ont pas su suffisamment mettre en valeur la signification de ce moment historique. La campagne référendaire de 2005 a fait émerger une image totalement fausse des conséquences concrètes de l’élargissement…