Plusieurs films américains récents témoignent d’une singulière forme de « retour au désert » qui rappelle, si besoin était, que l’art naît de luttes et vit de contraintes. Il n’est sans doute pas anodin que ce phénomène se produise à une période où l’Amérique connaît, en miroir de son engagement militaire en Afghanistan et en Irak, l’un de ces temps de repli sur elle-même dont elle est coutumière. Les événements du 11 septembre, un ordre mondial chaotique, tout cela traverse sa vie politique et imprègne les créations de cette nation paradoxale. À l’heure du « complot contre l’Amérique » et des angoisses, le désert s’impose comme un lieu d’engagement, de libération et de questionnement.Jarhead, réalisé en 2006 par Sam Mendes, revient sur la première guerre du Golfe, en 1990. Anthony Swofford, héritier d’une lignée militaire, attend, Zangra des sables, un ennemi qui ne vient pas, au sein des amitiés viriles et tragiques, culminant en un bain de pétrole et de sang. Into the wild (2008) s’attache aux déserts américains. Sean Penn fait des montagnes du Colorado le dernier refuge de Christopher Mac Candless, anti-héros désenchanté et idéaliste, en rupture avec la société moderne. No country for old men (2008) des frères Coen situe entre Texas et Mexique (désert-frontière) une burlesque et meurtrière chasse à l’homme et au trésor. La même frénésie anime enfin There will be blood (2008) de P. T. Anderson, qui fait de Daniel Plainview, prospecteur, le démon venu hanter Little Boston, petit hameau de Californie, où sommeille un océan de pétrole…