Cet enfant sans père était né dans la province cubaine. Sa mère, jeune institutrice, avait été « séduite et abandonnée ». Elle était schizophrène. La famille, très pauvre, est d’une grande piété. Encore enfant, il lui faudra choisir entre la Bible et Marx. Il ne choisira pas. Tout le passionne : la lecture, la musique, le cinéma et, très vite, l’écriture. En 1965, il remporte le premier prix d’un concours national pour jeunes écrivains. Sa nouvelle paraît dans le premier numéro de la revue El Caimán barbudo : sa seule œuvre jamais publiée à Cuba. Nanti d’une bourse, il va poursuivre ses études à La Havane où il entreprend une licence d’anglais. Cette langue, il la connaît déjà, grâce aux Beatles, grâce au rock et aux hippies auxquels il s’identifie : cheveux longs, tenue débraillée. C’en est trop pour les gardiens de la révolution. En 1971, accusé de « diversionnisme idéologique » (Orwell n’est pas loin), il est expulsé définitivement de l’université. De retour dans sa province de Camagüey, il doit travailler dans une entreprise forestière. Là, contre vents et marées, il ne cesse d’écrire, de lire avec sa voracité coutumière... et de boire. Jusqu’au jour où, épris de lecture, les agents de la Sûreté de l’État saisissent tous ses manuscrits, l’arrêtent pour « détention de littérature contre-révolutionnaire » et l’expédient dans la sinistre villa Marista, leur siège à La Havane. Il est libéré après trois mois de cachot. Enfin, en 1980, avec sa mère et 125 000 autres Cubains, à la faveur du pont maritime de Mariel, il s’embarque pour la Floride…