Un sondage, un seul, de l’Ifop à la mi-octobre, a projeté François Bayrou à 12%, et cela a suffi pour que le chef de l’Udf fasse la couverture ou le dossier principal de toute la presse. Artifice médiatique pour trouver à tout prix une nouvelle story ? Moralisme démocratique qui veut priver Le Pen du monopole de la perturbation ? Pas seulement.
L’élection présidentielle française semble avoir structurellement besoin d’un troisième homme, rarement pour faire la décision, mais plutôt pour ajouter du piquant à la fatalité monotone (déjouée seulement en 2002) du second tour, donner une coloration complémentaire au débat et au rapport des forces. Dès 1965, les 15 % de Lecanuet avaient ainsi marqué la fin de la domination gaulliste. Au fond, le troisième homme légitime la structure à deux tours de l’élection qui reflète la résistance du paysage politique français à se couler complètement dans le moule bipolaire de type anglo-américain, qu’ont rejoint l’Allemagne, l’Espagne et plus récemment l’Italie même. Jusqu’à présent, c’est la diversité de la droite qui a fourni ce troisième homme : après Lecanuet-de Gaulle, Poher-Pompidou, Giscard-Chirac, Chirac-Barre, Balladur-Chirac. Le surgissement de Le Pen en 2002 en lieu et place du troisième homme de gauche qu’avait failli être Chevènement a sonné le tocsin pour la République et convaincu la droite de parer au danger en créant une Ump destinée à accélérer une bipolarisation définitive. Le bilan de cette tentative reste ambigu : le souvenir du drame de 2002 pèse en faveur du vote utile et donne aux deux principaux candidats un socle de départ supérieur à 30 %, bien au-dessus de leurs prédécesseurs de 2002, mais la gauche non socialiste s’obstine à multiplier les petites candidatures, Le Pen reste haut de surcroît flanqué de Villiers, et Bayrou compte tirer les dividendes de la résistance commencée en 2002 contre la machine à uniformiser la droite…