Couverture de ESLM_146

Article de revue

Peut-on parler d'« après-vie » chez les chrétiens ?

Pages 123 à 133

Introduction : foi et raison

1Qu’y a-t-il après la vie ? Cette question exprime implicitement que la vie a une fin : nous parlons alors de la mort. La question peut donc aussi être formulée en ces termes : qu’y a-t-il après la mort ? Au niveau scientifique, la réponse est simple : il n’y a rien, sinon des traces de ce qui fut vivant. En ce qui concerne l’être humain, la question de la mort est plus délicate à aborder. En effet, il y a de l’immatériel en l’homme : selon les sensibilités, on parlera alors d’âme ou d’esprit. Ce qui est de l’ordre de la pensée ou de la spiritualité n’est-il que le résultat du fonctionnement de notre chair, ou bien s’agit-il d’un lieu d’accès à un monde qui serait d’un autre ordre ? La science ne peut répondre : le discours, tout en restant argumenté, doit alors faire intervenir ce qui est du domaine de la foi.

2Pour les chrétiens, la mort n’a pas le dernier mot. Au centre de la foi chrétienne réside l’affirmation de la résurrection de Jésus, le Christ : il a vaincu la mort. Saint Paul affirme clairement que, si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine ; nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. (1 Co 15). La mort étant vaincue, c’est la vie qui continue : on ne peut donc pas parler d’ « après-vie », sinon d’« après-vie » terrestre.

3Puisque la résurrection est le pivot autour duquel tout gravite pour essayer d’envisager quelque discours sur l’au-delà, cet exposé l’abordera en premier. Quelques passages bibliques viendront ensuite mettre en contexte ce pivot central. Enfin seront abordées quelques conclusions logiques, issues de la réflexion et de la prière des croyants : ce seront quelques aspects du dogme chrétien.

La résurrection

Les témoins initiaux

4Jésus est mort et a été enseveli une veille de sabbat. Les premières visites à sa tombe ne peuvent donc avoir lieu que le troisième jour : le surlendemain de sa mort. Ce sont une ou des femmes qui arrivent les premières au tombeau. Dans la société de l’époque, le témoignage d’une femme ne valait pas grand-chose. Dans les procès, il fallait le témoignage d’au moins deux femmes pour contrebalancer celui d’un homme. Les premiers témoins sont donc des personnes peu crédibles selon les critères du moment. Cela étaye la véracité de l’épisode pour deux raisons.

5D’une part la présence initiale de femmes est relatée dans les quatre évangiles. L’événement est incontournable pour qu’il y ait cette unanimité alors que les sources qui récoltent ces témoignages sont diverses. D’autre part, si le récit était une construction littéraire pour asseoir la solidité du témoignage, les auteurs auraient certainement choisi des hommes.

6Que voient ces premiers visiteurs du tombeau de Jésus ? La réponse est double. Sur le plan visuel et objectivement observable, ces femmes (ou cette femme) voi(en)t que la pierre qui fermait l’entrée du tombeau a été roulée. Elle(s) voi(en)t également un tombeau vide. Sur le plan spirituel, elles font une rencontre qui les bouleverse en profondeur. Les textes parlent d’un homme, de deux hommes, d’anges…C’est là que l’on passe au domaine de la foi, que les mots ne peuvent jamais parfaitement décrire. Seuls ceux qui avaient la foi ont vu le ressuscité. Cette foi est nécessaire pour approcher le ressuscité, et donc une certaine vision de l’après-vie !

7Les textes disent même que leur témoignage n’est pas cru. Ces paroles semblèrent un délire et ils ne croyaient pas ces femmes (Lc 24, 11) On met leur parole en doute. La peur est même présente : elles n’osent pas parler. Elles ne dirent rien à personne car elles avaient peur (Mc 16, 8). Rien ne va de soi. L’annonce première de la résurrection est de l’ordre de la stupeur inquiète.

Le tombeau vide

8La constatation est unanime : le tombeau est vide le matin du troisième jour après la mort de Jésus. L’évangile de Jean (20,7) va même jusqu’à donner des détails précis : Pierre voit les bandelettes posées là et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. Pour l’apôtre Jean, c’est un signe qui lui donne la foi : il vit et il crut.

9Une explication rationnelle est envisagée : les disciples sont venus prendre le corps de Jésus. L’évangéliste Matthieu précise que la pierre tombale fut scellée et qu’un garde fut posté (Mt 27, 62-66). Et il précise un peu plus loin (28, 13 +) : Vous direz ceci : ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé pendant que nous dormions. (…) Ce récit s’est propagé chez les Juifs jusqu’à ce jour.

10Quoi qu’il en soit, le fait que le tombeau soit vide reste énigmatique. Ajoutons aux récits cet aspect : le lieu de sépulture est éloigné de moins de cent mètres du lieu de l’exécution, lieu surveillé et protégé par les Romains. (Les archéologues s’accordent généralement sur ce point). Le mystère demeure.

Les apparitions

11C’est à partir de là que le domaine devient subjectif : une apparition est une vision que seul le visionnaire perçoit ! Il peut aussi y avoir plusieurs visionnaires simultanés. Ce n’est pas parce que l’on entre dans le domaine de la subjectivité qu’un discours cohérent n’est pas possible. Cependant, il faut prendre conscience que la narration de l’expérience personnelle sera caduque d’une manière ou d’une autre. En effet, elle en rend compte avec un langage qui se réfère à l’expérience commune d’un phénomène qui pourrait se référer aujourd’hui à une autre dimension (comme on peut parler de la cinquième dimension).

12Les différents récits auront en commun la difficulté de reconnaître objectivement Jésus ressuscité, doublée d’une certitude intérieure, donc subjective, pour les croyants. Les expressions ne donnent pas dans le magique ni dans l’extraordinaire, mais tentent de rendre compte de ce qui ne semble même pas parfaitement logique à l’auteur. C’est ainsi que l’on a ce genre d’expressions : il se manifesta (Mc 16, 12) comme ils parlaient, Jésus fut présent au milieu d’eux (Lc 24, 36), il se tint au milieu d’eux (Jn 20, 19 et 26). Expressions au réflexif, qui ne disent rien du comment. Elles manifestent une forme de mise en présence difficile à décrire.

13On distingue deux grands lieux pour ces apparitions : Jérusalem et la Galilée. A Jérusalem, la compréhension que l’on a du ressuscité se situe en vis-à-vis du temple, qui symbolise la religion vécue à partir de préceptes. En Galilée, dite Galilée des nations, il s’agira davantage de la rencontre du ressuscité dans le contexte d’une rencontre spirituelle intérieure et personnelle.

Pour passer au chapitre suivant

14De cette approche de la résurrection, centre de la foi chrétienne, on peut retenir les points suivants pour dire quelque chose sur l’au-delà.

15La vision du ressuscité, c’est-à-dire de celui qui a franchi la mort, ne va pas de soi. Elle est conditionnée à la foi, qui permet de percevoir la dimension spirituelle de l’homme. Ensuite, les mots qui expriment la rencontre avec celui qui vit de ce que les chrétiens appellent la vie nouvelle, ne sont que des approximations, tant la richesse de l’événement dépasse nos limites de perception.

16Forts de cette expérience unique, celle de la rencontre avec le ressuscité, les évangélistes ont, une quarantaine d’années plus tard, mis par écrit la vie de Jésus. Les textes qu’ils ont produits ayant été écrits après la résurrection, les paroles et les actes de Jésus sont donc relatés avec, d’une certaine façon, le rétro-éclairage de la résurrection.

Repères évangéliques et paulinien

17Pour essayer de percevoir quelque chose de ce qui se passe après la mort terrestre, voici quatre passages tirés des évangiles. Ils utilisent la forme parabolique ; les deux premiers sous forme de récit, les deux suivants sous forme de discours éventuellement dialogué. Ce genre littéraire exprime des extrêmes ou des absolus. D’un côté, ce qu’il faut éviter. De l’autre, ce vers quoi il faut tendre.

La parabole du jugement

18Evangile de Matthieu, 25, 31….

19« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? Tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? Tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t’avons habillé ? Tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » Et le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi (…) chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

20Derrière le genre parabolique de ce passage, quels éléments retenir pour avoir une vision de ce qui se passe dans l’au-delà ? J’en retiendrai deux : une correspondance et la justice.

21Il existe une correspondance entre l’au-delà et l’ici-bas. Les actes vécus dans l’univers terrestre ont une sorte de simultanéité dans l’univers céleste. A un acte posé sur terre correspond le même acte aux cieux. L’auteur de l’acte ou de son omission est le même dans les deux univers, mais celui qui subit l’acte ou son omission est n’importe quel être humain sur terre alors qu’il s’agit de Dieu lui-même dans l’au-delà. De plus, la correspondance n’est pas une égalité. Il existe une proportionnalité, une gradation : plus il y a d’injustice sur terre, plus le monde céleste en est atteint. L’au-delà est ici défini comme ayant une préférence pour les plus démunis d’une part et pour ceux qui auront pris soin d’eux d’autre part.

22Il est donc question de justice. La vie de l’au-delà d’une certaine manière répare les injustices et les situations de souffrance d’ici-bas d’une part et d’autre part récompense tout ce qu’il y a de positif dans les actions humaines, mais qui n’est pas obligatoirement visible. Le passage de ce monde à l’autre passe donc par un jugement gradué. L’après-vie terrestre selon l’Evangile est le temps ou le lieu de la réponse à l’immense aspiration de l’humanité à la justice.

Lazare (Luc 16, 19-31)

23« Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : « Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous. » Le riche répliqua : « Eh bien ! Père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture ! » Abraham lui dit : « Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront. » Abraham répondit : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus. »

24Cette parabole repose sur un double paradoxe. D’une part elle affirme qu’un grand abîme sépare ceux qui sont près de Dieu et ceux qui sont à la torture. D’autre part, la communication entre le séjour des morts de celui des vivants est déclarée inutile. Cela posé, la parabole nous communique une conversation qui aurait justement eu lieu entre les deux côtés du séjour des morts. On voit donc bien qu’il s’agit d’un artifice littéraire qui n’autorise pas à lire ce texte évangélique de manière littérale. Il en était de même pour le texte précédent. Comme précédemment aussi, l’au-delà est présenté comme un lieu de justice en donnant des exemples que tout oppose.

25La différence fondamentale entre ces deux représentations de l’au-delà est la suivante. Dans le texte de Matthieu, il n’y avait aucune référence à la religion : les actes posés étaient les seuls critères. Dans le texte de Luc, les personnages et les références appartiennent clairement au monde de la religion. Tout d’abord Abraham : c’est lui qui accueille les défunts « en son sein », en tant que père des croyants. Ensuite, quand il donne en référence Moïse et les Prophètes, il utilise une expression qui désigne en fait l’ensemble de la Bible à laquelle il fait un devoir de se référer.

26L’au-delà n’est pas présenté comme un monde religieux. Cependant, la religion donne des éléments qui permettent d’y accéder dans les meilleures conditions. Elle est même présentée comme ce qui donne tous les éléments d’accès. Mais, ici-bas, elle est présentée comme un moyen qu’il faut prendre au sérieux, non pas dans sa forme, son côté réseau, mais dans son fond : la recherche de l’amour et de la justice.

Le pain de vie (Jn 6, 35 … 59)

27Jésus disait à ses disciples : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Voilà ce que Jésus a dit, alors qu’il enseignait à la synagogue de Capharnaüm.

28Qu’il y ait un lien entre le monde de Dieu et celui des hommes, toutes les religions l’attestent. Cependant, la différence entre ces deux mondes est telle qu’une comparaison directe n’est pas possible. Le procédé que Jésus utilise ici est l’analogie ; il parle de chair et de nourriture.

29Cela s’appuie sur une certaine vision de l’Homme. Dans le premier chapitre du livre de la Genèse, l’auteur dit que Dieu fit l’homme à son image ; ce qui le différencie de toutes les autres créatures. Le second chapitre dira la même chose en d’autres termes : l’homme est la seule créature qui est animée par le souffle de Dieu lui-même. On peut donc dire que, d’une certaine manière, l’homme est à la fois terrestre et céleste, matériel et spirituel.

30S’il existe une nourriture matérielle pour ce monde, il existe une nourriture spirituelle pour l’au-delà : c’est le Christ lui-même, ce qui oblige donc à penser l’au-delà avec d’autres paradigmes que ceux de l’ici-bas.

Comment les morts ressuscitent-ils (1 Co 15) ?

31Frères,

32Je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée : cet Évangile, vous l’avez reçu et vous y restez attachés.

33L’un de vous peut demander : « Comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quelle sorte de corps reviennent-ils ? » Réfléchis donc ! Quand tu sèmes une graine, elle ne peut pas donner vie sans mourir d’abord ; et tu ne sèmes pas le corps de la plante qui va pousser, tu sèmes une graine tout nue : du blé ou autre chose. Et Dieu lui donne un corps comme il le veut : à chaque semence un corps particulier.

34Il en sera de même quand les morts ressusciteront. Ce qui est semé dans la terre est périssable, ce qui ressuscite est impérissable ; ce qui est semé n’a plus de valeur, ce qui ressuscite est plein de gloire ; ce qui est semé est faible, ce qui ressuscite est puissant ; ce qui est semé est un corps humain, ce qui ressuscite est un corps spirituel ; puisqu’il existe un corps humain, il existe aussi un corps spirituel.

35De même que nous sommes à l’image de celui qui est pétri de terre, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel.

36Paul est le premier auteur chrétien à mettre en mots une réflexion sur la résurrection. Jusque là, les témoignages avaient été gardés et transmis, mais une véritable réflexion sur le sujet n’avait pas commencé. Saint Paul s’y voit contraint par toutes les questions qui lui parviennent.

37Le questionnement des premiers chrétiens est exactement le même que le nôtre aujourd’hui : qu’y a-t-il de l’autre côté, comment se le représenter ? La réponse ne peut être qu’une analogie, une comparaison. Mais aussi, cette réponse est située dans le temps. Elle dépend de la vision de l’Homme qu’a la société qui pose cette question. En deux mille ans, la vision sur l’être humain s’est diversifiée au fur et à mesure des découvertes de cultures différentes ainsi que de l’évolution des sciences en général, et de la philosophie en particulier, puisqu’elle donne souvent sinon son vocabulaire, mais souvent un cadre au théologien.

38Dans ce texte, on voit bien Paul qui tâtonne pour trouver les mots qui répondront le mieux à la question du comment. Le traducteur tâtonne également et la traduction est malaisée, car les termes utilisés à l’époque pour définir l’être humain ne correspondent pas tout à fait à ceux qui sont à notre disposition aujourd’hui. Cependant, on peut dire que l’au-delà est présenté comme un lieu de croissance de l’être vers son plein accomplissement.

Repères dogmatiques

39Tous les dimanches, les catholiques proclament le résumé de leur foi dans le credo. On y trouve plusieurs affirmations qui concernent l’au-delà : la résurrection de la chair et le jugement dernier. Les textes des deux credo liturgiques datent des deuxième et quatrième siècles. La réflexion continuant, la notion de purgatoire arrivera plus tardivement, mais il faut l’inclure aujourd’hui comme un donné de la foi chrétienne.

Je crois en la résurrection de la chair

40Cette affirmation n’est pas à entendre comme une réanimation des cellules qui composent notre organisme. Le texte de l’évangile de Jean ci-dessus donne une clé de lecture. Il s’agit ici de dire que ce qui constitue fondamentalement l’être humain est appelé à une vie nouvelle.

41En des termes contemporains, on peut dire ceci. La résurrection est un phénomène individuel : ce n’est pas une fusion dans un grand tout (nirvana) ni le passage de l’âme d’un corps matériel à un autre (réincarnation). L’histoire vécue tout au long de la vie terrestre de chaque individu fait partie intégrante de ce qui le constitue : de sa chair.

42D’autre part, comme l’être humain est un être de relation, ce qui constitue sa chair sociale est fondamentalement basé sur ses relations. Ainsi la résurrection de la chair concerne toute la vie relationnelle de l’être humain.

43La vision de l’au-delà que laisse entrevoir cette expression du credo indique donc à la fois une prolongation et une transformation de ce que nous sommes aujourd’hui.

Le jugement

44« Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ». Les images de ce jugement sont nombreuses, tout particulièrement aux tympans de nombreuses églises. C’est l’occasion pour les peintres et les sculpteurs de s’en donner à cœur joie pour dénoncer les injustices d’ici-bas.

45Le jugement est un seuil. Comme il fait partie de l’au-delà, il donne une vision de l’au-delà qui n’est pas statique ou indifférente. Le texte de Matthieu ci-dessus l’exprimait déjà. Le jugement comporte à la fois des dimensions individuelles et collectives. Il va vers une société juste et harmonieuse.

Le purgatoire

46Le mot n’apparaît qu’au XIIe siècle, mais il est le résultat d’une longue réflexion qui compile plusieurs sujets. Les vivants peuvent-ils aider les morts par la prière ou d’autres moyens ? Si tout n’est pas au carré au moment de la mort, a-t-on une possibilité d’arranger les choses ?

47Le mot de purgatoire n’est pas très beau : il évoque une purge. Il vient de l’idée de purification pour accéder à la perfection. Dieu doit nous rendre capable de le voir : il doit nous ajuster, rendre notre être capable de le rencontrer. Cette rencontre se fait de plus dans ce monde que notre imagination peine à se représenter, si l’on ne veut pas céder à la simplification ou à la caricature, comme c’est trop souvent le cas.

48Il faut joindre une autre approche à celle de la purification. Dans la mesure où l’au-delà peut-être compris comme l’union de la créature avec son créateur, l’idée de purgatoire peut être approchée de celle de fiançailles, temps heureux du désir et de l’ajustement qui précède l’union.

49On peut aussi évoquer le temps de l’Exode. Entre l’enfer (la mort) en l’Egypte et le paradis de la terre promise, il faut un temps de purification et la loi de Dieu donné à Moïse pour aller vers ce Paradis…

Pour conclure : une représentation quasi impossible

Dans l’espace-temps

50Pour le croyant, l’au-delà est cet « espace » où la créature rejoint son créateur dans un face à face. Mais notre capacité de représentation est alors mise à mal. En effet, pour créer notre univers, le créateur a eu besoin de créer l’espace et le temps pour l’y mettre. Le lieu auquel nous appartenons ne peut être sinon pensé du moins imaginé que dans l’espace-temps. Ainsi, comment pouvons-nous concevoir dans notre esprit un « lieu » duquel auraient été créés l’espace et le temps ? La tâche est impossible.

A pied, à cheval et en fusée vers Narnia

51Vouloir définir l’indicible, c’est impossible. Mais tant d’auteurs souhaitent en faire goûter quelque chose à leurs lecteurs.

52Dans le livre de science-fiction A pied, à cheval et en fusée, les héros de Clifford Simak se trouvent dans un univers apparemment mortifère où aucune échappatoire n’est possible, apparemment, alors qu’elle est vitale. Vers la fin du roman, les héros trouveront leur salut en « changeant de niveau », en accédant spirituellement à un autre univers.

53C’est un procédé analogue que C. S. Lewis utilise pour l’un de se personnages du monde de Narnia. Pour faire comprendre que le lion Aslan a franchi la mort, ceux qui ont la foi se voient dotés de la capacité de voir sa présence et le chemin qui conduit à son royaume, pourtant caché à tous.

54Que ce soit dans le domaine de la foi, que ce soit dans la littérature ou d’autres formes d’art, la description d’un au-delà est toujours une gageure. Ces quelques pages auront juste essayé de faire percevoir que la vision de l’au-delà pour les chrétiens se base sur une promesse, celle du Christ, et sur une logique qui découle de témoignages divers. Peut-être aurez-vous ressenti toute la prudence que mettent les croyants à exprimer quelque chose de cet au-delà, alors qu’ils en expérimentent certains aspects dans leur vie spirituelle : au bout de tout ce mouvement, un amour les attend et ils le découvrent de commencements en commencements qui n’ont pas de fin.

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.86

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions