Introduction
1L’objectif de cet article est de montrer que dans le cadre des morts judiciaires, le rôle des médecins légistes est incontournable. Même s’il a beaucoup évolué au cours de ces dernières années, il reste un élément clé pour la compréhension des causes et des circonstances du décès. Les différents aspects de la médecine légale thanatologique seront détaillés. Un chapitre sera consacré aux particularités du travail d’identification de victimes de catastrophes.
Les morts judiciaires
2Le gendarme ou le policier dans son travail quotidien est souvent confronté à la mort. Celle-ci peut être de cause et d’origine diverse (mort naturelle, violente, homicide...).
3La législation prévoit :
- Les morts naturelles, art. 78 du Code Civil.
- Les morts violentes, art. 81 et 82 du Code Civil.
- Les morts suspectes, art. 74 du Code de Procédure Pénale (C.P.P.)
4Le médecin se doit de savoir reconnaître une mort violente (qui relève de l’emploi de la force ou procédant de l’intervention d’un élément extérieur et brutal) ou une mort suspecte (susceptible de procéder de l’intervention d’un tiers reconnu).
5Il convient donc selon la législation de distinguer la procédure civile de la procédure judiciaire.
6Dans le cadre de la procédure civile, la mort peut avoir des origines naturelles ou il peut s’agir d’une mort violente.
7La mort naturelle, Art. 78 du Code Civil : La mort est naturelle lorsque le décès n’est dû à aucune circonstance extérieure. Le décès est donc en relation avec une maladie ou une dégénérescence du corps. Si la famille est sur place, elle procède aux démarches administratives nécessaires. Le médecin constate que la mort est réelle et constante et délivre le certificat de décès qui est remis à l’Officier d’état civil.
8Si la mort intervient sur la voie publique ou s’il est impossible de joindre la famille du défunt, l’OPJ doit intervenir pour le transport du corps au funérarium (Réquisition aux articles R.2223-77 et 78 du Code Général des collectivités territoriales). Si des biens mobiliers de valeur sont présents au domicile du défunt, sans présence de la famille, ces biens doivent être transférés au Tribunal d’instance après avis du Juge d’instance sous scellés civils. Les biens immobiliers peuvent être placés également sous scellés. Le but est la remise ultérieure à la famille.
9La mort violente, Art. 81 et 82 du Code Civil : La mort violente est due à une ou plusieurs circonstances extérieures (par exemple un suicide).
10L’OPJ, assisté d’un docteur en médecine doit rédiger un procès-verbal (PV) de l’état du cadavre et des circonstances relatives au décès. Ce PV doit établir l’état civil du défunt. L’avis du Procureur de la République est sollicité pour délivrer l’autorisation d’inhumer. Après réception de cette autorisation, l’OPJ remet à l’Officier d’état civil l’extrait de PV aux fins d’inhumation. Les réquisitions de transport et de réception de corps s’effectuent dans les mêmes conditions que pour les morts naturelles. Il est possible pour l’OPJ de procéder à des scellés (arme à feu, en cas de suicide par exemple).
11En matière de procédure judiciaire, l’article 74 du CPP prévoit un cadre juridique spécial dans le cas où les circonstances de la mort sont inconnues ou suspectes. Hors ces cas les causes de la mort seront criminelles ou délictuelles (Art. 53, 75 ou 151 du CPP).
12L’article 74, modifié par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 127 précise :
13En cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le Procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations.
14Le Procureur de la République se rend sur place s’il le juge nécessaire et se fait assister de personnes capables d’apprécier la nature des circonstances du décès. Il peut, toutefois, déléguer aux mêmes fins, un officier de police judiciaire de son choix.
15Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l’article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.
16Sur instructions du Procureur de la République, une enquête aux fins de recherche des causes de la mort est ouverte. Dans ce cadre et à ces fins, il peut être procédé aux actes prévus par les articles 56 à 62, dans les conditions prévues par ces dispositions. À l’issue d’un délai de huit jours à compter des instructions de ce magistrat, ces investigations peuvent se poursuivre dans les formes de l’enquête préliminaire. Le procureur de la République peut aussi requérir information pour recherche des causes de la mort.
Le rôle de la médecine légale
I – Introduction
17Située à l’interface entre le droit et la médecine, qualifiée par certains de médecine de la violence, la médecine légale est en France une spécialité très vaste qui recouvre en réalité plusieurs disciplines. Ainsi, les médecins légistes peuvent s’intéresser au droit médical, au dommage corporel, aux problèmes de responsabilité médicale, à la prise en charge médicale des individus en prisons mais ils ont aussi vocation à s’intéresser à la médecine légale clinique du vivant (prise en charge des victimes ou des agresseurs : coups et blessures, viols, gardes à vue, déterminations d’âge…) et également à la thanatologie.
18Si l’on consulte le dictionnaire Larousse, la définition de la thanatologie est la suivante : « Etude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort ». En pratique la thanatologie moderne, véritable cœur du métier de la médecine légale, s’intéresse à la levée de corps, à l’autopsie et aux examens complémentaires, aux disciplines associées. C’est cet aspect de la pratique médico-légale qui nous intéressera dans le cadre des morts judiciaires.
II – La levée de corps
19Il s’agit de l’examen d’un cadavre sur place et en place donc sur son lieu de découverte afin de préciser les causes et les circonstances du décès. S’il est vrai que tout médecin peut être requis pour une levée de corps, force est de constater que le manque de formation au cours des études de médecine rend, pour de nombreux praticiens, la prestation difficile. Il existe maintenant sur le territoire national un maillage médico-légal permettant dans la plupart des grandes villes d’avoir un praticien formé à la médecine légale pour l’examen des corps. Cela reste cependant difficile notamment à la campagne et constitue un véritable problème en particulier en zone Gendarmerie.
20La venue d’un médecin légiste revêt une grande importance lorsque la cause du décès est inconnue. C’est l’examen attentif du corps par un praticien chevronné qui permettra de lever le doute sur la cause du décès ou au contraire de relever des éléments qui peuvent être suspects ou pour le moins poser question. Au moindre doute ou en l’absence de cause évidente, l’autopsie doit être demandée. Lorsque la mort est suspecte ou d’emblée criminelle, le médecin légiste a aussi bien évidemment un rôle important à jouer.
21La preuve scientifique prend une importance sans cesse croissante dans l’enquête judiciaire et les moyens techniques qui peuvent être mis en œuvre sur une scène de crime pour la recherche, la collecte et l’exploitation des indices sont de plus en plus nombreux, variés et complexes.
22Le concept de technicien de scène de crime effectuant la totalité des prélèvements a largement évolué et ce sont désormais de véritables équipes multidisciplinaires épaulées par des scientifiques qui effectuent des actes de police technique mais aussi scientifique en relations étroites avec les laboratoires de criminalistique.
23Le médecin légiste est un intervenant incontournable sur la scène de crime et la levée de corps doit être faite avec soin. Un « œil médical » sur le corps, sur les lieux, sur les indices, sur les prélèvements a souvent prouvé son efficacité. Le médecin légiste doit considérer qu’il fait partie d’une équipe et qu’il est également un technicien de scène de crime.
24Nous aborderons son rôle sur la scène de crime en le situant dans une perspective de collaboration constante avec les différents spécialistes de criminalistique.
25Il faut cependant souligner que le concept de la nécessaire présence du médecin légiste sur les lieux d’un crime ne fait pas l’objet d’un consensus dans tous les pays. Ainsi, en Grande-Bretagne, les « police surgeons » travaillent depuis longtemps au profit de la Police, sélectionnant les cas où il est nécessaire de faire appel à un médecin légiste. Aux États-Unis, le déplacement du médecin légiste est exceptionnel et ce sont des Investigators, enquêteurs spécialement formés à la médecine légale qui, dans certaines contrées, interviennent.
26Il y a des nécessités médico-légales classiques à la venue du médecin légiste sur les lieux de découverte d’un cadavre :
- Estimer le temps écoulé depuis le décès.
- Faire une analyse clinique des causes et des circonstances du décès.
- Lutter contre le dépérissement des preuves.
- Identifier le corps.
27Ces recommandations sont les suivantes :
281. Dans tous les cas où un décès peut être dû à une cause non naturelle, l’autorité compétente, accompagnée par un ou plusieurs médecins légistes devrait examiner les lieux, le corps et décider de l’opportunité d’une autopsie.
292. Une autopsie devrait être conduite dans tous les cas évidents ou suspectés de morts non naturelles quel que soit le délai entre les événements en cause et la mort, en particulier :
- homicide ou homicide suspecté ;
- mort soudaine, inexpliquée, y compris la mort subite du nourrisson ;
- violation des droits de l’homme, toute suspicion de torture ou de mauvais traitements ;
- suicide ou suspicion de suicide ;
- responsabilité médicale ;
- accidents domestiques, de sport, de transport ;
- accidents du travail et maladies professionnelles ;
- catastrophes technologiques ou naturelles ;
- décès en gardes à vue ou en prisons ;
- corps non identifiés.
30Est-il enfin utile de rappeler l’intérêt pour le médecin légiste qui fait l’autopsie, qui participe à la reconstitution des faits et qui va témoigner au procès, d’avoir été présent sur les lieux lors des constatations ?
31Cas le plus classique, l’homicide est avéré et l’enquête judiciaire et les opérations de police technique et scientifique sont déclenchées. Le médecin légiste est appelé. À quel moment, faut-il le faire venir ? Il est difficile de répondre à cette question car il n’y a pas de consensus et cela dépend des cas. Dans certaines circonstances, le spécialiste de criminalistique répond que le gel des lieux prime et que l’abord du cadavre est secondaire, les indices fragiles, les traces et micro traces devant d’abord être préservées. À l’inverse, d’autres spécialistes considèrent que l’examen précoce du cadavre peut fournir rapidement des indices quant aux causes et aux circonstances du décès et qu’il s’agit de ne pas perdre de temps pour fournir ces informations à l’enquêteur.
32Avant toute manipulation du corps, des questions doivent être posées par le médecin légiste : Dans quelles conditions la découverte du corps a-t-elle été faite ? Le corps a-t-il été bougé ? Pourquoi ? A-t-il eu des gestes de réanimation ? À quelle température étaient initialement les lieux ? La victime avait-elle des problèmes de santé ?
33Les équipes de premiers secours ont la plupart du temps déjà quitté les lieux lorsque le médecin légiste se présente et c’est bien souvent l’enquêteur ou le technicien de scène de crime qui fournit les premières informations. Dans certains pays, des documents existent, remis par les forces de police ou fournis par les premiers secours, sur lesquels sont mentionnés les gestes effectués.
34En pratique, bien que toute standardisation soit difficile, le technicien de scène de crime peut guider le médecin légiste dans l’abord du corps en délimitant un itinéraire, dont il aura au préalable sauvegardé les traces en évitant les contaminations et les risques relatifs à l’hygiène et à la sécurité. Des dispositifs spéciaux (plateaux ou tapis) peuvent être déployés mais n’excluent en aucun cas la nécessité pour le médecin légiste d’être équipé (combinaison, gants, masques, sur chaussures…)
35Le médecin légiste doit être conscient du risque de déperdition des preuves. Il doit être un conseiller des enquêteurs et des techniciens pour tout ce qui concerne les risques éventuels sur les lieux, que ce risque soit biologique, chimique ou autre.
36Avant toute manipulation du corps, il peut donner des conseils concernant des prises de vues photographiques ou vidéo. Il doit examiner attentivement les vêtements, les plaies visibles, la forme et l’orientation des taches de sang.
37La position du corps et la compatibilité avec l’aspect des vêtements, la rigidité, les lividités, le degré de putréfaction, doivent être appréciés. Un examen sous éclairage ultra-violet par le technicien de scène de crime, permet de repérer des taches de sperme sur le corps ou sur les vêtements. Le médecin légiste peut conseiller la réalisation de prélèvements sur les traces fragiles (sang, sperme, salive, vomissements, débris de peinture ou de verre présents sur le corps…).
38Le corps peut éventuellement être déshabillé et examiné sur place. Cette notion ne peut faire l’objet d’un consensus. Elle est au contraire très critiquée s’il s’agit d’un homicide avéré ou fortement suspecté. S’il est vrai que les conditions d’équipement, d’éclairage, d’assistance, de confort sont bien meilleures en salle d’autopsie, en particulier si le cadavre est carbonisé ou putréfié, dans d’autres circonstances, un examen attentif sur place est important à la recherche de lésions et à leur examen si les circonstances du décès sont mal définies (suicide, accident, homicide, mort naturelle).
39Si les conditions le permettent, le corps est examiné en place ou sinon à proximité, dans un endroit attenant. Il peut être examiné sur une housse plastifiée propre, préservant ainsi tout indice qui s’en détacherait. Les mains doivent être examinées attentivement et en collaboration avec le technicien de scène de crime, poils, fibres ou matières qui se détacheraient facilement des ongles sont prélevés. De même des tamponnoirs pour résidus de tirs peuvent être faits dès ce moment sur les mains ou les orifices supposés de projectiles. Les mains et les pieds doivent être emballés dans des sachets de papier avant transport du corps.
40L’étude des vêtements est un temps important de l’examen du corps. Le type de vêtements, leur agencement, les déchirures, les orifices doivent être repérés et inventoriés. Le technicien de scène de crime pourra utilement, à ce moment, prélever les poils ou fibres collés sur les vêtements à l’aide de rouleaux ou de feuilles d’adhésifs. Dans tous les cas, le médecin légiste veillera à ce que les vêtements soient confiés pour examen lors de l’autopsie.
41Le corps doit être examiné sur toute sa surface et au niveau des orifices naturels si ceux-ci sont exposés. Toute trace de morsure, toute tache pouvant être évocatrice de la présence de sperme, le thorax, les cuisses peuvent être écouvillonnées par le médecin légiste avant que le corps ne soit manipulé ou emballé pour le transport, ce qui évitera souillures et contaminations. Toutes les traces de défense, les contusions, les plaies seront examinées puis photographiées par le technicien en plans d’ensemble et rapprochés (avec échelle métrique et numérotation) selon les conseils du médecin légiste. Temps primordial pour le médecin légiste, c’est à ce moment qu’il est le plus à même et le plus compétent techniquement pour faire le lien éventuel entre une lésion, la position du corps et l’environnement, qu’il s’agisse d’un objet, d’un autre individu ou de traces.
42Plus la prise en compte de paramètres utiles à l’estimation du délai post mortem sera précoce, meilleure sera la réponse. Pour ne parler que des critères les plus classiques, l’évaluation du degré de putréfaction, de la rigidité, des lividités, l’aspect des globes oculaires, la mesure de la température corporelle, le prélèvement d’humeur vitrée sont des actes médico-légaux.
43L’identification certaine d’un cadavre est indispensable pour l’enquête, elle doit donc faite rapidement mais elle n’est pas toujours aisée et tout indice peut être utile. Lors de l’examen du corps, le médecin légiste peut repérer des caractéristiques morphologiques ou pathologiques, des cicatrices, des malformations, des tatouages. Tous ces éléments doivent être photographiés. Il en est de même pour le visage de face et sur les deux profils lorsque cela est possible.
44L’examen du corps étant terminé, celui-ci pourra être évacué vers la morgue. Aidé du technicien de scène de crime, le médecin légiste veillera aux conditions de transport du corps. Il vérifiera également l’emplacement initial du cadavre à la recherche d’indices qui ne seraient pas immédiatement apparents, cachés par exemple dans des débris divers, de la terre, une flaque de sang…
45Les opérations de police technique et scientifique peuvent se poursuivre et le médecin légiste doit s’entretenir avec le responsable criminalistique de la scène et avec le directeur d’enquête.
46Il pourra fournir un compte-rendu oral et/ou un rapport écrit de levée de corps dans lesquels il mentionnera ses constatations et les hypothèses prudentes et réservées quant aux causes et aux circonstances du décès.
47Les dires du médecin légiste à ce moment peuvent s’avérer particulièrement importants et peuvent réorienter dans certains cas l’enquête, les priorités à donner à la recherche d’indices et aux prélèvements à effectuer et le recours éventuel à des spécialistes dans différents domaines de la criminalistique.
48Par la suite, après l’autopsie, le médecin légiste, en vue de vérifier ou d’étayer certaines hypothèses peut être amené à retourner sur les lieux ou à confronter ces observations et hypothèses avec celles formulées par les techniciens de scène de crime.
49Il est, en pratique possible, de proposer un véritable listing exhaustif des cas où la présence d’un médecin légiste doit être un réflexe pour l’enquêteur et le technicien de scène de crime.
50Les avancées scientifiques de plus en plus rapides dans tous les domaines et l’utilisation de techniques de plus en plus sensibles sur des indices fragiles, la médiatisation des affaires judiciaires, l’abandon de l’aveu au profit de la preuve scientifique font que le scientifique est de plus en plus présent sur la scène de crime.
51Que constater, que prélever, quelles priorités donner aux prélèvements, comment conditionner les indices, quand recourir au laboratoire ? Autant de questions auxquelles le technicien de scène de crime se doit de répondre.
52Pour faire face à des situations complexes, la notion d’ingénieur de scène de crime, spécialiste de terrain, voire celle de conseiller spécialiste envoyé par le laboratoire de criminalistique a vu le jour, notamment de façon la plus avancée dans les pays anglo-saxons.
53Le médecin légiste est et doit être, lui aussi, présent. Il est un des acteurs majeurs pour les constatations sur les lieux et il partage ses connaissances avec de nombreuses autres disciplines. Il doit être un interlocuteur privilégié pour le responsable de la scène de crime quel que soit le statut de ce dernier.
III – L’autopsie
54Il s’agit d’un acte médical engageant la responsabilité du médecin. L’autopsie doit être unique, complète. C’est un acte qui ne se recommence pas !
55On distingue deux types d’autopsie, l’autopsie dite scientifique et l’autopsie médico-légale.
56L’autopsie scientifique :
57Elle est pratiquée en milieu hospitalier par les anatomo-pathologistes. Elle est faite à la demande du médecin responsable du service où le patient est décédé. Elle a pour but de rechercher les causes de la mort notamment lorsque l’évolution clinique tendait à penser le contraire. Le nombre de ces autopsies s’est considérablement réduit ces dernière année du fait d’une part de la réticence des médecins à les demander et de l’opposition fréquente des familles.
58L’autopsie médico-légale :
59Elle est réalisée sur réquisition du procureur de la République (plus rarement par un enquêteur) ou sur ordonnance de commission d’expert d’un juge d’Instruction.
60Elle est régie par le Code Civil (articles 78 et 81) et plus souvent par le Code Pénal (cf. article 74, supra).
61Les objectifs en sont clairement définis et sont les suivants :
- Lorsque l’intervention volontaire ou involontaire d’un tiers à l’origine du décès est suspectée.
- Dans un but initial d’identification.
- Pour exclure la participation d’un tiers à l’origine du décès et/ou pour établir la cause de la mort (mort subite, suicide, accident du travail…)
62L’autopsie doit répondre à des protocoles rigoureux et comportera différents temps :
- Radiographies
- L’examen externe
- L’examen interne
- Les prélèvements
- La formulation des conclusions.
63Lors de l’autopsie, le médecin légiste n’oubliera jamais le respect de la dignité du corps examiné et s’abstiendra de toute mutilation inutile. En fin d’examen, le corps doit pouvoir être présenté aux familles (sauf cas particuliers).
64Dans l’inconscient collectif, le médecin légiste est celui qui ouvre le corps pour prouver le meurtre. Mais l’autopsie comporte avant, obligatoirement, un certain nombre d’opérations indispensables qui prennent dans certains contextes plus de temps que l’examen interne. On vérifie notamment l’identité, le poids, la taille, les vêtements (type, déchirures, souillures…).
65On réalise différents prélèvements :
- Ecouvillonnages de la bouche, de traces, du vagin, de l’anus, des mains pour la réalisation éventuelle d’empreintes génétiques.
- Grattages sous unguéaux.
- Recherche de résidus de tir.
- Empreintes digitales.
L’examen externe :
66Il doit être systématique et complet et comporte différents temps.
671 - L’aspect général du corps.
68Il permet d’étudier :
- Le type ethnique, la corpulence
- Les signes de la mort (lividités, rigidité, putréfaction…)
- Les anomalies de couleur (cyanose, pâleur…)
- Les signes particuliers (tatouage, circoncision, cicatrice, malformation…)
69Toujours accompagnée de photographies, elle étudie :
- Le type : plaie, ecchymose, morsure, fracture…
- La localisation (repères osseux, anatomiques…, avec éventuellement rasage du cuir chevelu)
- La forme
- Les dimensions
- La direction
70À la fin de l’examen externe, on procède à des incisions cutanéo-aponévrotiques (crevées) qui ont pour objectif la recherche d’ecchymoses et d’hématomes profonds. Si elles ne sont pas systématiques, elles doivent être faites au moindre doute sur la nuque, le dos, les lombes, les fesses, les membres supérieurs et inférieurs.
L’examen interne :
71Il comporte au préalable une incision dite mento-pubienne. L’ouverture est faite plan par plan. Tous les viscères sont examinés (après retrait en bloc ou organe par organe selon la technique utilisée). Il s’agit des viscères du cou, du thorax, de l’abdomen, du pelvis. La boîte crânienne devrait être ouverte exclusivement à la scie oscillante pour permettre une extraction du cerveau dans son entier.
Les prélèvements :
72Une autopsie réalisée selon des protocoles modernes ne se conçoit plus sans examen complémentaire. Certains sont indispensables et systématiques, d’autres dépendent du contexte. Ils sont de différents types :
- Bactériologiques : réalisés suivant le contexte, ils seront fait stérilement notamment lors du bilan des morts subites du nourrisson.
- Toxicologiques : quasi systématique, ils comporteront des liquides biologiques, des fragments de viscères, des cheveux, des écouvillons des narines.
- Histologiques : quasi systématiques également, ils comporteront des prélèvements de viscères, de lésions, le cerveau dans son entier, et seront mis en congélation ou le plus souvent seront fixés dans du formol.
- Prélèvements pour réalisation d’empreintes génétiques.
- Prélèvements des maxillaires : pour étude dentaire et identification. Les maxillaires seront prélevés lorsque le corps, abimé, ne sera pas présenté à la famille.
- Cytologiques : recherche de spermatozoïdes
Différentes situations
73Dons d’organes :
74Jusqu’à une époque récente, les prélèvements à des fins thérapeutiques (prises de greffes) étaient impossibles sur des patients végétatifs maintenus en vie en réanimation lorsqu’il s’agissait de cas médico-légaux.
75Désormais les magistrats, en concertation avec les médecins-légistes et les opérateurs chirurgicaux, autorisent ce type de prélèvements. Les contraintes sont que le corps doit être identifié, que les prélèvements ne peuvent être faits sur des organes victimes de violences, que le médecin légiste qui réalisera ensuite l’autopsie assiste aux prélèvements et que des photographies et un compte-rendu d’intervention soient réalisés.
76Plaies par armes blanches :
77Ce sont des autopsies qui peuvent être complexes. On s’attachera à préciser le type de blessures, le nombre de coups portés, le ou les coups mortels, la présence éventuelle de lésions de défense. La détermination du type d’arme utilisée en fonction de l’aspect des plaies doit rester prudente.
78Plaies par armes à feu :
79Ce sont également des autopsies complexes. Il s’agira de définir la ou les lésions mortelles, la trajectoire, la direction de tir, la distance de tir, l’existence éventuelle d’autres lésions de défense ou de violence. Un temps important de ces autopsies est représenté par l’examen des orifices. Les médecins légistes ne sont pas, à de rares exceptions des balisticiens. Par contre une collaboration étroite avec ces derniers dans certaines affaires s’avèrent importante pour une compréhension des faits.
80Noyade :
81Le diagnostic de noyade est un des plus difficiles en médecine légale. L’examen du cadavre, ce d’autant plus qu’il a séjourné longtemps dans l’eau, n’apporte que rarement des certitudes. Les examens complémentaires s’avèrent fort utiles. Citons par exemple le dosage du strontium, l’étude du delta cryoscopique, le dosage du fer, l’étude des diatomées.
82Infanticides :
83Lors de l’examen du corps, on s’attachera à repérer notamment un syndrome de Silverman avec la mise en évidence de lésions d’âge et de topographie différentes. Les techniques radiologiques classiques voire le scanner corps entier sont indispensables dans ces cas.
84Décès sur le lieu de travail :
85La procédure classique de contestation de la cause du décès par la famille conduit à des procédures longues en relation avec la sécurité sociale et à des exhumations tardives pour déterminer la cause du décès. Sur un cadavre putréfié les constatations médico-légales sont beaucoup moins pertinentes. C’est pourquoi, de plus en plus, les parquets sollicitent une autopsie médico-légale précoce. Ceci permettra de déterminer la cause exacte du décès, de préciser l’état antérieur, de rattacher éventuellement les causes du décès aux conditions de travail et de réaliser un examen toxicologique.
86La mort subite :
87Phénomènes relativement fréquents, les morts subites, inopinées sont loin d’être autopsiées systématiquement. L’examen médico-légal présente cependant un intérêt majeur. Il mettra en évidence une cause formelle ou une cause possible qui nécessitera des examens complémentaires tels que la toxicologie ou l’anatomo-pathologie. D’autres membres d’une famille peuvent être concernés par la pathologie observée.
88Corps non identifiés :
89En matière d’identification, on pense le plus souvent aux catastrophes de masse mais au quotidien, les médecins légistes sont fréquemment confrontés à ce problème. À côté de la recherche des causes de la mort, il s’agit d’affirmer l’identité et des examens scientifiques complémentaires doivent être mis en œuvre (techniques radiologiques, anthropologie médico-légale, examen odontologique, lophoscopie, empreintes génétiques…).
90En conclusion, l’autopsie s’avère incontournable. Elle doit être complète, mettant en évidence des éléments positifs mais aussi et de façon aussi importante, les éléments négatifs. Elle permet :
- L’identification du corps.
- La détermination des anomalies externes et internes, de l’état antérieur.
- La recherche et la description des blessures.
- La réalisation de prélèvements.
- Des radiographies.
- Des photographies.
91À ce titre, le médecin légiste doit être associé au suivi du dossier. Il est dommageable qu’après l’autopsie, il ne soit plus informé des résultats de l’enquête. Il doit garder, au profit du magistrat et de l’enquêteur, un rôle dans la synthèse des données.
IV – Les disciplines associées
92Une autopsie bien conduite et qui répond aux normes actuelles doit s’accompagner obligatoirement d’un certain nombre de prélèvements permettant la réalisation d’examens complémentaires dont certains ont été abordés supra. La médecine légale thanatologique est devenue une activité multidisciplinaire et le médecin légiste doit exercer un rôle de coordination.
93Datation de la mort :
94De nombreux travaux de recherches et de nombreuses publications ont été faits dans ce domaine. L’examen des lividités, de la rigidité, de la déshydratation du corps, l’état de putréfaction ne sont que des éléments très grossiers pour une détermination du délai post mortem. De nombreuses méthodes ont été testées tant chimiques sur les liquides biologiques que physiques. Elles sont peu fiables.
95En l’état actuel des connaissances le médecin légiste ne peut approcher que de façon très grossière le délai post mortem. L’étude de la température constitue un de ces moyens mais pour des délais post mortem courts.
96L’entomologie médico-légale est une technique beaucoup plus intéressante mais elle doit être mise en œuvre par des laboratoires spécialisés. L’étude de la succession des insectes sur le cadavre, corrélée aux données météorologiques peut permettre une approche véritablement pertinente du délai post mortem. La précision de la méthode pourrait être de l’ordre de un jour par mois. Ce qui, pour un cadavre de 6 mois, fournit une précision de l’ordre de la semaine. Les médecins légistes et les techniciens de scène de crime doivent connaître les techniques de prélèvements et de conditionnement des insectes.
97Des publications très récentes font part de la possibilité d’étudier la faune aquatique présente sur un cadavre immergé pour la datation de la mort.
98Histologie :
99Elle est réalisée par les anatomo-pathologistes. Dans certains pays (anglo-saxons), les médecins légistes sont tout d’abord des anatomo-pathologistes. En France, les équipes médico-légales les intègrent de plus en plus. Cette spécialité est un complément majeur de l’étude macroscopique du cadavre. Sur des prélèvements d’autopsie de petites tailles, fixés dans du formol, il est possible de diagnostiquer certaines causes de la mort, de dater les blessures, les fractures, de rechercher des résidus de tirs…
100Anthropologie médico-légale :
101En France, l’anthropologie médico-légale s’est développée au début du siècle sous l’impulsion de Balthazard, médecin légiste de renom, puis de nombreux travaux ont été menés pendant la première moitié du xxe siècle.
102L’anthropologie médico-légale est une discipline encore insuffisamment pratiquée en France. Une part très faible de la formation initiale des médecins légistes est consacrée à l’anthropologie. Seules quelques équipes médico-légales s’y intéressent actuellement ou s’attachent le concours d’un anthropologue.
103Les besoins en anthropologie médico-légale sont, dans notre pays, réels et importants. Magistrats et enquêteurs sont particulièrement demandeurs. Sur le vivant, les besoins en identification augmentent notamment dans le cadre de l’utilisation de faux documents d’identité ou pour comparer des suspects avec des individus filmés sur des systèmes de vidéosurveillance. Sur un cadavre en bon état de conservation, de nombreux indices permettent l’identification et la recherche des causes et des circonstances du décès et l’anthropologie peut y participer. Mais lorsque le corps est brûlé, putréfié, mutilé ou réduit à l’état de squelette, l’anthropologie joue alors un rôle majeur et de nombreuses méthodologies peuvent être mises en œuvre en complément de la médecine légale.
104La recherche de cadavres :
105Elle revêt deux aspects. Le cadavre peut être à l’air libre mais en état de putréfaction avancée. Une dislocation, une carbonisation ou un éparpillement des restes peuvent rendre difficiles sa visualisation ou son relevage sur le site de découverte. Le recours au médecin légiste, à un anthropologue ou à des techniciens formés peut être une nécessité.
106Le cadavre peut être enfoui et de multiples méthodes existent pour le localiser allant des recherches à pieds, des méthodes invasives (détecteurs de gaz, forages, analyses de sol…) jusqu’aux méthodes de prospections géophysiques, à l’utilisation de capteurs mobiles ou d’altitude (radar, scanner infra rouge) ou enfin à la réalisation de photographies aériennes.
107Le géo radar, permet de détecter et de mesurer des cavités dans le sol.
108- L’ostéo-anthropométrie :
109L’estimation du délai post-mortem est un temps important de l’analyse des os. Les méthodes de détermination sur os sec sont approximatives. Les techniques décrites initialement par Berg sont utiles. Des coupes transversales fines de diaphyses fémorales sont examinées sous UV et colorées à l’indophénol et au bleu de Nil. La fluorescence et la coloration de l’os sont interprétées en fonction d’un barème établissant un délai post-mortem.
110Les techniques d’anthropologie physique et d’anthropométrie peuvent ensuite être appliquées sur les pièces osseuses.
111Les examens comportent suivant les cas :
- la détermination de l’origine humaine ou non (utilisation de documents d’anatomie comparée, réalisation de coupes osseuses),
- le dénombrement des pièces,
- les reconstructions de pièces osseuses fragmentées,
- le sexe,
- l’âge,
- la taille,
- les caractères morphologiques.
112- La taphonomie :
113Elle doit être prise en compte également. Elle joue un rôle non négligeable pour l’enquête judiciaire et la détermination des circonstances du décès. Sont recherchées, toutes les détériorations de l’os dues par exemple à l’action du feu, des animaux, du sol, de la végétation ou les traces d’outils, de projectiles. Ce travail peut se faire en collaboration avec d’autres spécialités criminalistiques (microscopie électronique, incendies-explosifs, balistique…)
114- La paléopathologie :
115La mise en évidence de phénomènes pathologiques sur les os (maladies, fractures, anomalies congénitales ou héréditaires) peut contribuer à une identification par comparaison avec des renseignements sur une personne disparue et à la recherche des causes et des circonstances du décès. Il est important de pouvoir différencier le caractère ante mortem, peri mortem ou post mortem des lésions.
116- La superposition crâne photographie :
117Cette technique consiste à comparer le crâne d’un individu X avec la photographie ante mortem d’une ou de plusieurs personnes disparues. Elle nécessite pour sa réalisation un équipement particulier. L’image du visage est digitalisée à l’aide d’une caméra numérique de haute résolution. Le crâne subi en direct le même traitement. Après réorientation et mise à l’échelle du crâne par rapport à la photographie à l’aide de repères anthropo-morphologiques précis, un mixage des images permet des comparaisons fines.
118Utilisée en tant que preuve dans certains pays, cette technique nous semble en France devoir être prise comme une orientation d’enquête. S’il est aisé d’évoquer une incompatibilité, il est irréaliste de vouloir identifier avec certitude par cette méthode.
119- La reconstitution faciale :
120Elle a pour objectif d’approcher la réalité du visage d’un individu à partir de son crâne sec. Le visage reconstitué fait ensuite l’objet d’une diffusion par les enquêteurs voire par les médias. La reconnaissance de ce visage par quelqu’un peut permettre de relancer une enquête, l’identification formelle se faisant ensuite par la comparaison d’indices post mortem relevés sur le corps avec des indices ante mortem recueillis auprès des proches ou des médecins et chirurgiens-dentistes du disparu.
121La reconstitution débute par une étude anthropologique minutieuse suivie de l’application sur le crâne, en des points précis, de standards d’épaisseur évalués en fonction de l’âge et du sexe. Les traits du visage peuvent ensuite être matérialisés. La reconstitution peut être faite par sculpture ou par méthode informatique.
122Orientée vers l’identification, travaillant en collaboration étroite avec la médecine légale et la criminalistique, l’anthropologie médico-légale est une discipline à part entière, riche et variée. Elle concourt pleinement à l’identification de sujets vivants ou décédés. Le médecin légiste doit avoir des connaissances dans cette discipline, il ne peut en tout cas en appréhender et en exploiter seul toutes les possibilités. L’existence de laboratoires spécialisés en anthropologie médico-légale est une nécessité.
123Odontologie :
124La denture joue un rôle majeur en identification en raison de sa grande résistance aux agressions de toutes natures et à la putréfaction. Il est possible de réaliser des comparaisons d’odontogrammes ante et post mortem, des déterminations d’âge et de sexe. La réalisation de moulages et de radiographies est aussi utile. Le relevé et la comparaison de morsures avec l’empreinte dentaire d’un suspect peuvent concourir à l’identification d’un agresseur.
125Empreintes génétiques :
126Véritable révolution pour la pratique médico-légale, les empreintes génétiques peuvent servir à :
- L’identification d’une tache ou d’un corps.
- L’identification de l’ADN de l’agresseur.
- La comparaison avec l’ADN de l’agresseur.
- Les recherches en paternité.
127Toxicologie :
128Les prélèvements à visée toxicologique doivent être réalisés systématiquement pendant une autopsie et ils devraient être analysés de façon quasi systématique.
129La toxicologie analytique a évoluée de façon considérable ces dernières années et les dosages quantitatifs et quantitatifs sont d’une grande précision. Les résultats doivent impérativement être fournis en retour au médecin légiste car c’est à lui de conclure sur les causes du décès.
130Accidentologie :
131L’examen d’un corps par un médecin légiste ou son autopsie après un accident de la route ne sont pas systématiquement réalisés loin s’en faut. Les pratiques évoluent cependant grâce notamment à la loi relative au dépistage des stupéfiants en matière de circulation routière et aux questions que se posent de plus en plus magistrats et enquêteurs quant à la compréhension d’un accident. L’examen du corps peut évidemment fournir des informations utiles pour la compréhension des mécanismes et des circonstances du décès et fournir des informations utiles pour les constructeurs de véhicules pour la prévention et la sécurité.
132Il est probable que la France se rapprochera à plus ou moins long terme des pratiques américaines en ce domaine.
133Criminalistique :
134La police technique et scientifique, la criminalistique ont faits des progrès considérables ces dernières années. De très nombreuses techniques sont mises en œuvre pour la recherche et l’exploitation des indices. Les médecins légistes doivent bénéficier d’une formation initiale et d’une formation continue en la matière.
135La médecine légale en France est une activité de masse aux enjeux importants. En 2004, selon le rapport de la mission interministérielle en vue d’une réforme de la médecine légale, ont été effectués entre 8000 et 8500 autopsies, plus de 11000 levées de corps et près de 400 000 actes de médecine légale du vivant. Discipline peu connue jusqu’à ces dernières années, la médecine légale thanatologique a considérablement évolué au cours de ces dernières années. En témoignent la médiatisation de certaines affaires, les romans, les séries télévisées, les films qui parlent de plus en plus du travail des médecins légistes. La médecine légale thanatologique est une spécialité riche et passionnante qui suscite actuellement de véritables vocations parfois précoces.
Le cas particulier de l’identification de victimes de catastrophes
1 – Généralités
136Il est important de souligner dans ce chapitre que hormis le cas particulier des catastrophes naturelles, les décès lors de catastrophes accidentelles, technologiques, d’attentats… relèvent des morts judiciaires. En effet, des magistrats se saisissent du dossier et dirigent des actes d’enquête. Le processus d’identification des corps fait partie de l’enquête judiciaire.
137Lors de la gestion d’une catastrophe de grande envergure, l’identification des victimes est une phase cruciale pour rendre avec certitudes aux familles les corps qui leurs appartiennent et ce pour leur permettre de faire leur travail de deuil. Du fait, fréquemment, du nombre important de corps et de leur état, il s’agit d’une opération délicate, pluridisciplinaire qui ne peut être effectuée avec des chances de succès que si elle a été organisée et réalisée avec soin et méthode.
138Pour répondre à une situation toujours difficile, deux unités à vocation nationale existent : l’Unité Gendarmerie d’Identification des Victimes de Catastrophes (UGIVC) et l’Unité Police d’Identification des Victimes de Catastrophes (UPIVC). Intervenant chacune sur leur zone de compétence, ces deux unités peuvent par convention se regrouper pour créer une unité nationale (l’UNIVC) en cas de catastrophe très importante sur le territoire national ou à l’étranger si de nombreux ressortissants français sont victimes.
139Le rôle de la Gendarmerie et en particulier de l’Institut de recherche criminelle est important en ce domaine a été réaffirmé par la circulaire relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine légale du ministère de la Justice en date du 28 décembre 2010 (CRIM 10-30-E6-28/12/2010, chapitre 1-4) :
1-4- L’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN)
En raison des capacités opérationnelles propres à cet établissement, toute juridiction du territoire national pourra avoir recours aux médecins légistes de l’IRCGN pour réaliser des autopsies judiciaires à la suite de catastrophes ayant causé un grand nombre de victimes, ou sur des personnes décédées à l’étranger et dont le corps est rapatrié sur le territoire national, ou encore en renfort des IML. Les personnels de l’IRCGN disposent en effet de moyens matériels leur permettant de pratiquer des autopsies de qualité de façon autonome, en tous lieux, y compris très isolés.
En outre, la gendarmerie étant compétente pour les procédures impliquant des militaires, il importera de requérir les médecins légistes de l’IRCGN pour réaliser les autopsies des militaires en service, à l’étranger comme sur le territoire national.
2 – Mission
140La mission d’identification consiste à mettre à la disposition du mandant (magistrat, enquêteur, ministère des affaires étrangères) les éléments nécessaires à l’établissement formel de l’identité des personnes décédées dans une catastrophe de quelque nature qu’elle soit : accident d’avion, accident ferroviaire, carambolage autoroutier, incendie dans un tunnel routier, attentat à l’explosif, catastrophe naturelle…
141L’identification de victimes est une activité pluridisciplinaire et l’unité est amenée à travailler en liaison étroite avec les services de secours (pompiers et urgentistes), les enquêteurs techniques et judiciaires, les équipes médico-légales locales et les familles.
142Les personnels dédiés à cette activité
143Si l’on prend l’exemple de l’Unité Gendarmerie d’Identification de Victimes de Catastrophes (UGIVC), cette unité est constituée d’un noyau dur d’une quarantaine de personnes qui sont issues principalement de la division Identification Humaine de l’IRCGN (comportant des départements à vocation médico-légale, un département empreintes digitales et un département dédié aux empreintes génétiques). Cet effectif est renforcé en fonction de l’importance et des particularités de la catastrophe à traiter par des techniciens et spécialistes supplémentaires des autres départements de l’Institut (service central de préservation des prélèvements biologiques, véhicules, balistique, unité de fixation de l’état des lieux disposant d’un Géoradar et d’un laser 3D). L’ensemble des personnels ainsi regroupés constitue un détachement de circonstance placé sous le commandement d’un officier supérieur de l’IRCGN. L’unité bénéficie d’un conseil scientifique par la présence d’au moins un médecin légiste des armées.
144Le personnel volontaire susceptible d’intervenir dans le cadre de l’UGIVC est désigné annuellement par le directeur de l’IRCGN. Il doit être physiquement et psychologiquement apte à servir et à faire campagne en tout lieu sans restriction et être à jour des vaccinations exigées par la réglementation sanitaire internationale.
145Il fait l’objet d’une formation initiale et d’une formation continue spécifiques. Il est important de noter également que l’UGIVC peut s’appuyer lors de ses déplacements sur les techniciens en identification criminelle et sur les coordinateurs des opérations de criminalistique (Cocrim) qui sont des personnels locaux de la police technique et scientifique de la Gendarmerie et qui ont reçu une formation pour participer ci-besoin aux opérations d’identification (Des Cocrim formés sont aussi présents au sein des unités de la Gendarmerie des transports aériens et de la Gendarmerie Maritime).
146Après la catastrophe du tsunami en Thaïlande en décembre 2004, l’UGIVC a été présente pendant plus d’un an sur place pour participer aux opérations d’identification et ce au sein d’une équipe multinationale. À cette occasion de nombreux praticiens médecins légistes et chirurgiens-dentistes d’active et de réserve du Service de Santé des Armées (dont plusieurs membres de l’Association Française d’Identification Odontologique) ont été sollicités. L’UGIVC a ainsi fidélisé depuis cette date de nombreux praticiens. Elle assure leur formation continue et leur maintien opérationnel et propose régulièrement des missions dans le monde entier.
147Les matériels
148Les personnels de l’UGIVC disposent de tenues avec marquage (combinaisons, chasubles) adaptées aux conditions climatiques et de matériels spécifiques à leurs différentes activités.
149Pour l’activité Post Mortem, les matériels relèvent aussi bien du domaine du relevage des corps (photographie, marquage des corps, moyens de protection individuelle : casques, gants, masques, bottes, matériels de signalisation, de quadrillage, moyens d’éclairage autonome : groupe électrogène, projecteurs, lumiballons, de matériels pour l’identification de véhicules (révélation chimique), etc.…) que du domaine purement médico-légal (instruments pour autopsies, pour examens anthropologiques et odontologiques, pour relevés et exploitation des empreintes digitales sur les cadavres, appareils de radiologie, cuves à ultrasons (nettoyage et identification d’objets), moyens de désinfection (personnel, matériels et locaux), etc…). Ces matériels sont conditionnés dans des valises spécialement adaptées au transport par avion. Chaque valise contient une famille de matériels spécifiques dédiés à une tâche précise. Elles sont marquées et pesées de manière à faciliter les formalités de douane et d’embarquement.
150Pour se déplacer l’unité dispose de véhicules légers permettant de transporter personnels et matériels pour des interventions à moins de 500 kilomètres. Au-delà, l’unité peut bénéficier du concours de l’armée de l’air. Enfin dans les cas d’intervention outre-mer ou à l’étranger, l’UGIVC embarque à bord de compagnies aériennes civiles.
151L’UGIVC dispose enfin de moyens de transmission performants permettant des communications internes sécurisées, mais aussi d’entrer en contact direct avec toutes les unités de la gendarmerie et certaines de la police nationale.
152Suite à la catastrophe du Tsunami, l’équipe française d’identification a dû travailler les premiers temps dans des morgues de fortune. Pour travailler en tous lieux et en toutes circonstances, l’UGIVC s’est depuis lors équipée d’une structure médico-légale aérotransportable.
153Pour assurer leurs missions de recueil et de gestion des données ante mortem, l’UGIVC et sa base arrière doivent aussi disposer de moyens adaptés leur permettant de garantir les communications, le stockage et l’exploitation rapide des données recueillies.
154En effet, dans les pays industrialisés, les infrastructures sont rodées, les moyens de communications modernes et les structures médicales performantes. À l’inverse, dans les pays en voie de développement, l’organisation et les moyens limités joints aux difficultés de communication font que les délais de publication d’une liste de victimes sont allongés et que les incertitudes quant à la présence de tel ou tel passager sont fréquentes.
155Pour tenter de pallier l’ensemble de ces difficultés, qui ont été rencontrées lors de missions outre-mer, l’UGIVC s’est dotée de moyens téléphones portables avec cartes internationales, d’un système de fax et d’un téléphone satellite. Elle dispose également d’un réseau informatique Ante Mortem pour faire fonctionner le logiciel d’identification Plass Data.
156Le logiciel d’assistance à l’identification des victimes de catastrophes Plass Data
157La société PLASS DATA SOFTWARE (Danemark) a commercialisé un logiciel répondant aux exigences des missions d’identification de victimes de catastrophes et s’attachant à respecter au plus près les spécifications édictées par le comité permanent pour l’identification des victimes de catastrophes d’Interpol (Interpol Disaster Victim Identification standing committee).
158Ce logiciel, établi à partir des formulaires normalisés d’Interpol permet :
- de recueillir les données ante-mortem (AM) sur les personnes supposées disparues dans la catastrophe (création d’une base de données ante-mortem),
- de recueillir les données post-mortem (PM) obtenues sur les cadavres (création d’une base de données post-mortem),
- de rechercher des données dans les fiches AM et PM,
- de confronter les données ante-mortem et post-mortem afin de faciliter les comparaisons et les rapprochements,
- d’intégrer rapidement les données formatées arrivant de l’étranger (pour les victimes d’origine étrangère).
159Adopté par plusieurs pays, il s’impose peu à peu comme un standard international, ce qui facilite les échanges d’informations sur les victimes en cas de catastrophe internationale. Il a été utilisé à grande échelle dans le cadre de l’identification des victimes du tsunami en Thaïlande.
160Plass data permet une comparaison des dossiers Ante Mortem (renseignements fournis par les proches et les praticiens) et Post Mostem (renseignements provenant de l’examen des corps) mais il n’est qu’un outil de rapprochement. En effet, la correspondance certaine des données doit obligatoirement être confirmée par les spécialistes des différentes disciplines (dentistes, médecins, spécialistes en empreintes digitales et en ADN).
161Ce logiciel a été acquis par l’UGIVC en 2002. Il reste cependant d’un maniement complexe et les personnels qui le mettent en œuvre (enquêteurs et spécialistes et notamment les chirurgiens-dentistes) doivent bénéficier d’entrainements réguliers à son utilisation. Son emploi est réservé à des catastrophes de grande ampleur comportant un nombre important de victimes.
4 – Méthodologie générale de l’identification
162Pour revenir succinctement sur le processus d’identification abordé dans d’autres chapitres de ce livre, il convient de rappeler que le processus d’identification se fait par la confrontation de renseignements dits ante mortem qui sont des caractères spécifiques des disparus avec des renseignements post-mortem obtenus par l’examen des cadavres. Le manuel d’identification d’Interpol propose l’emploi de fiches de renseignements pré imprimées de couleur rose pour consigner les données post mortem (PM) et jaune pour celles ante mortem (AM). Ce travail peut se faire avec Plass Data.
163Pour effectuer ce travail, une unité d’identification comporte en pratique deux équipes :
164
L’équipe ante-mortem
165Elle est chargée de prendre contact avec les familles et les proches des disparus potentiels dans la catastrophe pour recueillir le maximum d’informations (description physique, cicatrices, tatouages, vêtements, bijoux, bagages, etc…) sur ces victimes. Ce dialogue avec les familles vise aussi à obtenir les identités et coordonnées téléphoniques des médecins et dentistes traitants de la victime de manière à récupérer toutes les informations médicales la concernant. Un dossier au nom de chaque victime est ainsi ouvert par l’équipe ante-mortem. Il renfermera toutes les informations concernant la personne supposée disparue.
166Le recueil des données ante mortem débute par l’établissement d’une liste précise et fiable des victimes. Celle-ci est relativement aisée à réaliser lors d’une catastrophe aérienne, tout au moins lorsqu’il s’agit d’un vol international. À l’opposé, lors d’une catastrophe ferroviaire ou autoroutière, cette opération peut prendre beaucoup de temps (notions de catastrophes dites ouvertes ou fermées).
167L’efficacité dans l’identification des victimes étant conditionnée pour une large part par la rapidité du recueil des données et par la qualité de celles-ci, l’UGIVC compte, parmi ses personnels, des responsables du recueil et de l’exploitation des renseignements.
168Dans la plupart des pays, les dossiers médicaux indispensables ne pourront être confiés qu’aux forces de police ou de gendarmerie et sous couvert du secret professionnel. Seule la présence d’un médecin ou d’un dentiste au sein de l’équipe ante mortem permet à celle-ci de se faire communiquer les dossiers, d’en extraire des renseignements précieux ou de prendre contact avec les praticiens.
169La présence de médecin et dentiste dans l’équipe ante mortem de l’UGIVC et au sein de sa base arrière est nécessaire. Pour ce faire, il est fait appel à des personnels d’active ou de réserve du service de santé des armées.
170Il peut être nécessaire de rechercher des empreintes digitales ante mortem. Si elles ne figurent pas dans les fichiers judiciaires ou administratifs, il pourra être tenté de s’en procurer chez la victime en y effectuant des opérations de police technique. De même, si le recours à l’identification par empreintes génétiques est nécessaire en raison d’un état des corps ne permettant pas à l’équipe post mortem de procéder à une identification à l’aide des seuls renseignements biométriques, médicaux et dentaires, le détachement ante mortem doit procéder à une opération de prélèvements des familles (ascendants, descendants ou collatéraux). Celle-ci devra être réalisée, essentiellement pour des raisons d’ordre judiciaire, avec l’aide de techniciens en identification criminelle (TIC) et des officiers de police judiciaire (OPJ) territorialement compétents.
171Les principales difficultés rencontrées sont en général liées à une absence de données médicales et dentaires. En effet, les dentures sans soin sont relativement fréquentes, en particulier pour les victimes venant de pays en voie de développement et pour les enfants qui n’ont souvent pas de caractéristiques morphologiques ni de passé médical particuliers. D’autre part, certaines personnes sont sans famille ou sans proches connus capables de fournir des renseignements.
172
L’équipe post-mortem
173Elle est chargée de recueillir directement sur les lieux de la catastrophe (à partir des corps et objets découverts) le maximum de renseignement pouvant aider à l’identification.
174Dans un premier temps, pendant que l’équipe ante-mortem collecte les informations relatives aux victimes potentielles, l’équipe post-mortem s’occupe du relevage des corps (recherche et prise en compte des cadavres sur les lieux de la catastrophe).
175Les corps relevés sont immédiatement numérotés de manière cohérente pour l’ensemble du site. Les indices matériels pouvant concourir à l’identification des victimes (bijoux, pièces d’identité, effets personnels) sont collectés en même temps et font l’objet d’une numérotation spécifique. Une fois relevées, les dépouilles mortelles sont évacuées vers un site offrant des possibilités suffisantes en termes de capacité de conservation (chambres froides), de radiologie et de salles d’autopsie.
176L’examen de chaque corps doit débuter par la prise de radiographies afin de déceler les particularités éventuelles (prothèses, pathologies osseuses, stimulateurs cardiaques,…). Il est probable que dans un avenir proche le scanner s’imposera pour faire des examens radiologiques corps entier, ce qui permettra de transférer si besoin les images à distance et d’avoir des documents de référence pour le bilan lésionnel.
177Les corps sont déshabillés et les vêtements sont examinés et décrits. La surface du corps est observée pour y déceler les particularités telles que cicatrices, tatouages, etc.
178Enfin une autopsie est pratiquée pour rechercher des traces d’opérations chirurgicales, des prothèses, des stigmates de pathologies particulières, etc. mais aussi pour faire le bilan des lésions ce qui peut éclairer dans certaines situations sur les circonstances du décès.
179Un odontogramme post-mortem, un relevé d’empreintes digitales ainsi que des prélèvements biologiques (pour examen toxicologique éventuel et recherche ADN) sont effectués.
180Dans certains cas de destruction extrême des corps, le recours au profil génétique s’avère indispensable (il suppose bien sûr de disposer d’échantillons de comparaison prélevés sur des objets personnels au domicile de la victime ou sur des membres de sa famille).
181La tendance serait actuellement de privilégier le recours aux empreintes génétiques pour identifier les corps. Il s’agit cependant d’obtenir au préalable des ADN de comparaison ce qui peut parfois s’avérer difficile. De plus les autres techniques d’identification (odontologie par exemple) sont tout aussi performantes et peu onéreuses.
182Toutes les informations recueillies sont insérées dans un dossier post-mortem portant le numéro affecté au cadavre lors du relevage.
183Le rapprochement des informations post-mortem avec les données ante-mortem permet de faire une synthèse comparative et d’établir l’identité formelle de la victime.
184L’identification formelle est prononcée par une commission d’identification regroupant généralement les experts médico-légaux et les responsables des équipes ante et post mortem. Quand la personne est déclarée identifiée, un certificat de décès est établi. Le corps peut alors être rendu à la famille avec l’accord des autorités compétentes.
185
La prise en charge des familles
186Identifier formellement les corps et prendre en charge les proches est un devoir de la société.
187Tous les besoins des familles doivent pouvoir être pris en compte. Ces besoins sont les suivants :
- Avoir accès à l’information et être renseigné régulièrement de l’avancée du processus d’identification.
- Bénéficier d’une aide pratique.
- Les équipes au contact des familles doivent faire preuve d’ouverture, de transparence, de sensibilité et fournir aide et assistance sans jugement. Il s’agit de respecter les différences individuelles et de faire preuve de discrétion et de dignité.
- Les choix opérationnels et techniques doivent leur être justifiés. En particulier, il s’agit de fournir des informations sur les processus de relevage et d’identification des corps. Les familles doivent avoir accès aux rapports post mortem et aux expertises.
- Les droits des familles doivent être respectés. En particulier, elles doivent avoir accès aux corps. Elles doivent pouvoir venir sur le site de la catastrophe. Les effets et objets personnels doivent, dans la mesure du possible, leur être restitués.
188Le travail de l’équipe d’identification sera facilité par le soutien des Cellule d’Urgence Médico-Psychologiques (CUMP).
5 – Le soutien psychologique
189Au retour de chaque mission, un débriefing psychologique doit être systématiquement organisé par une équipe de spécialistes (psychologues et psychiatres) rompus à la problématique du syndrome post traumatique (PTSD des anglo-saxons).
190Ces spécialistes prennent alors la responsabilité de l’ensemble de cette intervention très spécifique. Ils décident du moment (qui doit être en principe suffisamment proche de l’événement), et des modalités de conduite de cette mission, en coordination avec les acteurs locaux. Ils définissent en particulier le mode opératoire précis en fonction du contexte et de l’événement vécu (débriefing collectif, entretiens individuels, etc…). Leur action est néanmoins limitée dans le temps (24 à 48 heures). Tous les personnels de l’unité touchée doivent être présents le jour de l’intervention. L’action de soutien dispensée est considérée comme une activité de service à part entière.
191Un suivi psychologique individualisé peut être instauré sur un plus long cours au profit des personnels qui en font la demande.
6 – Concept d’assurance-qualité
192Les concepts d’assurance qualité doivent être mis en œuvre tout au long du processus d’identification. Ils concernent de multiples points qu’il convient de lister.
- L’équipe : elle doit être multidisciplinaire, organisée et préparée et doit bénéficier de tous les équipements individuels et de tout le matériel nécessaire. Elle doit bénéficier d’un soutien psychologique à tous les niveaux. Le management d’une catastrophe est du ressort des équipes gouvernementales. Les spécialistes doivent travailler en binôme.
- Les moyens : Un élément précurseur de l’équipe d’identification doit être sur place le plus rapidement possible pour une évaluation de la situation et donner les premières consignes. La collecte des données Ante Mortem doit être débutée dès que possible et il ne faut rien négliger. Guides de travail et protocoles stricts et validés sont une nécessité d’autant plus que le nombre d’équipes peut être important. Les bases de données peuvent être très utiles en matière de gestion.
Conclusion
193Dans le cadre des morts dites judiciaires, qu’il s’agisse de décès isolés ou de catastrophes collectives, le rôle de la médecine légale reste essentiel mais la pratique médico-légale a beaucoup évolué et de nombreuses disciplines peuvent apporter leur contribution pour la recherche des causes et des circonstances du décès et pour l’identification des corps. Le travail médico-légal s’effectue dans tous les cas dans le cadre strict de l’enquête judiciaire. Le médecin légiste est un expert et c’est aussi un auxiliaire de la Justice.
194L’identification des victimes de catastrophes, qui s’effectue elle aussi le plus souvent dans un cadre judiciaire, est une tâche complexe et difficile qui nécessite le recours à des équipes pluridisciplinaires, formées et entraînées. Des méthodologies s’appuyant sur des protocoles validées sont indispensables. Dans de nombreux cas, les victimes proviennent de différents pays et il s’agit de renforcer la coopération internationale afin de tout mettre en œuvre pour identifier les victimes et rendre les corps à leurs proches, leur permettant ainsi de faire leur travail de deuil.
Bibliographie
- Huguenard P. (1996), Catastrophes, de la stratégie d’intervention à la prise en charge médicale, Traité sous la direction du Professeur Pierre Huguenard, Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Paris, Elvier-Masson, 1996 ; 115-118, 813-834.
- Malicier D. (2003), L’identification en médecine légale, aspects actuels, 2e édition, Editions Eska.
- Malicier D., Miras A, Fanton F., Tilhet-Coartet S. (2000), La levée de corps médico-légale, Editions Eska, Paris, 2000.
- Mass fatalities incident response course, student manual. National Emergency Training Center, Federal Emergency Management Agency, Emmitsburg, Maryland, USA, octobre 1992.
- Poisson P., Chapenoire S., Schuliar Y., Lamant M., Corvisier J. M. (2003), “Four major disasters in Aquitaine, France. Use of odontological techniques for identification », American Journal of Forensic Medicine and Pathology; 24(2), 160-163.
- Ponseel G., Fillon C., Schuliar Y. (2011), « Recommandations pour la prise en charge et l’identification des victimes décédées suite à une catastrophe de type NRBC (nucléaire-radiologique-biologique-chimique) », La Revue de Médecine Légale, Volume 2, Issue 3, August 2011, Pages 94-107.
- Rapport de la mission interministérielle en vue d’une réforme de la médecine légale, Ministère de la Justice, ministère de la Santé et des solidarités, IGAS/IGSJ, janvier 2006.
- Schuliar Y. (1993), « Datation de la mort. Méthodes actuelles », Revue française des laboratoires, 256, 58-62.
- Schuliar Y. (1999), The collection of ante mortem information after major disasters. International criminal police review, INTERPOL; vol.474-475, 88-92.
- Schuliar Y., Hebrard J., Jam D., Thiburce N., Dourel L. (2005), « Identification des victimes de la catastrophe du Tsunami en Thaïlande »,. Médecine et Armées, 33 (4), 293-301.
- Schuliar Y., Hebrard J., Jam D., Thiburce N., Dourel L. (2005), « Identification des victimes de la catastrophe du Tsunami en Thaïlande », Médecine et Armées, 33 (4), 293-301.
- Schuliar Y., Knudsen P. J. T. (2012), « Role of forensic pathologists in mass disasters », Forensic Sci Med Pathol., 8 : 164–173.
- Schulliar Y. (2003), « Identification des victimes de catastrophes collectives » in L’identification en médecine légale, aspects actuels, 2e édition, Editions Eska-Lacassagne ; 145-155.
- Thali M., Yen K., Schweitzer W., Vock P., Ozdoba Ch. Et al (2002), “Charred Body: Virtual autopsy with multi-slice computed tomography and magnetic resonance imaging”, J. Forensic Sci., 47, 1326–1331.
Mots-clés éditeurs : morts judiciaires, catastrophe, identification, médecine légale, thanatologie
Date de mise en ligne : 12/02/2013
https://doi.org/10.3917/eslm.142.0193