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Article de revue

Modifications naturelles et artificielles de l'homme

Pages 51 à 52

1Le xxe siècle a connu une prolongation spectaculaire de la durée de vie, grâce aux progrès de l’hygiène et de la médecine, notamment avec la découverte des antibiotiques.

2Une nouvelle mutation médicale est en cours, passant par l’artificialisation de nombreuses fonctions métaboliques du corps humain: cœur, poumons, rein, commandes nerveuses, etc. Il s’agit là, en fait, d’une hybridation de l’humain avec la machine.

3Donnons-en quelques exemples:

4Les dispositifs à base d’électronique se banalisent. Le stimulateur cardiaque est devenu d’usage courant: il génère des impulsions électriques induisant la contraction cardiaque. La perspective d’un cœur artificiel complet se rapproche continûment: le ventricule artificiel est déjà quasiment opérationnel, plus de 1300 ont été posés depuis 1984. Les prochaines étapes techniques devraient être l’intégration dans le corps lui-même des éléments qui restent pour l’instant extérieurs, la source d’énergie et la commande électronique de l’appareil.

5Un autre domaine où l’électronique pénètre le corps humain est celui des pompes à insuline implantables, qui sont opérationnelles depuis 1989. Le problème est maintenant d’assurer son autonomie complète, en intégrant au dispositif un capteur du taux de glycémie pour ajuster automatiquement le débit d’insuline. Le cerveau est une autre partie du corps où l’articulation avec l’électronique a produit des résultats surprenants, notamment dans le traitement de la maladie de Parkinson. On arrive ainsi à placer une électrode en permanence au centre du cerveau qui, relié par un fil à un stimulateur externe, envoie des impulsions électriques dans un noyau dit ventral intermédiaire, ce qui a pour effet de supprimer les tremblements de la maladie. 600 de ces dispositifs ont été placés depuis 1986. L’électronique intervient aussi dans l’audition, avec les implants cochléaires, et commence à soigner – du moins expérimentalement – certaines formes de cécité, grâce à une rétine artificielle placée au fond de l’œil.

6On développe par ailleurs des méthodes de dialogue biologique avec l’ordinateur. Les opérations mentales se traduisent en effet par une activité électrique, qui est décelable par l’électroencéphalographie. Les chercheurs s’attachent à réaliser des analyses plus fines de cette activité, ce qui permettrait alors au sujet de réaliser des commandes physiques extérieures: soit de membres atrophiés ou de prothèses – l’activité électrique s’interfaçant avec un logiciel commandant un stimulateur électrique –, soit de machines implantées dans le corps lui-même. Il y aurait dans ce type de dispositifs une véritable hybridation entre l’esprit et la machine, celle-ci accomplissant les fonctions du corps défaillant.

7La culture de cellules est un autre développement en cours qui devrait conduire à reconstituer des tissus, voire des organes, endommagés. Opérationnelle pour refaire des peaux brûlées, la culture de cellules sur des matrices de polymères biodégradables s’étudie pour soigner les os brisés, par exemple. Quant aux nerfs, la démonstration a été faite que la réparation des neurones du système nerveux central était possible, via la découverte d’agents de stimulation adéquats.

8De nouvelles substances chimiques constituent un autre pan de la recherche pour compenser les faiblesses ou les blessures subies par le cors humain. Le dopage des sportifs peut à cet égard être considéré comme un avant-goût de ce qui pourrait devenir une habitude commune. On est dans ce domaine passé d’hormones stéroïdes synthétiques à des hormones naturelles synthétisées par le génie génétique, telles que l’EPO (érythropoïétine) ou l’IGF 1 (insulin growth factor). D’autres substances commencent à être utilisées pour lutter contre le vieillissement de l’organisme, comme la DHEA (dehydroepiandrosterone), produit par les glandes surrénales. On envisage aussi une lutte génétique contre le vieillissement, une thérapie génique pouvant peut-être stimuler la production d’enzymes enrayant le vieillissement cellulaire.

9Les potentialités technologiques sont là. La barrière économique ne semble pas insurmontable – selon les choix que la société fera. En modifiant le concept même de ce qu’est la vie humaine, ces mutations techniques remettent en cause la conception que l’on peut se faire de la mort dans les sociétés occidentales riches.

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