Le chiffonnier est une figure de la vie parisienne du XIXe siècle qui n’a pas laissé la littérature indifférente ; cette population spécifique a aussi attiré l’attention de l’histoire sociale (voir, par exemple, Faure, 1977 ; Kalff, 1990). En revanche, la contribution des chiffonniers au fonctionnement urbain n’a pas fait l’objet d’études poussées, à l’exception de celle de Daniel Guiot (1986), fait d’autant plus étonnant qu’elle est essentielle, que l’on considère la gestion des excrétas urbains ou la fourniture de matières premières à un secteur industriel en plein essor. Les travaux portant sur l’histoire du nettoiement et des déchets urbains sont par ailleurs relativement peu nombreux. Dans le cas de Paris, ils portent souvent sur l’Ancien Régime (Saddy, 1977 ; Boudriot, 1988), et lorsqu’ils concernent le XIXe siècle, ils s’inscrivent dans la thématique plus vaste de l’hygiénisme ou portent sur des périodes très spécifiques (Jugie, 1993). Peu de recherches traitent de la question à l’échelle nationale, et des travaux tels que ceux de Martin Melosi (1981) ou Susan Strasser (1999) nous éclairent certes sur la situation états-unienne, mais ne nous permettent pas de conclure pour la vieille Europe. Du côté de l’histoire de l’industrialisation parisienne, ce n’est que récemment que le rôle des excrétas urbains a été mis en valeur (Guillerme, 2007). Le chiffonnier ne constitue cependant pas la figure centrale de ces travaux.
Les chiffonniers ne sont pas nés avec le XIXe siècle : cette profession est bien plus ancienne, mais connaît de profonds bouleversements après la Révolution, qui en font non seulement une activité-clé pour l’approvisionnement de l’industrie en matières premières, mais aussi une occupation rémunératrice sur laquelle seront bâties des fortunes parfois colossales, et enfin un maillon du nettoiement urbain…