Un engagement personnel contre l’exclusion
1J.-L. L. R. : Dominique Versini, dans le cadre de ce dossier sur la parole de l’enfant, il nous a semblé indispensable d’interroger la défenseure des enfants, personnalité et institution chargées de veiller au respect et au développement des droits de l’enfant, fonction très symbolique aussi de porte-parole des enfants. Vous succédez depuis quelques mois à Claire Brisset, pouvez-vous nous retracer votre parcours et nous dire comment on devient défenseure des enfants ?
2D. V. : Mon parcours est marqué par un engagement très important dans le secteur social, en particulier dans la lutte contre l’exclusion. Après Sciences-Po et un parcours classique de juriste, j’ai rencontré Xavier Emmanuelli et ensemble nous avons créé le samu social de Paris en 1993, que j’ai dirigé de 1995 à mai 2002. Cela a été la mise en place d’un dispositif tout à fait atypique qui se trouvait au croisement des différentes institutions médicales, sociales, psychiatriques, avec la mise en œuvre de concepts assez novateurs visant à aller à la rencontre de personnes qui ne formaient plus aucune demande, ni de soins ni d’aide sociale, et à les ramener doucement dans le droit commun. C’est une expérience qui s’est poursuivie par une nomination au gouvernement, puisque pendant deux ans j’ai été secrétaire d’État chargée de la Lutte contre la précarité et l’exclusion. J’ai ainsi mis en place le plan grand froid pour les sans-abri ainsi que des réseaux d’équipes psychosociales organisées autour des services de psychiatrie pour aller à leur rencontre, évaluer leur situation et trouver les moyens de leur prise en charge dans le droit commun. Après ma sortie du gouvernement, étant juriste de formation, j’ai été nommée au Conseil d’État.
3Puis le 30 juin 2006, j’ai été nommée Défenseure des enfants et cette nomination s’inscrit dans une évolution de mon parcours en faveur des personnes en situation de fragilité… et donc des enfants. J’ai coutume de dire que j’ai fait le chemin à l’envers, puisque je me suis occupée d’adultes en situation de très grande difficulté, qui me racontaient leur parcours, souvent faits de ruptures de liens répétitives dans l’enfance et de traumatismes importants subis dans cette période fragile de construction psychique. Je voyais bien que ces adultes très désocialisés, porteurs de très grandes souffrances physiques et psychiques, avec des troubles et des pathologies psychiatriques non pris en charge, nous montraient quelque chose de grave, qui était survenu dans l’enfance.
4Aujourd’hui, dans cette fonction de défenseure des enfants, à travers tout ce que je vois et entends, je trouve des explications à mes interrogations.
5J.-L. L. R. : Est-ce que cette expérience auprès des adultes vous sert aujourd’hui en tant que défenseur des enfants ?
6D. V. : Oui, je pense que ça me sert. Le samu social m’a surtout donné des outils intellectuels pour travailler sur des dossiers qui nous amènent à approcher les profondeurs de la souffrance humaine, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants qui sont dans une période de vulnérabilité et ne peuvent pas se défendre face aux adultes. C’est là que ça rejoint cette question de la parole de l’enfant, de l’enfant comme sujet de droit et non pas comme objet. Oui, je pense que ce que j’ai fait m’a effectivement aidée. Mais être défenseur des enfants, c’est beaucoup plus dur que le samu social.
7J.-L. L. R. : Pourquoi ?
8D. V. : Parce que la souffrance des enfants n’est pas la même que la souffrance des adultes et parce que nous sommes vraiment confrontés à des situations de maltraitance, de viols, d’incestes, des situations qui bousculent les équipes qui travaillent ces questions-là. En même temps, c’est sans doute plus dur parce que nous ne voyons pas les gens en direct et que nous travaillons essentiellement sur dossier. Il y a une grande différence entre travailler avec quelqu’un en face à face, avec son regard, ses paroles, et le découvrir à travers des documents écrits
Une institution au service des enfants
9J.-L. L. R. : Vous ne rencontrez pas les personnes, vous travaillez surtout sur dossier. Est-ce une règle ou une nécessité ?
10D. V. : Il arrive que l’on rencontre les personnes, mais c’est loin d’être la majorité des cas. Par contre, nous avons quarante-cinq correspondants territoriaux sur différents départements, que nous pouvons mandater sur certains dossiers pour justement rencontrer les personnes qui nous saisissent et intervenir auprès de l’Éducation nationale ou des autres institutions mises en cause. Les contacts se font souvent par téléphone.
11J.-L. L. R. : Comment les enfants ont-ils accès à vos services ?
12D. V. : Le défenseur des enfants a trois missions : il peut recevoir des réclamations concernant des enfants ; il peut repérer des dysfonctionnements collectifs institutionnels qui portent atteinte à leurs droits et faire des propositions de lois ; il est aussi chargé de promouvoir les droits de l’enfant.
13Il peut être contacté directement par les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans, par les membres de sa famille, les professionnels de la santé et du social, ou par des associations d’utilité publique. En outre, le défenseur des enfants peut s’autosaisir dans des situations qui lui paraissent contraires aux droits de l’enfant.
14J.-L. L. R. : Est-ce que vous avez une idée de la proportion d’enfants qui vous saisissent directement ?
15D. V. : 10 % des demandes émanent directement des mineurs. C’est insuffisant et c’est précisément un de mes objectifs que d’augmenter cette proportion.
16Quand ce sont les mineurs qui nous saisissent, ce sont généralement des situations très lourdes, vécues par des enfants qui se sentent en danger, des appels à l’aide avec éventuellement un enjeu suicidaire. Ils écrivent en dernier ressort au défenseur. La parole de l’enfant est prise en compte immédiatement.
Une instance de médiation dans des situations variées qui concernent tous les domaines de la vie quotidienne
17J.-L. L. R. : Quels types de situation rencontrez-vous ?
18D. V. : 18 % des situations concernent les mineurs étrangers, qu’ils soient isolés ou avec leurs parents eux-mêmes en situation d’expulsion. Nous sommes saisis par les associations et également par les familles. Nous intervenons pour vérifier que la Convention internationale des droits de l’enfant (cide) est bien respectée, notamment à l’occasion des reconduites à la frontière.
19J.-L. L. R. : Ce sont des situations d’actualité !
20D. V. : Il est vrai que suite à la circulaire du ministère de l’Intérieur sur la régularisation des sans-papiers, nous avons été saisis bien plus qu’avant.
21Ensuite, 10 % des saisines concernent les conflits en lien avec le milieu scolaire, qui peuvent se rapporter à des situations de violences intrascolaires, d’enfants entre eux, mais également, quoique en diminution, d’enfants victimes de violences de la part d’enseignants. Il y a aussi beaucoup de questions relatives à la scolarisation d’enfants handicapés.
22J.-L. L. R. : Est-ce que la réforme sur le handicap et la mise en place des mdph [1] changent la donne ? Êtes-vous saisie de situations qui n’ont pas pu trouver de réponses en milieu scolaire ordinaire ?
23D. V. : La réforme a posé le droit à une scolarité en milieu ordinaire, mais ce n’est pas toujours possible dans les faits car l’Éducation nationale n’en a pas toujours les moyens, comme de recruter des auxiliaires de vie scolaire en nombre suffisant.
24Plus généralement, on est saisi lorsqu’une institution n’a pas géré correctement une situation qui porte atteinte aux droits de l’enfant. On intervient finalement comme instance de dernier recours qui peut faire la médiation entre l’institution et l’enfant et ses parents ; c’est vraiment un rôle de médiation, de facilitation et de réorientation.
Des ruptures du lien qui suggèrent des réformes
25D. V. : Enfin, les situations les plus nombreuses, 36 %, concernent les séparations familiales, avec des ruptures affectives et des situations de rupture du lien. Situation de divorce, de séparation, de changement du droit de visite, ou encore de placement en famille d’accueil ou de déplacement de ces familles pour être placé dans une autre famille ou en foyer. On est au cœur de la crise du lien social, du lien affectif, vécue très précocement par l’enfant. Tout un ensemble de situations qui montrent que l’enfant, dans un monde en évolution permanente, vit au rythme des changements de vie des adultes.
26Ce nombre important est la raison pour laquelle j’ai choisi en 2006 la thématique du statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie des enfants. Parce qu’aujourd’hui les enfants, on s’en aperçoit dans nos dossiers, sont amenés à être éduqués par des parents séparés (un enfant sur quatre), mais aussi par des tiers, grands-parents, beaux-parents, familles d’accueil.
27Nous sommes saisis notamment par des grands-parents qui n’arrivent plus à voir leurs petits-enfants, ou par des enfants placés en famille d’accueil, puis changés de famille ou placés dans un foyer, et vivant ainsi des ruptures affectives douloureuses avec des gens qui les avaient éduqués jusque-là et avec lesquels ils avaient tissé des liens. D’autres enfants nous saisissent parce qu’ils ont été séparés de leur fratrie par un service social – je pense à cette famille de cinq enfants placés dans cinq familles d’accueil différentes ! Il y a beaucoup de situations d’enfants confiés à des familles d’accueil, qui en sont brutalement séparés, de façon pas toujours justifiée.
28Il y a aussi ces ruptures du lien lorsque les parents se séparent et se déchirent autour de l’enfant, qui ne peut choisir, et est très malheureux et très mal à l’aise.
29Il y a également la réalité des familles homoparentales, avec le rôle, la place du compagnon ou de la compagne du père ou de la mère biologique de l’enfant. On s’est donc aperçu qu’il y avait des manques et des rigidités dans le droit de la famille ne permettant pas de clarifier la place de ces tiers qui participent à l’éducation des enfants et ont partagé leur vie, et qu’il n’y avait pas de statut juridique pour ces liens affectifs tissés au fil du temps.
30On se situe ici dans le champ de la parentalité et non pas dans celui de la parenté (qui concerne la filiation).
31On a alors revisité le droit de la famille pour voir quelle était la situation de ces tiers vivant avec des enfants ou participant à leur éducation. J’ai donc proposé un certain nombre de mesures, qui sont simples pour certaines, plus élaborées pour d’autres :
- la création d’un mandat d’éducation ponctuel au profit d’un tiers ;
- la possibilité d’instituer une convention de partage de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers ;
- la possibilité pour le juge d’élargir l’éventail des actes que le tiers peut être amené à réaliser pour les besoins de l’enfant ;
- améliorer les possibilités de prise en charge de l’enfant par un tiers en cas de décès de son ou de ses parents ;
- consacrer le droit de l’enfant à maintenir des liens personnels avec le tiers qui a partagé sa vie quotidienne sur un temps significatif et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits.
32J.-L. L. R. : On voit, à travers ces mesures, le souci que vous avez de prendre en compte l’intérêt de l’enfant. Mais a-t-il son mot à dire ?
33D.V. : Jusqu’alors non, mais dans le projet de loi sur la protection de l’enfance qui vient d’être adopté, il est prévu que l’enfant doit pouvoir être entendu par le juge sur toutes les décisions civiles qui concernent l’organisation de sa vie. Le mandat d’éducation que je propose ne passe pas par le juge, mais la convention de partage de l’autorité parentale devra être homologuée par le juge aux affaires familiales, qui s’assure que tout se fait de façon cordiale et en convoquant les parents et l’enfant. Tout est facultatif, mais cela permet de mieux reconnaître le rôle du tiers dans l’environnement global de l’enfant.
34J.-L. L. R. : N’y a-t-il pas de risque de dérive ou de prise de pouvoir par le tiers qui puisse être vécue par l’enfant comme indue ou heurtant ses loyautés parentales ?
35D.V. : Il ne devrait pas y avoir de dérive puisque le juge doit proposer à l’enfant doté de discernement d’être auditionné. La société a considérablement évolué et, face à toutes ces configurations familiales nouvelles, la jurisprudence européenne nous invite à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, et des tiers qui traversent sa vie et participent de façon constructive à son éducation. En Grande-Bretagne, par exemple, il est fait mention des liens qui ont duré plus de trois ans. En Espagne aussi, cela a été pris en compte par le législateur.
36L’important à mes yeux est de préserver un passage harmonieux entre différentes étapes de vie que l’enfant ne choisit pas. L’enfant vit avec ses parents, mais aussi avec d’autres personnes. Ces liens ne sont pas concurrentiels mais complémentaires. De toute façon, c’est toujours le juge qui apprécie si c’est l’intérêt supérieur de l’enfant de maintenir ces liens ou si cela risque de compliquer sa vie et de multiplier les conflits de loyautés.
La prévention de la délinquance
37J.-L. L. R. : Venons-en à un autre aspect de votre action. Le projet de loi sur la prévention de la délinquance a beaucoup ému les professionnels de l’enfance. Avez-vous une position en tant que défenseure de l’enfant sur ce projet, vu sous l’angle de la parole de l’enfant ? Notamment sur la question de la « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » …
38D.V. : On peut dire que ce projet a comme point positif le renforcement de la protection des mineurs face à la diffusion des messages pornographiques et, quand on voit à quel point les enfants sont sollicités via Internet sur ce plan, c’est bien.
39Là où le défenseur des enfants considère qu’il y a des difficultés par rapport à la Convention internationale des droits de l’enfant, c’est sur la justice des mineurs, qui a été conçue dans l’esprit d’intervenir plutôt avec des mesures éducatives, et parfois répressives bien sûr, si les faits le justifient, sachant que la privation de liberté doit être la dernière mesure, quand tout le reste a échoué. Le projet de loi vise à passer plus vite à la prise de mesures répressives face à des faits multiples et a élargi le panel des mesures que peuvent prendre les magistrats, qui restent totalement décisionnaires au bout du compte.
40Cela dit, la mesure la plus contestée est celle de la comparution immédiate pour les mineurs. Rappelons qu’elle ne se fait qu’avec l’accord du mineur et de ses parents, mais il est évident que quand on vous demande si vous voulez être entendu tout de suite ou dans six mois, il est tentant de répondre tout de suite pour être débarrassé. On a alors le sentiment que l’enfant ne bénéficie pas des conditions les plus favorables pour que le juge puisse prendre une décision éclairée. Il aura par exemple une enquête sociale qui remonte à dix-huit mois, alors qu’on sait qu’un jeune peut énormément évoluer dans un tel laps de temps.
41La deuxième disposition sur laquelle j’ai fait des remarques, c’est la possibilité de détention avant jugement pour des mineurs de 13 à 16 ans dès lors qu’ils n’ont pas observé les dispositions d’un contrôle judiciaire. Moi je pense qu’il est dommage de placer en prison un mineur si jeune avant tout jugement, car ce n’est certainement pas le lieu le plus propice à son éducation.
42Bien sûr, l’ordonnance de 1945 a déjà été remaniée un nombre de fois très important. C’est vrai qu’elle s’est adaptée au fur et à mesure de l’évolution de l’enfance et de l’adolescence, mais il y a quinze millions d’enfants en France, dont seulement cinq mille mineurs que l’on peut considérer comme réellement délinquants et six cents mineurs en détention. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas punir un jeune qui a commis un délit ou un crime. Il est important que la loi s’applique de façon adaptée à l’âge. Mais ce que je note, c’est le risque de diffuser une image globale de la jeunesse dangereuse pour la société et stigmatisant en particulier ces jeunes de certains quartiers.
Les ambassadeurs du défenseur des enfants
43J.-L. L. R. : Sur quels projets allez-vous orienter votre action à l’avenir ?
44D.V. : Je me suis aperçue que le défenseur des enfants n’était pas assez connu des enfants, et je mets en place une stratégie visant à leur permettre de mieux s’exprimer et accéder à mes services.
45J’ai formé une vingtaine de jeunes ambassadeurs du défenseur des enfants, de 18 à 25 ans, recrutés dans le cadre du service civil volontaire. Nous menons une action expérimentale à Paris, Lyon et Strasbourg. On les prépare à aller dans les classes de cinquième, qui ont au programme l’enseignement obligatoire des droits de l’enfant, pour présenter l’institution du défenseur des enfants et la Convention internationale des droits de l’enfant. Ces jeunes, qui se sont investis avec enthousiasme, peuvent faire passer le message de façon plus concrète et moins institutionnelle.
La souffrance psychique des enfants
46Pour les mois à venir, la question qui émerge de tout ce que je vois est celle de la souffrance psychique des enfants et adolescents, avec quelques signes d’alerte préoccupants, comme l’accroissement du nombre de tentatives de suicide qui surviennent à un âge de plus en plus jeune, même si les suicides eux-mêmes ont diminué.
47L’oms a placé cette question comme urgence mondiale ; la Commission européenne considère la santé mentale des enfants et adolescents comme une priorité des années à venir.
48À travers le courrier que nous recevons, il émerge une telle souffrance psychique dans ce que vivent les enfants, que je trouve qu’il faut s’interroger – au-delà du point de vue médical – sur ce qui se passe dans cette société pour produire un tel mal-être des jeunes. Cette souffrance ne relève pas forcément de la psychiatrie, même si certains comportements, certaines souffrances finissent par en relever.
49Ce travail sera l’occasion de rencontrer tous les professionnels qui travaillent dans le champ de l’enfance pour voir quelles sont les problématiques qu’ils ont repérées, et les bonnes pratiques mises en œuvre et qui marchent.
Propositions d’aménagement du droit français pour conforter un statut des tiers
Les services de l’Aide sociale à l’enfance sont concernés en tant que tiers à qui des enfants sont confiés par les juges et pourront trouver dans certaines mesures des simplifications dans la prise en charge des enfants.
Ce statut concerne trois champs d’intervention possible des tiers :
- le soutien aux parents pour la vie quotidienne de l’enfant ;
- la prise en charge de l’enfant à la place du ou des parents ;
- le droit de l’enfant à entretenir des liens avec un tiers qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits.
Dans certaines situations (familles monoparentales ou familles recomposées par exemple), un parent peut avoir besoin d’être épaulé par un tiers, pour gérer des aspects de la vie quotidienne de l’enfant, en l’autorisant à réaliser ponctuellement certains actes en son nom (par exemple, aller chercher l’enfant à l’école, le conduire chez le dentiste, etc.) ou à participer plus activement à l’éducation de l’enfant par le biais du partage de l’exercice de l’autorité parentale.
Proposition 1 : Créer un « mandat d’éducation » ponctuel au profit d’un tiers.
Il s’agit d’instituer un mandat d’éducation qui serait donné par un parent ou par les deux à un tiers. Par ce mandat, le tiers pourrait accomplir certains actes usuels ou même certains actes graves relatifs à l’enfant. Ce mandat serait donné de façon ponctuelle et pour une période à définir ensemble (par exemple, le temps des vacances). Le mandat se ferait par simple convention qui pourrait, si l’une des parties le souhaite, être enregistrée au greffe du tribunal d’instance.
Proposition 2 : Instituer une convention de partage de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers.
Actuellement, le partage de l’exercice de l’autorité parentale peut être prononcé par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’un jugement de délégation d’autorité parentale. C’est une possibilité tout à fait innovante dans laquelle un parent peut partager son autorité parentale tout en continuant à l’exercer lui-même, dans un esprit de coopération avec le tiers, afin de répondre aux besoins de l’enfant : cela vise les situations dans lesquelles un tiers (notamment le beau-parent) est amené à participer de façon plus active et continue à l’éducation de l’enfant. Elle permet au parent de partager de façon durable tout ou partie de l’exercice de son autorité parentale avec lui, pour les seuls actes usuels nécessaires à la vie quotidienne de l’enfant. En revanche, pour les actes graves, l’accord de l’autre parent, s’il y en a un, serait nécessairement requis.
Cette proposition 2 vise à simplifier le partage de l’autorité parentale en évitant la lourdeur d’un jugement et en permettant la conclusion d’une convention entre le ou les parents et un tiers, tout en maintenant un minimum de contrôle judiciaire (simple homologation par le juge aux affaires familiales à la place d’un jugement).
Prise en charge de l’enfant à la place du ou des parents
Certaines situations plus douloureuses pour les parents (difficulté matérielle ou psychologique, maladie grave, décès) rendent nécessaire la prise en charge complète de l’enfant par un tiers (membre de la famille ou de l’entourage, Aide sociale à l’enfance). Il s’agit de faciliter cette prise en charge en assouplissant les dispositifs juridiques la prévoyant.
Cette partie de nos propositions vise, d’une part, à élargir le champ des actes que le tiers auquel l’enfant est confié par le juge (Aide sociale à l’enfance notamment) peut réaliser pour l’enfant (proposition 3) ; d’autre part, dans le cas de décès des parents, elle vise à ouvrir davantage la possibilité pour le tiers vivant avec l’enfant (beau-parent par exemple) de se voir confier l’enfant par le juge (proposition 4).
[…]
Proposition 3 : Donner au juge qui confie un enfant à un tiers (proche de confiance, Aide sociale à l’enfance) la possibilité d’élargir l’éventail des actes que le tiers peut être amené à réaliser pour les besoins de l’enfant.
Lorsqu’un enfant est confié provisoirement par un juge à un tiers, il s’avère nécessaire de ne pas limiter les possibilités d’intervention du tiers aux seuls actes usuels, notamment lorsqu’il faut effectuer des actes graves pour l’enfant et que le tiers a des difficultés à obtenir l’autorisation des parents pour diverses raisons. Le juge devrait pouvoir déterminer de façon plus souple l’éventail des actes qu’il autorise le tiers à effectuer. Cela vient d’être voté dans la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance.
Proposition 4 : Améliorer les possibilités de prise en charge de l’enfant par un tiers en cas de décès de son ou de ses parents.
En cas de décès d’un parent, il conviendrait de clarifier l’article 373-3 du Code civil (possibilité pour le juge aux affaires familiales de confier l’enfant à un tiers) en prévoyant explicitement l’hypothèse du décès d’un parent et de permettre au tiers qui partage ou a partagé la vie de l’enfant de saisir directement le juge de cette demande.
En cas de décès des deux parents, et s’ils n’ont pas choisi de tuteur avant leur décès, il serait opportun de permettre au juge des tutelles d’attribuer la tutelle au tiers qui partage ou a partagé la vie de l’enfant, par dérogation au principe d’attribution aux ascendants (grands-parents).
La loi du 5 mars 2007 relative à la réforme des tutelles a fait disparaître l’article accordant une préférence aux ascendants, elle a maintenu la procédure de la désignation du tuteur par le conseil de tutelle sans préciser qu’un tiers ayant partagé la vie de l’enfant doive en faire partie.
Maintien des liens entre l’enfant et le tiers en cas de séparation
Au regard de toutes les conséquences psychoaffectives des ruptures de vie sur l’enfant, et compte-tenu des impulsions du droit international sur l’importance de préserver les liens affectifs forts que l’enfant noue avec des tiers qui partagent sa vie quotidienne, il est important de consacrer explicitement un droit de l’enfant au maintien de ces liens.
Proposition 5 : Consacrer un droit de l’enfant à entretenir des relations personnelles avec le tiers qui a partagé sa vie quotidienne, sur un temps significatif, et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits.
Il s’agirait de compléter l’article 371-4 du Code civil en rajoutant un nouvel alinéa concernant ce tiers :
« L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit.
(Nouvel alinéa) : L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec le tiers, parent ou non qui a partagé sa vie quotidienne, sur un temps significatif, et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit.
Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales, fixe les modalités des relations entre l’enfant et d’autres tiers, parents ou non. »
Par ailleurs, il conviendrait de prévoir que les ascendants et le tiers qui a partagé la vie de l’enfant et noué avec lui des liens affectifs étroits puissent saisir directement le juge aux affaires familiales sans passer par le ministère public. Les autres tiers devant continuer à passer par le filtre du ministère public.