1 Nous savons combien il est important pour les bébés de recevoir des soins qui alimentent leur sensualité, dans le respect de leur personne. Très vite, on repère les bébés sensibles à ces contacts, ceux qui s’y refusent, ceux qui initient les câlins, ceux qui s’en détournent aussi. C’est de manière privilégiée, au moment des soins de nourrissage ou de change, que se vivent ces échanges qui doivent dans une juste distance et sans les brusquer, permettre aux bébés de se relâcher, de se lover, ou de se laisser déshabiller en confiance.
2 Quand les enfants marchent, peu à peu émergent les questions sur leur identité de petit garçon ou de petite fille. Dans leurs jeux, on voit poindre le « faire pareil », puis un vrai « faire-semblant » où l’enfant peut dire : « Tu serais le papa… ». Peu à peu, ce sont les attitudes du parent du même sexe qui sont là, au-delà des rôles sociaux attribués à l’un ou à l’autre sexe, les habitudes familiales qui ressortent (qui passe l’aspirateur, par exemple). Les garçons se mettent à faire pipi debout, les filles aussi, surtout celles qui sont actives et qui testent leurs possibilités avant de s’adapter.
3 Dans le milieu où elles exercent, les professionnelles de l’accueil de jeunes enfants notent que le terme de sexualité infantile est très peu utilisé dans le vocabulaire quotidien lorsque l’on parle des enfants de moins de trois ans. S’agit-il d’une méconnaissance, d’un déni, ou d’une gêne liée à l’idée qu’on se fait de l’enfant : « Si petit, peut-il avoir une sexualité ? » Si le terme est utilisé, il l’est uniquement pour parler d’une sexualité qui se voit. Ainsi dans une collectivité d’enfants de moins de trois ans, les comportements sexualisés tels l’exhibition et la masturbation, lorsqu’ils deviennent excessifs, peuvent déranger, voire mettre en difficulté les adultes et les enfants qui y sont confrontés. Ils amènent interrogations et réflexions.
4 Nicolas, âgé de 22 mois, joue à se déshabiller au sein d’un groupe d’enfants du même âge. Debout dans la pièce, il se montre aux autres. La nudité suscite chez lui une excitation difficile à canaliser par les adultes qui ne réussissent pas à lui faire garder ses vêtements. Il les enlève de façon compulsive pendant tout un après-midi, ce qui va provoquer une inquiétude chez une petite fille qui va se mettre à pleurer.
5 Ce type de comportement n’est pas rare chez les enfants de cet âge. Il semble qu’au moment de l’acquisition de la propreté, le fait de ne plus porter des couches modifie chez l’enfant la relation à son corps. En effet on peut constater que, vers 2-3 ans, la semi-nudité (slip et torse nu) excite les enfants au point de troubler leur endormissement. Il est alors nécessaire de les couvrir d’un drap léger ou de sous-vêtements pour les apaiser, même lors de forte chaleur. Il est à noter que ces mêmes enfants s’endormaient tranquillement l’année précédente.
6 La fin des couches correspond à une « libération » : l’enfant devient un peu plus maître de son corps puisqu’il va régler lui-même son passage aux toilettes. Du côté des adultes, un mouvement plus net de reconnaissance de l’identité sexuée des enfants se fait également. C’est aussi à ce moment-là que la possibilité de se toucher, ou de toucher les autres pour une connaissance réciproque, se trouve accrue.
7 Ainsi, pendant de nombreuses semaines, à chaque fois que les sept enfants d’un groupe se retrouvent dans la piscine, Maxime, âgé de 30 mois, slip baissé, se masturbe devant ses camarades, qui, du coup, cessent de jouer pour le regarder. Les nombreuses tentatives des adultes pour l’aider à garder son slip restent sans effet. Son activité masturbatoire prendra fin lorsque les jeux de glisse et de toboggan vont pouvoir s’élaborer entre enfants.
8 En grande section, se pose la question de la pudeur. Comment est-elle initiée par l’éducation ? Que privilégie-t-on comme espace intime à la maison ? et à la crèche ? dans les toilettes collectives ? À cet âge-là, la distinction se fait nettement entre la curiosité essentielle et l’excitation permanente, entre la réassurance de l’enfant qui se touche et s’endort, et celui qui s’engage dans de l’auto-érotisme compulsif. Dans un premier temps, les réactions des adultes face à ces comportements semblent liées, non seulement à la connaissance qu’ils peuvent avoir de la sexualité infantile, mais aussi à leur propre histoire. Une élaboration secondaire peut s’avérer nécessaire quand l’envahissement ou la répétition alertent les adultes qui s’interrogent alors sur les causes d’une masturbation compulsive ou ses conséquences.
9 En crèche collective, on observe comment, en prolongement des soins dans son milieu familial, le jeune enfant construit les prémisses de sa vie sexuelle en relation avec les personnes – auxiliaires et éducatrices – qui l’entourent au quotidien. D’où l’importance d’échanger sur ces sujets.