1 Ni centre de loisirs ni boîte à bac, l’École ouverte introduit une rupture dans le fonctionnement habituel de l’institution scolaire. Elle s’intègre dans l’itinéraire des jeunes au même titre qu’un séjour en famille ou en colonie, elle participe à une stratégie d’occupation de leurs vacances.
2 En 1991, l’opération École ouverte est lancée à titre expérimental dans les trois académies d’Île-de-France, à l’initiative des ministères de l’Éducation nationale et des Affaires sociales et de l’Intégration, du Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles et de la Caisse des dépôts et consignations. Sa mise en œuvre prend appui sur des partenaires telles les collectivités territoriales et les associations. Sa cible concerne les collèges ou lycées classés établissements sensibles ou implantés dans des zones d’éducation prioritaire (zep) urbaines, des zones urbaines sensibles ou des quartiers concernés par les actions de la politique de la ville. C’est une opération qui repose sur le seul volontariat du chef d’établissement, du personnel d’encadrement et des jeunes.
3 Les premières années, l’opération, qui ne touche que quelques académies (en 1995, on en dénombre 14), se déroule seulement pendant les vacances d’été. En 1996, suite aux résultats encourageants, le dispositif est amplifié et intégré au pacte de relance pour la ville. Toutes les académies peuvent y participer et la durée d’ouverture des établissements s’étend à l’ensemble des congés scolaires, ainsi qu’aux jours de congé hebdomadaires (mercredi et samedi).
4 En 1994, et surtout en 1998, une charte et une note technique formalisent les objectifs de l’opération École ouverte tels que : rétablir l’égalité des chances, prévenir l’échec scolaire et favoriser l’intégration sociale. Le but est de donner une image positive de l’école en modifiant les représentations des jeunes souvent en difficultés scolaires et de faire naître en eux un sentiment d’appartenance à la communauté scolaire.
Qui fréquente l’École ouverte ?
5 Même si le dispositif École ouverte concerne officiellement l’ensemble des jeunes de 11 à 18 ans habitant le quartier, dans les faits, ce sont les élèves de cm2, 6e et 5e qui sont prioritairement concernés. Pour les élèves des écoles primaires, c’est l’occasion de faire connaissance avec leur futur établissement et de se préparer ainsi à la rentrée. Dans certains cas – rapprochement de la fratrie ou politique d’établissement –, des participants plus jeunes ou plus âgés peuvent être accueillis. Les chefs d’établissement que nous avons rencontrés soulignent la sur-représentation des professions et catégories sociales scolairement défavorisées (sans emploi, ouvriers, employés). Ils indiquent que beaucoup de familles sont en situation de grande pauvreté. Sont évoquées aussi les tensions entre ethnies.
Un travail individualisé, des loisirs, des sorties et du sport
6 À Paris, l’École ouverte oscille, à des degrés divers, entre le scolaire et le loisir. Les situations d’accompagnement scolaire représentent un tiers de l’ensemble des activités proposées. Elles se déroulent toujours le matin, elles s’organisent en petits groupes. Elles prennent des formes variées selon les établissements : révision, aide méthodologique, atelier de remédiation. Les sorties culturelles, les loisirs et le sport dominent largement. Les activités manuelles ou artistiques valorisent l’effort accompli et dépassent l’idée d’une consommation passive. Le sport est conçu comme un catalyseur afin d’amener les jeunes vers d’autres actions de type scolaire, culturel ou créatif. Il est revendiqué comme outil de socialisation. L’apprentissage de ses règles suppose la reconnaissance de la nécessité de la loi et du respect de l’autre.
7 Les équipes d’animation composées de personnels divers privilégient un mode de fonctionnement favorisant chez les jeunes l’autonomie, la prise d’initiative et de responsabilité. Elles les impliquent donc dans le choix et l’organisation des activités, auxquelles ils n’ont pas habituellement accès. Les activités offertes servent de prétexte pour faire découvrir que l’apprentissage peut être une source de plaisir. « Dans le cadre scolaire, si on emmène les élèves au musée, ils sont réticents ; en revanche, dans le cadre de l’école ouverte, ils sont contents », confie un principal de collège.
À la croisée du scolaire et de l’action sociale
8 « Au lieu de regarder la télé ou de faire des bêtises dans la rue, c’est être ici occupé et encadré » ; « L’École ouverte crée un climat propice à mieux aborder l’année à venir ». L’École ouverte est donc un moyen de vider la rue et un outil de remotivation scolaire. Par son action de lutte contre le désœuvrement et l’inégalité face aux vacances et par son objectif de préparation de la rentrée, elle devient un instrument de prévention lorsque peut régner autour l’illégalité (racket, drogue et affrontements entre bandes rivales). Elle est utilisée par les chefs d’établissement comme un moyen de développer le sens de l’engagement, de la relation contractuelle entre jeunes et adultes, ce qui correspond à un apprentissage de la citoyenneté. L’assiduité requise, la plupart du temps, non pas à la journée, mais à la semaine, conditionne la participation aux loisirs convoités. Le calme, le respect mutuel et l’acceptation des contraintes sont des conditions indispensables pour y être accepté.
9 Les résultats académiques montrent un fort volume de participation. En terme de vie scolaire, un constat revient : diminution de l’absentéisme, développement de valeurs (solidarité, respect, solidarité), implication plus nette dans la vie de l’institution scolaire. Un lycée qui pratique l’École ouverte est repéré par les jeunes et donne le signal fort du genre : « Ici, on ne vous laisse pas, on ne vous lâche pas, même à un moment comme les vacances », dit un proviseur. Cette amélioration de l’image de l’école peut avoir des répercussions sur la hausse des effectifs et sur la réputation de l’établissement. L’École ouverte est un signe de changement. L’institution scolaire n’est plus seulement un lieu de sanction de compétences des jeunes ou un outil de sélection, elle se montre également un lieu d’intégration.
Mots-clés éditeurs : égration, é, école ouverte, évention, échec scolaire