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Article de revue

Proximité pubertaire

Pages 124 à 131

Notes

  • [*]
    Séance des « Minutes de Vienne », du 13 février 1907, consacrée à la pièce de Wedekind L’Éveil du printemps.
English version

1 La proximité sensorielle avec le parent du sexe opposé n’est pas une difficulté de l’Œdipe infantile. Pour deux raisons à cet âge : d’une part, le corps de l’objet primaire, source des plaisirs passifs, est encore prégnant. D’autre part, la réalisation incestueuse en connaissance de ses moyens est physiologiquement impossible pour l’enfant. Les rapprochés sensoriels avec les deux parents apparaissent même nécessaires au développement harmonieux de l’enfant, pour l’apprentissage de la tendresse par exemple.

2 À l’adolescence, les données changent. La néotonie de l’enfance n’a plus cours : l’adolescent n’a plus besoin de l’adulte pour subvenir à ses besoins. L’inceste et le parricide, potentiellement réalisables, favorisent l’adéquation des interactions. Ces éléments dessinent la spécificité de l’excitation adolescente : sa susceptibilité sensorielle érotique et agressive vis-à-vis des adultes et en particulier des parents. Cette excitation, dont la satisfaction partielle ou totale serait une catastrophe pour le sujet, va devoir trouver un destin.

3 La séduction exercée par le parent du même sexe existe aussi, bien sûr. Trop excitante, elle barre l’accès au postulat pubertaire dont nous traitons ici et qui se caractérise par son asymétrie : attirance pour le parent du sexe opposé – haine pour le parent du même sexe.

4 Seul le négatif du pubertaire est perceptible chez l’adolescent ordinaire. Retenons toutefois que chaque adolescent doit faire face à l’excitation érotique et aussi à l’agressivité parricidaire, deuxième volet souvent oublié mais pourtant sensible dans les passages à l’acte violents, des garçons notamment.

Objet pubertaire : le parent

Excitations adolescentes

5 Pour l’observateur non averti, l’excitation adolescente ne semble pas contingente à un objet particulier. Les adultes sont parfois les témoins de ces montées pulsionnelles groupales d’adolescents qui semblent obéir à des lois plus quantitatives que qualitatives. Au numéro vert Fil Santé Jeunes, l’exaspération sensorielle est souvent exprimée sous forme de plaisanteries où l’oralité et l’analité côtoient allègrement le génital, ou par des scénarios décrivant des scènes masochistes, hétéro et homosexuelles. L’adolescent semble faire feu de tout bois, comme l’illustre cet appel d’une fille de 16 ans au ton léger : « Je me demande si je ne suis pas nympho… Tout m’excite… Tout ce qui ressemble à… vous savez quoi… Même votre voix, elle m’excite. » Il est vrai que l’adolescent sexualise tout. Par exemple, il ne pourra pas, sans rire, prononcer le mot « chatte » ou manger une banane en public. Cette apothéose des pulsions infantiles peut être entendue comme un retour à la perversion polymorphe de l’enfant avant la détermination de l’objet. Nous la comprenons plutôt comme une tentative de régler leur compte aux différentes formes de la sexualité infantile au moment où l’objet génital advient.

Renouveau œdipien

6 Sur le numéro vert, scénarios de viols, d’abus sexuels ou de grossesse sont souvent des fantasmes œdipiens déguisés. L’injure préférée (« Nique ta mère ») des adolescents actuels n’est-elle pas une représentation d’un désir précisément refoulé qu’ils aiment à projeter sur l’autre ? À un moindre degré, le jeu des collégiens d’appeler garçons et filles du prénom de leur père ou de leur mère obéirait au même principe. Rarement appréhendable directement, la poussée pulsionnelle vers les parents est souvent transférée sur des successeurs directs (le frère ou la sœur) ou sur des substituts (les professeurs). Des adolescentes se passionnent pour des professeurs qu’elles poursuivent de leur assiduité au point que certains envisagent de porter plainte. Mais, le plus souvent, les désirs incestueux sont voilés et c’est au contraire la mise à distance des parents par l’adolescent que l’on peut observer. La proximité corporelle avec le parent de sexe opposé est intolérable pour l’adolescent, justement parce qu’il est l’objet électif de celui-ci.

Exciter plutôt qu’être excité

7 En ce qui concerne les appels reçus à Fil Santé Jeunes, n’oublions pas qu’ils s’adressent à un adulte. Si l’autre parental, et de façon générale l’adulte, est l’objet privilégié de l’adolescent, l’offre d’être écouté par des adultes spécialistes de la santé serait-elle excitante pour certains ? Particulièrement excitable, l’adolescent supporte mal que l’excitation vienne de l’extérieur. Les objets hétérosexuels peuvent être vécus comme persécuteurs parce qu’excitants. Subir passivement est contraire à l’économie libidinale pubertaire. Peut-être par identification à « l’agresseur », l’adolescent préférera exciter l’autre qu’être excité par lui. Que l’on pense au déguisement outrageusement suggestif des fillettes qui s’arrangent pour être vues ainsi accoutrées par leur père ou, au contraire, à celles qui, plus tard, cachent leurs formes pour les mêmes raisons. L’intuition de l’adolescent que son corps peut exciter l’adulte n’est pas sans fondement. Et cela est sans doute plus difficile à admettre !

L’adulte excité

8 L’adéquation des interactions implique que l’adulte aussi est potentiellement excité par l’adolescent (Gutton, 1991). L’accès de l’adolescent à la génitalité n’est pas sans effets sur les parents, qui doivent désinvestir l’enfant du passé et, eux aussi, élaborer l’excitation nouvelle. Ce travail peut être plus ou moins difficile, en fonction de leur propre adolescence. Remises en cause de leur propre sexualité, crises conjugales, passages à l’acte et dépressions surprennent les parents d’adolescents. Cette interaction est également sensible dans les cures d’adolescents : on ne peut qu’être frappé de l’importance de la sensorialité dans les descriptions de jeunes patients. C’est que l’apparence de l’adolescent « touche » le thérapeute. La séduction exercée par le corps de l’autre peut gêner le travail associatif.

Le face-à-face

René Roussillon interroge l’impact traumatique de la présence « visuelle » de l’autre sur le fonctionnement psychique dans le face-à-face, communément utilisé avec les adolescents. « Une partie du travail de liaison psychique va donc devoir être consacrée à la présence “visuelle” de l’objet et ce qu’elle implique comme contrôle réciproque potentiel. Le fonctionnement psychique doit trouver une manière de composer avec la double contrainte d’un contact simultané avec d’une part la chaîne associative, et de l’autre celui des effets de la présence perçue. Il faut faire avec la présence de l’objet plus qu’avec la question de son “absence” et cette question appelle le transfert de la manière dont les objets œdipiens ont pu avoir un mode de présence traumatique pour le sujet. » Le face-à-face « permet une analyse, une remise en analyse, d’un certain nombre de “solutions historiques” au problème de la séduction par la présence et l’influence actuelle de l’autre [*] ». Ces considérations peuvent être étendues aux autres sens, le toucher, l’odorat… R. Roussillon utilise d’ailleurs l’expression générale de « présence perceptive ».

Séductions adultes

Adultes excitants

9 Le parent est l’objet du pulsionnel adolescent. Par déplacement, tout éducateur d’adolescents est placé dans un rôle de séducteur potentiel. Sans s’en rendre compte, un enseignant peut être excitant par des propos trop adéquats aux sensations contemporaines de l’adolescent. Dans une interview, le pianiste F.-R. Duchâble racontait : « Tout en me privant de plaisir, mon professeur tentait d’assouplir mon jeu avec ces paroles : “Pénètre le clavier comme une motte de beurre.” À l’adolescence, cette image me révulsait. » Il est insupportable pour l’adolescent d’être excité sans maîtriser un tant soit peu la source de l’excitation. L’éducation sexuelle, délivrée dans les classes de troisième, alimente l’excitation omniprésente à cet âge. On ne mesure peut-être pas suffisamment la séduction qui consiste à s’adresser directement aux adolescents pour leur parler de sexualité sans utiliser le voile de médiations dont « le manège des préservatifs » ne nous semble évidemment pas le meilleur exemple. Le caractère fantasmatiquement explosif de l’affaire est ressenti de part et d’autre : par les enseignants, qui, pressentant plus ou moins consciemment qu’à cet âge il est difficile d’informer sur ce sujet sans séduire, refusent ce rôle. Et par les élèves, chez qui l’on observe souvent excitation maniaque ou retrait défensif lors de ces séances. Dans un collège, un groupe d’adolescents avait monté une barricade de tables et de chaises devant la porte de la salle où se déroulait la séance d’éducation à la sexualité. Avant même d’en connaître le contenu, ces garçons éprouvaient le besoin de neutraliser leur excitation. Côté adulte, des interventions qui se bornent à la prévention du sida et des grossesses précoces participent sans doute d’un même mouvement défensif.

Adultes défaillants

10 Les parents ne sont pas les mieux placés pour aider l’adolescent dans le nécessaire déplacement de l’excitation. Certains, avec la meilleure volonté du monde, entravent ce travail d’adolescence. En continuant par exemple à traiter l’adolescent en enfant, ce qui exacerbe ses pulsions passives au moment où doit s’affirmer son activité génitale. Qu’il se révolte est le signe de sa santé psychique. La masse des appels reçus à Fil Santé Jeunes permet de se faire une idée d’attitudes adultes déstabilisantes pour l’adolescent. Des situations apparemment insignifiantes, comme partager ses cigarettes, plaisanter sur le haschich, emprunter le langage adolescent, porter les mêmes vêtements que lui, représentent des conditions excitantes pour l’adolescent. Ces séductions peuvent inaugurer divers passages à l’acte. Fugue, tentative de suicide, pulsions de fuite signent souvent le caractère excitant du cadre éducatif. Une complicité maternelle ambiguë ou la provocation « parricidaire » d’un père excite l’adolescent. Un garçon de 16 ans, qui avait fait une tentative de suicide dans le mois précédent, appelle Fil Santé Jeunes après une dispute violente avec son père : « Je m’en vais à chaque fois parce que j’ai peur de le frapper. » Les parents se disputent souvent à son propos, sa mère le rend complice de petites fraudes diverses, mais tout le monde se réconcilie autour d’un joint partagé.

11 Par ailleurs, la rupture du couple parental au moment de l’adolescence des enfants peut empêcher l’investissement d’objet hors du cadre familial, surtout si l’un des parents est abandonné. Toute réalité extérieure qui barre le refoulement en offrant du « possible » bloque l’adolescent dans son développement. Dans les familles dites « recomposées », qu’en est-il d’un interdit qui ne s’inscrit pas dans la réalité de la consanguinité ? Ce garçon de 17 ans accusé d’avoir violé sa belle-mère a-t-il transgressé l’interdit de l’inceste ?

12 Quant aux appels des parents eux-mêmes, déjà hors cadre sur une ligne téléphonique destinée aux adolescents, ils traduisent souvent un désir de s’immiscer dans l’intimité de l’adolescent. Ce dépassement du cadre est souvent signifiant, comme l’illustrent les paroles de la mère d’un garçon de 19 ans dont le fond rejoint la forme : « Je ne peux pas pénétrer dans son monde, donnez-moi le mot, la parole pour créer le déclic. »

Traumatisme

13 Quand le sensoriel trop prégnant vient à la rencontre des désirs œdipiens de la puberté, on peut parler de traumatisme, au sens freudien d’une coïncidence entre le désir et la réalité. Ce traumatisme provoquerait une rupture de développement. Quelques séquences cliniques, où la vue, l’ouïe et le toucher font effraction chez des adolescents, illustrent ce propos.

14 – La vue

15 Raphaël, 18 ans, est admis dans un service de psychiatrie adulte après une tentative de suicide. Un an plus tôt, sa mère a fui le domicile conjugal en emmenant son grand fils. Pendant plusieurs mois, ils partageront un petit studio où il n’y a qu’un seul lit. Face à la proximité visuelle et tactile du corps maternel, s’est développée chez Raphaël une peur de la pensée. Le fantasme n’existait pas, car le corps de sa mère était là, « à portée de main ». Il a dépensé beaucoup d’énergie à ne pas penser, ne pas fantasmer, ne pas rêver. Dans le transfert, se répète la prégnance d’un visuel excitant qui obture la pensée fantasmatique et suscite des défenses névrotiques, telle l’isolation obsessionnelle, qui rendent difficile une prise en charge psychothérapique.

16 – L’ouïe

17 Un garçon de 17 ans appelle Fil Santé Jeunes, troublé par les bruits des rapports sexuels de la mère et de son amant qui viennent jusqu’à ses oreilles. Il finira par dire qu’il se masturbe en entendant les cris orgasmiques de sa mère derrière la cloison trop mince. Là encore, la réalité excitante détermine la fixation à l’objet parental.

18 – Le toucher

19 Une mère en rupture conjugale se retrouve, depuis quelques semaines, seule avec son grand fils de 16 ans. En larmes, elle appelle Fil Santé Jeunes : le garçon « a fait une crise » ce soir parce qu’elle a touché à son ordinateur pendant son absence. Elle l’a éteint. Elle ne comprend pas la réaction d’intense violence de l’adolescent, qui a menacé de se suicider. Elle a essayé de le calmer en lui prenant la main – réponse complètement inadéquate, ou trop adéquate, qui a déclenché sa furie et ses coups. Elle ajoute : « Il est intouchable. »

20 En institution, fréquents sont les passages à l’acte qui font suite à des petites réprimandes corporelles infligées par les équipes éducatives à un enfant dont la transformation pubertaire n’a pas été prise en compte. L’exigence de distance sensorielle avec l’adolescent est difficilement conciliable avec la prise en compte des carences précoces. Comment, par exemple, gérer l’énurésie de l’adolescent placé en foyer ? Le paradoxe de la prise en charge institutionnelle de l’adolescent carencé peut se traduire par des positions radicales des équipes concernant l’autonomie.

21 Dans trois cadres distincts, la psychothérapie en face-à-face, le téléphone et l’institution, ces situations témoignent de l’inflation psychique que peut produire un rapproché trop adéquat avec l’objet parental. Dans le premier exemple, on peut supposer qu’à la vue s’est ajoutée la promiscuité tactile et « odorante » à la mère. Comme dans la chanson où certains se tuent parce qu’ils « en ont vu de trop » ; l’hypothèse d’un excès de promiscuité sensorielle au moment où doit s’élaborer le fantasme est à interroger dans la clinique de la fugue ou du suicide. Elle nous permet d’entendre au sens propre ces paroles d’un adolescent séparé de sa mère par un placement : « Moins je la vois, mieux je me porte. »

Destins de l’excitation

22 « C’est moi que l’on voit toujours seul rêvant sur le banc d’Argenton. Je m’entretiens avec moi-même de politique, d’amour, de goût ou de philosophie. J’abandonne mon esprit à tout son libertinage. Je le laisse maître de suivre la première idée sage ou folle qui se présente, comme on voit dans l’allée de Foy nos jeunes dissolus marcher sur les pas d’une courtisane à l’air éventé, au visage riant, à l’œil vif, quitter celle-ci pour une autre, les attaquant toutes et ne s’attachant à aucune. Mes pensées, ce sont mes catins (Diderot, Le Neveu de Rameau). » Cette citation illustre l’adolescence réussie, le déplacement de l’acte vers le fantasme.

23 La pulsion pubertaire doit trouver un destin acceptable par le sujet. Sa satisfaction est désubjectivante et conduit au pire : on sait qu’un inceste précède souvent un parricide. Au contraire, l’inaccessibilité de l’objet permet l’assomption symbolique du sujet et autorise le transfert des motions érotiques et agressives. En s’attachant à un objet adéquat (selon le mot de Freud dans les Trois essais sur la sexualité) et/ou en s’adonnant à des activités sublimatoires diverses, l’adolescent se dégage du pubertaire.

Verbalisation de l’excitation

24 Dans un cadre qu’ils maîtrisent, les plus jeunes verbalisent aisément leur excitation. Au numéro vert Fil Santé Jeunes, les filles et quelques garçons, dès 11-12 ans, traduisent l’excitation pubertaire par des « modalités d’actions jouées », selon le mot d’Hélène Deutsch (1987) : petites mises en scène, souvent créées à plusieurs et racontées à l’adulte comme une vérité – grossesses, rapports sexuels, rivalités amoureuses, etc. Sur le plan économique, mettre en mot l’excitation, en disant : « Je suis en chaleur » ou « Je suis en manque… de sexe » permet à l’adolescent une sorte d’allégement psychique, selon le mot de Reittler, disciple de Freud à propos du journal intime des adolescents [*]. Le fait que cette parole soit adressée à quelqu’un qui peut réagir évite la défense obsessionnelle que Freud voyait dans le journal intime. Un refoulement, pas trop sévère de manière à laisser place aux plaisanteries ou aux mots d’esprit, est le signe du travail d’adolescence en cours. Du côté de l’écoutant, nommer l’excitation ou élaborer avec l’adolescent, quand il nous en laisse le temps, nous paraît occuper une fonction pare-excitante.

Défenses tactiques contre l’excitation

25 Un peu plus tard, ce sont les mouvements de défense face à cette excitation qui permettent de deviner la poussée pulsionnelle sous-jacente : pudeur, phobies plus ou moins invalidantes traduisent le travail de transformation de l’archaïque pubertaire en constructions adolescentes acceptables par le sujet. Ici, le refoulement est à l’œuvre et se traduit par des renversements en son contraire, des banalisations ou des intellectualisations qui attestent de l’effort de mise à distance de l’objet parental. Par un retournement fréquent, l’excitation est transformée en dégoût. L’excès signe la pathologie.

Scènes pubertaires

26 Le refoulement est un destin indicateur de bonne santé s’il n’inaugure pas de trop lourds symptômes névrotiques, mais ouvre la voie de la fantasmatisation, voire de la sublimation. C’est le modèle développé par Freud dans ses « Contributions à la psychologie de la vie amoureuse » (1912). Après la célèbre et très opérante opposition de la mère et de la putain, Freud décrit le parcours normal de l’enfant aux alentours de la puberté : « Les motions (les désirs œdipiens pour la mère) n’ont pas d’autre issue, quand elles ne passent pas vite, que d’achever leurs cours dans des fantasmes ; ceux-ci ont pour contenu, sous les formes les plus variées, l’activité sexuelle de la mère, et la tension qui les accompagne trouve avec une particulière facilité sa résolution dans la masturbation. » Il précise qu’à la puberté, les fantasmes préférés concernent des infidélités de la mère avec un amant qui revêt presque toujours « les traits du moi propre, plus exactement les traits de la personnalité propre idéalisée devenue adulte et élevée au niveau du père ». Cette définition recouvre ce que Philippe Gutton nomme la scène pubertaire (Gutton, 1991), qui signerait le bon fonctionnement psychique de l’adolescent et qui serait le critère d’une cure réussie.

27 Le fantasme permet de se détacher de la séduction exercée par le corps réel. Comment la scène pubertaire qui, rappelons-le, concerne le sujet en tant qu’acteur dans un rapport sexuel incestueux, peut-elle s’élaborer dans la vie psychique d’un adolescent quand la réalité la lui offre ? Autant la sensorialité de l’objet est nécessaire à l’enfant, autant elle est contraignante à l’adolescence. L’inaccessibilité de l’objet est une condition du nécessaire fantasme incestueux. Pour qu’un jeune pubère puisse développer son adolescence, c’est-à-dire élaborer une scène pubertaire, les parents ne doivent-ils pas être, un tant soit peu, absents sensoriellement ?

28 La scène pubertaire n’est possible que si la familiarité du « parent incestueux » se voile d’étrangeté, autrement dit s’il prend pour un temps le statut d’un inconnu. Fil Santé Jeunes offre la possibilité de déplacer sur l’écoutant anonyme, lointain, les pulsions érotiques et agressives. Transferts, déplacements, substitutions, aident l’adolescent dans le nécessaire passage du familier à l’étranger.

Bibliographie

Bibliographie

  • Deutsch, H. 1987. La Psychologie des femmes, t. 1. « Enfance et adolescence », Paris, puf, Quadrige.
  • Freud, S. 1912. « Contributions à la psychologie de la vie amoureuse. D’un type particulier de choix d’objet masculin », dans La Vie sexuelle, Paris, puf, 1992.
  • Gutton, P. 1991. Le Pubertaire, Paris, puf.
  • Gutton, P. 2000. Psychothérapie et adolescence, Paris, puf.

Notes

  • [*]
    Séance des « Minutes de Vienne », du 13 février 1907, consacrée à la pièce de Wedekind L’Éveil du printemps.
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