Notes
-
[1]
Qu’est-ce que la philosophie ?, Gallimard, 1957, p. 50
-
[2]
« Penser Humboldt aujourd’hui », in La pensée dans la langue ; Humboldt et après, PUV, Saint-Denis, 1995, p. 14.
-
[3]
Chapitre 31 (« caractère des langues ») de Über die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues und ihren Einfluss auf die geistige Entwicklung des Menschengeschlechts, in Gesammelte Schriften, B. Behr’s Verlag, tome VII, première section, Berlin, 1907, p. 172. La traduction de Pierre Caussat porte le titre d’Introduction à l’œuvre sur le kavi, Seuil, 1974.
-
[4]
Humboldt ou le sens du langage, Mardaga, 1992.p. 166.
-
[5]
p. 248 de la traduction de son livre, La forme interne du mot. Études et variations sur des thèmes de Humboldt. Kimé, 2007. Traduit du russe par Nicolas Zavialoff.
-
[6]
Ibid. p. 108.
-
[7]
Über die Verschiedenheit…, in Gesammelte Schriften, VII, 1, p. 41.
-
[8]
Gesammelte Schriften, VII, p. 188.
-
[9]
Lettre à André Fontainas, in Réponses, Au Pigeonnier, 1928.
-
[10]
Voir la huitième étude de La métaphore vive, en particulier la page 394 de l’édition de poche (Points essais, Seuil, 1975).
-
[11]
Le chemin vers la parole, in Acheminement vers la parole, Gallimard, 1976, trad. Fédier. « Il n’est plus possible de se pourvoir en représentations générales, comme “énergie”, “activité”, “travail”, “force de l’esprit”, “aperçu du monde”, “expression” – en vue d’y caser la parole comme cas particulier de cette généralité. » (p. 236 de cette traduction.)
-
[12]
p. 30-31 de son Poesie und Einbildungskraft, zur Dichtungtheorie Wilhelm von Humboldts, J.-B. Metzler éd., 1967.
-
[13]
Voir l’ensemble du premier chapitre de cet ouvrage, « Qu’est-ce qu’écrire ? », Gallimard, 1948.
-
[14]
Gesammelte Schriften, VII, p. 77 et 78.
-
[15]
Ibid, VII, p. 194.
-
[16]
Ibid., VII, p. 193.
-
[17]
Propos sur la poésie, Au Pigeonnier, 1930, p. 466.
-
[18]
Gustav G. Chpet, La forme interne du mot, Kimé, 2007, p. 227.
-
[19]
Gesammelte Schriften, VII, p. 15.
-
[20]
Ibid., VII, p. 193.
-
[21]
Traduction Christophe Losfeld, Presses Universitaires du Septentrion, 1998. Humboldt a également rédigé en français, à l’intention de Mme de Staël, un texte plus court, qui entend caractériser l’imagination poétique. Nous en dirons quelques mots plus loin.
-
[22]
Ibid., VII, p. 76.
-
[23]
Ibid., VII, p. 193.
-
[24]
Ibid., VII, p. 200-201.
-
[25]
VII, p. 201.
-
[26]
VII, p. 197.
-
[27]
Caussat écrit que « tous les commentateurs notent le caractère très exceptionnel de telles désignations philosophiques dans l’œuvre de Humboldt. » (note 3, p. 362 de sa traduction).
-
[28]
Esthétique, traduction S. Jankélévitch, Aubier, 1945, Tome III, p. 17.
-
[29]
VII, p. 193.
-
[30]
VII, p. 196 et 197.
-
[31]
Notes pour une esthétique non aristotélicienne, in Oeuvres complètes, Editions de la différence, sans date, tome III, p. 204. Traduction Dominique Touati et Simone Biberfeld.
-
[32]
Essais aesthétiques de M. Guillaume de Humboldt, à Brunswick, chez Frédéric Vieweg l’aîné, 1799. (Tiré à part, retrouvé dans une bibliothèque de Munich par K. Müller-Vollmer, d’un essai publié dans le Magasin Encyclopédique d’Aubin Louis Millin, Paris, année V, tome V.)
-
[33]
O.C.
-
[34]
Essais aesthétiques de M. Guillaume de Humboldt, 1799, p. 7.
-
[35]
VII, p. 195.
-
[36]
« Cantiques spirituels », in Variétés, V, p. 178-179, Gallimard, 1944.
-
[37]
VII, pp. 195-196.
Entre elles deux, pensée et poésie, règne une parenté plus profondément retirée, parce que toutes deux s’adonnent au service du langage et se prodiguent pour lui. Entre elles deux pourtant persiste en même temps un abîme profond, car elles « demeurent sur les monts les plus séparés. » [1]
Voir le signe à partir du poème, transformer la notion du rythme et par là toute la théorie du langage. Passer d’une pensée du discontinu à une pensée du continu. Refaire la pensée du langage à partir de la poétique. [2]
1C’est dans la parole, et dans l’écriture, que, selon Humboldt, se manifestent les potentialités les plus profondes des langues, de leur individualité. Humboldt nomme cela le caractère des langues. En ce sens, c’est bien la langue qui parle, ou qui du moins porte la parole, et le style, des grands penseurs et écrivains. On ne saurait opposer l’organisme grammatical et lexical de la langue à la parole que par commodité scientifique.
Wenn man den Charakter der Sprachen von ihrer äusseren Form, unter welcher allein eine bestimmte Sprache gedacht werden kann, absondert und beide einander gegenüberstellt, so besteht er in der Art der Verbindung des Gedanken mit den Lauten. Er ist, in diesem Sinne genommen, gleichsam der Geist, der sich in der Sprache einheimisch macht und sie, wie einen aus ihm herausgebildeten Körper beseelt. [3]
Si on abstrait le caractère des langues de leur forme externe, sans laquelle une langue déterminée ne saurait être pensée, et qu’on les oppose l’un à l’autre, alors le caractère consiste dans la manière dont la pensée s’unit aux sons. C’est, compris en ce sens, pour ainsi dire l’esprit, qui vient se loger dans la langue, et l’animer comme un corps qu’il aurait sécrété à partir de lui-même.
3Jürgen Trabant note que « c’est au paragraphe 33 sur la poésie et la prose que culmine la discussion sur le caractère. Aujourd’hui, on a pris pour habitude de ne plus lire ces chapitres de l’Introduction auxquels tout aboutit. Ce faisant, on méconnaît largement la fonction de « clef de voûte » que remplit l’étude du caractère dans l’architecture de l’édifice humboldtien. » [4]
4Il s’agit du paragraphe, ou du chapitre, de l’Introduction à l’œuvre sur le kavi, qui porte le titre de « Charakter der Sprachen. Poesie und Prosa ». Malgré la remarque, très justifiée, de J. Trabant, le fil directeur de notre lecture de ce paragraphe 33 sera cependant moins la théorie du caractère que la différence entre la poésie proprement dite et la poiétique de la langue, c’est-à-dire son energeia, qui porte tout autant la prose. D’ailleurs, l’expression « caractère des langues » indique simplement l’appartenance de ce paragraphe à un ensemble plus vaste, qui commence au paragraphe 31. « Poésie et prose » constitue donc le sous-titre propre au seul paragraphe 33.
5Ce sous-titre est particulièrement alléchant pour ceux qui, à la manière d’Henri Meschonnic, se réclament de Humboldt, et entendent retenir de lui que la langue est en soi une poétique, l’organe se faisant et se refaisant de la pensée ; et finalement la pensée elle-même. Mais, selon Chpet, Humboldt n’est pas allé jusqu’au bout de ce qui fait pourtant l’essence de sa réflexion. Il a trop souvent vu dans l’expression une mystérieuse médiation, ou encore une synthèse, de la pensée et du son. Il aurait dû dire bien plutôt que la subjectivité, toujours sociale et symbolique, est en soi une poétique [5]. Elle vise la chose au travers du son, et produit ainsi, poétiquement, l’expression [6] ; une forme expressive distincte de la forme logique comme de celle de l’objet physique lui-même.
6Humboldt n’a-t-il pas écrit lui-même qu’il faudrait pouvoir penser l’origine des langues, ou du moins des plus parfaites d’entre elles, comme celle d’un mot indivis, le fruit d’une inspiration expressive ?
Wenn man es als möglich denken kann, dass eine Sprache in einer Nation gerade auf die Weise entsteht, wie sich das Wort am sinnvollsten und anschaulichsten aus der Weltansicht entwickelt, um in jede Fügung des Gedanken am leichtesten und am körperlosesten einzugehen ; so muss diese Sprache, so lange sich nur irgend ihr Lebensprincip erhällt, dieselbe Kraft in derselben Richtung gelingend in jedem Einzelnen hervorrufen. [7]
S’il est permis de penser comme quelque chose de possible qu’une langue apparaisse dans une nation exactement de la façon dont le mot s’enlève, plein de sens et d’intuition, de l’aperception du monde, pour pénétrer ainsi, de la manière la plus naturelle et la plus incorporelle, en chaque articulation de penser ; alors une telle langue, aussi longtemps qu’elle conserve ne serait-ce qu’un rien de son principe vital, ne peut manquer de susciter la même force en chaque individu, et l’engager dans la même direction.
8Sur un point, du moins, le contenu du chapitre Poesie und Prosa ne déçoit pas notre attente. Humboldt souligne en effet que la prose ne se confond pas avec l’usage quotidien, nous dirions pragmatique, de la langue, qu’elle répond à une vocation plus haute, proprement philosophique, dont la visée est la totalité dernière de toutes choses. La prose, ou du moins ses plus hautes réalisations, seules dignes de ce nom, est portée par le souffle de l’inspiration. C’est cependant tout autant un effort pour dire, c’est-à-dire penser, le divers de l’expérience avec minutie et rigueur. C’est dans l’écriture et le style philosophiques que cette inspiration trouve son expression la plus accomplie.
9C’est en ce qui concerne la poésie, que la déception, dans un premier temps du moins, est à la hauteur de l’attente. Non seulement Humboldt semble constamment dévier du thème de la poésie pour en revenir à celui de la prose, mais, surtout, il affirme clairement que la prose ne dérive pas de la poésie, c’est-à-dire que la langue n’est pas réductible dans son tout à une inspiration poétique.
10Pas davantage, il est vrai, la poésie ne serait qu’une sorte d’usage détourné de la langue, en soi prosaïque. La poésie correspond à une tendance profonde, nécessaire, de la langue en général. Autant dire que l’inspiration de la poésie n’est pas seulement distincte de celle de la prose. Poésie et prose, conformément à ce que nous avons appelé ailleurs la métaphysique de Humboldt, se rattachent à un même élan, qui est la langue toute entière, mais expriment cet élan selon deux directions distinctes.
11Quel contour plus défini donner à cette identité, et donc à la vocation de la langue en général ? Et comment penser la différence, à partir de cette source commune, de la prose et de la poésie ? C’est-à-dire, pour l’essentiel, de la philosophie et de la poésie ?
12Nous pourrions dire que tout en rattachant la tension poétique à la poiétique profonde de la langue, Humboldt ne voit dans la poésie qu’une dimension, forcément partielle, de cette poiétique. Mieux, ou pire, il rattache la poésie à ce qui dans cette création continue est menacé d’une clôture sur soi, c’est-à-dire à ce qui bloquerait la poussée de la langue vers le dire du monde, la pensée qui trouve dans la langue un appui et un dynamisme. Parce que la poésie participe autant de l’art que de la langue, elle est habitée d’emblée par la tentation d’une chute dans la musicalité. En d’autres termes, le rapport de la poésie à la pensée que porte la langue est fragile, du fait même que la visée poétique est esthétique. Par là même, le rapport de la poésie à la langue, ou du moins à la langue profonde, se voit menacé. En effet, si la langue se confond avec la pensée se faisant, l’unité de l’acte expressif et de sa visée, la langue est tout autant indissociable d’un élément expressif singulier, le son. Il arrive à ce dernier de prendre le dessus sur l’effort expressif lui-même.
13Nous retrouvons là une constante de la pensée de la langue de Humboldt. La distinction de la forme sonore de la langue et de sa poiétique plus profonde, la forme interne, ce versant plus intellectuel de la langue. Si nous comparons le statut de la poésie avec ce que dit et écrit Humboldt des différents idiomes et de leur signification profonde, la poésie se retrouve du côté des langues les plus contraignantes pour la liberté du dire ; ou si cette assimilation de la poésie au stéréotype semble absurde, la poésie a à voir avec les langues les plus volubiles, comme les langues sémites, qui finissent par préférer aux distinctions de pensée le simple jeu avec les formes du dire, avec la surabondance du matériau verbal. [8]
14Mais avant d’assimiler, à la manière de Chpet ou, d’une toute autre manière, de Heidegger, ce que dit Humboldt de la poésie à quelque limite, non de son objet, mais de sa pensée, rappelons une formule d’un auteur que nous retrouverons souvent dans cet article. Il s’agit de Valéry, qui, on le sait, n’hésitait pas à voir un rapport entre poésie et bêtise : « Le fond importe peu. Lieux communs. La vraie pensée n’est pas adaptable au vers. » [9]
15En d’autres termes, un penseur, et un poète, aussi profond que Valéry n’a eu de cesse de montrer que la poésie ne pensait pas. N’est-ce pas une raison suffisante pour prêter attention à ce passage de Humboldt, assez peu fréquenté de nos jours, comme le remarque Trabant ? Nous voulons dire par là une attention qui ne le réduise pas à une curiosité historique.
16La confusion de l’energeia de la langue avec le seul poétique, conduirait, semble nous avertir Humboldt, à se représenter une obscure origine poétique de la pensée. Nous retrouvons ici, et ce n’est pas accidentel, l’un des enjeux de la lecture ricœurienne de Heidegger. [10] C’est tout autant un des enjeux de la lecture heideggérienne de Humboldt. Si Humboldt met en lumière la clôture de la poésie, Heidegger lui a en effet retourné le compliment. Humboldt a pensé la langue, selon divers catégories, il ne l’a pas laissée se dire poétiquement. [11]
17Ce reproche, on le verra, est sans doute en partie justifié. Mais est-ce en raison des limites profondes de son penser propre, de sa clôture dans la métaphysique du sujet et dans le kantisme, que Humboldt a vu dans l’entendement une des dimensions essentielles du verbe et de la pensée ? A-t-il pour cette raison trahi la langue elle-même, et son parler ? Nous ne le pensons pas, et nous rejoignons ainsi quelque chose de la lecture cartésienne de Chomsky. Que peut faire alors la pensée, c’est-à-dire la prose, de son autre, le poème ? En quoi le poème est-il lui aussi, mais d’une autre manière, le logos, qui ne peut pas ne pas penser, et qui cependant ne pense pas à proprement parler quand il se manifeste comme poème ? Ou, ce qui constitue sans doute une question plus facile, et qu’en tout cas Humboldt a su mieux poser et résoudre, en quoi le poème n’est-il déjà plus le logos, mais participe-t-il de cet autre domaine expressif qui a passionné Humboldt, l’esthétique ? Répondre à ces questions, c’est s’affronter aussi à cette interrogation lancinante : pourquoi, dans la deuxième partie de sa vie intellectuelle, Humboldt a-t-il assimilé l’humanité de l’homme au seul langage ?
18Il est en tout cas remarquable, toujours dans la perspective heideggérienne d’une clôture de la pensée de Humboldt dans la métaphysique, que Humboldt ne rattache pas la poésie et la prose à l’esprit en général, mais bien au seul langage. Il s’agit de comprendre en quoi la langue, c’est-à-dire la pensée incarnée dans le son, ne pouvait épancher son propre élan que dans ces deux seules formes d’expression. En ce sens, la question de la poésie et de la prose permet de faire la jonction entre l’interprétation philosophique du langage et l’attention prêtée à la parole et à la littérature.
19On l’aura compris, une fois n’est pas coutume, nous ne tenterons pas de synthétiser l’ensemble des conceptions que Humboldt s’est fait de la poésie dans ses écrits. Nous nous contenterons de commenter le seul chapitre, ou paragraphe, 33 de l’Introduction à l’Œuvre sur le Kavi ; et même nous laisserons de côté les passages qui se rapportent davantage à la question du caractère des langues, ou encore de l’écriture, qu’à celle de la poésie et de la prose.
I – La poésie, entre vérité de la langue et musique
20Comme l’a remarqué Müller-Vollmer, un autre auteur que Humboldt a traité la question de la poésie et de la prose ; c’est Sartre.
Ganz ähnlich charakteriesiert Jean-Paul Sartre, in Anlehnung an die Sprachauffassung der Symbolisten, das Verhältnis des lyrischen Dichters zur Sprache. [12]
S’inspirant de la conception symboliste du langage, Jean-Paul Sartre caractérise d’une façon toute comparable le rapport à la langue du poète lyrique.
22Mais dans ce passage de Qu’est-ce que la littérature ? – passage invoqué par Müller-Vollmer pour démontrer la modernité de la poétique humboldtienne – que dit au juste Sartre ? [13]
23Au rebours de Heidegger, Sartre ne veut voir dans la langue qu’un ensemble de mots, d’outils que la liberté vient habiter. Ainsi, la prose est-elle toujours au-delà des mots ; elle est visée de significations et de choses. Quant à la poésie, elle est en deçà du langage ; elle fait du mot un talisman, un fétiche qui contiendrait dans sa physionomie même le sens, la visée, une visée figée. Le poème participe ainsi de la chose, comme l’est l’œuvre d’art en général. L’intention se voit pour ainsi dire prise au piège, ou au jeu, d’une forme esthétique, aussi bien dans le mot isolé et fétichisé que dans la phrase.
24Ces considérations aident singulièrement à saisir la position de Humboldt. Selon lui, la prose est en effet au-delà des mots, elle est portée par une liberté. Mais cette liberté, c’est précisément la langue. C’est la langue, comme poussée, qui nous pousse à dire le monde, comme totalité, et totalité qui ne peut être saisie que dans la pensée, comme idéalité.
25Comme Sartre, encore, Humboldt considère qu’il y a dans la poésie une clôture sur soi de la langue, une indifférence à la visée et à la saisie des choses du monde et des idées. La poésie est elle aussi un acte créateur et libre, mais le dire du monde dans sa vérité n’est plus l’essentiel. La poésie tend au formalisme esthétique, à la forme esthétique, un tout qui vaut par sa beauté, non par son dire.
26Humboldt a su penser le symbolisme des mots comme symbolisme inséparable de l’analogie linguistique, répandue dans le tout de l’idiome. [14] Pourtant, si chez Sartre la poésie repose sur les qualités magiques du mot, le charme que subit en lui la signification, Humboldt tend à réduire la poésie au jeu des sons laissés à eux-mêmes, à la musique pure de la langue, dégagée de la signification. Disons-le, sa pensée est pour ainsi dire happée par la vision académique de la poésie. Ou plutôt, il manque comme un moyen terme entre les fins dernières qu’il attribue à la poésie, son élan, pour ainsi dire métaphysique, vers la totalité, où se fondent subjectivité et extériorité, et le jeu sonore du poème. Moyen terme qu’il était pourtant le plus à même de penser, de par sa théorie de l’expression et du symbolisme linguistique. Une autre différence avec Sartre, c’est que Humboldt n’attribue au poète, du moins explicitement, aucune illusion à proprement parler.
27Humboldt semble donc partagé dans son estimation de la poésie. Elle est en droit, sinon la vérité de la langue, du moins une vérité de la langue. Elle constitue bien une manifestation (Erscheinung) de l’élan qu’est la langue, au même titre que la prose. Toutes deux se nourrissent de l’expérience, pour pousser leur enthousiasme jusqu’au ciel. Malgré la conscience aiguë de la valeur de l’esthétique kantienne, il reste quelque chose de romantique dans la poétique de Humboldt.
Beide, die poetische und prosaische Stimmung müssen sich zu dem Gemeinsamen ergänzen, den Menschen tief in die Wirklichkeit Wurzel schlagen zu lassen, aber nur, damit sein Wuchs sich desto frölicher über sie in ein freieres Element erheben kann. [15]
Toutes deux, la tonalité poétique et la tonalité prosaïque, doivent se compléter et faire cause commune, et permettre à l’homme de s’enraciner profondément dans la réalité, mais seulement dans la mesure où il pourra ainsi s’élever mieux encore au-dessus d’elle, et croître joyeusement dans un élément plus libre.
29Poésie et prose constituent deux manifestations de l’élan de la langue vers l’Absolu et la totalité. Pourtant, c’est bien la prose qui recueille cet élan dans sa complétude, et lui permet de parvenir à son but, dire le monde dans sa vérité, vérité de nature intellectuelle. Ou plutôt, puisque Humboldt ne tranche pas entre la philosophie dogmatique et la philosophie critique, mais entend saisir le propre de la prose philosophique, seule la prose se donne les moyens de sa fin, qu’elle puisse ou non l’atteindre, la vérité totale. C’est que, dans la prose, la pensée prend appui sur la langue, se nourrit de son élan, sans se prendre au piège des mots. La poésie peut bien pousser ses racines dans la sensibilité, ce terreau, celui de l’âme, non encore de l’empirie, manque de réalité effective. Ou encore, la métaphore de la racine permet à Humboldt de penser la prose comme effort pour démêler les tenants et aboutissants de la nature, effort d’entendement, quand la poésie se contente d’exprimer, selon un jeu de l’imagination avec les idées et les sons, l’identité foncière de l’intériorité et de la sensibilité externe.
30La poésie n’est pas sans rapport avec la réalité, du moins la réalité immédiate. Elle y trouve parfois comme un remède de son inévitable grandiloquence, de ses inévitables fumées formelles ou mystiques. Elle est vraie, encore, dans la mesure où elle dépasse cette immédiateté, selon une inspiration rationnelle, qui est toute la pensée.
31Il n’en reste pas moins que la vérité de la poésie, c’est l’art, c’est-à-dire le Beau. Alors, et c’est très sensible dans les failles du texte de Humboldt, dans le hiatus entre l’affirmation du caractère langagier de la poésie et de celle de son caractère esthétique, le logos, qui est pensée, passe pour ainsi dire dans son autre, la forme sensible. Bien entendu, Humboldt n’oppose pas radicalement l’œuvre d’art et la parole. L’une et l’autre expriment les aspirations les plus profondes de la liberté humaine. D’abord mal dégagé des circonstances, l’art ne devient lui-même qu’en prenant conscience de ses exigences formelles, en devenant ainsi sa propre fin, ou en faisant sa fin de l’œuvre, de la forme esthétique. C’est là moins académisme que rupture avec l’immédiateté. L’Art est vrai de par cette rupture, qui est en soi Idéalité, prise de conscience d’une aspiration à la totalité que l’existence immédiate ne saurait satisfaire. Mais si la prose dépasse l’immédiateté vers la vérité, et constitue ainsi l’immédiateté en un monde, la poésie paraît se contenter d’une totalité esthétique plus ou moins factice ; au sens du moins où l’art est artifice.
Die sinnliche Erscheinung verknüpft sie sodann vor der Einbildungkraft und führt durch sie zur Anschauung eines künstlerisch idealischen Ganzen. [16]
Elle unit alors le phénomène sensible devant l’imagination et nous conduit jusqu’à la contemplation d’une totalité esthétique idéale.
33Portée jusqu’en ce point esthétique par la métaphysique immanente du logos, la poésie semble déchoir. Elle devient un simple genre de la musique, s’unit même intimement à la musique instrumentale. L’on passe donc avec une certaine brutalité d’une vision romantique des fins de la poésie à une conscience lucide de sa nature seulement esthétique.
34De nouveau, le rapprochement avec Paul Valéry semble s’imposer. En effet le texte suivant pourrait, à la rigueur, passer pour un commentaire de cette formule de Humboldt, künstlerisch idealisches Ganze.
J’ai dit sensation d’univers. J’ai voulu dire que l’état ou émotion poétique me semble consister dans une perception naissante, dans une tendance à percevoir un monde, ou système complet de rapports, dans lequel les êtres, les choses, les événements et les actes, s’ils ressemblent chacun à chacun, à ceux qui peuplent et composent le monde sensible, le monde immédiat duquel ils sont empruntés, sont d’autre part dans une relation indéfinissable, mais merveilleusement juste, avec les modes et les lois de notre sensibilité générale. [17]
36La poésie ne nous procure-t-elle donc qu’une illusion de monde, et n’est-elle qu’un semblant de pensée ? Ou même, tend-elle à se vider de pensée, de par ses accointances avec la musique, qui peuvent la conduire à une liaison dangereuse avec la musique proprement dite ?
37Mais, précisément, en quoi la musique de la langue est-elle distincte de la musique en général ? Certes, on peut rappeler la distinction de la couleur phonétique et de la hauteur musicale. Attentif à ses lacunes, Gustav G. Chpet essaie de compléter la pensée humboldtienne. La musique du poème entend dire, appréhender, non dans une forme logique, mais bien dans une forme expressive la forme du réel. [18] Ainsi le poème de la locomotive siffle et ahane comme une locomotive. Chpet est fidèle à Humboldt, en ce que ce dernier souligne en effet la proximité de l’élément poétique et de l’immédiateté sensible des choses, le rejet par le poème de la relation d’entendement. Mais cette proximité n’est, selon Humboldt, qu’un élément dans un jeu esthétique qui ne saurait s’en tenir à la seule présence sensible des choses, et cela de par son idéalité même. C’est-à-dire de par son inspiration à dépasser le sensible vers la totalité, et vers le mot, inspiration qu’il tient des profondeurs du logos.
38Manque pourtant dans cette réflexion ce que Valéry met au premier plan, à savoir l’exactitude des procédés qui permettent au poète d’élaborer le jeu et la musique des signes. Ce qui fait que la poésie est elle-même, et non point l’art en général, non point l’Idée de l’art. Comme le dit Heidegger, Humboldt oublie parfois de laisser la parole à la langue elle-même, comme s’il en parlait en surplomb, dans sa perspective propre, qui demeure, malgré qu’il en ait, métaphysique.
II – La prose, la poésie, le monde
39Nous allons à présent lire de plus près le passage intitulé « Poesie und Prosa » en nous concentrant sur la question de la poésie – question qui, cependant, ne saurait être comprise sans voir dans la prose le complémentaire de la poésie. Nous laisserons à peu près totalement de côté, malgré son grand intérêt, le passage qui traite de l’écriture, dans son rapport à la poésie et à la prose, ainsi que la comparaison du caractère des grandes langues classiques que sont le sanscrit, le grec et le latin. Autant dire que nous ne commenterons que le passage qui va de la page 193 à la page 202.
40On ne peut traiter de la poésie, explique Humboldt, sans remonter à la source, la langue profonde, source qu’elle a en commun avec la prose. Il s’agit à la fois de mettre en évidence leur divergence à partir de cette source, de cette impulsion, et de montrer qu’il y a pourtant là manifestation d’une même vérité. On retrouve dans d’autres passages cette catégorie de manifestation, Erscheinung, tout spécialement au début de l’ouvrage. [19] Dans la pensée de Humboldt, toute individualité, toute forme historique et culturelle, est l’expression, vraie mais partielle, d’une humanité absolue. Mais il en va de même, ce que les interprétations culturalistes et historicistes de Humboldt oublient, de courants spirituels et culturels, comme la prose ou la poésie.
41Plus précisément encore, poésie et prose poursuivent un même but, qui est celui de la langue en général, mais par des voies différentes. Ou encore, poésie et prose constituent deux voies du développement de l’intellectualité même, intellectualité dont la langue est dépositaire, et d’abord de par sa différence même avec l’immédiateté sensible, comme d’avec l’Ego qu’elle irrigue.
42Cette intellectualité de la langue est tout autant enthousiasme. Dans la volubilité, je fais l’expérience de ma destination propre, distincte de mon existence immédiate. Dire l’immédiateté, c’est la constituer en un tout, mais c’est également m’arracher à cette immédiateté, rejoindre ainsi la vocation première, symbolique, de l’humanité.
43Ces considérations permettent de tempérer quelque peu le paradoxe qu’il y a à rattacher la poésie à l’intellectualité. Ce mot renvoie ici à l’effort pour dépasser l’immédiateté sensible, pour accéder à l’Idée. Cet effort m’inscrit dans une vérité plus haute que cette immédiateté. Il s’agit moins d’un travail de l’entendement pur que d’une aspiration inséparablement rationnelle et symbolique ; une aspiration qui engage la totalité de l’esprit humain, serait-ce parfois au détriment de l’entendement proprement dit.
44Il n’y a guère de sens à opposer l’élan poétique et l’enthousiasme de la pensée qui constitue le fond de notre volubilité. Cela ne veut pas dire que la prose ne prend pas appui, elle aussi, sur la volubilité, et l’élan que cette volubilité porte en elle. Ce n’est qu’à cette condition que la pensée peut lutter avec son objet. Mais, dans chacun de ces deux cas, la poésie et la prose, la tonalité générale, la Stimmung, est bien différente.
45La poésie récupère la présence sensible de la réalité, telle qu’elle se donne à l’appréhension de l’expérience intérieure et extérieure, mais reste indifférente, et même hostile, à ce qui fonde la réalité comme telle. [20] La poésie ne pénètre pas dans les relations internes des choses, elle ne les démêle pas, mais ne retient que l’apparence immédiate, ou plutôt la résonance immédiate. Humboldt mentionne l’imagination. Son rôle est particulièrement réduit dans ce passage, surtout si on le compare avec les Essais esthétiques sur Hermann et Dorothée de Goethe [21]. Elle introduit dans le poème, moins l’exactitude symbolique, qu’une dimension d’arbitraire, qui signe le divorce de l’art et de la réalité-vérité (Wirklichkeit).
46Permettons-nous, néanmoins, un rapprochement, rapprochement que Humboldt n’a pas estimé nécessaire de faire, avec sa propre théorie de l’expression. L’élément poétique paraît être ici celui du symbolisme, en un sens bien spécial du mot, à savoir non pas l’imitation des choses, non pas l’extériorité sensible laissée à elle-même, mais l’unité de l’intériorité et de l’extériorité, la résonance de la chose dans l’âme : il existe en effet une imitation qui n’est plus immédiate, mais qui met en œuvre une instance commune au son et à l’objet. On peut la qualifier de symbolique, même si ce mot a un sens bien plus large. Il s’agit, explique Humboldt, de sélectionner des éléments phonétiques tels que ces derniers produisent une impression qui soit à l’ouïe ce que l’objet est à l’âme. [22]
47Par contraste avec l’imagination poétique, si la prose dépasse elle aussi la réalité immédiate, ce dépassement dans le discours est tout autant conservation de la réalité, une fois pensée, une fois que cette réalité se voit assignée sa place dans le réseau conceptuel et verbal. En effet, la vocation de la prose consiste à démêler l’écheveau des relations dont est fait le réel, à chercher dans la réalité les racines par lesquelles elle maintient en place l’être-là. La prose noue, selon un cheminement intellectuel, d’un même geste le fait au fait, et les concepts aux concepts. Elle aspire ainsi à une relation objective, et systématique, dans une Idée. [23] Humboldt évoque donc successivement la recherche patiente des causes, puis la compréhension des catégories et de leur architecture, et enfin leur subsomption dans l’Idée, selon un cheminement qui ne vise pas à décrire une philosophie précise, mais comme la silhouette, ou le schème, de toute philosophie. Nous étudierons cependant la question des sources, et des références, philosophiques un peu plus loin.
48Si l’Idée est la visée de la prose, elle en est tout autant la source. La langue porte cet enthousiasme et soutient ainsi le travail de l’entendement. Les énergies linguistiques infuses dans la parole médiatisent le patient travail empirique et la vocation de la pensée à l’universalité et à la totalité.
49De ce point de vue total, un étant n’existe que parce qu’il constitue un point dans une totalité, un écheveau de faits et de relations. A l’existence immédiate se substitue la totalité pensée du monde. Même si Humboldt oublie ici de le préciser, la langue a très précisément ce même caractère. Par la relation et l’exigence de relation, que porte la langue, la réalité existante se voit arrachée à son évidence sensible. Cette relation ne peut être saisie que dans un concept, et même un système de concepts, qui soutiennent, guident, et rendent possible l’enquête empirique.
50L’Idée, réalisée, ou bien simplement posée comme limite, se confond avec la totalité, c’est un système.
51Ainsi, le dépassement de la réalité immédiate dans et par la prose, la langue de l’entendement et de la raison, est tout autant l’élucidation de cette réalité. L’élément est donc celui de la vérité, non de la beauté.
52Nous l’avons dit, Humboldt n’entend pas décrire ici une philosophie particulière ; il met en évidence la vocation philosophique de la prose, son rapport à l’Idéalité et au donné empirique. Ce qu’il décrit est cependant très proche d’Aristote, mais aussi du système kantien, amputé de sa dimension critique. En d’autres termes, Humboldt, en bon postkantien, retient de Kant la continuité de la tâche de l’entendement et de celle de la Raison, l’idée que la Raison achève et stimule le travail de l’entendement. Il se sert de l’architectonique kantienne comme d’un instrument pour comprendre la vocation philosophique de la prose, et non comme celui d’une critique de la métaphysique. La Raison constitue pour ainsi dire la dimension poétique de la philosophie, c’est un logos, qui nimbe d’enthousiasme le travail pointilleux du chercheur. Seule la poésie, en un sens, est critiquée, cela dans la mesure où Humboldt la rabat sur le Beau, n’en fait pas, romantiquement, le lieu d’une révélation sensible du suprasensible, d’une révélation dans le verbe de l’ineffable.
53Ce n’est qu’avec quelques réticences que Humboldt cite Kant comme exemple du style philosophique. Le style d’Aristote, Fichte et Schelling lui paraissent bien plus significatifs. Ils sont portés par ce style jusqu’au sommet. Portés par leur langue, ils font converger tous les domaines du savoir vers la clef de voûte de l’Universel. Ainsi, il n’est pas indifférent qu’Aristote ait étudié la musique et la poésie. Pourtant, contrairement à la langue de Platon, celle d’Aristote échappe de par son style parfois rocailleux aux prestiges des apparences et du verbe. Cela met en évidence la tension qui habite la prose d’Aristote, et toute prose qui s’arrache à la trivialité. D’ailleurs, si nous disposions de ses écrits exotériques, nous porterions un tout autre jugement sur l’écriture d’Aristote. [24] Achevons la pensée de Humboldt : nous serions plus sensibles encore à cette tension de la technicité de la prose et de l’élan poiétique qui la traverse.
54On le voit, Humboldt n’oppose nullement le style philosophique et le fond. Le style émane du fond et y reconduit.
55Le projet aristotélicien est encyclopédique, et tout autant terminologique. Aristote a voulu penser le monde dans toute sa particularité, cela dans une perspective totalisante. Ce faisant, il a pour ainsi dire substitué aux réalités empiriques la pensée des genres et des relations. C’est dire, en d’autres termes, que la vocation de la prose, et de la langue, se confond avec la philosophie. Ou encore, la prose, quand elle est digne de sa propre vocation, ne perd jamais de vue l’exigence de l’universel. Or, de par sa technicité même, le discours scientifique pourrait se voir exclu du cercle enchanté du logos. Ce n’est pourtant pas une fatalité ; et Humboldt d’évoquer son frère, Alexandre, et ses écrits. La science a tout intérêt à avoir du style, c’est à cette condition qu’elle peut percer jusqu’aux vues les plus hautes, les plus géniales. C’est dire, en d’autres termes, qu’une science, par exemple la géographie ou la linguistique, ne devrait pas couper les ponts avec l’inspiration philosophique, qui est toute la prose. Certes, le discours scientifique n’est pas vide d’invention, ni de pensée. Mais obnubilé par l’empirie, il se sert des mots comme de simples instruments, et se détourne des fins dernières de la pensée, au risque de perdre tout élan. Un autre mal qui ronge la prose, note Humboldt, c’est tout simplement la chute du propos, qui oubliant la pensée, choit dans la banalité et la mondanité. Il y a, dans le discours trivial, quelque chose de cette réduction de la langue à un instrument, non plus un instrument d’investigation mais de sociabilité [25]. Selon Humboldt, la prose déchoit de sa vocation dès lors qu’elle cesse de créer, d’être inspirée, ce qui la conduit à se calquer sur les contours du donné, ou bien sur des expressions toutes faites. Elle cesse alors d’appartenir au logos, et ne mérite plus, par conséquent, le nom de prose.
56La poésie, de son côté, va d’emblée jusqu’à la totalité, sans passer par l’enquête empirique. Elle a donc le rapport le plus étroit avec l’esprit, et sa destination. Quand bien même elle chante le spectacle du monde, elle tire son impulsion première du logos. Elle porte en elle ce même élan, ce même enthousiasme. Mais la forme totale à laquelle elle aboutit sans la médiation de l’entendement est caractérisée par Humboldt comme une fusion toute subjective de l’extériorité et de l’intériorité, dans l’élément de la sensibilité, celui de l’âme. Ou encore, il s’agit d’un produit de l’imagination, d’une libre transfiguration esthétique du réel sans véritable ambition de vérité. Enfin, cette totalité peut, même, ne plus avoir d’autre valeur que musicale, laisser de côté les déterminations de pensée proprement dites.
57Faute de rapprochement avec ses propres textes, Humboldt donne ici l’impression de postuler, plutôt que de montrer, le rôle de la volubilité dans la mise en ordre rationnel du monde, et sa constitution. Il ne dit rien, en particulier, de l’équivocité de la langue naturelle. A-t-elle un lien avec l’élan totalisant qui habite la prose digne de ce nom ? Comme souvent, il se contente de plaquer sur sa propre pensée la philosophie de Kant, qui n’accorde pas de rôle essentiel au langage, comme il le remarque lui-même incidemment en évoquant, du moins par prétérition, un certain manque de style kantien.
58Il s’agit pourtant bien de comprendre que la langue, tant la prose que la poésie, est en soi un effort pour constituer le monde dans le langage, pour passer du sensible à une totalité volubile. La poésie dépasse le divers dans la totalité esthétique, qui est belle, et la prose, dans le système scientifique et philosophique, qui est vrai. En d’autres termes, la langue ne fait pas que porter des catégories de pensée, elle confère son inspiration totalisante au travail de l’intellect. De par son origine et sa destination, de par son dynamisme, la langue est en quelque sorte l’Idée étant-là. Cette érotique de la volubilité peut prendre le détour de l’enquête empirique, au risque de s’enliser dans la technique, ou bien aller d’emblée vers le poème. Elle est alors frappée de plein fouet, non par la première critique, mais bien par la troisième. Quoi de plus curieux, mais aussi de plus lucide, chez un auteur qui, comme Humboldt développe une philosophie symbolique, et entend faire sortir le jugement réfléchissant de son ghetto esthétique, tout spécialement en anthropologie et en historiographie ?
59En droit, malgré la Raison qui le porte, le poème ne saurait prétendre à la vérité, mais seulement à la beauté, à la forme esthétique. Humboldt perçoit avec acuité que la prise de conscience des limites de la poésie, la réduction de la poésie à l’art, va de pair avec un certain formalisme esthétique. Ce qui le conduit à des considérations, précisément, esthétiques. Le formalisme que porte en soi le poétique peut lasser de par le luxe dont il surcharge la langue, déplaire de par la forme extérieure qu’il impose à la pensée, et à son dynamisme propre. [26]
60Ainsi, la poésie ne cesse de se trouver en porte-à-faux avec la parole naturelle, d’où, au nom du plaisir esthétique, un certain déplaisir langagier.
III – La clôture sur soi de la poésie
61Le destin de la poésie semble être de passer de l’évidence de l’identité du sujet et de la totalité à celui d’un assez artificiel écart à l’égard de la réalité, de sa présence, et même de l’usage naturel de la langue. Certes, Humboldt ne propose aucune dialectique, il fait de la poésie, sinon une essence, du moins une vérité, une manifestation, de la langue et de la Raison, en un mot du logos, cela au même titre que la prose et la philosophie. Pourtant, comme l’art chez Hegel, la poésie ne contient-elle pas son propre échec ? Et encore, chez Hegel, l’art est en soi l’Esprit, quand on surprend Humboldt à subjectiviser la poésie, à l’interpréter comme un produit arbitraire de l’imagination du poète. Il est cependant assez troublant que dans ce passage, où Humboldt, qui n’en a guère l’habitude, cite, nous l’avons vu, certains auteurs, tout spécialement des philosophes [27], le nom de Hegel brille par son absence. On peut même penser que Humboldt ne cite Fichte et Schelling que pour ne pas citer Hegel. En effet, Hegel dit de la poésie à peu près le contraire de Humboldt et de Valéry. Le sensible propre de la poésie, le son linguistique, le mot, est un signe, arbitraire, de la pensée, non un symbole. Par là, la poésie tend à sortir de l’idée de l’art, à se perdre dans la pensée purement spirituelle [28]. À lire Humboldt, il faut dire au contraire que la poésie tend à faire entrer le verbe dans l’idée de l’art, et même de la musique. Mais en fin de compte, la poésie est plus stable que ce que croit Hegel. Elle a comme une essence, qui correspond à une dimension nécessaire du langage, et même à son symbolisme foncier : exprimer l’absolu dans le son. Ou plutôt, Humboldt aimerait, sans y arriver ici tout à fait, se passer de toute dialectique, au profit de sa philosophie de la manifestation.
62La proximité avec l’esthétique de Hegel est même extrême. En tant qu’esthétique, selon Humboldt, la poésie a pour élément la conjonction du moi et du monde dans la sensibilité. Cette sensibilité est cependant déjà en soi dépassement de l’immédiateté, c’est une forme qui, comme toute forme, aspire à se totaliser. Cette forme est cependant subjective, privée de vérité. Ou plutôt elle rejette la vérité d’entendement, et par là toute vérité solide, comme étrangère à son idéalité propre. Pour autant, l’art n’est pas un moment d’une dialectique de l’esprit, moment pour ainsi dire transitoire. D’où l’effort de Humboldt pour penser la poésie comme expression nécessaire du dynamisme des facultés humaines, selon l’inspiration de l’analytique kantienne du Beau.
63La vérité de la poésie n’est pas empirique, elle ne se confond pas avec la dimension naïve qu’affectionnent les Allemands, contrairement aux Grecs. Ce que les Allemands, et les Modernes en général, ont bien du mal à assumer, c’est que, plus encore que dans la conjonction de l’extériorité et de l’âme, la vérité de la poésie consiste dans l’aspiration à la forme. Oui, la poésie est spirituelle, mais c’est par là qu’elle rejoint l’art, comme Idée esthétique.`
Die Poesie fasst die Wirklichkeit in ihrer sinnlichen Erscheinung, wie sie äusserlich und innerlich empfunden wird, auf, ist aber unbekümmert um dasjenige, wodurch sie Wirklichkeit ist, stösst vielmeher diesen ihren Charakter absichtlich zurück. [29]
La poésie saisit la réalité dans sa manifestation sensible, comme elle est perçue extérieurement et intérieurement, mais elle est indifférente à ce qui en fait précisément une réalité, elle repousse même délibérément cette dimension du réel.
65La poésie est, d’un même geste, plongée dans l’élément de la sensibilité et effort esthétique pour faire de cette sensibilité l’instrument expressif d’une totalité qui la dépasse. La poésie n’est pas, en soi, du monde sensible. C’est pourquoi elle rejette de soi la trivialité, ou encore l’enquête empirique. Elle repousse viscéralement la prose. La poésie ne pense pas, mais c’est qu’elle entend d’emblée dépasser le mode de vérité propre aux étants, c’est qu’elle est habitée d’une tension qui se confond avec les fins dernières de la pensée, ou, mieux, de l’Esprit. C’est en ce sens que la poésie est habitée par l’intellectualité, entendons l’idéalité.
66La poésie est close, au sens où elle repousse de son domaine la prose, comme le dira aussi Valéry, et la pensée d’entendement. Certes, la prose n’est pas triviale, nous explique Humboldt, elle ne se confond pas avec l’usage ordinaire, instrumental, de la langue. Néanmoins, le procédé d’entendement qui lui permet de se rapprocher de la vérité totale, est, du point de vue de la poésie, qui vit dans la conjonction avec l’absolu, ou du moins son illusion, indigne d’elle.
Die Kreis des Poetischen ist, wie unendlich und unerschöpflich auch in seinem Innren, doch immer ein geschlossener, der nicht Alles in sich aufnimmt oder dem Aufgenommen nicht seine ursprüngliche Natur lässt. [30]
Le poétique, tout infini et inépuisable qu’il soit en son intérieur, n’en constitue pas moins un cercle fermé, où rien ne saurait entrer, du moins sans se dépouiller de sa nature d’origine.
68En termes psychologiques contemporains, la poésie assimile beaucoup, mais n’accommode guère. Ou encore, elle se nourrit de l’expérience, mais ne se dépasse pas vers la saisie des relations inhérentes à la réalité, et qui en font une réalité. Son mouvement est centripète, et non centrifuge. Pessoa ajouterait que cette clôture est tout autant un effort de l’artiste pour « convertir de façon dogmatique et absurde les âmes des autres en la substance d’une doctrine qui n’est au fond que lui-même. » [31]
69Selon Valéry, il en va de la poésie et de la langue, comme de la danse et du corps. Dans la danse, le corps n’avance pas, ne travaille pas, il fait du surplace. Il ne se soucie pas de son environnement, mais joue de toutes les possibilités qu’il porte a priori en lui, et en fait une sorte de mathématique. De même, dans la poésie, la langue ne dit pas, mais se dit. Selon Humboldt, elle demeure ainsi, malgré son activité créatrice infinie, close sur elle-même ; ce qui n’est pas sans faire penser à un tourbillon.
70Alors que Humboldt, en 1799, ne séparait pas l’analyse de l’imagination poétique de la question de la transmission de l’enthousiasme poétique au lecteur [32], ici, il est surtout intéressé par la dimension formelle de la poésie. Ainsi s’explique la nature hermétique de bien des poèmes. Ils ne disent rien à proprement parler, ils enferment, et transmettent, l’activité pure de la langue dans une forme totale. Nous touchons là du doigt la musicalité propre de la langue, et, selon Valéry du moins, sa mathématicité secrète.
71Pessoa, lui, ne sépare pas ces deux aspects, idiosyncrasie poétique et transmission. Aussi compare-t-il l’artiste à un « foyer dynamogène ». [33] Humboldt a, de son côté, comparé l’enthousiasme poétique à un feu. Le poète échauffe « notre imagination par le feu de la sienne, voilà son secret. » [34] Bien entendu, ces métaphores n’expliquent en rien comment le poème s’y prend pour convertir en sa propre substance, coloniser l’imaginaire du lecteur. Ne faut-il pas une médiation ? Or, explique Pessoa, cette médiation ne saurait être l’intelligence, car, au rebours de ce que veut Platon, ce serait une forme de séduction, une façon de se rapporter aux autres, au lieu de les convertir au génie.
72C’est là que fait assez cruellement défaut une analytique de la musique propre de la langue, dans ses rapports avec les mécanismes profonds de la pensée et de l’imaginaire – analytique que Valéry lui-même ne fait qu’ébaucher.
73Il est en tout cas clair que, selon Humboldt, le principal mérite de la prose est son ouverture et sa labilité, qui rendent possible la pensée de tout nouvel objet, et la pensée nouvelle de tout objet. La poésie constitue bien elle aussi un dire neuf, mais qui n’a pas du tout pour ambition de penser les étants, ni même l’être. La poésie naïve n’est elle même qu’un jeu savant avec la prose, et avec l’apparence des choses, au fond comme la peinture. Humboldt ne croit donc pas que la poésie puisse être réellement naïve. Elle est bien plutôt ce qui transfigure l’immédiat dans la forme. La poésie est pour ainsi dire un art non figuratif, qui a rapport avec les profondeurs du réel, de l’âme, et leur unité dernière. L’évidence sensible ne nous donne qu’un avant-goût de cette profondeur. Ce primat de la forme renvoie à une nécessité profonde, mais il peut tourner à l’artifice. Il n’en reste pas moins que si le Beau poétique n’est pas le Vrai, s’il rejette l’analyse conceptuelle logique, il est profondément vrai.
74Par « poétique », Humboldt entend ici la tendance proprement poétique de la poésie. Mais il est stimulant pour l’esprit d’appliquer ce qu’il dit du poétique au poème, et non plus à la poésie en général. Le poème devient alors assez exactement ce que Kant appelait une Idée esthétique, un Tout de l’imagination, non un Tout logique, Un Tout porté pourtant par une inspiration métaphysique qui nous pousse bien au-delà de la nature.
75Plus encore que dans le cas de la prose, cette interprétation de la poésie semble postuler le rôle de la langue, plaquer sur la langue une esthétique générale, plutôt que de séjourner dans la langue afin d’étudier comment elle s’y prend pour constituer le poème en un tout esthétique à partir de mots, et quelle est la nature propre de cette totalité esthétique. Ou plutôt, Humboldt se contente de poser que la langue porte l’enthousiasme poétique, qu’elle catalyse et oriente dans une direction totalisante l’activité de nos facultés. Facultés reprises pour l’essentiel, nous l’avons déjà laissé entendre, de la philosophie de Kant, mais « énergisées ».
76La langue est assimilée par Humboldt à la liberté, et à l’enthousiasme, qui nous parlent, avec les deux valeurs du pronom, le datif et l’accusatif. Pourtant, la parole poétique est pour ainsi dire prisonnière de la langue, en particulier de la musicalité propre de l’idiome. La poésie ne s’enferme pas dans les stéréotypes de la langue, comme le voudrait peut-être un structuraliste, et Valéry lui-même parfois. A lire Humboldt, la poésie tend plutôt à congédier la signification. Contrairement à Valéry – mais comme Hegel – Humboldt oppose le sens et le jeu esthétique. Selon lui, la prose peut scander les articulations et les oppositions à l’intérieur de la proposition ou la période, et produire ainsi une eurythmie logique [35], qui portera en quelque sorte la pensée, quand la poésie tend à isoler le rythme de la parole, et à substituer ainsi à la pensée une composition purement musicale.
77Disons-le, nous sommes tentés de donner l’avantage au penseur français. Valéry, en effet, tout en opposant musique et pensée, comme Humboldt, intègre le jeu des significations dans sa conception de la musicalité sui generis de la langue poétique. Ainsi, la signification ne s’oppose pas à l’esthétique, comme le voulait Hegel. Elle constitue, au contraire, un des procédés pour fermer le jeu poétique sur la langue elle-même.
Une alliance intime du son et du sens, qui est la caractéristique essentielle de l’expression en poésie ne peut s’obtenir qu’aux dépens de quelque chose – qui n’est autre que la pensée. [36]
79Humboldt semble sensible à un certain risque formaliste, dès lors que la poésie se contenterait d’un jeu musical, réglé par les Académies. Elle pourrait ainsi perdre son inspiration la plus profonde, portée par la langue, l’inspiration métaphysique. Mais n’en est-il pas lui-même l’artisan, dès lors qu’il voit dans la poésie un certain primat de la forme externe, du son ? C’est bien sûr aussi que pour Humboldt la personnalité profonde d’une langue ne se confond pas avec un système d’idées, une idéologie. Il s’agit plutôt d’une orientation de l’esprit, voire d’une coloration psychologique. Comme le veut Henri Meschonnic – qui parlerait plus volontiers de rythme, il est vrai – la musique même de la langue, sa rumeur, constitue ainsi l’expression la plus immédiate du caractère de l’idiome ; et de celui de l’écrivain. Pour autant, Humboldt se refuse à penser toute la langue, et en particulier son moment idéel, comme poème.
Conclusion
80C’est de la différence de la langue et de l’immédiateté que naît l’acte de penser. Mais il existe par là même un risque, à savoir que la langue finisse par valoir en soi et pour soi, qu’elle ne constitue plus le point d’Archimède qui permette de penser le monde à distance. Ce beau risque, c’est la poésie. Activité créatrice infinie, la poésie ne se ferme pas moins à la réalité extérieure, et clôt ainsi la langue sur elle-même. Elle ne s’enrichit d’éléments réels que dans la mesure où ils lui fournissent des matériaux esthétiques pour affirmer sa forme et sa vocation propres, de nature exclusivement esthétique.
81Humboldt en arrive même à assimiler le poétique à une forme extérieure qui contraint la pensée. Entendons par là que cette forme est extérieure à la pensée prosaïque et ne saurait que l’entraver. La poésie n’est-elle donc qu’un accident, de nature esthétique, arrivé à la prose ? Nullement, la poésie est elle aussi, mais d’une autre manière, toute la langue. En effet, la langue est à la fois un dire, et un monde autonome, ou plutôt un acte, irrigué par l’esprit, et qui tend à se totaliser. Aussi Humboldt assimile-t-il la poésie à l’art abstrait par excellence, la musique.
82La comparaison avec la danse n’aurait-elle pas été au moins aussi éclairante ? Chaque mot est à la fois un son et un acte intentionnel. En ce sens, la poésie est, sinon un acte intentionnel, du moins un jeu avec des actes intentionnels, portés par des sons, mais aussi par la sémantique et par la syntaxe.
83Dans la prose, l’esprit humain dit, c’est-à-dire s’appuie sur la langue, et sa poiétique, pour penser sans en être prisonnier comme d’un cliché de la réalité. Il s’émancipe de la parole quotidienne, qui en réalité n’est pas prose encore, en ce sens qu’elle n’est pas la langue mais usage instrumental de signes. M. Jourdain avait donc raison contre son maître de philosophie.
84Par contre, la poésie intègre les mots et les choses à son tourbillon propre, à savoir l’épreuve volubile du verbe, sa façon de se prendre pour le monde, ou un monde.
85Aussi, bien que toutes deux soient habitées par la même tension totalisante vers l’Idée, la prose (dans ses formes les plus hautes, seules dignes de ce nom) n’est pas dérivée de la poésie. Elles tiennent simplement toutes deux à une même source, l’autonomie de la langue par rapport au monde, l’insertion de toutes les énergies de l’esprit dans une figure originale, la langue, à la fois système de déterminations de la pensée et libre élan volubile, inséparable de l’épreuve du son.
86Pourtant, si la prose ne peut se déployer authentiquement que dans la poiétique propre de la langue, assez paradoxalement, la poésie est moins typiquement linguistique, et ressortit à l’ordre de l’art en général, de la musique en particulier. Elle peut même s’allier, ou se compromettre, avec le chant et la musique instrumentale dont elle fut d’abord inséparable. [37] Au fond, Humboldt semble ici hésiter. La poésie constitue-t-elle la manifestation la plus pure de l’élan qu’est la langue, est-elle pour ainsi dire la langue refermée sur elle-même et sa propre énergie créatrice ? Ou bien n’est-elle pas plutôt une manifestation de l’art, qui se servirait simplement d’un matériau immédiatement présent et disponible, les mots ? Tout se passe comme si la poésie suivait une trajectoire qui, partie de l’élan langagier, inséparable de la pensée totalisante, finissait par diverger et se confondre avec l’élan esthétique, qui ne pense pas à proprement parler.
87Disons-le, Humboldt ne fait, dans ce passage du moins, qu’effleurer le cœur même de la poésie, et peut-être de la langue : la nature propre de cette esthétique, de cette musicalité. C’est en ce sens que nous donnons raison à Heidegger. Humboldt ne fait pas parler ici la langue. Mais faire parler la langue ne veut pas dire constituer la poésie en la seule réserve de sens dont dispose la philosophie.
88Enfin, l’on peut penser qu’il a manqué un élément à Humboldt pour saisir à la fois la communauté et la différence de la prose et de la poésie. Cet élément tiers, c’est le mythe.
Notes
-
[1]
Qu’est-ce que la philosophie ?, Gallimard, 1957, p. 50
-
[2]
« Penser Humboldt aujourd’hui », in La pensée dans la langue ; Humboldt et après, PUV, Saint-Denis, 1995, p. 14.
-
[3]
Chapitre 31 (« caractère des langues ») de Über die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues und ihren Einfluss auf die geistige Entwicklung des Menschengeschlechts, in Gesammelte Schriften, B. Behr’s Verlag, tome VII, première section, Berlin, 1907, p. 172. La traduction de Pierre Caussat porte le titre d’Introduction à l’œuvre sur le kavi, Seuil, 1974.
-
[4]
Humboldt ou le sens du langage, Mardaga, 1992.p. 166.
-
[5]
p. 248 de la traduction de son livre, La forme interne du mot. Études et variations sur des thèmes de Humboldt. Kimé, 2007. Traduit du russe par Nicolas Zavialoff.
-
[6]
Ibid. p. 108.
-
[7]
Über die Verschiedenheit…, in Gesammelte Schriften, VII, 1, p. 41.
-
[8]
Gesammelte Schriften, VII, p. 188.
-
[9]
Lettre à André Fontainas, in Réponses, Au Pigeonnier, 1928.
-
[10]
Voir la huitième étude de La métaphore vive, en particulier la page 394 de l’édition de poche (Points essais, Seuil, 1975).
-
[11]
Le chemin vers la parole, in Acheminement vers la parole, Gallimard, 1976, trad. Fédier. « Il n’est plus possible de se pourvoir en représentations générales, comme “énergie”, “activité”, “travail”, “force de l’esprit”, “aperçu du monde”, “expression” – en vue d’y caser la parole comme cas particulier de cette généralité. » (p. 236 de cette traduction.)
-
[12]
p. 30-31 de son Poesie und Einbildungskraft, zur Dichtungtheorie Wilhelm von Humboldts, J.-B. Metzler éd., 1967.
-
[13]
Voir l’ensemble du premier chapitre de cet ouvrage, « Qu’est-ce qu’écrire ? », Gallimard, 1948.
-
[14]
Gesammelte Schriften, VII, p. 77 et 78.
-
[15]
Ibid, VII, p. 194.
-
[16]
Ibid., VII, p. 193.
-
[17]
Propos sur la poésie, Au Pigeonnier, 1930, p. 466.
-
[18]
Gustav G. Chpet, La forme interne du mot, Kimé, 2007, p. 227.
-
[19]
Gesammelte Schriften, VII, p. 15.
-
[20]
Ibid., VII, p. 193.
-
[21]
Traduction Christophe Losfeld, Presses Universitaires du Septentrion, 1998. Humboldt a également rédigé en français, à l’intention de Mme de Staël, un texte plus court, qui entend caractériser l’imagination poétique. Nous en dirons quelques mots plus loin.
-
[22]
Ibid., VII, p. 76.
-
[23]
Ibid., VII, p. 193.
-
[24]
Ibid., VII, p. 200-201.
-
[25]
VII, p. 201.
-
[26]
VII, p. 197.
-
[27]
Caussat écrit que « tous les commentateurs notent le caractère très exceptionnel de telles désignations philosophiques dans l’œuvre de Humboldt. » (note 3, p. 362 de sa traduction).
-
[28]
Esthétique, traduction S. Jankélévitch, Aubier, 1945, Tome III, p. 17.
-
[29]
VII, p. 193.
-
[30]
VII, p. 196 et 197.
-
[31]
Notes pour une esthétique non aristotélicienne, in Oeuvres complètes, Editions de la différence, sans date, tome III, p. 204. Traduction Dominique Touati et Simone Biberfeld.
-
[32]
Essais aesthétiques de M. Guillaume de Humboldt, à Brunswick, chez Frédéric Vieweg l’aîné, 1799. (Tiré à part, retrouvé dans une bibliothèque de Munich par K. Müller-Vollmer, d’un essai publié dans le Magasin Encyclopédique d’Aubin Louis Millin, Paris, année V, tome V.)
-
[33]
O.C.
-
[34]
Essais aesthétiques de M. Guillaume de Humboldt, 1799, p. 7.
-
[35]
VII, p. 195.
-
[36]
« Cantiques spirituels », in Variétés, V, p. 178-179, Gallimard, 1944.
-
[37]
VII, pp. 195-196.