Notes
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[1]
Voir dans la littérature anglo-saxonne les concepts d’« entrepreneurship as practice » et d’« entrepreneuring » (Steyaert, 2007).
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[2]
Sur ce point, voir notamment la littérature abondante dans le domaine de l’intention entrepreneuriale basé sur la Théorie du Comportement Planifié (TCP) développée par Ajzen.
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[3]
Recherche-intervention, recherche ingénierique…
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[4]
On retrouve ici la notion de conception chère à Simon (1996) et développée plus bas dans l’article.
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[5]
l faut comprendre la finalité comme un sens vers lequel on tend par rapport à une intentionnalité et non un objectif fixe et clairement exprimé.
-
[6]
L’idée de capital social se comprend comme « l’ensemble des ressources qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées, d’intercommunications et d’interconnaissances ; ou en d’autres mots, qui sont liées à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas dotés de propriétés communes […], mais sont aussi unies par des liaisons permanentes et utiles ».
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[7]
Il convient de ne pas confondre l’intentionnalité avec l’intention entrepreneuriale qui, elle, renvoie à une approche behavioriste de l’entrepreneuriat où le comportement de l’entrepreneur peut être prédit (Shapero et Sokol, 1982 ; Bird, 1988 ; Krueger et Carsrud, 1993).
La vérité n’« habite » pas seulement « l’homme intérieur », ou plutôt il n’y a pas d’homme intérieur, l’homme est au monde, c’est dans le monde qu’il se connaît.
1À travers cet article, nous souhaitons aborder un « angle mort » de la recherche sur les organisations, comme l’appellent Lorino et Teullier (2005) et, notamment, en entrepreneuriat. Cet angle mort est celui de l’action collective (Hatchuel, 2000 ; Bréchet et Desreumaux, 2010) et, dans notre cas plus précisément, celui de l’action entrepreneuriale (Corbett et Katz, 2012). À y regarder de près, cet angle mort génère un paradoxe. En effet, la recherche en entrepreneuriat semble souffrir d’un paradoxe tenace depuis son émergence jusqu’aujourd’hui. Car elle se définit essentiellement en regard de son rapport à l’action ; or lorsqu’on analyse les recherches qui ont dominé le domaine de l’entrepreneuriat, force est de constater que la place faite à l’action y apparaît plus que minime. Autrement dit, si l’action est sous-jacente, elle ne fait toutefois pas l’objet d’une réelle prise de conscience ni, par conséquent, d’une sérieuse discussion (Sarasvathy, 2001 ; Bréchet et Desreumaux, 2010) au sein du courant dominant de la recherche en entrepreneuriat. L’action est souvent considérée comme un prérequis qui va de soi, « dessinant de fait des choix épistémologiques implicites […] qui s’exposent peu à la discussion, à la confrontation avec les travaux d’autres disciplines, voire à la contestation » (Lorino et Teullier, 2005, p. 12). L’action est largement implicite dans les recherches en entrepreneuriat, renvoyant notamment à une conception particulière de l’action : linéaire (de la décision à l’action), rationnelle et planifiée.
2Les raisons de ce paradoxe dans les recherches dominantes en entrepreneuriat peuvent se comprendre à l’aune de trois hypothèses implicites qui ont, au fil du temps, façonné la recherche dans le domaine. Ces hypothèses implicites renvoient à la clôture épistémologique qui s’est construite au fil du temps (Joas, 1996) tentant, d’un côté, d’autonomiser l’étude des groupes sociaux comme celle de l’organisation autour des conséquences de l’action et, de l’autre, l’étude du sujet, l’entrepreneur (Lorino et Teullier, 2005). De façon plus générale, la recherche en entrepreneuriat s’inscrit dans ce qu’il convient d’appeler une illusion de choix, renvoyant à l’angle mort susmentionné. Il convient donc de s’affranchir de cette situation paradoxale, où la recherche en entrepreneuriat a pour finalité l’action entrepreneuriale qu’en réalité elle n’aborde pas directement, en s’interrogeant notamment sur la possibilité d’intégrer l’action dans les réflexions portant sur le domaine de l’entrepreneuriat.
3Ces dernières années ont vu émerger des recherches mettant au centre de leurs réflexions l’action entrepreneuriale. Bien qu’intéressantes, elles restent toutefois partielles. C’est le cas notamment des approches interactionnistes (Johannisson, 1995 ; Steyaert, 2007 ; Steyaert et Landström, 2011 ; Moroz et Hindle 2012) où l’importance du processus et de sa relation à l’action est mis en évidence ou encore celle de l’effectuation (Sarasvathy, 2001 ; Perry, Chandler et Markova, 2011 ; Arend, Sarooghi et Burkemper, 2015) dans le cadre de laquelle le focus est mis cette fois essentiellement sur la prise de décision. Ces derniers temps, de nouvelles perspectives intéressantes semblent se dessiner à travers les travaux portant sur l’action située (Welter, 2011 ; Dew, Grichnik, Mayer-Haug, Read et Brinckmann, 2015) et sur l’entrepreneuriat vu comme une pratique [1].
4L’objectif de notre réflexion est non seulement de questionner la structuration de la recherche en entrepreneuriat pour comprendre notamment la construction et la domination de ce paradoxe de l’action mais aussi de proposer des pistes de recherche permettant de nous libérer de ce paradoxe dans lequel la recherche en entrepreneuriat s’est enfermée. Cette réflexion s’inscrit dans les approches critiques et originales en proposant de faire évoluer les cadres habituellement mobilisés dans la recherche en entrepreneuriat pour s’inscrire dans ce qu’il convient d’appeler l’agir entrepreneurial (Schmitt, 2015 ; Schmitt et Julien, 2020). L’article proposé est avant tout conceptuel et ne présente pas d’élément de terrain.
5La première partie de la réflexion s’interroge notamment sur les limites des théories dominantes dans le domaine de l’entrepreneuriat, l’enjeu étant de montrer que la plupart des travaux sont étayés par trois hypothèses implicites qui ont largement conditionné la recherche en entrepreneuriat :
- l’hypothèse implicite de séparation entre l’action, l’auteur de l’action, en l’occurrence l’entrepreneur, et les résultats de l’action de l’entrepreneur ;
- l’hypothèse implicite de la prégnance du réel unique observable de façon objective par des tiers-exclus ;
- l’hypothèse implicite de l’individualisme méthodologique à travers laquelle la communauté scientifique considère qu’il est possible de comprendre un phénomène tel que l’entrepreneuriat à la lumière exclusive des individus et de leurs attitudes.
6Ces trois hypothèses ne sont certes pas nouvelles. L’originalité de notre contribution s’appuie sur le fait de les rassembler pour proposer une lecture critique de l’entrepreneuriat. La deuxième partie, pour sa part, présente le cadre épistémologique retenu pour aborder l’action entrepreneuriale. Ce cadre inspiré du réel expérimenté s’inscrit dans les épistémologies constructivistes. Nous utiliserons les recherches sur l’opportunité entrepreneuriale pour comprendre par rapport à un même objet comment la recherche en entrepreneuriat s’est emparée de cette notion sous l’angle du réel unique et de l’individualisme méthodologique d’un côté et sous l’angle du réel expérimenté de l’action entrepreneuriale de l’autre. À travers ce nouveau cadre épistémologique, la recherche en entrepreneuriat change de finalité. Comme le souligne von Foerster (2000), « il ne s’agit pas de savoir ce que nous connaissons, mais plutôt de savoir comment nous connaissons. La réponse à cette dernière question renvoie à la position du chercheur par rapport au terrain : il agit en tant qu’individu connaissant auprès d’autres individus connaissants ». De nouvelles perspectives et de nouvelles méthodes pour aborder l’action entrepreneuriale s’offrent alors au niveau de la recherche en entrepreneuriat. Ce sont justement ces nouvelles perspectives que nous aborderons à travers la troisième partie. Il ne s’agit pas de partir de rien. Bien au contraire, comme nous le montrerons dans cette partie, des travaux comme ceux de Steyaert (1996), Sarasvathy (2001 et 2008), de Watson (2013) ou encore de Arend, Sarooghi et Burkemper (2015) sont autant de pistes méthodologiques intéressantes qu’il convient de comprendre et de creuser. À travers cette réflexion, nous ne projetons pas non plus d’attribuer des valeurs différentes aux divers types de recherche, mais plutôt d’insister sur la nécessité de développer, aux côtés de la recherche qui n’aborde pas directement l’action entrepreneuriale, des recherches qui, elles, vont dans ce sens. Ces recherches sont, dans l’ensemble, complémentaires car elles renvoient à des connaissances différentes.
1 – La compréhension du paradoxe de l’action : des hypothèses implicites limitant la théorisation en entrepreneuriat
7Le constat de la domination de recherches en entrepreneuriat ne portant pas sur l’action entrepreneuriale directement n’est pas pour nous le fruit du hasard. Cela provient de la façon dont s’est construite la recherche en entrepreneuriat dans le temps, notamment autour de trois hypothèses implicites : la séparation entre l’action et celui qui l’accomplit, le réel unique et l’individualisme méthodologique. Au regard de l’action entrepreneuriale, ces trois hypothèses implicites de la recherche en entrepreneuriat ont leurs limites. Ainsi, l’absence de l’action fait que les recherches en entrepreneuriat se sont intéressées à beaucoup de motifs, sauf à celui qui est la finalité même de la recherche : l’action entrepreneuriale. De plus, le réel unique fait de l’entrepreneur un être rationnel enlevant à l’action tout son sens, pendant que l’individualisme méthodologique en atomisant la recherche autour des différents aspects de l’action entrepreneuriale ne permet pas d’aborder la globalité de celle-ci. Les trois hypothèses implicites dominantes de la recherche nient au final l’action entrepreneuriale créant le paradoxe qui la colonise. Nous utiliserons l’exemple de la recherche sur les opportunités entrepreneuriales pour montrer comment ces trois hypothèses implicites permettent de comprendre la manière dont cette négation se fait.
La structuration de la recherche en entrepreneuriat autour de trois hypothèses implicites
La structuration de la recherche en entrepreneuriat autour de trois hypothèses implicites
1.1 – L’hypothèse implicite de séparation de l’action
8Avec Corbett et Katz (2012), nous faisons le constat que la recherche en entrepreneuriat s’est construite essentiellement autour d’une hypothèse implicite séparant l’action de l’entrepreneur des résultats de ses actions. Cette séparation ne semble pas être uniquement le fait de l’entrepreneuriat. En effet, elle se retrouve plus généralement au niveau des sciences de gestion, mais aussi de l’économie ou encore de la psychologie (Joas, 1996). Deux questions dans le domaine de l’entrepreneuriat semblent bien traduire cette hypothèse implicite de séparation entre l’acteur et les résultats de son action : que fait l’entrepreneur ? (résultats de son action) et qui est l’entrepreneur ? (acteur de l’action), renvoyant plus classiquement aux approches par les faits et l’approche par les traits. Ces dernières années émerge une troisième question relative à la prise de décision de l’entrepreneur : comment décide l’entrepreneur ? Cette question renvoie aux réflexions initiées par les approches dans le domaine de l’effectuation (Sarasvathy, 2001, 2008 ; Arend, Sarooghi et Burkemper, 2015) et qui se retrouvent actuellement dans les réflexions portant sur la cognition entrepreneuriale (Grégoire, Cornelissen, Dimov et Van Burg, 2015 ; Schmitt et Grégoire, 2019). Bien qu’elle soit différente de celle portant sur qui est l’entrepreneur, elle s’inscrit dans la même logique, celle de connaître l’entrepreneur, l’acteur de l’action. Plus précisément, l’entrepreneur est celui qui est amené à prendre des décisions dans une perspective d’action. L’action n’apparaît que comme la conséquence des décisions et de façon planifiée [2]. La construction de la recherche en entrepreneuriat autour de cette hypothèse implicite séparant l’action de l’entrepreneur des résultats de celle-ci a deux conséquences pour la recherche dans le domaine de l’entrepreneuriat :
- une focalisation sur deux pôles essentiellement : l’entrepreneur et les conséquences de ses actions. Dans ce cas, l’action est vue de façon linéaire comme une conséquence des décisions prises par l’entrepreneur ;
- à quelques rares exceptions (Steyaert, 2007 ; Moroz et Hindle 2012), la quasi-absence en entrepreneuriat de débats sur l’action et sur sa place dans le processus entrepreneurial.
9S’agissant de la première conséquence, elle concernerait ce qu’on pourrait appeler une illusion de choix. En effet, se focaliser sur l’entrepreneur ou sur le résultat de ses actions a transformé ces deux domaines en une sorte d’attracteurs pour la recherche en entrepreneuriat, tant et si bien qu’il est possible de parler de paradigmes dominants et donc de la façon d’appréhender les choses de façon cohérente. Dans cette façon d’appréhender les choses, décision et action sont envisagées de façon linéaire, négligeant le fait que l’action peut alimenter les décisions. Concernant la seconde conséquence, l’illusion de choix évoquée précédemment provoque la mise à l’écart de l’action entrepreneuriale en tant que thème central et explicite de la recherche en entrepreneuriat. La prise de conscience de l’action par la communauté francophone n’est que récente si l’on regarde de façon générale les sciences de gestion (Hatchuel, 2000 ; Lorino, 2005 ; Bréchet et Desreumaux, 2010) et plus particulière en entrepreneuriat (Bréchet et Schieb-Bienfait, 2011b). Il semble bien que la faiblesse des débats sur l’action soit préjudiciable pour la recherche en entrepreneuriat. Comment expliquer l’entrepreneuriat s’il est envisagé de façon cloisonnée autour de l’entrepreneur et du résultat de ses actions et si l’action n’est qu’une résultante des différentes recherches ? Il convient d’inverser notre posture de recherche pour entrer par l’action et profiter des principaux travaux portant sur elle. Plus précisément, nous pensons que l’action entrepreneuriale peut être un thème structurant pour la recherche en entrepreneuriat.
1.2 – L’hypothèse implicite d’un réel unique
10Les travaux dominants dans le domaine de l’entrepreneuriat semblent demeurer attachés à une tradition de recherche où l’individu, ici l’entrepreneur, est envisagé dans une réalité ontologique qui renvoie à l’idée d’enquête sur la nature des choses, de l’être, de l’existence (Lawson, 1996). Une confusion implicite existe sur le plan de la recherche en entrepreneuriat. À travers la réalité et, notamment, à travers ce qui est apparent, il s’agit avant tout de mettre en avant un réalisme qui cherche à découvrir les régularités empiriques du monde. Le paradigme épistémologique retenu par le chercheur, qu’il soit explicite ou non dans ses travaux, influe sur le type de recherche menée, en l’occurrence sur les thèmes et questions de recherche étudiés, ainsi que sur les méthodologies employées (Burrell et Morgan, 1979 ; Popper, 1991, 1997 ; Van de Ven, 2007). La très grande majorité des recherches en entrepreneuriat s’inscrivent dans un cadre épistémologique positiviste où la réalité est avant tout connaissable objectivement. Dans cette logique, même les dimensions subjectives apportées par la recherche en entrepreneuriat ont pour but d’être objectivables. Il convient d’interroger la nature de ce que nous connaissons. Nous voici alors devant l’« erreur épistémique », évoquée par Bhaskar (1978), c’est-à-dire la croyance selon laquelle les énoncés sur ce qui existe peuvent toujours être traités comme des énoncés sur la connaissance de ce qui existe. Ainsi la recherche sur l’action entrepreneuriale s’est-elle vite orientée vers les aspects observables que sont l’acteur des actions entrepreneuriales, en l’occurrence l’entrepreneur, d’un côté, et les résultats de ses actions, de l’autre côté. Si on accepte cet état de la recherche en entrepreneuriat, non seulement on en constate le paradoxe, mais plus encore, il apparaît nécessaire de développer des connaissances sur l’action entrepreneuriale elle-même.
11Le mainstream de la recherche en entrepreneuriat s’inscrit dans cette « erreur épistémique » : il y a une grande confusion entre la réalité et ce qui est apparent. Les conséquences ne sont pas neutres, notamment du point de vue méthodologique. En effet, les méthodologies mises en place ont pour principal objectif de travailler sur des éléments apparents liés au domaine de l’entrepreneuriat dans une perspective description ou d’explication et, plus rarement, dans une perspective de compréhension. Dans une logique pragmatique, connaître n’est pas décrire ou expliquer, mais c’est agir. La plupart des travaux publiés dans le domaine de l’entrepreneuriat soulignent les précautions méthodologiques que le chercheur a prises en œuvrant à assurer l’objectivité des informations recueillies en vue d’étoffer sa recherche. Rares sont les articles où sont évoqués – ou mis en œuvre – des travaux portant sur la construction de connaissances à partir de l’expérience de l’entrepreneur. C’est avant tout une approche ontologique de la réalité que la recherche en entrepreneuriat propose. Dans cette perspective, le réel est considéré comme unique, pouvant être isolé ; de la sorte, on peut mieux le décrire et l’expliquer, en considérant que le chercheur est indépendant de ce qu’il observe (Girod-Séville et Perret, 1999 ; von Glasersfeld, 2000). Toutefois, nous considérons qu’il existe d’autres cadres épistémologiques interrogeant différemment le rapport à la réalité et donc la mobilisation des méthodologies de recherche. Ne pas aller dans ce sens risque de priver les chercheurs de connaissances nouvelles, liées à l’expérience singulière des entrepreneurs qu’ils ont développée à travers leurs pratiques. Cela se retrouve par exemple dans le débat portant sur les opportunités d’affaires. Il existe deux écoles : d’un côté celle des tenants des opportunités données, qui existent indépendamment de l’entrepreneur. Là, on est dans ce que Watzlawick (2000) appelle une réalité de premier ordre : elle correspond avant tout à « l’image de la réalité que nous recevons de nos sens » (Watzlawick, 2000, p. 31). La recherche en entrepreneuriat semble en effet être avant tout une recherche confirmatoire s’intéressant à la validation/réfutation de savoirs existants plutôt qu’à la production de savoirs apportant des éclairages nouveaux sur des problématiques où les éléments théoriques ne sont pas ou peu développés. Cela permettrait pourtant une théorisation asymétrique qui ne s’inscrit pas dans les logiques théorisantes déjà existantes. La seconde école, pour sa part, inviterait à ne pas se limiter à l’entrepreneur et à prendre en considération l’ensemble des parties prenantes qui lui sont liées. Comme le suggèrent Lambin, Gallucci et Sicurello (2009), il faut comprendre le marché comme un écosystème où tous les agents participants sont fonctionnellement connectés. Il est d’ailleurs étonnant que peu de recherches portent, par exemple, sur les clients des entrepreneurs, sur les fournisseurs ou encore sur les acteurs des politiques publiques. Il existe bien quelques recherches sur les financeurs de l’entrepreneuriat ou sur les structures d’accompagnement mais elles ont rarement été mises en perspective avec l’entrepreneur lui-même.
1.3 – L’hypothèse implicite de l’individualisme méthodologique
12Eu égard à l’individualisme méthodologique, la recherche considère avant tout l’entrepreneuriat comme étant le fait de l’entrepreneur puisqu’il est vu comme son seul organe moteur. La recherche n’a donc pas d’autres substances que celle de l’entrepreneur qui la compose ou celle des résultats de ses actions. La compréhension de l’entrepreneuriat sous cet angle met en évidence la filiation avec le réductionnisme cartésien dans lequel il s’est développé depuis les travaux portant sur la rationalité de l’entrepreneur. Avec l’entrepreneuriat envisagé comme le produit de l’action humaine individuelle, l’accent est mis sur la prise de conscience des processus mentaux de l’entrepreneur et donc sur sa rationalité. Cela traduit bien la façon dont la question de l’action entrepreneuriale a été envisagée : de façon explicite, séparée et rationnelle (Barwise, 1989). En se positionnant dans cette logique, la recherche en entrepreneuriat s’oppose à ce que l’on peut tenir pour acquis en psychologie cognitive, à savoir que les processus mentaux sont pour la plupart inconscients (Sperber, 1997). Pour agir efficacement, dans une perspective de l’individualisme méthodologique, un entrepreneur doit sélectionner et analyser les conditions de son action. Cette prise de conscience des acteurs d’une situation donnée n’est possible qu’avec des entrepreneurs dotés d’une certaine capacité de distanciation. Ainsi serait-il possible d’abstraire l’action des circonstances qui l’entourent afin de prendre des décisions optimales. L’introduction de la cognition dans la réflexion sur l’entrepreneuriat n’a pas éloigné pour autant le spectre de l’entrepreneur rationnel. Nous en voulons pour preuve les travaux récents portant sur les biais cognitifs (Fayolle et Degeorges, 2012 ; Julien et St-Pierre, 2012), l’intention entrepreneuriale (Shapero et Sokol, 1982) et les styles cognitifs (Sadler-Smith, 2004), qui viennent renforcer les dimensions rationnelles et normatives de l’entrepreneur. Ces différentes recherches ne mettent pas au centre de leur programme de recherche l’action entrepreneuriale. Elles s’intéressent particulièrement à la question : « Comment l’entrepreneur décide-t-il ? » Cette question est remise au centre des réflexions actuelles en entrepreneuriat notamment à travers les travaux sur l’effectuation (Sarasvathy, 2001, 2008 ; Arend, Sarooghi et Burkemper, 2015) et la cognition entrepreneuriale (Grégoire, Corbett et McMullen, 2011 ; Grégoire, Cornelissen, Dimov et Van Burg, 2015 ; Schmitt et Grégoire, 2019). Au final, quelle que soit la sophistication apportée par les réflexions autour de l’entrepreneuriat, l’opportunité d’affaires, la vision entrepreneuriale ou, plus proches de nous, les biais cognitifs, l’intention entrepreneuriale et les styles cognitifs, ces différentes recherches ne permettent pas de s’affranchir de l’individualisme méthodologique, bien au contraire.
13Dans cette optique, pour réussir, il suffirait d’optimiser les différents paramètres mis en évidence par les réflexions dans le domaine de l’entrepreneuriat, notamment de sophistiquer la recherche pour mieux appréhender le réel unique dans une perspective d’individualisme méthodologique autour des différents éléments de l’entrepreneuriat (entrepreneur, opportunité entrepreneuriale, intention entrepreneuriale…). La recherche en entrepreneuriat apparaît donc comme étant atomisée. L’entrepreneur n’est pas vu comme existant naturel, c’est-à-dire en interaction avec son entourage autour de l’action entrepreneuriale. Au contraire, dans une logique d’individualisme méthodologique, le chercheur se limite à appréhender les éléments de l’action entrepreneuriale comme des objets autonomes. Encore une fois, quelle que soit l’orientation prise, les différentes recherches en entrepreneuriat ont montré chacune leurs limites. Aujourd’hui, nous voyons bien les limites qui incitent à envisager l’entrepreneuriat autrement et notamment à l’envisager par l’action afin de rassembler ce qui est épars en donnant du sens aux recherches qui se développent dans le domaine. Il conviendrait donc de ne pas continuer à agir comme l’ivrogne qui s’obstine à ne chercher ses clés que sous le lampadaire, car c’est le seul endroit qui soit éclairé. Nous gagnerons à faire évoluer notre regard et nos pratiques de recherche. Nous devons transformer notre façon de voir les choses pour développer des connaissances sur l’action et non plus uniquement sur l’entrepreneur ou sur le résultat de ses actions. Il ne s’agit pas de considérer que les approches dites « classiques » n’ont pas lieu d’être. Elles correspondent à un certain type de recherche amenant un certain type de connaissances. Un autre cadre de recherche autour de l’action entrepreneuriale pourra amener d’autres connaissances qui seront, à n’en pas douter, complémentaires à celles existantes et ouvriront des voix nouvelles de recherche en entrepreneuriat.
2 – De nouvelles perspectives pour sortir du paradoxe de l’action en entrepreneuriat
14Dans cette seconde partie, nous proposons de répondre aux trois hypothèses implicites présentées dans la première partie. Ainsi montrerons-nous qu’il est possible, pour aborder l’entrepreneuriat, d’appréhender l’action comme élément fédérateur permettant de rapprocher l’entrepreneur et le résultat de ses actions. Nous proposons par la suite de mobiliser le réel expérimenté en lieu et place du réel unique habituellement mis en œuvre dans les recherches en entrepreneuriat. Enfin, à la place de l’individualisme méthodologique, nous envisageons d’utiliser une perspective holistique. Au final, il est possible de s’affranchir du paradoxe de l’action en proposant un regard différent sur l’entrepreneuriat.
2.1 – L’action pour dépasser l’hypothèse implicite entre l’entrepreneur et le résultat de ses actions
15L’« action » est un concept clé pour bon nombre de domaines en sciences humaines et sociales (Joas, 1996). Dans ces disciplines, la conception d’une « théorie de l’action », que ce soit, par exemple, dans la philosophie, la sociologie, l’ergonomie, l’anthropologie, constitue un élément central de la réflexion. Il s’agit donc non seulement de s’intéresser à la conception d’une théorie de l’action dans le domaine de la recherche en entrepreneuriat mais aussi, de façon concomitante, de s’interroger sur la place de l’action dans les pratiques entrepreneuriales et sur le développement de la recherche en entrepreneuriat. En effet, même si l’action est omniprésente dans la recherche en entrepreneuriat, peu de travaux ont porté sur la conception d’une théorie de l’action y afférente (Bréchet et Desreumaux, 2010). Cette question de la place de l’action dans la recherche en entrepreneuriat semble importante pour la poursuite du débat et du développement de la connaissance dans le domaine de l’entrepreneuriat. Plus précisément, en reprenant la posture pragmatiste (Dewey, 1938), la discussion se place principalement sur le terrain des liens entre connaissance et action dans le domaine de l’entrepreneuriat. Des voies nouvelles de recherche sont déjà visibles comme l’approche par les processus (Gartner, 1990 ; Steyaert, 2007 ; Steyaert et Landström, 2011 ; Moroz et Hindle 2012), la cognition entrepreneuriale (Grégoire, Corbett et McMullen, 2011 ; Grégoire, Cornelissen, Dimov et Van Burg, 2015) ou encore l’effectuation (Arend, Sarooghi et Burkemper, 2015). Le point commun que l’on peut trouver entre ces différentes approches est le virage pragmatique que prend la recherche en entrepreneuriat, comme le souligne Marchesnay (2012). Ainsi, « loin d’être anti-théorique, [le pragmatisme] préconise une théorie de la connaissance “utile”, fondée sur la nécessaire adéquation entre le réel tel qu’il est perçu par l’individu, et les schèmes mentaux qu’il convoque pour prendre une décision qu’il jugera “satisfaisante”, au vu et à l’instant de la situation » (Marchesnay, 2012, p. 98). Ce retour au pragmatisme n’est pas neutre. Il favorise la sortie de la dimension normative de l’entrepreneuriat pour nous amener à nous confronter à l’action entrepreneuriale. L’action (re)devient l’élément central de la connaissance en permettant de rapprocher à travers elle l’entrepreneur et le résultat de ses actions. L’autre intérêt de s’inscrire dans le pragmatisme est le fait que les projections de l’entrepreneur se caractérisent par une identification des implications pratiques qu’elles peuvent avoir. Ainsi, très clairement, décision et action sont-elles à nouveau reliées.
16Il s’agit donc d’éviter l’érection de barrières qui risquent de graver dans le marbre la dichotomie de l’action évoquée précédemment et d’empêcher la recherche en entrepreneuriat de s’engager dans d’autres voies, dont celle de la théorie de l’action entrepreneuriale. Toutefois, les tentatives pour considérer l’entrepreneuriat à travers la perspective d’une théorie de l’action restent limitées comme nous avons pu l’évoquer précédemment. À ce stade de la réflexion, citons les travaux de Bréchet, Desreumaux et Schieb-Bienfait (2009) pour qui « les réductionnismes économique et sociologique dominants font peu de place à l’action collective et à son émergence » (Bréchet, Desreumaux et Schieb-Bienfait, 2009, p. 37). En conséquence, « la figure de l’entrepreneur peine […] à exister sur un plan théorique fondamental » (Bréchet, Desreumaux et Schieb-Bienfait, 2009, p. 37). Bien que ces travaux restent minoritaires, nous nous inscrivons dans cette veine car, nous semble-t-il, ils sont porteurs de voies de recherche prometteuses pour la compréhension de l’entrepreneuriat. En mettant l’action au centre de nos réflexions de nouvelles connaissances émergent. Ces connaissances portent sur des thèmes de recherche connus avec un angle de compréhension différent comme les travaux sur la notion de risque et d’incertitude (Wiltbank, Dew, Read et Sarasvathy 2006), les travaux considérant les opportunités comme une construction de l’entrepreneur et non comme une réalité objective donnée (Chiles, Bluedorn et Gupta, 2007) ou encore ceux portant sur la conception de la vision par l’entrepreneur (Schmitt, 2015). Ces connaissances peuvent aussi porter sur des thématiques nouvelles comme par exemple les travaux portant sur la notion de contexte (Welter, 2011), sur la notion de situation (Schmitt, 2009, 2020) pour comprendre l’entrepreneuriat dans sa globalité, c’est-à-dire dans une relation entre l’entrepreneur et son environnement. Le projet de recherche s’inscrivant dans une théorie de l’action entrepreneuriale paraît aujourd’hui essentiel si nous souhaitons faire avancer notre domaine de recherche.
2.2 – Le réel expérimenté pour sortir de l’hypothèse implicite du réel unique
17Derrière cette notion de réel expérimenté, il convient de s’interroger sur le rapport au réel dans l’abord de l’action entrepreneuriale. Cela revient à s’interroger sur la posture épistémologique des recherches en entrepreneuriat. Bien souvent, dans les recherches en entrepreneuriat, la posture épistémologique du chercheur est considérée comme une donnée qui ne sera pas discutée et s’inscrit très largement dans l’hypothèse implicite du réel unique évoqué précédemment. Parler d’entrepreneuriat ne doit pas dispenser le chercheur de porter une réflexion épistémologique sur sa recherche. En réponse à l’hypothèse implicite d’existence d’un réel unique porté par un cadre épistémologique renvoyant à un positionnement épistémologique positiviste, nous proposons d’envisager le réel de façon expérimentée pour comprendre l’action. En nous appuyant sur le principe du pragmatisme, selon lequel la vérité n’existe pas, mais elle se révèle par l’expérience, nous nous référons simultanément aux perspectives fondatrices du paradigme épistémologique constructiviste téléologique (PECT) (von Glasersfeld, 1984) et, notamment, aux deux premières hypothèses qui renvoient directement à la notion de réel expérimenté de l’action (Le Moigne, 1995).
« H1 : Le PECT postule l’existence d’un réel expérimenté par des humains sans se prononcer sur l’existence ou la non-existence d’un réel unique tel qu’il est ou pourrait être en lui-même, en dehors de toute expérience humaine.
H2 : Le réel expérimenté par un humain est connaissable. En revanche, un humain ne peut pas connaître rationnellement un monde réel au-delà de l’expérience qu’il en a ».
19Si le réel expérimenté par les entrepreneurs permet de développer des connaissances sur l’entrepreneuriat, de nouvelles questions se posent alors aux chercheurs. Elles peuvent se résumer par les trois orientations suivantes (figure 2) :
- Comment permettons-nous la construction et le développement de connaissances en lien avec l’entrepreneuriat ? À travers l’idée de réel expérimenté, il convient de considérer que les produits issus de la recherche sont des construits à partir des représentations de l’entrepreneur et/ou des acteurs de l’entrepreneuriat. Cela dit, il semble plus que nécessaire de sortir de la logique linéaire où la production scientifique est le reflet de la réalité. Les analyses et les conclusions à partir des données et des informations du terrain doivent faire l’objet d’une confrontation avec les acteurs du terrain. La relation entre le réel expérimenté et le chercheur doit être envisagée de façon circulaire et itérative dans une perspective non plus descriptive ou explicative, mais cette fois compréhensive où l’idée est de comprendre le sens, le fonctionnement et la nature de l’action entrepreneuriale. Les méthodologies favorisant les allers-retours entre l’entrepreneur et/ou les acteurs de l’entrepreneuriat, ainsi que le chercheur existent, quoique largement marginales dans le domaine de la recherche en entrepreneuriat. Citons par exemple les travaux portant sur les cartes cognitives (Cossette, 2001 ; Cloutier, Cueille et Recasens, 2014) et les travaux s’inscrivant dans une logique de recherche-action au sens large [3] (Jouison-Laffitte, 2009 ; Ben Mahmoud-Jouini, Paris et Bureau, 2010).
- Si seule l’expérience humaine est accessible, comment appréhende-t-on l’expérience des entrepreneurs ? Cette question renvoie aux moyens de connaître ce réel expérimenté de l’action. Alors que la majorité des recherches en entrepreneuriat s’appuient essentiellement sur des collectes de données a posteriori (Hlady Rispal et Jouison-Laffitte, 2015), il convient de s’intéresser, comme évoqué précédemment, à des méthodologies qui font la part belle à l’action entrepreneuriale et donc aux expériences développées par les entrepreneurs en situation (Schmitt 2009, 2020). Dans cette perspective, la recherche en entrepreneuriat gagnerait à côté de collectes de données a posteriori à mobiliser des méthodes permettant d’être en lien avec l’action. La proposition de recherche de Ben Mahmoud-Jouini, Paris et Bureau (2010) va par exemple dans ce sens. L’idée d’une recherche-accompagnement permet d’être en lien avec l’action en situation. De façon générale, à l’instar de David (2000), il conviendrait de considérer la recherche-action comme la forme la plus aboutie en termes de méthodologie de recherche par rapport aux méthodologies de recherche traditionnellement mobilisées.
- Comment l’entrepreneur se projette-t-il à partir d’une situation donnée ? Cette question est tout particulièrement intéressante pour la recherche en entrepreneuriat. Elle marque le passage des questions basées sur le « quoi ? » à des questions basées sur le « comment ? ». Cela signifie que l’objectif de la recherche en entrepreneuriat n’est plus uniquement de partir de l’existant mais aussi de partir d’une situation souhaitée [4]. Ainsi la recherche en entrepreneuriat se trouve-t-elle au centre des problématiques liées au changement organisationnel. Cette conséquence permet de considérer l’entrepreneuriat sous des angles originaux comme ceux de l’apprentissage organisationnel, des activités à projets ou encore de l’adaptation continue. Dans cette perspective, l’entropie des systèmes devient la règle et la néguentropie le moyen d’organiser les systèmes ouvrant la porte à des équilibres dynamiques (Steyaert, 2007). Au final, il est question d’action organisée (Pesqueux, 2015).
Le réel expérimenté pour comprendre l’action entrepreneuriale
Le réel expérimenté pour comprendre l’action entrepreneuriale
20Au sein de la littérature en management, les auteurs qui s’inscrivent dans les épistémologies constructivistes s’accordent à dire que les réponses apportées à la question du « Comment ? » se trouvent dans le système de représentation des acteurs, c’est-à-dire dans leurs convictions, leurs croyances, leurs habitudes… (Le Moigne, 1977 ; Avenier, 2007), ainsi que dans celui des parties prenantes de l’écosystème qui exercent une influence sur l’entrepreneur. Les représentations sont donc essentielles dans l’accès par le chercheur à l’expérience des entrepreneurs pour comprendre l’action entrepreneuriale. Pour Simon (1996), les représentations issues de notre expérience sont en relation non seulement avec le but visé par ce développement de représentation (autrement dit la finalité [5]) mais aussi avec des moyens mobilisés dans lesquels s’inscrivent cette construction de représentation (les moyens mis en œuvre en situation) et l’intentionnalité (le sens inconscient et initial de nos actions). Le travail de modélisation au sens de Le Moigne (1977) peut être envisagé comme une réponse pertinente pour aborder ces représentations et donc le réel expérimenté dans le domaine de l’entrepreneuriat. L’idée de modélisation ne consiste pas seulement en des formes de compréhension intelligible d’une situation comme l’entrepreneuriat, en rendant compte des fonctions et des fonctionnements de celle-ci, mais aussi en l’explicitation du point de vue de celui qui modélise (ici le chercheur) aux acteurs en lien avec la situation entrepreneuriale (Schmitt, 2009, 2020).
2.3 – Le holisme comme réponse à l’hypothèse implicite de l’individualisme méthodologique
21La volonté de sortir de l’individualisme méthodologique dans lequel la recherche en entrepreneuriat s’est édifiée n’est pas forcément une posture nouvelle (Steyaert, 2007). Les travaux de Bygrave et Hofer (1991) avaient, en leur temps, ouvert une belle brèche en introduisant une perspective holistique dans les recherches en entrepreneuriat. Cette brèche a été aussi exploitée par les approches interactionnistes notamment (Johannisson, 1995 ; Steyaert et Landström, 2011) et celles basées sur les processus entrepreneuriaux (Steyaert, 2007 ; Moroz et Hindle, 2012). Pas assez mobilisés, ces travaux méritent qu’on s’y intéresse de plus près. L’objectif premier est de sortir de l’abstraction de l’homo oeconomicus et de favoriser une prise de conscience de la globalité des situations dans lesquelles se trouve l’entrepreneur. En effet, plus que l’entrepreneur, l’action de l’entrepreneur apparaît comme une nouvelle boîte noire que les chercheurs doivent parvenir à ouvrir et à sonder. S’orienter vers une approche holistique de l’entrepreneuriat a notamment pour intérêt de considérer l’entrepreneur dans une globalité, implicite et explicite. Ainsi l’entrepreneur se définit-il en situation à travers les relations avec les autres dans un contexte d’interdépendance et non par lui-même. Dans ce sillage, le holisme peut être compris comme l’explication d’une situation en tant qu’ensemble indivisible. Comme l’entrepreneur est lié au tout dont il fait partie, le système qu’il forme avec son environnement possède des caractéristiques inhérentes à sa totalité, ainsi que des propriétés non déductibles de celles de ses éléments. Dans cette perspective, l’homo oeconomicus n’a de sens que dans le cadre d’une réflexion basée sur l’individualisme méthodologique. L’action entrepreneuriale apparaît alors comme la possibilité de comprendre cette globalité dans la mesure où l’action ne se résume pas simplement à l’entrepreneur, mais englobe les acteurs de l’écosystème, leurs représentations en situation, les artefacts de gestion en lien avec l’action…
22Dans la lignée des travaux de Bygrave et Hofer (1991), l’approche sociologique de l’entrepreneuriat a permis de continuer d’aller dans ce sens sans que pour autant beaucoup d’autres recherches viennent s’inscrire dans cette logique. La synthèse proposée par Zafirovski (1999) montre bien cette volonté de distinguer l’individualisme méthodologique issu de l’approche économique de l’entrepreneuriat de l’approche sociologique, laquelle se veut plus holistique. En somme, l’entrepreneur est un être social comme tout le monde. Il se conforme à des normes sociales qui relèvent de son propre environnement social. Ces normes renvoient à la famille, aux amis, au domaine d’activité, à la création d’entreprise, aux financeurs, aux clients, aux fournisseurs, aux partenaires… (Uzzi, 1996). Deux niveaux sont souvent mis ici en évidence. Le premier correspond à l’environnement dans lequel l’entrepreneur évolue quand il entre dans une logique de création d’entreprise. Par exemple, la perception de la réussite peut être différente d’un milieu social à un autre. Le second renvoie à la construction de son environnement social en raison du développement et de la compréhension de ses normes, renvoyant à la notion de capital social [6] empruntée à Bourdieu (1980, pp. 2-3). Partant de cette idée de capital social, un grand nombre de recherches se sont centrées sur la notion de réseau, comme on peut le constater dans la communauté anglophone, avec les travaux du sociologue américain Granovetter (1985), et dans la communauté francophone, avec les travaux de Julien (2005), montrant notamment l’importance de l’information et de la diffusion d’information à travers un flux d’échanges sociaux qui sont à l’origine de ses réseaux. Il importe de préciser que ces normes sociales sont nombreuses et en constante évolution. Leurs différences proviennent de paramètres variés, tels que le milieu social générant des normes sociales ou encore la localisation géographique générant, pour leur part, des normes culturelles.
23De façon plus actuelle et dans la continuité de ces différents travaux, les recherches portant sur la situation entrepreneuriale mettent en avant le holisme pour comprendre la complexité de l’entrepreneuriat. Ainsi, comme le souligne Suchman (1987), « mieux vaut étudier comment [les entrepreneurs] utilisent leurs circonstances pour effectuer une action intelligente », plutôt que de couper l’entrepreneur de ses circonstances. Il convient de prendre en compte les circonstances de l’action. On parlera alors d’action « située » (Dew et al., 2015). À partir des travaux de Barwise (1989) dans le domaine de la théorie des situations, force est de constater que s’abstraire des circonstances de l’action renvoie à une perspective causale alors qu’il semble plus efficient de privilégier une perspective holistique afin de rendre compte de l’expérience des entrepreneurs. Cette situation n’est pas donnée, elle est construite par l’entrepreneur en action, en fonction de son intentionnalité et du futur souhaité. La situation est évolutive dans le temps. Une situation entrepreneuriale est vue comme une construction ciblée, façonnée par l’entrepreneur et le fruit d’une relation que le sujet entretient avec le monde par ses actions, où le sujet se construit, construit des artefacts, construit du sens et participe à la construction d’autrui en relation avec la situation » (Schmitt, 2009, p. 16). Le sens se construit en situation d’action. Il n’est pas dans les situations. La notion de situation entrepreneuriale semble correspondre à un maillon manquant dans la compréhension de l’action entrepreneuriale. Voire, cette notion ne pouvait pas exister dans une perspective d’individualisme méthodologique dans la mesure où les interactions et l’incertitude de l’entrepreneur avec son contexte ne sont pas prises en compte. Une situation entrepreneuriale est donc par nature holistique. Comme toute personne appréhendée dans une perspective holistique, l’entrepreneur ne peut être dissocié de la situation, encore moins de son action. Le sens des situations est construit par des actes d’interprétation de l’entrepreneur en interaction avec son environnement. L’entrepreneur constitue véritablement la situation dans laquelle il se trouve.
3 – L’action entrepreneuriale pour sortir du paradoxe de l’action dans les recherches en entrepreneuriat
24Si l’on retient les trois perspectives par rapport aux hypothèses implicites évoquées précédemment, il convient de s’interroger sur le cadre qui permettrait d’aborder l’action entrepreneuriale en prenant en considération non seulement l’expérience que l’entrepreneur se fait de l’action entrepreneuriale, mais aussi le holisme à travers les situations entrepreneuriales dans lesquelles l’entrepreneur est amené à évoluer. Comme nous avons pu l’affirmer, il existe dans la recherche en entrepreneuriat des bases sur lesquelles il est possible de s’appuyer, en l’occurrence des travaux récents comme l’effectuation (Sarasvathy, 2001, 2008 ; Arend, Sarooghi et Burkemper, 2015), le processus entrepreneurial (Steyaert, 2007 ; Moroz et Hindle 2012) ou encore l’action située (Schmitt, 2009 ; Welter, 2011 ; Dew, Grichnik, Mayer-Haug, Read et Brinckmann, 2015). Il convient donc de prolonger ce cadre pour nous focaliser sur l’action entrepreneuriale.
3.1 – Définition et déterminants de l’action entrepreneuriale
25L’action entrepreneuriale pourrait se définir par des actions dans lesquelles un entrepreneur évolue de façon adaptative et auxquelles il a accès à travers ses représentations d’une situation en interaction avec son contexte (acteurs de l’écosystème, artefacts de gestion…) à partir d’un futur souhaité en fonction de son intentionnalité [7], de ses moyens et de ses fins. Dans la perspective des travaux de Suchman (1987), il ne s’agit plus non plus de développer des recherches essayant d’abstraire l’action de l’entrepreneur de ses circonstances et de la représenter comme un plan rationnel, mais plutôt d’appréhender la manière dont les entrepreneurs organisent leur action pour effectuer une action intelligente. Derrière cette définition, les trois nouvelles perspectives, l’action, le réel expérimenté et le holisme deviennent des hypothèses explicites d’un regard nouveau sur la recherche en entrepreneuriat. C’est l’objet des paragraphes suivants.
26Cette conception considère l’action entrepreneuriale comme un construit humain situé et finalisé à travers les représentations des humains, en l’occurrence celles de l’entrepreneur. L’action entrepreneuriale est vue comme une construction ciblée de l’entrepreneur en relation avec son environnement (personnes et artefacts) par ses actions. Cette relation à autrui est importante au niveau de l’action entrepreneuriale. Comme toute personne, l’entrepreneur ne peut se dissocier ni de lui-même ni de son action en situation. L’entrepreneur et l’action participent au développement de la situation entrepreneuriale par adaptation de l’intentionnalité de celui-ci (Berglund, 2007 ; Steyeart, 2007) et de ses actions à son contexte (Welter, 2011). L’action entrepreneuriale peut apparaître comme un maillon manquant dans la compréhension du phénomène entrepreneurial. En s’appuyant sur les travaux de Suchman (1987), il convient de préciser que les actions, les interactions et leurs dynamiques jouent donc un rôle important pour comprendre l’entrepreneuriat (Venkataraman, Sarasvathy, Dew et Forster, 2012). L’action devient dans ce sillage même une nouvelle grille de lecture de l’entrepreneuriat.
27Concernant le réel expérimenté, l’action entrepreneuriale s’inscrit dans un cadre épistémologique constructiviste. L’intérêt de ce positionnement réside dans le fait de nous intéresser à la connaissance issue du réel expérimenté des acteurs de l’organisation et, dans notre cas, aux représentations de l’entrepreneur et aux représentations des parties prenantes de l’écosystème de l’entrepreneur. Comme évoqué dans la définition de l’action entrepreneuriale, le réel expérimenté s’inscrit dans une dimension temporelle forte (Urban et Zuchella, 2011). Du point de vue temporel, la particularité de l’action entrepreneuriale est le lien tissé entre la situation future souhaitée et la situation actuelle. Ce lien entre futur et présent renvoie à la notion de conception développée par Simon (1969), où « concevoir correspond à la capacité d’imaginer des dispositions visant à changer une situation existante en une situation préférée » et où la capacité d’imaginer est le point de départ de l’action entrepreneuriale. À travers la relation entre le présent et le futur, l’action entrepreneuriale est envisagée comme l’ensemble des circonstances dans lesquelles l’entrepreneur se trouve, mais aussi des desseins de l’entrepreneur, notamment au travers de sa vision (Filion, 1991). Se retrouve ici aussi l’importance de l’intentionnalité évoquée par Berglund (2007), c’est-à-dire de la prise de conscience de l’entrepreneur de sa capacité d’orienter ses actions vers un objet à construire à partir d’un écosystème constitué des parties prenantes de son projet. Cette notion renvoie à l’expérience de l’action de l’entrepreneur et s’inscrit dans une perspective phénoménologique. Au final, le rôle du chercheur s’en trouve modifié, l’objectif étant de pouvoir « accéder » à l’expérience de l’entrepreneur notamment à travers ses représentations. Toutefois, trop souvent les travaux portant sur l’entrepreneuriat s’inscrivent essentiellement dans une temporalité linéaire et conventionnelle du temps allant du passé au futur en passant par le présent. Dans cette perspective, les démarches entrepreneuriales mises en place correspondent à une transposition du passé ou présent dans le futur. Ce que nous retrouvons bien souvent dans les études de marché, dans les projections financières ou plus généralement dans le plan d’affaires. Cela renvoie à ce que Sarasvathy (2001) appelle les logiques divinatoires. Étrangement, à écouter les entrepreneurs, il existe une autre relation au temps que la recherche a du mal à prendre en compte : le temps va du futur au présent dans une perspective itérative. C’est dans l’idée et plus clairement encore dans l’opportunité d’affaires, donc la projection d’un futur souhaité, que l’on peut comprendre par l’action l’intentionnalité de l’entrepreneur. Il est donc possible d’avancer « que ce n’est pas le passé, mais le futur, qui détermine le présent » (Watzalawick, 2000). Nous ne sommes pas dans une linéarité inversée où le futur fait évoluer le présent, nous sommes dans une interaction dynamique, au sens de Suchman (1987), permettant aussi au présent en retour de pouvoir influencer le futur notamment par les actions mises en place. Dans cette perspective, l’action entrepreneuriale peut être considérée « comme la mise en ordre et l’organisation d’un monde constitué par nos expériences » (Glasersfled, 1984, p. 41). Ainsi la problématique de recherche de l’entrepreneuriat évolue-t-elle pour se porter sur l’action de l’entrepreneur en lien avec son rapport au monde dans une perspective de construction de sens au sens de Weick (1999) ou de construction de problème au sens de Dewey (1938). Ce sens correspond à la cohérence du projet envisagé à la lumière du futur souhaité et de l’intentionnalité de l’entrepreneur. Ce sens doit être partagé avec les parties prenantes de son écosystème. L’action entrepreneuriale, comme évoqué précédemment, apparaît alors comme un processus néguentropique. Cela signifie qu’il n’y a pas de sens a priori et que le sens est construit par l’entrepreneur à partir d’une situation existante. Ainsi, si la logique de résolution de problèmes prévaut dans une approche rationnelle de l’entrepreneuriat, c’est bien une logique de problématisation (Suddaby, Hardy et Huy, 2011) qui a cours dans une approche des situations entrepreneuriales. Toutefois, nous pouvons faire le constat que les démarches et les outils en lien avec la logique de problématisation sont peu importants à la différence des démarches et des outils dédiés à la résolution de problèmes. On peut comprendre ainsi une partie des difficultés des entrepreneurs du fait que l’entrepreneuriat est plus portée, au sein de notre société, sur la résolution de problèmes que sur la problématisation. Problématiser nécessite une réelle prise de conscience de l’entrepreneur de son environnement, des artefacts qu’il produit et de lui-même. En nous appuyant sur les travaux de Suchman (1987), il est possible de considérer que ces artefacts jouent un rôle important entre l’entrepreneur et son environnement. Les artefacts cristallisent en effet l’intentionnalité de l’entrepreneur, le sens qu’il donne à l’action et qu’il propose à son environnement.
28Ainsi de nouvelles perspectives de recherche s’ouvrent-elles à la communauté scientifique dans le domaine de l’entrepreneuriat comme les situations entrepreneuriales, l’intentionnalité dans une perspective phénoménologique, l’entrepreneuriat comme processus néguentropique, la problématisation ou encore la place des artefacts en entrepreneuriat.
3.2 – Des perspectives méthodologiques pour dépasser le paradoxe de l’action
29La mathématisation qui se développe ces dernières années dans le domaine du management en général et de l’entrepreneuriat en particulier donne certes les moyens d’une plus grande scientificité, mais ne permet pas ou en tout cas permet faiblement d’aborder le réel expérimenté dans une perspective holistique, autrement dit de se saisir de l’action entrepreneuriale. On trouve donc ici aussi une des raisons de l’absence de travaux portant sur l’action entrepreneuriale : les méthodes dites scientifiques et, notamment quantitatives, se limitent à comprendre l’entrepreneuriat à travers une recherche de causes, saucissonnant du coup l’action entrepreneuriale, et à travers la recherche d’une vérité cachée qui se donnerait à voir par l’utilisation des mathématiques. Certains vont jusqu’à dire que « les mathématiques sont souvent comme des syllogismes de la scolastique : on retrouve à la fin ni plus ni moins que les idées que l’on y a mises au début » (Lyotard, 1954, p. 35). Il convient donc de dépasser les données immédiates qui ne font que participer à une connaissance objective de l’entrepreneuriat à travers la recherche d’un réel unique. Lyotard parlait déjà en 1954 « d’une crise de l’objectivisme » (p. 34). Derrière cette crise, deux possibilités s’offrent à la recherche en entrepreneuriat, qui sont toutes les deux inappropriées. Soit on utilise des méthodes issues du réel unique pour aborder le réel expérimenté de l’action entrepreneuriale, dans ce cas les méthodes ne sont pas appropriées pour comprendre l’action entrepreneuriale ; soit la recherche en entrepreneuriat comprend cette illusion par rapport aux méthodes mobilisées et, dans ce cas, elle renoncerait à étudier le subjectif avec des méthodes dédiées à l’objectif. De la sorte, l’action entrepreneuriale n’est pas abordée. Actuellement, au niveau de la recherche en entrepreneuriat, nous sommes dans ce dernier cas de figure.
30Pourtant, des perspectives méthodologiques existent. Nous en avons retenu deux principalement. La première perspective est de considérer que le chercheur travaille sur les représentations des entrepreneurs. Il est donc nécessaire que les résultats de nos recherches fassent l’objet d’échanges avec les entrepreneurs. Sinon, cela amènerait à penser que le chercheur est capable de comprendre l’expérience de l’entrepreneur quasiment sans interaction avec celui-ci. Il ne faut pas oublier que les résultats obtenus par les chercheurs ne sont que des représentations issues de représentations (Verstraete, 1997). Ainsi les connaissances générées par le chercheur doivent-elles être envisagées de façon située (Avenier, 2007). Le travail du chercheur dans une perspective épistémique (Martinet, 2000) est de confronter ses résultats à d’autres terrains pour les mettre en perspective et non de chercher une généralité en les agrégeant. Cette perspective se retrouve dans les recherches-actions évoquées précédemment comme dans la recherche présentée menée par Ben Mahmoud-Jouini, Paris et Bureau (2010). Ainsi soutenons-nous qu’il est possible de faire de la recherche en entrepreneuriat à partir d’un seul cas permettant de générer une connaissance située qui pourra par la suite devenir générique par les travaux de ce même chercheur dans d’autres situations et surtout par les travaux d’autres chercheurs dans d’autres situations. La seconde perspective méthodologique renvoie au fait de retenir que le réel expérimenté ouvre une fenêtre intéressante dans la mesure où l’action entrepreneuriale n’est pas que le fruit de l’entrepreneur. En effet, en situation, l’ensemble des parties prenantes de la situation est en lien avec le réel expérimenté comme le rappelle la méthode phénoménologique (Meyor, 2007). Dans cette perspective, la réalité est considérée comme multiple et le chercheur a pour finalité la construction du monde par ses parties prenantes. Il n’est pas là pour interpréter mais pour instaurer un dialogue entre lui et ceux qui sont en lien avec l’action entrepreneuriale. Tout d’abord, parce qu’eux-mêmes ont une expérience en situation. Ainsi est-il nécessaire de prendre en considération le réel expérimenté du financeur, de l’accompagnateur, du client, du fournisseur… Ensuite, ces parties prenantes ont une interaction avec l’entrepreneur. Il est intéressant dans cette perspective de confronter les expériences de chacun par rapport à la situation. Ce type de recherche n’est pas présent dans le domaine de l’entrepreneuriat. Par exemple, les travaux sur l’effectuation (Sarasvathy, 2001) basés sur des études cliniques négligent l’interaction en situation comme le préconisent Arend, Sarooghi et Burkemper (2015). Il conviendrait donc de pouvoir expérimenter de nouvelles méthodologies qui soient plus en phase avec l’action entrepreneuriale (Schmitt et Julien, 2020).
3.3 – Des voies nouvelles de recherche pour aborder l’action entrepreneuriale à travers une posture originale du chercheur : le tiers-inclus
31Alors que la relation au monde dans une posture positiviste correspond à la perception directe de la réalité comme vérité absolue, la posture constructiviste à travers le holisme et le réel expérimenté de l’action entrepreneuriale nous mène vers une tout autre posture : celle d’une vérité multiple et en constante évolution. Pour reprendre à nouveau une perspective phénoménologique à notre profit, nous dirons qu’il n’y a pas d’expérience vraie. « La vérité s’éprouve toujours et exclusivement dans une expérience actuelle […]. Il n’y a donc pas une vérité absolue, postulat commun du dogmatisme et du scepticisme ; la vérité se définit en devenir comme révision, correction et dépassement d’elle-même » (Lyotard, 1954, p. 38). La vérité n’est pas un objet, mais un mouvement. Elle n’existe donc que si le mouvement est effectué par la personne concernée par la connaissance de la vérité, en l’occurrence ici le chercheur. Plus largement, à travers des méthodologies en lien avec l’action (David, 2000 ; Savall et Zardet, 2004), il s’agit de sortir de la logique dans laquelle s’est enfermée la recherche en entrepreneuriat à travers ce qu’il convient d’appeler le tiers exclu. Celui-ci s’inscrit dans la logique aristotélicienne où le tiers (ici le chercheur) est surtout envisagé au regard de l’expertise qu’il peut apporter à l’entrepreneur. Néanmoins, il existe une autre logique qui peut être qualifiée de non aristotélicienne et qui incite la recherche en entrepreneuriat à opérer une prise de conscience et à adopter un regard réflexif permettant de chercher le sens de l’expérience des acteurs de la situation à l’aide « des yeux » du chercheur. Celui-ci va alors rendre compte de cette expérience à ces acteurs mêmes. Il s’agit d’y voir le passage du tiers exclu au tiers inclus où, pour aborder l’action entrepreneuriale dans une perspective holistique à partir du réel expérimenté, il est nécessaire que le chercheur puisse être en lien avec son terrain de recherche et non qu’il s’efface comme le préconisent les postures méthodologiques relavant d’une épistémologie positiviste. Il existe déjà des recherches qui vont dans ce sens : Jouison-Laffite (2009), Nobile (2013), Duymedjian, Germain, Ferrante et Lavissière (2016). Comme évoqué précédemment, elles restent toutefois marginales et isolées. De plus, comme la recherche en entrepreneuriat n’est pas prolixe en matière de méthodes portant sur le réel expérimenté et, plus généralement, sur l’action entrepreneuriale, il conviendrait de s’ouvrir à d’autres disciplines pour voir comment il est possible, pour un chercheur, de travailler sur l’expérience des entrepreneurs. Que ce soient l’ethnométhodologie (Garfinkel, 1967), les conduites de projets (Boutinet, 1993) ou encore le processus de construction identitaire (Dubar, 1996), l’autoconfrontation (Theureau, 1992), l’entretien d’explicitation (Vermersch, 1994), etc., il y a bien des pistes de réflexion qu’il serait intéressant d’explorer pour mieux ancrer l’action entrepreneuriale dans la recherche en entrepreneuriat.
32C’est pourquoi un changement de regard épistémologique et méthodologique nous semble indispensable pour le développement d’une recherche s’inscrivant dans l’action entrepreneuriale. De ce point de vue, nous nous rangeons derrière la position de von Foerster (2000) selon qui « si le principe fondamental du discours scientifique exige la séparation entre observateur et observé, il est de notre devoir de le transgresser » (p. 62). Il est donc important de favoriser le lien entre action entrepreneuriale, réel expérimenté et holisme, et d’assurer la mise en harmonie de ces trois éléments par le chercheur à l’égard des acteurs de l’action entrepreneuriale. Le chercheur joue alors de traducteur entre les différents acteurs de l’action entrepreneuriale (Steyaert, 2007). Il s’agit donc de favoriser le lien entre connaissance et pratiques, ainsi que le lien entre chercheurs et praticiens afin de pouvoir éprouver la cohérence de l’action entrepreneuriale.
Conclusion
33L’objectif de cette réflexion aura été de s’interroger sur la place donnée à l’action dans la recherche en entrepreneuriat. Notre constat est donc le suivant : paradoxalement la présence de l’action est marginale dans la recherche en entrepreneuriat. Pourquoi paradoxalement ? Tout simplement, parce que nous avons affaire à un domaine de recherche qui croit s’intéresser à l’action des entrepreneurs, alors que globalement les recherches portent sur l’entrepreneur ou sur les résultats de ses actions (Corbett et Katz, 2012). Pour comprendre ce paradoxe, dans une première partie, nous avons mis en exergue trois hypothèses implicites qui ont participé à la structuration de la recherche en entrepreneuriat : l’hypothèse implicite de séparation entre l’action de l’auteur de l’action, l’entrepreneur, et les résultats de son action, l’hypothèse implicite de la prégnance du réel unique qui est observable de façon objective par des tiers-exclus, l’hypothèse implicite de l’individualisme méthodologique à travers laquelle la communauté scientifique considère qu’il est possible de comprendre un phénomène tel que l’entrepreneuriat à la lumière exclusive des individus et de leurs attitudes. Face à trois hypothèses implicites, nous avons cherché à proposer trois perspectives explicites qu’il conviendrait de travailler, ainsi qu’un cadre de réflexion autour de ce que nous proposons d’appeler l’action entrepreneuriale. En ce qui concerne les trois perspectives explicites, nous avons proposé, dans une deuxième partie, de considérer l’entrepreneuriat autour de l’action entrepreneuriale, du réel expérimenté et du holisme. Il s’agit notamment de s’intéresser à la construction d’une théorie de l’action en entrepreneuriat afin de pouvoir réunir les recherches qui abordent l’action entrepreneuriale. Du point de vue du réel expérimenté, il s’agit essentiellement de proposer un cadre épistémo-méthodologique afin de pouvoir aborder l’action entrepreneuriale. Enfin, le holisme amène à considérer l’action entrepreneuriale comme un tout indivisible. La troisième et dernière partie permet de proposer un cadre unifié pour aborder l’action entrepreneuriale. Dans cette partie, nous avons proposé une définition de l’action entrepreneuriale, ainsi que les repères méthodologiques qui sont attachés à cette notion d’action entrepreneuriale. Enfin, nous avons fini notre argumentation en présentant des voies de recherches nouvelles pour la recherche en entrepreneuriat, notamment autour d’une posture particulière du chercheur, celle du tiers-inclus.
34En somme, notre propos ne consiste pas à remettre en cause les recherches existantes. Il s’agit de montrer ses limites pour aborder certains types de recherche comme par exemple des recherches portant sur l’action entrepreneuriale. Cela signifie qu’à côté des recherches portant sur un réel unique et l’individualisme méthodologique, il est nécessaire de développer d’autres types de recherches portant sur un cadrage épistémo-méthodologique différent. L’ambition est alors de pouvoir trouver un cadre unificateur pour les recherches qui revendiquent le fait d’être en lien avec l’action entrepreneuriale comme le propose Steyaert (2007) autour de son concept d’« entrepreneuring ». À la lumière de ces éléments, il semble que la recherche en entrepreneuriat soit à un tournant. L’objectif n’est pas, réaffirmons-le encore une fois, de dire qu’un type de recherche est supérieur à un autre type de recherche, mais bien de considérer que les deux types de recherches renvoient à des natures différentes de connaissances pour la recherche en entrepreneuriat.
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Mots-clés éditeurs : individualisme méthodologique, réel unique, méthodes de recherche, action entrepreneuriale, réel expérimenté, épistémologie
Date de mise en ligne : 01/04/2021
https://doi.org/10.3917/entre1.193.0093Notes
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[1]
Voir dans la littérature anglo-saxonne les concepts d’« entrepreneurship as practice » et d’« entrepreneuring » (Steyaert, 2007).
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[2]
Sur ce point, voir notamment la littérature abondante dans le domaine de l’intention entrepreneuriale basé sur la Théorie du Comportement Planifié (TCP) développée par Ajzen.
-
[3]
Recherche-intervention, recherche ingénierique…
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[4]
On retrouve ici la notion de conception chère à Simon (1996) et développée plus bas dans l’article.
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[5]
l faut comprendre la finalité comme un sens vers lequel on tend par rapport à une intentionnalité et non un objectif fixe et clairement exprimé.
-
[6]
L’idée de capital social se comprend comme « l’ensemble des ressources qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées, d’intercommunications et d’interconnaissances ; ou en d’autres mots, qui sont liées à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas dotés de propriétés communes […], mais sont aussi unies par des liaisons permanentes et utiles ».
-
[7]
Il convient de ne pas confondre l’intentionnalité avec l’intention entrepreneuriale qui, elle, renvoie à une approche behavioriste de l’entrepreneuriat où le comportement de l’entrepreneur peut être prédit (Shapero et Sokol, 1982 ; Bird, 1988 ; Krueger et Carsrud, 1993).