Couverture de ENTIN_039

Article de revue

Entrepreneurs en détresse cherchent soutien désespérément

Pages 64 à 70

Notes

  • [1]
    Brunet-Mbappe, A. (2013). L’échec entrepreneurial, par-delà le tabou, in Catherine Léger-Jarniou (direction), Le grand livre de l’entrepreneuriat, Dunod, pp. 43-54.
  • [2]
    Dixit Maitre Marc Binnié, greffier au tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime), Le Monde, 16/04/2016.
  • [3]
    Lechat, T. et Torrès, O. (2016), les risques psychosociaux du dirigeant de PME : typologie et échelle de mesure des stresseurs professionnels, RIPME, vol. 29, n. 3-4, pp. 135-149.
  • [4]
    Qualifiée ainsi par les avocats.
  • [5]
    Philippart, P. (2017). L’accompagnement de l’entrepreneur en difficulté : questions autour d’un phénomène complexe, Projectique, 16 (1), 2017, p. 11-29.
  • [6]
    Martineau-Bourgninaud, V. (2016). Les remèdes à la souffrance du chef d’entreprise en difficulté. Recueil Dalloz. p. 252.
  • [7]
    Bernard, M.-J. (2017), Vivre l’échec entrepreneurial : faire face et se transformer, The Conversation France.
  • [8]
    Brunet-Mbappe, A. (2013). Op cité.
  • [9]
    Bernard, M-J (2012). Du traumatisme à l’entrepreneuriat salutaire : parcours d’entrepreneurs résilients, Dans O. Torres (dir.), La santé du dirigeant. De la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, (partie 3, chapitre 1, p. 179-190). Bruxelles, Belgique, De Boeck.
  • [10]
    Binnié M. ; Douillard, J.L et Fèvre, M. (2018), La souffrance de l’entrepreneur, comprendre pour agir et prévenir le suicide, Presses de l’EHESP.
  • [11]
    Bah, T et Gaillon, D. (2016), Processus suicidaire des dirigeants de petites entreprises : état des lieux et mesures de prévention, Revue Management & Avenir, vol. 3, N. 85, pp. 79-10.
  • [12]
    L’indicateur 000 signifie qu’il n’existe sur le dirigeant aucune information particulière émanant des tribunaux de commerce. L’indicateur 040 signale que le dirigeant a connu un dépôt de bilan au cours des trois dernières années. L’indicateur 050 caractérise une personne ayant déposé le bilan de deux sociétés non liées entre elles au cours des cinq dernières années. L’indicateur 060, enfin, signale que trois dépôts de bilan, ou une interdiction de gérer, ont été prononcés au cours des cinq dernières années.
  • [13]
    Dixit les chefs d’entreprises.
  • [14]
  • [15]
  • [16]
    Ben Tahar, Y. & Rossi, M. (2012). Le burnout patronal. Dans O. Torres (dir.), La santé du dirigeant. De la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, (partie 1, chapitre 2, p. 51-67). Bruxelles, Belgique, De Boeck.
  • [17]
    Martineau-Bourgninaud V. (2016). Op cité.
  • [18]
English version

Les points forts

  • Le dépôt de bilan représente une épreuve de vie traumatique.
  • Depuis la suppression des fichiers stigmatisants, il n’y a plus de « double peine » et les chefs d’entreprises ne sont plus jugés indignes d’être soutenus pour faire face à la souffrance qu’ils ressentent.
  • Un écosystème d’entraide patronal, à travers notamment le « portail du rebond des entrepreneurs », leur apporte une prise en charge psychologique.

1De par son pouvoir destructeur, le dépôt de bilan fait partie des expériences jugées redoutables. Cette situation, assimilable « à une mort symbolique » [1], suscite une tension émotionnelle qu’aucune autre réalité ne peut lui opposer. Au-delà de la vision héroïque, l’échec laisse une trace plus ou moins indélébile chez les individus, vivant « d’autant plus mal leurs difficultés entrepreneuriales qu’ils se sentent également « incompris », « mal aimés », par une société qui réduit souvent le monde patronal aux entreprises du CAC 40 » [2] ou à l’objet de tous les fantasmes que représente le phénomène start-up. Si la situation est grave, parfois dramatique pour les plus fragiles, elle n’est pas désespérée... Des dispositifs solidaires, centrés sur le soutien psychologique, invitent à ne plus rester étrangers à la souffrance patronale et à créer des conditions favorables au rebond.

Le dépôt de bilan, un évènement traumatique

2Le dépôt de bilan sonne évidemment comme un évènement traumatique pour un chef d’entreprise. Il figure à la première place des stresseurs professionnels en termes d’intensité émotionnelle (3.68), bien avant les problèmes de trésorerie (3.52) et la baisse d’activité commerciale (3.45) [3]. La mise en liquidation suscite la culpabilité du dirigeant, coupable de ne plus pouvoir assumer ses responsabilités, de ne plus pouvoir mener un projet dans lequel toute sa vie est investie, sa famille, ses biens, ses liens sociaux, sa santé. Elle le contraint à patienter (15 à 18 mois au minimum) sur son sort dans la « salle des pas perdus » [4] des Tribunaux de Commerce, « à être jugé pour ce qu’il a (mal) fait »[5]. « [Son] désespoir est paradoxal avec l’image d’Homme audacieux, courageux, leader, battant, voire dominateur que véhicule le chef d’entreprise, [en réalité, compréhensible quand on sait que] la machine administrative des juridictions broie inévitablement les êtres »[6]. Si depuis plusieurs années différents dispositifs de prévention des difficultés des entreprises sont prévus par le droit, malgré cela, la douleur de l’échec et la souffrance demeurent. Parce qu’il est très difficile de demander de l’aide dans les moments les plus bas, celui qui y est confronté le vit comme une « blessure personnelle, narcissique, intime » [7]. Le « dépassement de l’échec entrepreneurial » [8] n’est pas si simple : le réflexe naturel est de se réfugier dans l’effet anesthésiant du déni, puis de tristesse et/ou de colère où apparaissent des sentiments de culpabilité et/ou de honte. Lorsque l’individu surmonte le traumatisme de l’échec, la peur ou l’orgueil d’en parler, il peut entrer dans une phase de réflexion et de relativisation jusqu’à l’acceptation et l’apprentissage de ses erreurs, traduisant une capacité résiliente.

3La résilience active (phase ultime) se manifeste par le retour de l’énergie d’entreprendre, souvent appelé un peu facilement rebond. Or, « pour se reconstruire, il est essentiel de pouvoir mobiliser des ressources internes et externes, de retisser des liens, de refaire confiance à d’autres pour rompre parfois une spirale d’isolement, d’accepter de sortir d’un contexte douloureux pour aller vers une transformation » [9]. Mais, « certains vont tellement mal qu’ils se laissent emporter à leur insu, insidieusement, vers un processus de crise qui leur fait perdre le contrôle sur eux-mêmes » [10], les conduisant potentiellement à mettre fin à leurs jours. Ces actes suicidaires sont malheureusement trop souvent encore passés sous silence [11].

La suppression de fichiers stigmatisants

4L’année 2013 marque une étape. Les réseaux de soutien social historique comme les syndicats professionnels et les chambres consulaires semblent connaître une désaffection. Or, ils assurent traditionnellement pour les entrepreneurs une fonction d’amortisseurs des angoisses face aux difficultés professionnelles (INSERM, 2011). Le gouvernement, par le truchement de la ministre déléguée aux PME Fleur Pellerin, dans le cadre de la Charte du Rebond, s’empare du sujet pour décomplexer les entrepreneurs en échec et lever le premier obstacle au rebond entrepreneurial. Il s’agit de la suppression effective de l’indicateur dirigeant « 040 » [12], qui stigmatise les chefs d’entreprise ayant déposé le bilan. Concrètement, « plus d’épée de Damoclès sur la tête ! » [13]. La France jusqu’alors était le seul pays européen à disposer d’un indicateur aussi pénalisant, s’apparentant à une double peine pour un entrepreneur qui voulait rebondir. Pour rappel, il s’agissait d’une inscription au Fichier Bancaire des Entreprise (FIBEN) qui rendait très difficile l’ouverture d’un compte bancaire, l’accès au crédit, au leasing à titre professionnel et privé. Par un décret du 1er octobre 2018 (loi Pacte), l’indicateur « 050 » de la Banque de France est également supprimé à compter du 1er janvier 2019 ; les banques ne se réfèrent désormais qu’à l’indicateur « 060 ». Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé publiquement à réduire la durée d’inscription au Kbis des mentions « en sauvegarde/ en redressement ». La France se rapproche ainsi des pratiques anglo-saxonnes qui favorisent davantage la régulation par le marché que par une autorité administrative bancaire.

Un écosystème d’entraide patronal

5La même année (2013), quatre associations à l’origine du Groupement d’Intérêt Associatif (GIA) baptisé « Portail du rebond des entrepreneurs » [14] voient le jour. Leur objectif commun est d’aider les entrepreneurs à rebondir pendant ou après avoir connu des difficultés entrepreneuriales. Ces associations de bénévoles, qui ont fait le choix, avec résilience et audace, de capitaliser sur cette expérience, sont fondées sur la solidarité et le partage entre pairs. Chacune affirme sa singularité : SOS Entrepreneur intervient pour aider l’entrepreneur à « Rebondir aux commandes de son entreprise » grâce à sa plate-forme d’écoute à distance et d’accompagnement 24h/24h ; RE-CREER permet à l’entrepreneur qui a tout perdu de partager son expérience pour « Rebondir vers un nouveau projet » à travers des ateliers d’échanges ; 60 000 Rebonds accompagne l’entrepreneur dont l’entreprise a été liquidée à « Rebondir en recréant une activité » ; enfin, SECOND SOUFFLE apporte un soutien pour « Rebondir en retrouvant un emploi » dans le salariat (voir encadré).

Dimitri Pivot, président de Second Souffle : « Après un premier rebond salarial, certains retournent à l’entrepreneuriat »

J’ai décidé en 2010 de mettre à profit mon expérience de chef d’entreprise malchanceux en fondant Second Souffle […] Tout d’abord, il est important de définir le périmètre de nos membres, qui sont plutôt des 35/55 ans venant de l’économie « traditionnelle », très souvent « abîmés » par cet échec tant professionnel que familial et financier. Un pan de leur vie et de leur capital – social et financier – s’écroule. Nous avons très peu de membres venant de l’économie « numérique / digitale ». Nous observons que la capacité de rebond chez les jeunes entrepreneurs est beaucoup plus développée. Pour eux, l’échec est clairement assumé comme une expérience riche et valorisable sur un marché de l’emploi qui attend de l’agilité, de l’autonomie et de l’audace. Pour nos membres, le rebond au travers d’une activité salariale ou d’autres formes d’emploi (management de transition, portage salarial…) est dans deux tiers des cas privilégié afin de générer très rapidement une nouvelle source de revenus. Ce premier rebond n’est souvent qu’une passerelle afin d’assurer ses engagements tant familiaux que financiers (dettes éventuelles). Avec huit ans de recul, nous constatons que certains de nos membres, après un premier rebond salarial, retournent à l’entrepreneuriat. Par ailleurs, quelle banque serait prête à suivre un entrepreneur de 50 ans après un échec ?… L’orientation que nous avons donnée à nos actions dès la création de Second Souffle se confirme donc être la bonne voie pour notre public cible des 35/55 ans. La priorité au rebond salarial doit être clairement privilégiée pour un rebond dans les six/huit mois. Par ailleurs, recréer ou reprendre une nouvelle activité impose d’avoir un minimum de capital et/ou un associé capitalistique, et surtout un projet viable qui pourra à très court terme générer du résultat. Pari compliqué pour un entrepreneur en rebond ! Mais nous en avons…
Enfin, pour revenir sur la notion d’échec, je pense que c’est une formidable source d’enseignement, encore faut-il vouloir analyser et comprendre les causes de son échec. Nous avons créé la notion « d’échec utile », exposée lors des conférences « EntreprenUp » que nous organisons dans l’enseignement supérieur. Comprendre les raisons de ses échecs amène à découvrir des pans entiers de sa propre personnalité et à travailler ses points faibles pour en faire des forces. Depuis 2017, nous développons également les journées « 24h chrono pour rebondir » dont l’objectif est de fédérer pendant une journée l’ensemble des acteurs économiques publics et privés impliqués dans le rebond des entrepreneurs.

Une prise en charge de la souffrance morale

6Deux nouveaux membres sont récemment associés à la cause désormais reconnue d’utilité publique de la résilience des entrepreneurs. L’observatoire AMAROK, association scientifique créée en 2009 par Olivier Torrès, Professeur des Universités (Montpellier), s’intéresse à la santé physique et mentale des travailleurs non-salariés (TNS). Son versant juridique, l’association d’aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë (APESA), créée en 2013 sous l’impulsion de Marc Binnié, greffier au Tribunal de Commerce de Saintes (Charente-Maritime), vise à répondre à la souffrance morale du justiciable. Il forme des sentinelles de la prévention du suicide dans les tribunaux de commerce, les études de mandataires judiciaires ou encore les cabinets d’expertises comptables et d’avocats. En mars 2018, 1 050 sentinelles ont déjà été sensibilisées. La prise en charge s’organise autour de « fiches alertes » et de rendez-vous (cinq séances gratuites) auprès d’un réseau de psychologues libéraux pour ceux qui le souhaitent. Dans le dispositif, c’est le psychologue qui prend contact avec la personne concernée pour lui proposer de la rencontrer dans les cinq jours. Visiblement un succès, comme le confient les bénéficiaires du dispositif APESA (voir encadré ci-après).

« J’ai compris qu’enfin je n’étais plus seul »

« Je souhaite vous remercier pour le soutien apporté par votre appel, vendredi dernier, jour du dépôt au greffe du tribunal de commerce du dossier de cessation de paiement de mon entreprise dans le but de demander un redressement judiciaire. Voir écrit cela fut pour moi un choc psychologique important, même s’il était évident que mon entreprise était malade. Je ne vais rien vous apprendre en vous disant que j’espérais toujours la « sauver » sans passer par des procédures qui déjà dans les mots m’effraient ; donc dans les faits, je n’ose imaginer. Pour avoir lu de long en large le site APESA et sa documentation riche et intéressante, j’ai pourtant appris que ces procédures étaient là pour nous aider à faire mieux que seul. Mais, car bien entendu on part au tribunal abattu sinon battu, il reste à gérer l’étape émotionnelle, la « descente aux enfers » morale. Même si on essaye d’être solide il est dur de gérer les peurs, la honte, la déception d’avoir failli. Je vous remercie de m’avoir demandé si j’avais des idées suicidaires. Oui, cela aurait pu être le cas car à ce moment-là mon cerveau ne fonctionnait qu’en mode émotion et je ne raisonnais plus.
Être contacté aussi vite par une personne que je ne connaissais pas et qui m’a écouté fut un grand soulagement. Il est difficile de trouver les mots pour qualifier le mieux-être que cela m’a apporté, mais derrière tout cela, j’ai compris qu’enfin, je n’étais plus seul… Je ne vous remercierai jamais assez. Je n’aurais pas fait moi-même la démarche de m’adresser à un psychologue, alors que j’en avais tellement besoin… »
« Sans la secrétaire de ce tribunal et les personnes qui m’ont suivi, je n’aurais jamais surmonté cette dure épreuve et ne serais certainement plus là pour témoigner ».
« Sans l’initiative APESA que je salue, je ne pense pas que j’aurais eu la force, ni le courage, de me relancer dans l’aventure du chef d’entreprise alors pour conclure un seul mot s’impose : MERCI !!! »
Témoignages de bénéficiaires du dispositif APESA, extraits du site internet de ’Association.[15]

7Jusqu’alors spectateurs complices, des initiatives privées contribuent à repérer à leur manière cette population à risque. Par exemple, la fondatrice d’Oser Rêver sa carrière (voir encadré ci-dessous), entreprise spécialisée dans l’accompagnement professionnel, fait face au quotidien à des entrepreneurs vulnérables, au « bout du rouleau ». En facilitant l’expression de leur souffrance, elle reconnaît la manifestation d’un « burn-out patronal » [16], élargissant de facto le champ des contextes professionnels touchés par ce mal du siècle.

Marina Bourgeois, fondatrice des Samedis du Burn Out : « se retrouver entre pairs pour rompre l’isolement est important »

Marina Bourgeois, ex-chasseuse de tête et ex-enseignant-chercheur en Droit des Affaires, est l’auteure de Burn-Out, le (me) comprendre & en sortir. Elle a fondé Oser Rêver Sa Carrière, un cabinet de conseil spécialisé en transition, gestion de carrière et épuisement professionnel, qui organise les Sessions du Burn Out (SBO).
« Fin 2016, j’ai créé les Samedis du Burn-Out (SBO) espaces d’échanges entre salariés et entrepreneurs rencontrant des turbulences professionnelles, en l’occurrence un épuisement. Trois heures consacrées à une problématique liée au burn-out (exemple : les conséquences sur l’entourage, le regard des autres, les symptômes, la reprise d’activité, etc.) suivies d’échanges informels entre les parties prenantes (épuisé(e)s, professionnels de santé, institutionnels, etc.). Très rapidement, nous nous sommes aperçus que les entrepreneurs étaient les plus nombreux à venir à ces sessions qui se déroulaient dans un tiers lieu justement dédié à l’entrepreneuriat, l’emploi et la formation. Sur une trentaine de personnes à chaque SBO, nous avions en moyenne 23 entrepreneurs présents. Plusieurs raisons à cette prédominance des chef(fes) d’entreprise ou solo-preneurs.
D’abord, le souhait de rompre l’isolement dans lequel ils se trouvaient. Beaucoup d’entre eux se sont retrouvés totalement seuls au moment où le burn-out leur est tombé dessus. Leur vie sociale, parfois familiale, s’était peu à peu réduite à peau de chagrin. Corollaire de cet isolement : un grand besoin de s’exprimer. Beaucoup en avaient « gros sur la patate » et ne trouvaient pas d’oreille attentive et surtout connaissant leurs problèmes. Se retrouver entre pairs était un leitmotiv important : parler le même langage, comprendre les turpitudes des uns, apporter un regard ou un conseil sur les problématiques des autres…
Ensuite, une farouche volonté de s’opposer au mythe, pour ne pas dire diktat de l’entrepreneur super héros qui réussit du premier coup. L’ensemble des entrepreneurs présents s’accordait en effet à dire que l’échec entrepreneurial est encore trop tabou dans notre société dans laquelle on entreprend par ailleurs de plus en plus. Corollaire de cette volonté : déculpabiliser l’entrepreneur qui ne réussit pas à atteindre ses objectifs et mettre en avant l’audace ainsi que les qualités qu’il lui a fallu pour oser l’aventure entrepreneuriale. Depuis, les Samedis du Burn-Out sont devenus les Sessions du Burn-Out, cycle de conférences dédiées à l’épuisement des entrepreneurs et des salariés.

Redonner à l’échec la place qui lui revient !

8Malgré les avancées en la matière, il est temps de redonner à l’échec la place qui lui revient dans l’aventure entrepreneuriale, en s’inspirant de la mentalité anglo-saxonne. Le droit à une seconde chance, au redémarrage, au rebond, peu importe comment l’opinion publique le qualifie, doit devenir une réalité pour agir en conséquence. Concrètement, il convient dans une France qui complique encore la capacité à rebondir :

  • de faire mieux connaître aux entrepreneurs le droit des entreprises en difficultés pour les préparer à affronter cet événement nocif et combattre l’isolement. La plupart cachent leurs problèmes jusqu’à ce qu’il soit trop tard très souvent par méconnaissance des procédures collectives. Il devient urgent de les informer pour qu’ils puissent, dès les premiers signes de difficultés, réagir pendant qu’il est encore temps ;
  • de mieux protéger les « petits » patrons. Le suicide patronal, et plus largement la souffrance ressentie, ne sont pas de simples faits divers. À cet égard, on peut espérer une jurisprudence thérapeutique, réfléchir aux moyens de restaurer les droits du chef d’entreprise encore bafoués dans l’enceinte judiciaire par la suppression de certaines mesures infâmantes, « fantômes du droit de la faillite qui hantent encore le droit des entreprises en difficulté et qui n’ont plus leur place dans une justice du XXIe siècle » selon les termes de Martineau-Bourgninaud [17] ;
  • de modifier les représentations sociales afin de montrer une image plus positive de l’échec. Il serait, par exemple, judicieux de médiatiser des « success stories » d’entreprises créée par des entrepreneurs à l’issue d’un premier échec, à l’image de la Palme du Rebond Entrepreneurial [18] créée en 2018 par le Columbia Business Club de France avec le soutien de BPI France.
  • d’éduquer la nouvelle génération d’étudiants-entrepreneurs à la valorisation de l’échec et à l’enrichissement que l’on peut en tirer en termes d’expérience. Quid de l’impérieuse responsabilité des universités et écoles supérieures dans l’apprentissage de l’échec entrepreneurial ?


Date de mise en ligne : 03/06/2019

https://doi.org/10.3917/entin.039.0064

Notes

  • [1]
    Brunet-Mbappe, A. (2013). L’échec entrepreneurial, par-delà le tabou, in Catherine Léger-Jarniou (direction), Le grand livre de l’entrepreneuriat, Dunod, pp. 43-54.
  • [2]
    Dixit Maitre Marc Binnié, greffier au tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime), Le Monde, 16/04/2016.
  • [3]
    Lechat, T. et Torrès, O. (2016), les risques psychosociaux du dirigeant de PME : typologie et échelle de mesure des stresseurs professionnels, RIPME, vol. 29, n. 3-4, pp. 135-149.
  • [4]
    Qualifiée ainsi par les avocats.
  • [5]
    Philippart, P. (2017). L’accompagnement de l’entrepreneur en difficulté : questions autour d’un phénomène complexe, Projectique, 16 (1), 2017, p. 11-29.
  • [6]
    Martineau-Bourgninaud, V. (2016). Les remèdes à la souffrance du chef d’entreprise en difficulté. Recueil Dalloz. p. 252.
  • [7]
    Bernard, M.-J. (2017), Vivre l’échec entrepreneurial : faire face et se transformer, The Conversation France.
  • [8]
    Brunet-Mbappe, A. (2013). Op cité.
  • [9]
    Bernard, M-J (2012). Du traumatisme à l’entrepreneuriat salutaire : parcours d’entrepreneurs résilients, Dans O. Torres (dir.), La santé du dirigeant. De la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, (partie 3, chapitre 1, p. 179-190). Bruxelles, Belgique, De Boeck.
  • [10]
    Binnié M. ; Douillard, J.L et Fèvre, M. (2018), La souffrance de l’entrepreneur, comprendre pour agir et prévenir le suicide, Presses de l’EHESP.
  • [11]
    Bah, T et Gaillon, D. (2016), Processus suicidaire des dirigeants de petites entreprises : état des lieux et mesures de prévention, Revue Management & Avenir, vol. 3, N. 85, pp. 79-10.
  • [12]
    L’indicateur 000 signifie qu’il n’existe sur le dirigeant aucune information particulière émanant des tribunaux de commerce. L’indicateur 040 signale que le dirigeant a connu un dépôt de bilan au cours des trois dernières années. L’indicateur 050 caractérise une personne ayant déposé le bilan de deux sociétés non liées entre elles au cours des cinq dernières années. L’indicateur 060, enfin, signale que trois dépôts de bilan, ou une interdiction de gérer, ont été prononcés au cours des cinq dernières années.
  • [13]
    Dixit les chefs d’entreprises.
  • [14]
  • [15]
  • [16]
    Ben Tahar, Y. & Rossi, M. (2012). Le burnout patronal. Dans O. Torres (dir.), La santé du dirigeant. De la souffrance patronale à l’entrepreneuriat salutaire, (partie 1, chapitre 2, p. 51-67). Bruxelles, Belgique, De Boeck.
  • [17]
    Martineau-Bourgninaud V. (2016). Op cité.
  • [18]

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions