Notes
-
[1]
Moati, P. 2002. Les nouvelles logiques de l’entreprise. Cahier français, n°309.
-
[2]
Teglborg, A., Bonnafous-Boucher, M., Redien-Collot, R. & Viala, C., « L’Innovation participative à orientation entrepreneuriale, un atout concurrentiel à cultiver ». Entreprendre & Innover 2013/2 (n° 18), p. 23-30.
-
[3]
Idem.
-
[4]
Ibid.
-
[5]
Ibid.
-
[6]
Lalande, A., « Vocabulaire technique et critique de la philosophie », 2nde Edition, 2006, p. 310.
-
[7]
Danvers, F., « Regards croisés sur l’évènement », Pensée plurielle 2006/3 (n° 13), p. 13-20.
-
[8]
Leclerc-Olive, M., « Le dire de l’évènement (biographique) », Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997.
-
[9]
Gueguen, H. « Du possible à l’événement : essai de typologie à propos de l’événement et de la contingence », Nouvelle revue de psychosociologie 2015/1 (n° 19), p. 79-92, page 87.
-
[10]
Gueguen, H. « Du possible à l’événement : essai de typologie à propos de l’événement et de la contingence », Nouvelle revue de psychosociologie 2015/1 (n° 19), p. 79-92, p. 89.
-
[11]
Cheng, J., Yang, Y. (2012). Theoretical foundation and concepts of collaborative innovation. Science Studies, n° 2, pp. 161-164.
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Pour des raisons de confidentialité, les noms des entreprises Club V et YEON ont été changés.
-
[14]
Les auteurs remercient l’association Innovacteurs pour le partenariat développé à partir de 2006 et pour la richesse des échanges avec ses membres contribuant aux réflexions développées dans cet article.
-
[15]
Eisenhardt K. (2007). “Theory building from cases: opportunities and challenges”. Academy of Management Journal, 50 (1), 25-32.
-
[16]
Document d’entreprise.
-
[17]
Document d’entreprise.
Les points forts
- Les événements collaboratifs organisés dans le cadre d’une démarche d’innovation participative facilitent l’expression du potentiel créatif des salariés, en mettant en relation différents individus lors de rencontres physiques ou par l’intermédiaire d’une plateforme numérique.
- Les événements collaboratifs font sortir les salariés de leur quotidien en leur faisant vivre une expérience intense qui ouvre le champ des possibles en matière d’innovation participative.
- Cet article propose des repères aux praticiens qui souhaitent développer des événements collaboratifs au sein de leur entreprise.
1Être toujours plus innovant est l’impératif adressé aux grandes entreprises depuis plusieurs décennies (Moati, 2002) [1]. Si elles ont déjà initié des transformations importantes visant à démocratiser l’innovation grâce à l’innovation participative (Teglborg et al., 2013) [2], nous assistons à un renouveau des pratiques des grandes entreprises, de plus en plus séduites par le monde des start-ups. « L’esprit start-up, oui, cela nous inspire pour être plus innovant. Nous essayons d’adopter certaines de leurs pratiques en les adaptant à notre organisation matricielle de plusieurs milliers de salariés. » témoigne un responsable innovation d’Amer Sport. Innover en intégrant l’esprit start-up passe notamment par l’organisation de hackathons, de challenges d’innovation, de learning expeditions, soit autant d’événements ayant vocation à stimuler la créativité et l’émergence d’idées nouvelles en sortant les employés de l’espace habituel de travail. Après avoir défini ce qu’est un événement collaboratif, nous présenterons trois cas de grandes entreprises qui en organisent. Leur analyse permettra d’apporter des éléments de réponse aux questions posées dans cet article : Pourquoi et comment les grandes entreprises mettent-elles en place ces événements ? Quels en sont les effets ? Pour finir, nous proposerons une série de questions utiles aux praticiens.
Quand l’innovation participative passe par des événements collaboratifs
2L’innovation participative (IP) vise « à démocratiser l’innovation et à en faire l’affaire de tous » [3]. Depuis les années 2000, l’IP a gagné tous les secteurs d’activité et de nombreuses entreprises dotent aujourd’hui leur démarche d’une orientation entrepreneuriale [4]. Au lieu de se focaliser uniquement sur la participation des salariés, les améliorations continues ou les réductions des coûts, comme dans les années 1990, les stratégies d’IP à orientation entrepreneuriale se veulent un levier pour « l’innovation hybride conjuguant innovations de rupture et innovations incrémentales » [5]. L’IP apparaît alors comme un moyen de renforcer la capacité d’innovation de l’entreprise. Dans ce contexte, les grands groupes ont fait évoluer les pratiques d’IP puisqu’ils se sont progressivement emparés des événements collaboratifs, initialement développés dans l’univers des start-ups.
3Pour circonscrire ce qu’est un événement collaboratif, il nous faut tout d’abord comprendre ce qu’est un événement. En philosophie, un événement est défini comme ce « qui advient à une date et en un lieu déterminés, lorsque ce fait présente une certaine unité et se distingue du cours uniforme des phénomènes de même nature » [6]. En nous appuyant sur cette définition, nous proposons pour décrire un événement, de distinguer la dimension temporelle (la date, la durée, le rythme) et la dimension spatiale (le lieu physique ou virtuel).
4Fait notable offrant à ses protagonistes une expérience cruciale [7], un événement est quelque chose « qui fait irruption, discordance, introduit un changement, marque une discontinuité » [8]. En cela, l’événement fait, selon l’expression de Deleuze, sortir ses protagonistes de la « banalité quotidienne » [9]. En offrant une expérience nouvelle, l’événement plonge les protagonistes dans le champ des possibles et ouvre la voie aux éventuelles transformations. Créer un événement, c’est créer « les conditions d’une action collective transformatrice et émancipatrice. » [10].
5Dans cet article, nous nous intéressons spécifiquement aux événements dont la vocation est de favoriser l’IP, que nous appelons en conséquence événements « collaboratifs ». Pour être qualifié de tel, l’événement doit favoriser « la synergie grâce à des interactions holistiques, et… complémentaires entre et parmi les participants à l’innovation, dans un environnement spécifique » [11]. De fait, l’innovation émerge lors d’interactions sociales au cours desquelles des acteurs divers partagent des connaissances complémentaires [12]. Les entreprises désireuses de revitaliser leur démarche d’IP organisent ainsi des EC propices à faciliter l’expression du potentiel créatif des salariés facilitée par des interactions sociales d’individus mis en relation lors d’un événement présentiel ou par une plateforme numérique. Les propositions ainsi élaborées peuvent ensuite être développées par les salariés experts ou non experts de l’innovation.
Trois grandes entreprises : des modalités et des usages différenciés
6L’article repose sur trois études de cas réalisées auprès de grandes entreprises ayant organisé plusieurs EC entre 2009 et 2017 dans le cadre de leur démarche d’IP. Le premier cas porte sur les « bulles de créativité » organisées par Club V [13] au cœur d’un projet de renouvellement stratégique. Le second cas chez Amer Sports concerne des « Campagnes virtuelles » (également appelées Call for Ideas) ayant pour but d’intensifier l’innovation produit. Enfin, le troisième cas se concentre sur les « learning trips » de la banque YEON au service de l’émergence d’innovations radicales.
7Avant d’aborder ces terrains de recherche, les chercheurs avaient connaissance des objectifs poursuivis par les trois entreprises, ainsi que de la diversité des modalités d’organisation de leurs EC [14]. Aussi, les trois études de cas ont été choisies pour leur pertinence à recueillir des données permettant de répondre de manière différenciée aux questions de recherche [15]. En effet, le sens et la nature des EC diffèrent dans les trois cas.
8Les données recueillies reposent sur trois méthodes de collecte complémentaires : douze entretiens individuels semi-directifs, trois entretiens de groupes ainsi que l’étude de documents secondaires (documents d’entreprise, articles de presse). Les entretiens individuels ont été menés auprès des responsables des démarches d’IP étudiées (trois personnes) et de salariés participant aux EC (neuf personnes). Les entretiens de groupe étaient composés de dix à quinze animateurs d’EC.
9Pour analyser les données, nous avons dans un premier temps décrit de manière narrative chaque étude de cas. Puis, nous avons codé les données afin d’obtenir des catégories (tableau 1, page 14) nous permettant de répondre à nos questions de recherche.
Club V : des « bulles de créativité » au cœur d’un projet de renouvellement stratégique
10Lorsque le nouveau PDG évoque son accession à la présidence du Club V, son constat est sans appel : « le milieu de gamme s’est effondré. Il fallait donc être soit le meilleur, soit le moins cher. » [16]. Sa détermination à faire monter en gamme les plus de 70 hôtels du Club V est inébranlable. Pour cela, il déploie un projet interne dont la finalité est de repositionner le Club V sur le haut de gamme. Des opérations de communication présentent l’ambition et l’approche collaborative adoptée pour transformer l’entreprise. Un des axes consiste à déployer une démarche d’IP s’appuyant sur les salariés dont la connaissance des hôtels et l’inventivité sont perçus comme clé pour réinventer le business model de l’entreprise. De une à trois « bulles de créativité », chacune d’une durée d’environ trois heures, sont organisées dans les hôtels. Regroupant des salariés volontaires et animées par des facilitateurs formés aux techniques de créativité, ces bulles visent à réinventer les différentes facettes de la vie des hôtels : Comment accueillir les visiteurs à leur arrivée ? Accompagner leur départ ? Quels services « haut de gamme » ajouter ? Les idées fusent tels des « pop-corn » (un facilitateur). Les participants autoévaluent les idées selon des critères précis, avant de choisir celles qui seront mises en place dans leur village. Une fois les projets mis en œuvre, leur impact est évalué, puis à l’aide d’un descriptif, les projets sont partagés sur l’intranet, venant ainsi inspirer d’autres bulles. Les projets ayant vocation à être généralisés deviennent des normes contribuant à la montée en gamme.
Amer Sports : des « Campagnes virtuelles » au service de l’intensification de l’innovation produit
11Pour Amer Sports et ses marques (Salomon, Atomic…), l’innovation est un élément crucial pour renouveler continuellement les gammes de produits. Née d’une réflexion stratégique, IDEAS (leur démarche d’IP) vise à accélérer les dynamiques collaboratives internes afin d’intensifier l’innovation. IDEAS s’appuie sur une plateforme numérique collaborative qui permet d’organiser des EC virtuels appelés Campagne ou Call for Ideas. Ils ont été conçus pour collecter des propositions de nouveaux produits répondant au besoin d’innovation spécifique d’une marque. Le point de départ est un besoin d’innovation – produit porté par un commanditaire. Une attention particulière est portée à la définition du périmètre des salariés invités à participer (l’ensemble des salariés, une marque, un pays…). Les premières Campagnes virtuelles lancées en 2015 dans trois pays (France, Autriche, Bulgarie) concernaient deux marques (Atomic et Salomon). Durant trois semaines, l’équipe IDEAS joue le rôle de modérateur sur la plateforme, tandis que des coachs innovation aident les salariés à formaliser et à déposer leurs idées. À la fin de chaque Campagne, l’équipe IDEAS présente un book d’idées au commanditaire. Une évaluation est ensuite réalisée par des experts. Si celle-ci est positive, la mise en œuvre de la proposition de nouveaux produits est prise en charge par l’entité qui a lancé la Campagne. Ce processus est vertueux car il répond à des besoins réels et suscite ainsi l’engagement des acteurs. Ces Campagne font désormais partie intégrante de la manière dont on innove et collabore chez Amer Sports. Lorsqu’un nouveau besoin d’innovation émerge, la réponse est de plus en plus fréquemment la création d’un EC virtuel, qui vient enrichir les pratiques de travail habituelles.
YEON : des « learning trip » pour explorer le champ des possibles et déclencher des innovations radicales
12YEON banque fait partie d’un Groupe dont un de ses dispositifs phares est la démarche Inno Attitude, au sein de laquelle la banque organise une fois par an un événement, la Inno Expedition, qui permet « d’être en rupture par rapport à son quotidien » (animateur). La Inno Expedition sert à explorer et exploiter des idées innovantes. Le directeur innovation souligne que ce dispositif permet « de renforcer les moyens pour conquérir de nouveaux marchés, inventer des nouveaux services, développer de nouveaux canaux, de nouvelles façons de vendre. » [17]. Des collaborateurs d’horizons variés (hypermarchés, commerce de détail, banque, immobilier) venant des différentes régions peuvent postuler au dispositif. Après une sélection rigoureuse des idées, quinze participants sont choisis. Une expédition a lieu dans une ville étrangère (Berlin, San Francisco…) et dure cinq jours, décomposés en deux temps distincts. Les trois premiers jours sont consacrés à la découverte d’entreprises et d’innovations locales, les deux jours suivants sont organisés sous forme d’ateliers pour passer de l’idée au projet. En plus des 15 émetteurs d’idées, 15 dirigeants participent à l’expédition. Des binômes sont formés pour aider l’émetteur d’idée à la maturation de son idée et pour préparer son business model, la road map et le pitch final. Lors de la phase de maturation, une collaboration avec une école de design est prévue. À la fin de l’expédition, un vote a lieu entre les innovateurs afin de désigner un lauréat. Au retour, le développement et la mise en œuvre du projet se poursuit au rythme de réunions régulières. La mise en place de l’idée peut durer jusqu’à 18 mois.
Quelques repères pour penser les événements collaboratifs
13En comparant les dimensions stratégiques, spatiales et temporelles de ces trois cas, nous apportons des éléments de réponse aux questions posées dans cet article : Pourquoi et comment les grandes entreprises mettent-elles en place des EC ? Enfin, l’analyse permettra de distinguer les EC menant à trois effets distinctifs « boule de neige », « geyser » ou « irrigation ».
Analyse des EC menant à trois effets distincts
Analyse des EC menant à trois effets distincts
La dimension stratégique
14L’orientation stratégique des événements collaboratifs constitue un élément distinctif important. Si le Club V vise un renouvellement stratégique (montée de gamme), Amer Sport aspire avant tout à l’intensification de l’innovation produit, alors qu’YEON recherche potentiellement des innovations radicales. L’impulsion initiale est différente dans les trois cas. Si dans les cas du Club V et d’YEON, l’impulsion vient de la direction générale, la démarche d’Amer a été initiée au sein d’une business unit et se déploie de manière organique au sein de la structure matricielle. Le ciblage des EC se trouve directement impacté par ces deux premiers facteurs, puisque dans le cas du Club V, les EC sont tous au service du projet stratégique de l’entreprise, alors que dans le cas d’YEON il s’agit d’une invitation à voyager au sens littéral pour explorer l’inconnu et revenir, peut-être, avec une trouvaille qui modifiera la trajectoire de l’entreprise. Chez Amer Sport, les EC ont vocation à répondre aux besoins d’innovation précis des commanditaires. Quant à la destination, elle n’est pas connue d’avance chez YEON, alors que celle du Club V est précisément définie avant le début de l’aventure collaborative. Chez Amer Sport, la destination de chaque Campagne reste inconnue, mais se situe dans un champ défini par le besoin du commanditaire. Enfin, le degré d’hétérogénéité des participants varie fortement dans les trois cas. Elle constitue un critère de sélection chez YEON, puisqu’il est idéalement souhaité que tous les métiers et pays soient représentés. Chez Club V, l’EC étant organisé dans le lieu habituel de l’activité professionnelle, les salariés impliqués sont habitués à interagir au quotidien et sont homogènes. Chez Amer Sport, l’hétérogénéité dépend du périmètre concerné par la Campagne.
La dimension spatiale
15La dimension spatiale fait référence au lieu où se déroule l’EC. Celui-ci peut être un lieu physique ou virtuel. Les EC d’Amer Sport sont entièrement virtuels et s’adressent à une catégorie spécifique de personnes ayant accès à un espace virtuel crée pour eux, par exemple les salariés travaillant pour une des marques du Groupe. Les EC (bulles de créativité) mis en œuvre par le Club V sont encapsulées dans le quotidien, puisqu’elles sont des parenthèses dans l’activité même des salariés des hôtels. De son côté, YEON adopte une approche radicalement différente puisqu’il s’agit au contraire de s’éloigner le plus possible du quotidien pour aller dans un lieu d’exception, à la fois unique et exotique, ayant vocation à explorer l’inconnu.
La dimension temporelle
16La dimension temporelle fait référence à l’inscription temporelle de l’EC dans le flux des activités routinières de l’organisation et répond à la question du moment, de la durée et du rythme de l’EC. Chez YEON, l’EC a lieu une fois par an. Sa rareté lui confère un caractère exceptionnel qui s’oppose à la régularité des EC organisés aussi bien chez Club V qu’Amer Sport. Cette différence de rythme influence l’enchaînement des discontinuités créées par les EC et la manière dont l’intégration des fruits de l’expérience collaborative dans le quotidien est opérée. Chez YEON, la discontinuité créée est radicale dans la mesure où la durée de l’expérience est significative (une semaine). Chez Amer Sport, chaque EC dure trois semaines, mais le temps durant lequel chaque salarié s’implique relève de son choix. Son engagement peut être concentré ou au contraire parsemé tout au long de la Campagne. Chez Club V, les EC sont au contraire des parenthèses de quelques heures insérées dans le flux des activités quotidiennes, portant en toute logique le nom de « bulles ».
17Enfin, il est essentiel de souligner ce qui se joue après un EC. Chez Club V, à l’issue de chaque « bulle », des idées pouvant contribuer à la stratégie de montée de gamme sont choisies. Elles sont mises en œuvre d’abord localement, au sein de chaque village avant que celles ayant le plus d’impact soient généralisées. Chez Amer Sport, mais aussi chez YEON, chaque Campagne ou learning expedition permet de faire émerger des concepts innovants. Chez YEON, le développement de l’idée est pris en charge par l’émetteur d’idée et l’équipe qui est constituée autour de l’idée, alors que chez Amer Sport le développement est pris en charge par le commanditaire.
Les effets induits
18Nos études de cas nous amènent à distinguer trois effets distinctifs produits par les EC. Certains EC, tels les bulles de créativité du Club V peuvent générer un effet boule de neige car les multiples changements, ancrés dans le quotidien des employés, opèrent une transformation progressive mais radicale de l’entreprise. D’autres EC, à l’instar des Campagne virtuelles d’Amer Sport, peuvent générer un effet d’irrigation en influençant durablement les pratiques d’innovation qui deviennent plus collaboratives. Enfin, les learning expeditions peuvent générer un effet geyser, lorsque quelques « élus » sont temporairement « propulsés » avec force dans un autre espace-temps prometteur d’innovations radicales, dont l’émergence reste toutefois contingente.
Quelques questions utiles aux praticiens
19L’organisation d’événements collaboratifs vise à faire sortir les salariés de leur quotidien et à leur faire vivre une expérience idéalement intense, ayant vocation à ouvrir le champ des possibles, pour que ce qui se jouera après l’événement soit différent de ce qui préexistait. Pour que la magie opère, donner du sens à l’EC est de la plus haute importance. Que recherche-t-on en organisant des EC ? Accompagner un changement important ? Être créatif à partir d’une question ciblée ? Explorer le champ des possibles ?
20Vient ensuite la question du choix de l’EC. Quel format sera le plus adapté à poursuivre l’objectif précédemment formulé ? Quel sera le lieu idéal ? Faut-il choisir un lieu d’exception ou au contraire organiser l’EC au cœur même des activités quotidiennes ? La dispersion géographique et le rythme des activités habituelles des salariés exigent-ils, au contraire, que l’EC soit virtuel et asynchrone ? Quelle plateforme numérique hébergera alors l’événement ? Quelle sera la temporalité la plus adaptée ? Un voyage d’une semaine ? Quelques heures, en forme de parenthèse dans le flux des activités quotidiennes ? Quelques minutes choisies par les salariés pour se connecter, lorsqu’ils le veulent, sur une plateforme ?
21Enfin, viennent les interrogations relatives aux effets de ces EC sur l’organisation. Peut-on espérer un effet d’irrigation transformant l’entreprise d’une manière organique grâce à de nouvelles manières d’innover ? Peut-on espérer un effet de boule de neige grâce au déploiement d’idées transformant le positionnement stratégique de l’entreprise ? Peut-on au contraire s’attendre à un effet geyser, pouvant donner naissance à des innovations radicales ? À chacun d’imaginer les EC qui répondront le mieux aux besoins de l’entreprise.
Notes
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[1]
Moati, P. 2002. Les nouvelles logiques de l’entreprise. Cahier français, n°309.
-
[2]
Teglborg, A., Bonnafous-Boucher, M., Redien-Collot, R. & Viala, C., « L’Innovation participative à orientation entrepreneuriale, un atout concurrentiel à cultiver ». Entreprendre & Innover 2013/2 (n° 18), p. 23-30.
-
[3]
Idem.
-
[4]
Ibid.
-
[5]
Ibid.
-
[6]
Lalande, A., « Vocabulaire technique et critique de la philosophie », 2nde Edition, 2006, p. 310.
-
[7]
Danvers, F., « Regards croisés sur l’évènement », Pensée plurielle 2006/3 (n° 13), p. 13-20.
-
[8]
Leclerc-Olive, M., « Le dire de l’évènement (biographique) », Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997.
-
[9]
Gueguen, H. « Du possible à l’événement : essai de typologie à propos de l’événement et de la contingence », Nouvelle revue de psychosociologie 2015/1 (n° 19), p. 79-92, page 87.
-
[10]
Gueguen, H. « Du possible à l’événement : essai de typologie à propos de l’événement et de la contingence », Nouvelle revue de psychosociologie 2015/1 (n° 19), p. 79-92, p. 89.
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[11]
Cheng, J., Yang, Y. (2012). Theoretical foundation and concepts of collaborative innovation. Science Studies, n° 2, pp. 161-164.
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[12]
Ibid.
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[13]
Pour des raisons de confidentialité, les noms des entreprises Club V et YEON ont été changés.
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[14]
Les auteurs remercient l’association Innovacteurs pour le partenariat développé à partir de 2006 et pour la richesse des échanges avec ses membres contribuant aux réflexions développées dans cet article.
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[15]
Eisenhardt K. (2007). “Theory building from cases: opportunities and challenges”. Academy of Management Journal, 50 (1), 25-32.
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[16]
Document d’entreprise.
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[17]
Document d’entreprise.