Notes
-
[1]
Cet article repose sur un travail doctoral : Fabbri J., 2015, Les espaces de coworking pour entrepreneurs. Nouveaux espaces de travail et dynamiques interorganisationnelles collaboratives, Palaiseau, Ecole polytechnique, 419 p. ; mais aussi sur la visite et l’étude d’une soixantaine d’espaces de coworking, incubateurs et makerspaces dans le monde.
-
[2]
Exemple : Burret A., 2015, Tiers-lieux … Et plus si affinités, Limoges, Fyp Editions, 192 p.
-
[3]
Messeghem K., Sammut S., Chabaud D., Carrier C., Thurik R., 2013, « L’accompagnement entrepreneurial, une industrie en quête de leviers de performance ? », Management international, 17, 3, p. 65-71.
-
[4]
Hackett S.M., Dilts D.M., 2004, « A Systematic Review of Business Incubation Research », The Journal of Technology Transfer, 29, 1, p. 55-82.
-
[5]
Bessière V., Gomez-Breysse M., Gonnard S., Messeghem K., Sammut S., 2014, « Accompagnement de l’innovation : retour sur dix ans d’expérience », Entreprendre & Innover, 21-22, 2, p. 53.
-
[6]
Hansen M.T., Chesbrough H.W., Nohria N., Sull D.N., 2000, « Networked incubators. Hothouses of the new economy », Harvard Business Review, 78, 5, p. 74-84, 199.
-
[7]
Cuzin R., Fayolle A., 2004, « Les dimensions structurantes de l’accompagnement en création d’entreprise », La Revue Des Sciences De Gestion, Direction Et Gestion, 210, p. 77-88.
-
[8]
Messeghem K., Sammut S., 2007, « Poursuite d’opportunité au sein d’une structure d’accompagnement : entre légitimité et isolement. », Gestion 2000, 3, p. 65-81.
-
[9]
Fabbri J., Charue-Duboc F., 2013, « Un modèle d’accompagnement entrepreneurial fondé sur des apprentissages au sein d’un collectif d’entrepreneurs : le cas de La Ruche », Management international, 17, 3, p. 86-99.
-
[10]
Toffler A., 1984, The Third Wave, New York, NY, Bantam.
-
[11]
Levy S., Tordjman G., 2013, L’Ethique des hackers, Paris, Globe, 516 p.
-
[12]
Lallement M., 2015, L’âge du faire : Hacking, travail, anarchie, Paris, Seuil, 448 p.
-
[13]
Néanmoins, l’utilisation de certaines machines requiert d’y être préalablement formé ; formation qui peut, en règle générale, être assurée par les responsables du makerspace.
-
[14]
Bréchignac B., 2015, « Corporate coworking : quelle(s) réalité(s) sur le coworking en entreprise », HR&D.
-
[15]
Fabbri J., Charue-Duboc F., 2016, « Les espaces de coworking : nouveaux intermédiaires de l’innovation ouverte ? », Revue française de gestion, 254, p. 163-180.
Les points forts
- Les espaces de coworking sont des espaces de travail multi-entreprises, adaptés à des activités de services, que l’on rejoint dans une optique de partage, au-delà du désir de développer son projet individuel.
- Nous distinguons les espaces généralistes, ouverts à tous types de profils et d’activités, et les espaces spécialisés, de trois types distincts (ciblés, sectoriels ou fermés).
- Apparaissent également des variantes d’espaces de coworking, s’inspirant des modèles cousins du coworking (tiers-lieu, incubateur, makerspace) : le café-coworking, les espaces de coworking pour entrepreneurs innovants et les espaces de coworking hybrides.
1L’expression « coworking » s’est imposée uniformément partout dans le monde depuis une dizaine d’années. Or, tous les espaces de coworking ne se ressemblent pas. Ils ne fonctionnent pas tous sur le même modèle. Le terme masque en réalité une catégorie hétérogène. Comment différencier les différents types d’espaces de coworking ? Comment trouver l’espace de coworking qui convienne à chacun ?
2Le mouvement coworking repose sur l’idée qu’il est bénéfique de faire travailler ensemble des individus les uns à côté des autres, même s’ils sont engagés dans des projets distincts, sans liens entre eux. En conséquence, le mouvement s’est matérialisé en créant des espaces physiques et collectifs adaptés à la situation de travail spécifique du coworking : les espaces de coworking. Le mouvement coworking tend à les présenter comme radicalement nouveaux.
3Or, ces espaces présentent des similarités avec nombre d’espaces existants, dont certains sont largement étudiés dans la littérature, comme les tiers-lieux, les incubateurs ou les ateliers d’artistes. D’autres types d’espaces, contemporains des espaces de coworking, notamment les makerspaces ou fab labs, attirent une attention croissante et sont souvent amalgamés avec eux. Comment les espaces de coworking se définissent-ils par rapport à ces différents espaces ?
4Nous nous appuierons sur les multiples productions du mouvement autoréflexif qu’est le coworking (sites web, blogs, wiki) et notre connaissance approfondie des espaces de coworking [1], ainsi que sur la littérature relative aux communautés et espaces collaboratifs, pour définir et analyser ce que sont et ne sont pas les espaces de coworking. Nous proposerons une définition et une typologie des espaces de coworking en fonction de la nature des activités hébergées et du profil des membres. Nous distinguerons ainsi les espaces de coworking généralistes (ouverts) et les espaces de coworking spécialisés (ciblés, sectoriels, fermés). Nous mettrons également en évidence trois variantes d’espaces de coworking : le café-coworking, les espaces de coworking hybrides et pour entrepreneurs innovants.
Ce que les espaces de coworking ne sont pas
5Les espaces de coworking ne sont pas les seuls espaces susceptibles de permettre la réunion et la rencontre de travailleurs isolés. D’autres types d’espaces, apparus dans des contextes différents, remplissent également cette fonction, notamment les tiers-lieux, les incubateurs et les makerspaces. Nous présenterons rapidement ces trois cousins des espaces de coworking, pour faire ressortir leurs points communs et différence.
Pourquoi ce ne sont pas des tiers-lieux
6Il n’est pas rare de voir les espaces de coworking définis comme des tiers-lieux [2], sans que le périmètre du type d’espaces qu’ils tentent de caractériser soit totalement stabilisé. Nous revenons sur cette affirmation en nous référant aux travaux fondateurs du sociologue américain Ray Oldenburg (1989).
7La notion de tiers-lieux a été introduite pour caractériser des lieux d’ancrage de la sociabilité urbaine. Les tiers-lieux se définissent par rapport aux premiers lieux – la sphère privée du domicile – et aux seconds lieux – la sphère professionnelle du bureau. À l’intersection de ces deux mondes, avec lesquels ils partagent des ressemblances mais comportent également des différences, les tiers-lieux sont décrits comme des espaces physiques de conversation et d’échanges informels (bistrots, petits commerces, gares). L’accès à ces tiers-lieux est, en règle général, gratuit ou presque. On s’attend à y retrouver les habitués, mais aussi à y rencontrer des nouvelles personnes, dans un cadre souvent accueillant et proposant des collations (ce qui attire les gens et les incite à rester).
8Les tiers-lieux, dont le café est l’archétype, n’ont pas été conçus pour accueillir des individus en situation de travail. Pourtant, les cafés constituent souvent une solution de remplacement au bureau, en situation de mobilité, pour travailler ou organiser une réunion d’affaires. Ils offrent également une alternative à ceux qui travaillent à distance. Les télétravailleurs évitent ainsi de rester seuls chez eux et marquent géographiquement une frontière entre leur vie privée et professionnelle. Le rapprochement entre tiers-lieux et les espaces de coworking souligne l’importance des interactions sociales dans le cadre de situations de travail. Or, si les tiers-lieux au sens d’Oldenbourg constituent une option intéressante pour quelques heures de travail, de façon occasionnelle, ils ne semblent pas permettre une activité de travail de qualité dans la durée.
9Les espaces de coworking ne sont pas des tiers-lieux car il ne s’agit pas d’un entre-deux entre le bureau et le domicile pour des travailleurs sans bureaux fixes. Ce sont avant tout des espaces de travail. Leur fonction première consiste à fournir un environnement de travail de qualité professionnelle (mobilier, connexion wifi, calme). Ils reprennent toutefois les codes de convivialité et de mixité propres aux tiers-lieux pour créer de nouvelles atmosphères de travail (des boissons sont souvent gracieusement offertes dans les espaces de coworking et les codes wifi directement affichés sur les murs).
Pourquoi ce ne sont pas des incubateurs
10Les espaces de coworking attirent de plus en plus d’entrepreneurs, alors que les structures d’accompagnement entrepreneurial (incubateur, pépinière, couveuse, accélérateur) se sont fortement développées en France ces trente dernières années [3]. Pourquoi un entrepreneur préfère-t-il s’installer dans un espace de coworking plutôt que dans un incubateur, idéal type des structures d’accompagnement ?
11Les incubateurs sont des lieux d’accueil et d’appui à des porteurs de projets [4], visant à faciliter la création d’entreprises [5]. Le premier a vu le jour en 1959 à New York, lorsqu’un individu décida de louer des parties du grand entrepôt qu’il peinait à occuper seul à plusieurs autres petites entreprises, à qui il proposa en sus de les aider à lever des fonds pour développer leurs activités. Les incubateurs proposent aujourd’hui de nombreux services, comme la mise à disposition de ressources physiques (bureau, secrétariat) et financières (prise de participation dans la start-up), d’accès à des réseaux professionnels et à des programmes de soutien au développement entrepreneurial [6]. Ces programmes d’incubation visent à développer les compétences et savoir-faire des entrepreneurs, généralement dans le cadre d’une relation dyadique, soutenue dans la durée, entre un accompagnant et un accompagné [7]. L’appartenance à un incubateur favorise la réduction du sentiment d’isolement, dont beaucoup d’entrepreneurs souffrent, et une meilleure crédibilité pour lancer et développer de nouvelles structures [8]. Les incubateurs constituent donc des espaces de travail temporaires (le temps du programme d’incubation), principalement pour des entrepreneurs en amont de la démarche entrepreneuriale.
12Les espaces de coworking ne sont pas des incubateurs, car ce sont des espaces de travail permanents (pas de durée maximale de séjour), à destination aussi bien de créateurs d’entreprises, d’entrepreneurs à la tête de projets matures, que de repreneurs, mais aussi d’indépendants ou salariés d’entreprises. De plus, les espaces de coworking ne s’impliquent pas financièrement dans les projets qu’ils hébergent. Ils s’appuient en revanche sur des principes d’animation spécifique pour créer en leur sein les conditions d’un accompagnement collectif entre pairs [9].
Pourquoi ce ne sont pas des makerspaces
13En parallèle du mouvement coworking, le mouvement des makers s’est également rapidement diffusé à travers le monde, se matérialisant par des espaces physiques de conception et de fabrication appelés makerspaces. Les exemples les plus connus sont les Fab Labs, respectant la charte établie par le MIT en 2002, et les Tech Shops, première enseigne commerciale de makerspaces née aux Etats-Unis en 2006.
14Le mouvement maker, ancré dans la culture du Do-It-Yourself (faites-le (par) vous-même) [10], prône la fabrication « maison », la récupération et l’autodétermination. Il puise dans le mouvement open source et l’éthique hackers [11] qui reposent sur des principes communs d’ouverture, de partage, d’apprentissage par les pairs et de mutualisation. Ainsi, les makerspaces rendent accessibles des technologies, des machines industrielles, des outils de production et de prototypage (découpeuse laser, imprimante 3D, outils, machines à coudre…) permettant de réaliser, réparer et transformer différents types de prototypes et d’objets [12]. Ces espaces sont ouverts à tous (bricoleurs, designers, ingénieurs, artistes) [13], à des fins professionnelles ou de loisir. Les makers fréquentent habituellement ces espaces en parallèle de leur espace de travail traditionnel ou sur leur temps libre.
15Les espaces de coworking ne sont pas des makerspaces car ils ne disposent pas d’équipements ni de machines. Les activités des coworkers sont principalement des activités immatérielles et de services.
Ce que sont les espaces de coworking
16Si les espaces de coworking ne sont ni des tiers-lieux, ni des incubateurs, ni des makerspaces, alors que sont-ils ?
Une définition en deux dimensions
17Sur la base des caractéristiques développées ci-dessus, nous proposons de définir les espaces de coworking comme des espaces de travail physiques multi-entreprises, adaptés à des activités de services, que l’on rejoint avec une volonté de partager avec les co-présents (interactions formelles et informelles, échanges de connaissances), au-delà du désir de développer son projet individuel. Travailler dans un espace de coworking permet de délimiter une frontière entre vie privée et vie professionnelle et de réduire le sentiment d’isolement des travailleurs indépendants et entrepreneurs.
18Les espaces de coworking ne constituent donc pas un type révolutionnaire d’espace de travail (ils comprennent toujours principalement des bureaux et des chaises) mais possèdent deux caractéristiques distinctives qui, associées dans une même unité physique de lieu, les rendent originaux : la présence de plusieurs individus et entreprises différentes – sans liens entre eux a priori, et la dimension ouverte et collaborative – très attirante sur le principe, qui reste encore relativement mystérieuse sur le plan concret.
19Pour mieux comprendre la réalité de l’offre que recouvrent aujourd’hui les espaces de coworking, nous proposons d’élaborer une typologie en fonction de la nature des activités et du profil des membres accueillis, puis d’envisager quelques variantes d’espaces de coworking.
Une typologie selon les types d’activités et les profils
20Deux dimensions apparaissent comme structurantes pour comprendre et définir les différents types d’espaces de coworking : le type d’activités de travail accueillies et le profil des travailleurs visés (tableau 2). Sur cette base, nous distinguons deux grandes catégories d’espaces de coworking, les généralistes et les spécialisés.
21Les espaces de coworking généralistes accueillent tous types d’activités (tous secteurs) et tous types de travailleurs (indépendants, entrepreneurs, étudiants, salariés, retraités, chômeurs). Ils peuvent également être qualifiés d’espaces de coworking ouverts (ex : Mutinerie, Nextdoor).
22Les espaces de coworking spécialisés posent, quant à eux, des conditions sur l’une et/ou l’autre des dimensions population et activité. Ainsi, nous différencions trois types d’espaces de coworking spécialisés.
231. Les espaces de coworking ciblés sont réservés à un type de population en particulier. Les deux cas les plus remarquables sont les espaces de coworking académiques et les espaces de coworking d’entreprises. Les premiers sont portés par des institutions d’enseignement et de recherche et physiquement situés sur des campus universitaires (ex : SandBox212 de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, PSL-Lab pour les Etudiants-Entrepreneurs de l’université de recherche PSL-Pépite). Ils rassemblent prioritairement les étudiants et les équipes administratives et scientifiques de l’institution, ainsi que les partenaires entreprises. Les espaces de coworking d’entreprises, ou corpoworking [14], sont destinés aux collaborateurs d’une entreprise pour, en général, stimuler l’innovation ouverte et l’intrapreneuriat. Ils peuvent également accueillir des partenaires et des startups (ex : Villa Bonne Nouvelle d’Orange, WAI de BNP Paribas).
242. Les espaces de coworking sectoriels affichent une spécialisation dans un domaine d’activité ou un secteur donné (ex : Fontaines-O-livres accueille des professionnels de la chaîne du livre, le Welcome Hub est ouvert sur l’écosystème du tourisme). Ils restent ouverts à une diversité de profils. Le Marketing Space est par exemple dédié aux métiers du marketing et de la communication et reçoit aussi bien des indépendants, entrepreneurs, bloggeurs, agences, annonceurs…
253. Les espaces de coworking fermés (ou les plus spécialisés) s’adressent à un type particulier de coworkers et se positionnent sur un domaine d’activité transversal. Creatis est, par exemple, un espace de coworking réservé aux entrepreneurs du secteur culturel. Ces espaces sélectionnent les membres à l’entrée pour s’assurer de l’adéquation de leurs projets professionnels avec le domaine de spécialisation qu’ils revendiquent.
Matrice des espaces de coworking
Matrice des espaces de coworking
26Cette matrice des espaces de coworking est un outil intéressant à la fois pour les coworkers et pour les gestionnaires d’espaces de coworking. Les premiers peuvent ainsi plus facilement décrypter le marché du coworking et s’adresser aux espaces correspondant le mieux à leurs situations car tous les espaces de coworking ne se valent pas. Les coworkers sauront ainsi mieux comment s’y comporter et quoi en attendre. Les seconds disposent d’arguments pour se définir et se situer par rapport à la concurrence, pour cibler plus efficacement leurs membres potentiels et pour envisager des trajectoires d’évolution de leurs organisations.
Trois variantes d’espaces de coworking
27Nous avons précisé quatre grands types d’espaces de coworking aujourd’hui présents sur le marché, mais cela ne représente qu’une partie de la diversité cachée derrière ce terme générique. Nous avons affirmé que le terme coworking n’était pas substituable à celui de tiers-lieu, d’incubateur ou de Fab Lab. Pourtant, certaines convergences peuvent être empiriquement constatées entre ces différents types d’espaces. Nous présentons dans cette dernière partie trois variantes d’espaces de coworking qui se superposent à la précédente typologie et répondent aux nouvelles situations et activités de travail des coworkers.
281. Le café-coworking (ex : AntiCafé, Husby) est un café adapté à une activité de travail en mode coworking ouvert. Il permet des périodes prolongées de travail (nombreuses prises électriques, wifi puissant), comme des conversations en petit groupes, et ce sans engagement ni réservation. Les adeptes du café y trouveront en plus des boissons de qualité à volonté, préparées par des barristas et accompagnées d’encas. Les gestionnaires de ces espaces ont su renouveler le modèle économique du café, puisque le prix n’est plus fixé en fonction des consommations mais en fonction du temps passé dans l’espace.
292. Les espaces de coworking hybrides associent au coworking une autre activité ou service dans le même espace physique partagé. Ainsi, plusieurs makerspaces ont ouvert des zones de coworking en leur sein pour leurs membres (ex : L’Etablisienne) ou ont dès le départ été conçus pour combiner les deux activités (ex : Woma, Draft Ateliers). D’autres espaces conjuguent le coworking avec le babysitting (ex : CoworkCrèche), la cuisine (ex : Volumes comprend un espace de coworking, un makerspace et un foodlab) ou l’éducation (ex : Liberté Living Lab ouvrira en septembre 2017 une école élémentaire innovante). La compatibilité entre ces différentes zones et activités n’est pas sans poser questions, notamment en termes de gestion des nuisances (bruit, poussière) et des publics (enfants et adultes, experts et novices). Mais elle ouvre également des perspectives intéressantes sur les liens et synergies que peuvent entretenir ces différentes activités. Existe-t-il une hiérarchie entre elles ? Quel est l’impact du cumul d’activités au sein d’un espace sur son taux d’occupation et sa rentabilité ? Sur la circulation des connaissances et les mécanismes de solidarité ?
303. Les espaces de coworking pour entrepreneurs innovants sont un cas particulier d’espace de coworking fermé, qui concurrence les structures classiques d’accompagnement entrepreneurial. Ces espaces s’adressent à la fois à des profils entrepreneuriaux divers (tous types de structures juridiques, tous niveaux de maturité du projet entrepreneurial) et contribuent à structurer un champ d’innovation en émergence (ex : La Ruche dans l’innovation sociale). Ils ont pour ambition de soutenir le développement des structures hébergées et de faciliter les dynamiques collaboratives entre elles. Ils agissent comme des intermédiaires d’innovation ouverte [15]. Pour des entrepreneurs innovants, cet environnement professionnel s’avère particulièrement favorable à des dynamiques collaboratives, capables d’accélérer le développement de leurs projets. Pour les gestionnaires d’espaces, ce sont les modèles les plus innovants dont s’inspirer en termes de mécanismes de création et captation de valeur.
Trois variantes d’espaces de coworking inspirées des tiers-lieux, incubateurs et makerspaces
Trois variantes d’espaces de coworking inspirées des tiers-lieux, incubateurs et makerspaces
À chacun son espace
31Un travailleur qui a besoin d’avoir un bureau où se rendre (presque) chaque jour et d’y domicilier son activité a tout intérêt à étudier l’option proposée par le coworking, plutôt que de louer ses propres locaux ou d’aller en centre d’affaires. À lui de choisir l’espace qui lui convient le mieux en fonction de son projet professionnel et de ses attentes vis-à-vis de l’expérience coworking (espace ouvert, ciblé, sectoriel ou spécialisé). S’il s’agit d’un porteur de projet innovant qui souhaite s’inscrire dans un écosystème d’innovation particulier et dynamiser le développement de son projet, alors les espaces de coworking pour entrepreneurs innovants sont tout indiqués – à la place ou en sus d’un incubateur. En revanche, un individu qui cherche ponctuellement un poste de travail pour quelques heures ou certains rendez-vous pourra se tourner vers les café-coworking, plutôt un bistrot lambda. Celui qui mène une activité nécessitant des équipements ou services particuliers, qu’il est difficile et coûteux de se procurer en tant que structure ou indépendant isolé(e), pourra au contraire se tourner vers les espaces de coworking hybrides – et se rendre épisodiquement dans des makerspaces plus complets.
32Le coworking, nouvel objet de recherche pour les sciences de gestion, offre de prometteuses opportunités de revisiter les théories et pratiques managériales existantes. Les questions de modèles économiques, gouvernance et gestion des connaissances seront centrales dans ces explorations.
Notes
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[1]
Cet article repose sur un travail doctoral : Fabbri J., 2015, Les espaces de coworking pour entrepreneurs. Nouveaux espaces de travail et dynamiques interorganisationnelles collaboratives, Palaiseau, Ecole polytechnique, 419 p. ; mais aussi sur la visite et l’étude d’une soixantaine d’espaces de coworking, incubateurs et makerspaces dans le monde.
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[2]
Exemple : Burret A., 2015, Tiers-lieux … Et plus si affinités, Limoges, Fyp Editions, 192 p.
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[3]
Messeghem K., Sammut S., Chabaud D., Carrier C., Thurik R., 2013, « L’accompagnement entrepreneurial, une industrie en quête de leviers de performance ? », Management international, 17, 3, p. 65-71.
-
[4]
Hackett S.M., Dilts D.M., 2004, « A Systematic Review of Business Incubation Research », The Journal of Technology Transfer, 29, 1, p. 55-82.
-
[5]
Bessière V., Gomez-Breysse M., Gonnard S., Messeghem K., Sammut S., 2014, « Accompagnement de l’innovation : retour sur dix ans d’expérience », Entreprendre & Innover, 21-22, 2, p. 53.
-
[6]
Hansen M.T., Chesbrough H.W., Nohria N., Sull D.N., 2000, « Networked incubators. Hothouses of the new economy », Harvard Business Review, 78, 5, p. 74-84, 199.
-
[7]
Cuzin R., Fayolle A., 2004, « Les dimensions structurantes de l’accompagnement en création d’entreprise », La Revue Des Sciences De Gestion, Direction Et Gestion, 210, p. 77-88.
-
[8]
Messeghem K., Sammut S., 2007, « Poursuite d’opportunité au sein d’une structure d’accompagnement : entre légitimité et isolement. », Gestion 2000, 3, p. 65-81.
-
[9]
Fabbri J., Charue-Duboc F., 2013, « Un modèle d’accompagnement entrepreneurial fondé sur des apprentissages au sein d’un collectif d’entrepreneurs : le cas de La Ruche », Management international, 17, 3, p. 86-99.
-
[10]
Toffler A., 1984, The Third Wave, New York, NY, Bantam.
-
[11]
Levy S., Tordjman G., 2013, L’Ethique des hackers, Paris, Globe, 516 p.
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[12]
Lallement M., 2015, L’âge du faire : Hacking, travail, anarchie, Paris, Seuil, 448 p.
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[13]
Néanmoins, l’utilisation de certaines machines requiert d’y être préalablement formé ; formation qui peut, en règle générale, être assurée par les responsables du makerspace.
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[14]
Bréchignac B., 2015, « Corporate coworking : quelle(s) réalité(s) sur le coworking en entreprise », HR&D.
-
[15]
Fabbri J., Charue-Duboc F., 2016, « Les espaces de coworking : nouveaux intermédiaires de l’innovation ouverte ? », Revue française de gestion, 254, p. 163-180.