Notes
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[1]
À l’exception de quelques précurseurs comme l’EM Lyon en 1984 et l’école des Mins d’Alès en 1985 – Voir article de Arlotto et al. dans ce numéro.
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[2]
Davidsson, P., & Honig, B. (2003). The role of social and human capital among nascent entrepreneurs. Journal of Business Venturing, 18(3), 301-331.
De Clercq, D., & Arenius, P. (2006). The role of knowledge in business start-up activity. International Small Business Journal, 24(4), 339-358.
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Stinchcombe, A. L. (1965). Social structure and organizations. In J. G. March (Ed.), Handbook of Organizations (pp. 142-193). Chicago: Rand McNally & Company.
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Becker, G. S. (1962). Investment in human capital: a theoretical analysis. The Journal of Political Economy, 70(5), 9-49.
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[12]
Davidsson, P., & Honig, B. (2003). The role of social and human capital among nascent entrepreneurs. Journal of Business Venturing, 18(3), 301-331.
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[20]
Livre Blanc de l’Entrepreneuriat Etudiant : http://www.audencia.com/special/actualites/actualites/article/livre-blanc-entrepreneuriat-etudiant/News/detail/
- [21]
-
[22]
http://www.sygnatures.com/actualites/matinale-des-investisseurs.html
-
[23]
CNCE (1999). Rapport d’étape de la commission accompagnement des créateurs d’entreprises. Agence pour la création d’entreprises.
-
[24]
Albert, P., Fayolle, A., & Marion, S. (1994). L’évolution des systèmes d’appui à la création d’entreprises. Revue Française de Gestion, 101, 100-112.
Les points forts
- Les incubateurs qui accompagnent des étudiants dans leurs créations d’entreprises doivent prendre en compte leurs profils et leurs besoins spécifiques.
- Les étudiants ont des besoins particuliers en termes de réduction du handicap à la nouveauté et de développement du capital humain et social.
- Des incubateurs dédiés aux étudiants s’inscrivent en complémentarité des dispositifs existants et contribuent ainsi à l’écosystème entrepreneurial d’une région.
1En France, depuis la fin des années 1990, de nombreux établissements d’enseignement supérieur ont choisi de développer leurs propres incubateurs d’entreprises [1]. Si les premiers incubateurs d’écoles avaient surtout vocation à accueillir des diplômés ayant terminé leur cursus ou des professionnels extérieurs, on assiste de plus en plus à une ouverture de ces structures d’accompagnement aux étudiants durant leur scolarité, voire dans certains cas à un accompagnement exclusivement dédié aux porteurs de projets en cours d’études.
2Dans la littérature académique, un certain nombre de facteurs favorisant le passage de l’idée de création d’entreprise à la création effective d’une nouvelle activité ont été identifiés. En particulier, nous avons choisi de nous intéresser aux éléments de capital humain et de capital social, car leur impact durant la phase de création d’entreprise intéresse particulièrement les chercheurs [2]. Dans cet article, nous abordons donc ces aspects dans le contexte de projets portés par des créateurs étudiants durant leurs études. En nous intéressant particulièrement à la notion de handicap à la nouveauté, nous présentons les spécificités de ces étudiants porteurs de projets, et étudions en quoi des incubateurs dédiés peuvent s’adapter aux besoins particuliers en capital humain et capital social de ces entrepreneurs particuliers.
3Pour cela, nous adoptons une approche basée sur une étude de cas permettant d’illustrer différents éléments identifiés dans la littérature académique concernant l’apport de l’accompagnement à la création d’entreprise. Ainsi, en nous basant sur le cas de l’incubateur pédagogique TBSeeds, que l’auteur a contribué à créer en 2012 et dont elle assure aujourd’hui la direction, nous montrons les apports possibles de tels dispositifs pour les étudiants souhaitant lancer leur activité en parallèle de leurs études.
Etudiant et entrepreneur à la fois
4Beaucoup d’étudiants sont attirés par la création d’entreprise [3]. Au niveau national, ils sont aussi de plus en plus incités à créer pendant leurs études, comme en témoigne la mise en place récente du statut étudiant-entrepreneur [4]. De plus, certains suggèrent que cette période de vie est idéale pour se lancer dans un projet de création d’entreprise car les étudiants ont de l’endurance, n’ont rien à perdre, sont plus mobiles que leurs aînés, ont des cercles amicaux forts et peuvent utiliser leur « ignorance » et leur « inconscience » relatives pour rester ouverts à de nouveaux apprentissages [5].
5Pour les structures désirant accompagner ces étudiants dans le montage de leurs projets et les aider à mettre un maximum de chances de réussite de leur côté, leur profil particulier a cependant des implications organisationnelles fortes. En effet, ce choix de carrière va leur demander de mener de front le montage de leur nouvelle activité et leurs études. Ainsi, ils doivent gérer à la fois les échéances professionnelles liées à leurs projets et les échéances académiques liées aux diplômes qu’ils visent. Pour les dispositifs accompagnant ces porteurs de projets, cela signifie donc notamment qu’une des missions des responsables pédagogiques est de permettre la progression simultanée des jeunes entrepreneurs dans leurs études et dans leurs projets entrepreneuriaux.
6Les responsables d’incubateurs étudiants doivent tenir compte des calendriers détaillés des programmes dans lesquels sont inscrits les porteurs de projets. Cela leur permet d’éviter de planifier des événements durant les périodes d’examens, ou à l’inverse, d’utiliser les périodes sans cours pour organiser des ateliers ou autres actions d’accompagnement. Par exemple, les étudiants d’écoles de management ont généralement le jeudi après-midi disponible pour des activités sportives ou extérieures. Il peut donc s’agir là d’un bon créneau pour fixer des ateliers et rencontres en s’assurant que les porteurs de projets pourront y assister.
7Le profil de ces étudiants entrepreneurs implique qu’ils ont des moyens mais aussi des besoins différents de ceux d’entrepreneurs expérimentés.
Handicap à la nouveauté
8Stinchcombe [6] a depuis longtemps montré que les nouvelles structures souffrent d’un handicap à la nouveauté. Dans un contexte de création de start-up, ce handicap s’explique par le fait que les nouvelles entreprises ont tout à apprendre. Elles doivent établir de nouveaux rôles en leur sein, doivent s’appuyer sur des compétences qui n’ont pas été développées en vue de la création de leur activité en particulier, mais plutôt pour d’autres utilisations, et, enfin, elles sont confrontées à un manque de relations de confiance établies avec leurs différentes parties prenantes, ce qui les place dans une position où la nouvelle entreprise a « tout à prouver ». Par exemple : qu’est ce qui prouve que son activité a un réel potentiel ? Qu’est ce qui prouve qu’elle aura la capacité de régler ses fournisseurs ?
9Ce handicap à la nouveauté peut être particulièrement marqué dans le cas d’activités lancées par des étudiants entrepreneurs. En effet, dans le cas d’entrepreneurs plus expérimentés, leur légitimité professionnelle et leurs liens sociaux propres permettent de rassurer les partenaires potentiels, et donc de réduire une partie du handicap en permettant l’appui sur des relations de confiance de l’entrepreneur. Dans le cas d’entrepreneurs étudiants, leur expérience et leurs compétences ont souvent été développées dans un contexte académique, où, à quelques exceptions près, les projets et autres mises en situation sur lesquels ils ont pu être amenés à travailler restent souvent des exercices virtuels sans enjeu réel. Ces jeunes entrepreneurs ont en général peu d’expérience professionnelle. Ils ont parfois poursuivi des périodes de stages, voire pu bénéficier de missions prolongées dans le cadre de stages réalisés lors de périodes de césure. Cependant, dans le regard de partenaires commerciaux plus expérimentés, cela reste souvent perçu comme des expériences d’apprentissage plutôt que de réelles expériences qui leur apporteraient une légitimité professionnelle.
10À ce stade, les jeunes créateurs peuvent donc se tourner vers différentes sources de support qui vont notamment servir à leur apporter cette légitimité qui leur fait initialement défaut. En offrant un cadre physique d’accueil, les incubateurs étudiants mettent les porteurs de projets dans une configuration professionnelle. Le fait d’avoir un endroit où aller travailler tous les matins, permet de structurer son temps. En outre, pouvoir recevoir des partenaires dans un espace professionnel plutôt que dans sa chambre d’étudiant ou à une table de café, permet d’asseoir un peu plus cette légitimité.
11En outre, le fait que l’entrepreneur et son projet soient accompagnés par un incubateur étudiant va rassurer les partenaires potentiels. Ainsi, l’entrepreneur va pouvoir bénéficier de la légitimité, pour peu qu’elle soit établie, de l’incubateur qui l’accompagne. L’incubateur n’est pas le seul moyen de construire cette reconnaissance. Ainsi, les concours (pour étudiants ou publics plus larges), outre les aides matérielles qu’ils peuvent apporter aux créateurs, permettent aussi d’asseoir la réputation de projets portés par des étudiants.
12A titre d’illustration, dans notre incubateur, les porteurs de projets participent régulièrement à des concours organisés au sein de l’école par des anciens, un concours régional des étudiants créateurs d’entreprises regroupant plusieurs établissements de la région toulousaine, mais aussi d’autres initiatives locales, régionales voire nationales, dédiées ou non aux étudiants, comme par exemple le Tour de France Digitale [7], le prix La tribune Jeune Entrepreneur [8], ou encore le concours i-lab du MENESR et de Bpifrance [9], voire postulent à des bourses telles que la Bourse French Tech [10] de Bpifrance.
L’enjeu du capital humain
13Dans sa définition d’origine, le capital humain fait référence à la connaissance possédée par une personne [11]. Dans des contextes entrepreneuriaux, des chercheurs ont montré que ce capital humain inclut non seulement l’éducation formelle reçue par la personne, mais aussi des formations à la création d’entreprise, des expériences professionnelles ou managériales, ou encore des expériences précédentes de création d’entreprise [12]. D’après ces auteurs, le capital humain augmente la probabilité qu’un individu s’engage dans un processus de création d’entreprise. De plus, si on raisonne à l’échelle d’un projet dans sa globalité, le capital humain est alors vu comme l’ensemble des connaissances et compétences détenues par l’équipe entrepreneuriale [13]. À cet égard, la complémentarité des connaissances détenues, liées à différents parcours et expériences de formation, est ce qui contribue à la richesse de l’équipe.
Diversité et pluridisciplinarité
14Là aussi, le cas des étudiants entrepreneurs est particulier. En effet, leur capital humain se limite généralement à celui développé durant leur parcours académique, qui inclut parfois des périodes de stages, mais rarement des périodes d’emploi salarié. En outre, le manque de confrontation personnelle au monde de l’entreprise fait que certains de ces jeunes ne connaissent pas ou peu les pratiques professionnelles. Ils connaissent rarement les «us et coutumes», les codes implicites auxquels répond chaque métier et qu’il est difficile de posséder tant qu’on n’y a pas été directement confronté. En outre, même dans le cas d’équipes entrepreneuriales, elles ont tendance à être constituées avec des partenaires issus des mêmes formations, et possédant donc un capital humain similaire plutôt que complémentaire. À l’échelle du projet, certaines compétences peuvent donc manquer.
15Le rôle qu’un incubateur peut jouer pour aider les étudiants entrepreneurs à développer leur capital humain peut alors s’articuler à deux niveaux. Au niveau individuel, afin d’aider à la construction du capital humain de chaque membre de l’équipe entrepreneuriale, un programme de formations peut être proposé. Ces formations, qui doivent s’appuyer sur des fondements théoriques solides, doivent être mises en œuvre avec des applications très concrètes et immédiates pour chaque projet. Elles peuvent prendre la forme d’ateliers communs à plusieurs porteurs de projets (une cinquantaine d’heures d’ateliers sur une période de 6 mois dans notre cas). Cela a pour intérêt supplémentaire de favoriser le partage d’expérience entre porteurs de projets. À un deuxième niveau, en ce qui concerne les compétences de l’équipe entrepreneuriale dans sa globalité, l’incubateur peut aider les porteurs de projets à effectuer un diagnostic objectif, afin d’identifier les compétences clés manquant à l’équipe. Si des manques sont identifiés, l’incubateur peut alors aider à définir les profils complémentaires recherchés, voire, à travers des mises en relation, à localiser des personnes possédant les compétences nécessaires. On rejoint là la notion de capital social que nous allons maintenant discuter.
Capital social et accès aux ressources
16Le capital social fait pour sa part référence à la possibilité pour chacun de mobiliser son réseau de connaissances pour accéder à des connaissances ou des ressources qu’il ne possède pas en propre [14]. D’après certaines études, ce capital social influence positivement à la fois la probabilité de s’engager dans un processus de création d’entreprise et les chances de mener à bien le projet [15]. Ce capital social émane notamment de l’environnement familial d’origine d’une personne, mais aussi de relations développées hors de ce cercle de départ [16]. Durant la phase de préparation du projet, la famille et les amis peuvent ainsi apporter un soutien non seulement en ce qui concerne les aspects techniques du projet, mais aussi sous forme de soutien moral et émotionnel à l’entrepreneur [17]. De plus, le développement de nouvelles relations sociales peut se faire lors du parcours académique ou des expériences professionnelles de la personne.
17C’est par le biais de ce réseau que l’entrepreneur peut chercher à accéder à de nouvelles ressources pour son projet. À ce sujet, lorsqu’on regarde le type de relations les plus utiles pour accéder à des ressources complémentaires, il a été montré que les contacts éloignés, avec des profils différents de celui de la personne, ceux avec lesquels la personne est connectée par des liens « faibles », sont ceux qui apportent potentiellement le plus de valeur ajoutée [18]. En effet, la famille et les proches, auxquels on est lié par des liens « forts » sont généralement en possession du même type d’information et de compétences que la personne et donc porteurs d’une valeur ajoutée plus limitée. Au stade où se trouvent les étudiants entrepreneurs, les opportunités de développer des liens faibles, amenant potentiellement une valeur ajoutée particulière, avec des connaissances différentes de celles de l’entrepreneur, sont en général limitées. Leurs études les amènent à rencontrer d’autres jeunes ayant suivi des cursus similaires, donc souvent en possession de connaissances proches des leurs, et leur expérience professionnelle est limitée. Ainsi, un rôle de l’incubateur est alors de leur permettre de développer ce capital social vers de nouveaux liens, complémentaires de ceux qu’ils possèdent déjà.
18En premier lieu, la diversité des projets acceptés dans l’incubateur et des programmes d’origine des porteurs de projets contribue alors à la richesse des échanges qui pourront avoir lieu entre les porteurs de projets. En effet, même au sein d’un seul établissement, les porteurs de projets étudiants peuvent avoir des profils différents liés à leurs programmes respectifs et/ou à leurs choix de spécialisations. L’incubateur permet de les faire se rencontrer. En outre, la diversité peut aussi venir de la cohabitation de projets se trouvant à différents stades de développement, ce qui permet des échanges d’expérience enrichissants pour les porteurs de projets. De ce fait, pour les aspirants entrepreneurs, la possibilité d’échanger sur leurs projets et de s’apporter des conseils mutuels est très importante [19].
19L’incubateur va donc chercher à favoriser les rencontres et échanges entre porteurs de projets, notamment par la mise à disposition d’un lieu dédié. De façon plus formelle, les ateliers auxquels participent l’ensemble des porteurs de projets, représentent aussi un contexte favorable au développement de nouveaux liens sociaux. Ce cercle vertueux peut aussi s’exprimer à travers des échanges de compétences entre les porteurs de projets, pouvant aller jusqu’à des échanges commerciaux dans certains cas.
20Ces liens créés au sein de l’incubateur peuvent perdurer à l’issue de l’accompagnement. Par exemple, nous avons vu de jeunes créateurs décider de se regrouper à la sortie du dispositif afin de mutualiser leur hébergement en prenant des locaux communs.
21Tout aussi important est l’apport des professionnels extérieurs aux projets à ces jeunes créateurs. Les animateurs des ateliers thématiques apportent une partie de ce capital social et peuvent mettre les jeunes entrepreneurs en relation avec des membres de leurs propres réseaux. Ils apportent à la fois leur expertise technique sur des points précis du développement des start-ups (contribuant ainsi à leur capital humain) et des opportunités de mise en relation vers des réseaux initialement éloignés des porteurs de projets (contribuant ainsi à leur capital social).
22De plus, les porteurs de projets bénéficient d’un accompagnement individuel. Dans le cadre d’un incubateur étudiant, les coachs avec qui les créateurs échangent régulièrement sur leurs projets, peuvent avoir deux types de profils. Certains peuvent venir du corps professoral de l’établissement dans lequel se trouve l’incubateur. Outre des professeurs en entrepreneuriat, il peut s’agir d’enseignants possédant une expertise technique ou sectorielle particulière qui les qualifie pour assurer un suivi constructif des projets en développement. Les autres sont des entrepreneurs locaux. Ils apportent leur connaissance d’un ou plusieurs secteurs d’activités, leurs expériences et leurs réseaux professionnels tissés au cours des années. Les deux types de coachs sont complémentaires à la fois par leurs expériences et leurs réseaux. Ils sont tous les deux dans une position de pouvoir faire bénéficier les entrepreneurs de liens faibles, leur donnant ainsi accès à des ressources et compétences ayant une réelle valeur ajoutée pour les projets en développement. En outre, cet accès à des ressources et compétences éloignées peut permettre de résoudre des problèmes identifiés comme particulièrement sensibles pour les porteurs de projets étudiants tels que l’accès aux financements ou aux marchés visés [20].
23Pour notre incubateur, nous avons fait le choix de maintenir cette complémentarité professeur-entrepreneur jusque dans la direction même du dispositif. En effet, depuis son origine, l’incubateur est codirigé par une enseignante-chercheur de l’école et un entrepreneur de la région.
24Il est aussi important que l’incubateur développe et entretienne un réseau de relations institutionnelles au sein de son écosystème entrepreneurial. Cela implique d’une part le développement de partenariats formels (autorités territoriales locales, fonds européens, chambres consulaires, Fondation de l’école, association gérée par les anciens, cabinet d’expertise comptable, réseau d’entrepreneurs [21]). D’autre part, il est important de maintenir des liens informels pouvant être activés selon les besoins des porteurs de projets ou les difficultés rencontrées (nous échangeons régulièrement avec les responsables d’autres incubateurs et de pépinières de la région, ainsi qu’avec des acteurs du financement entrepreneurial tels que des réseaux de Business Angels). À cet égard, des participations aux évènements de l’écosystème entrepreneurial régional sont importantes.
25En outre, l’incubateur peut aussi mettre en place un certain nombre d’initiatives propres contribuant à sa participation à l’écosystème entrepreneurial régional. Si l’on reprend les difficultés évoquées ci-dessus (handicap de la nouveauté, manque de capital humain et/ou de capital social), ces initiatives visent principalement à légitimer les porteurs de projets (et donc réduire le handicap de la nouveauté) via une communication appropriée sur les projets et à renforcer le capital social des entrepreneurs en leur donnant l’opportunité de rencontrer de nouveaux contacts éloignés de leur cercle d’origine. On peut trouver dans cette catégorie des soirées rassemblant les membres de l’écosystème entrepreneurial local, des événements à thème, comme par exemple une mise en relation avec des financeurs [22], ou encore des témoignages d’entrepreneurs organisés sous forme d’échanges ouverts.
26Cependant, l’incubateur possède des limites. Il est donc important de comprendre ou commence et où s’arrête le rôle d’un incubateur étudiant.
Rôles, limites et perspectives des incubateurs étudiants
27Les incubateurs étudiants s’insèrent en général dans un écosystème local ou régional d’accompagnement à la création d’entreprise, dans lequel on retrouve une multitude d’acteurs, souvent présents depuis bien des années comme en attestent des études menées à la fin des années 1990 pour certaines [23]. La mission des incubateurs étudiants est bien de venir s’inscrire en complémentarité de ces différents acteurs et dispositifs. En effet, beaucoup d’entre eux répondent aux besoins de créateurs de projets à fort degré d’innovation et/ou travaillant souvent à temps complet sur leurs projets (par exemple, les incubateurs publics dits «Allègre») ou peuvent accompagner les jeunes entreprises durant leurs premières années d’existence (par exemple, certaines pépinières offrant des locaux subventionnés et une mutualisation des moyens). Ainsi, leur accompagnement semble plus adapté à des personnes ayant terminé leurs études plutôt qu’à des étudiants devant mener de front création d’entreprise et études. À l’inverse, les incubateurs étudiants peuvent en quelque sorte servir de «vivier» à ces structures capables de prendre le relais une fois que les entrepreneurs peuvent se consacrer à temps complet à leurs projets. Le rôle de l’incubateur étudiant est alors d’orienter les projets sortants vers les bonnes structures d’accueil pour la suite du parcours.
28En outre, de plus en plus de concours, bourses et autres mécanismes de financement de départ s’adressent aujourd’hui directement aux étudiants. Si on peut se réjouir du développement de ces aides développées pour les étudiants, leur foisonnement amène l’incubateur à devoir jour un rôle de « médiateur sophistiqué », selon le terme utilisé par Albert et al. il y a plus de vingt ans [24], afin d’aider les étudiants à sélectionner les offres les plus pertinentes pour eux. Il s’agit alors de faire gagner du temps et de l’énergie aux créateurs en leur fournissant les informations les plus pertinentes.
29Ce rôle de « médiateur sophistiqué » se reflète aussi dans les mises en relation et la contribution au réseau et au capital social de l’entrepreneur. Le réseau d’un entrepreneur se construit notamment en fonction des affinités qu’il aura avec les interlocuteurs qu’il rencontre. Cependant, le rôle de l’incubateur est bien de permettre les rencontres avec des partenaires potentiels. Ensuite, c’est aux entrepreneurs de développer et entretenir le réseau que le dispositif les aura aidés à construire.
30Ces dernières années, les initiatives visant à favoriser l’émergence et le développement de créations d’entreprises issus de porteurs de projets étudiants se sont multipliées. Parmi celles-ci, nous avons choisi de nous intéresser au cas particulier des incubateurs visant à accompagner les projets de ces étudiants qui choisissent de mener de front études et création d’entreprise. En répondant à leurs problématiques spécifiques (en termes de handicap de la nouveauté, capital humain ou capital social), ces incubateurs étudiants nous semblent représenter un élément clé des dispositifs d’accompagnement de l’entrepreneuriat étudiant et s’inscrivent ainsi en complémentarité avec les autres acteurs de l’écosystème entrepreneurial d’une région. À travers ces dispositifs, les établissements concernés apportent ainsi un service supplémentaire à leurs étudiants et contribuent de façon active au renforcement de leur écosystème entrepreneurial régional.
Notes
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À l’exception de quelques précurseurs comme l’EM Lyon en 1984 et l’école des Mins d’Alès en 1985 – Voir article de Arlotto et al. dans ce numéro.
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