Notes
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[1]
Jeunes Entreprises Innovantes = JEI
-
[2]
Rapport sur l’évaluation du dispositif JEI, Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, Septembre 2012.
-
[3]
Voir la définition et les conditions d’obtention dans la loi de finance française de 2004.
-
[4]
Meunier, O., et al., 2004, « les aides à l’investissement : opportunes ? efficaces ? », Reflets et perspectives de la vie économique.
SESSI, 2004, Enquête sur le Financement de l’Innovation Technologique. - [5]
-
[6]
Le SESSI est le Service des études et statistiques industrielles du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
-
[7]
Renucci A., (2008), Innovations financières dans l’industrie du capital-risque, rapport du Conseil d’Analyse Économique, n°75.
-
[8]
Raspiller S., (2008), Le taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les PME, Économie et Prévision, n°183.
-
[9]
Lelarge C., (2008), l’impact du dispositif JEI, les 4 pages du SESSI.
-
[10]
Suret J-M., (1993), Une évaluation des dépenses fiscales et subventions dans le domaine de la capitalisation des entreprises, L’Actualité économique, vol. 69, n° 2, p. 17-40.
-
[11]
Dennis P., et al., (2012), “When does corporate venture capital add value for new ventures?”, Strategic Management Journal ; Vol. 33, Issue 1, p1-22.
-
[12]
Dubocage, E., (2003), « Le capital-risque : un mode de financement dans un contexte d’incertitude », thèse de doctorat.
Lachmann, J., (2010), « Stratégie et Financement de l’Innovation », Economica, Paris. -
[13]
Krieger, E., et Medjad K., (2005), « Le contribuable, premier capital-risqueur de France », Les Échos, supplément L’Art du Management N°10, p. 8.
-
[14]
Wirtz P., (2012), “Raising Capital for Rapid Growth in Young Technology Ventures: When Business Angels and Venture Capitalists Coinvest”, Venture Capital, vol.14, iss. 2-3, pp. 91-110.
Casamatta C., (2003), “Financing and Advising. Optimal Financial Contracts with Venture Capitalists”, Journal of Finance, 58. -
[15]
Manigart S., (2010), “ le capital-risque, accélérateur de croissance”, L’Expansion entrepreneuriat, n°8.
-
[16]
La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) réalise des enquêtes annuelles sur les activités de R&D d’entreprises en France, qui emploient au moins un chercheur à temps plein. Ces fichiers contiennent les informations économiques et financières, mais surtout celles liées aux activités de R&D d’entreprises françaises.
-
[17]
Les informations générales (effectif, secteur…) et financières (montant de la dette, capitaux propres, chiffre d’affaires, capacité d’autofinancement…) caractérisant les entreprises sont tirées de la base Diane.
-
[18]
Les fonds investis proviennent généralement de structures ou d’organismes publics tels que la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC).
-
[19]
Dumas, A., (2006), “Pourquoi nos PME ne grandissent pas”, Notes, Institut Montaigne.
-
[20]
Joly, V., (2009), « Affiliation des investisseurs, expérience et contrats financiers en capital-risque », Université Paris-Dauphine.
Points forts
- Les Jeunes Entreprises Innovantes françaises ont du mal à parvenir à une croissance autonome. Leurs perspectives restent limitées.
- On explique généralement cette faiblesse par des difficultés de financement, alors que les dispositifs publics pourtant foisonnent. Ces aides font d’ailleurs largement débat.
- Une étude à partir de diverses sources officielles françaises permet de faire un état des lieux plus précis, qui amène à s’interroger sur l’efficacité des divers dispositifs.
1Au cours des dernières décennies, la création et le développement supposé phénoménal des Jeunes Entreprises Innovantes [1] ont attiré l’attention des décideurs et des universitaires du monde entier. De longue date, elles ont été identifiées comme moteurs de croissance, d’innovation, de développement économique et de richesse (en France, 20 000 emplois créés sur six ans) [2]. Conscient de ce potentiel, l’État français a instauré des dispositifs tels que le Crédit d’impôt Recherche et surtout le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) en 2004 [3], qui permet de soutenir les efforts de recherche et développement (R&D) des start-ups technologiques, comme cela se fait aux États-Unis, en Israël, en Suède, en Finlande, en Allemagne ou au Royaume-Uni.
2La France a pourtant un réel handicap vis-à-vis du développement de ces jeunes entreprises innovantes (JEI). Malgré leur fort potentiel, elles ont en effet de la peine à prendre leur essor et à parvenir à une croissance autonome. De plus leurs perspectives de croissance restent trop limitées à moyen et long terme.
3On explique classiquement cette faible performance, par l’existence de difficultés de financement et par l’inefficacité des soutiens publics [4]. De fait, les chiffres de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) montrent qu’une JEI sur trois démarre avec moins de 8 000 euros de capital et que plus d’une sur deux connaît l’échec pour des difficultés financières (OSEO-Innovation).
4De plus, ces contraintes sont accentuées deux ans après la création de l’entreprise qui aborde à ce stade la « mer aux crocodiles ». Il s’agit d’une « zone de turbulences où la mortalité des entreprises est la plus forte puisqu’il leur est difficile de trouver des investisseurs aux stades les plus précoces du développement : c’est l’“equity gap” ou le “saut de capitaux” » [5]. De même, l’enquête sur le Financement de l’Innovation Technologique (FIT) menée par le SESSI [6] a révélé que près d’un quart des entreprises innovantes entre les années 1997 et 1999 ont rencontré des difficultés de financement qui les ont amenées à retarder ou abandonner leurs projets, voire à ne pas les démarrer.
5Pour autant, les soutiens publics en France foisonnent et contribuent pour certains à abaisser le coût du capital. Cependant, on leur reproche d’être inefficaces au sens où ils créent un effet d’aubaine qui risque de favoriser l’émergence d’entreprises non viables sur le long terme, maintenues artificiellement sous perfusion. Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de nous interroger sur les choix financiers et leur influence sur la performance des JEI françaises ; puisque contrairement aux pays anglo-saxons, on recense peu de recherches centrées spécifiquement sur ces firmes.
Lien entre financement et performance des JEI
6En raison de leurs activités hautement risquées et de l’absence de garanties financières, un recours au financement par dette bancaire est délicat, voire exclu, dans le cas des JEI [7]. En raison de problèmes d’asymétrie d’information et de conflits d’agence, elles subissent un rationnement de crédit de la part des banques qui ne peuvent évaluer la rentabilité de leurs projets de R&D, et qui en outre, ne disposent d’aucune garantie puisque ces entreprises sont jeunes. Dans ce contexte, les aides des pouvoirs publics, les contrats ou partenariats de recherche et le financement en capital (par levée de fonds propres) sont les seules ressources financières accessibles à ce type de sociétés.
7L’intervention des pouvoirs publics se décline souvent sous la forme :
- d’aides publiques directes (subventions à l’investissement, subventions d’exploitation, baisse du taux d’impôt sur les sociétés, etc.).
- ou d’aides publiques indirectes (exonérations fiscales ou sociales, garanties publiques, prise de participation, avances remboursables, bonification d’intérêt, déduction pour investissement, crédit d’impôt, etc.).
8Considérant les aides fiscales, leur effet peut être diminué en cas d’emprunt, car la baisse du taux d’imposition ou l’exonération d’impôt engendre une réduction de l’économie fiscale due à la déduction des charges financières. Cet effet peut également être neutre dans la mesure où cette baisse peut profiter aux entreprises qui investissent et à celles qui n’investissent pas. Ces dernières peuvent adopter des comportements opportunistes visant à s’approprier l’aide, sans pour autant faire fructifier ce capital. Elles peuvent par exemple investir dans des projets non créateurs de valeur, menaçant ainsi la pérennité de l’entreprise si cette situation perdure. Malgré ces limites, les aides publiques sont utiles même si elles sont insuffisantes pour couvrir les dépenses élevées de R&D.
9Des travaux antérieurs ont d’ailleurs montré que les start-ups technologiques optent souvent pour des contrats de recherche, signés avec des grandes entreprises, pour démarrer leurs activités [11]. Cette option de financement peut être intéressante dans la mesure où il peut y avoir une convergence d’intérêts entre les entrepreneurs et les grandes entreprises. Les premiers peuvent profiter du réseau, de l’expérience et des moyens financiers de ces dernières. Celles-ci en contrepartie, cherchent à externaliser le risque et les coûts de recherche ou à se développer en acquérant de nouvelles entreprises qui ont fait leurs preuves.
10Toutefois, les théories économiques et financières ont largement démontré que lors des premières années qui suivent la création de l’entreprise, le financement par capital-risque se révèle plus adapté aux activités des JEI, puisqu’il peut être assuré sur trois à cinq ans, voire plus, en fonction des performances des firmes [12]. De plus, les capitaux-risqueurs s’impliquent activement dans la gouvernance des entreprises ; ce qui n’est pas sans effet sur leur réussite puisque c’est en concertation que sont adoptées les décisions stratégiques concernant les investissements ou l’orientation de la firme.
11D’origine américaine, le capital-risque est une activité financière de prise de participation minoritaire en fonds propres dans des entreprises à risque élevé. Généralement, ce financement intervient aux stades d’amorçage, de démarrage ou d’expansion de l’entreprise. En France, les investisseurs en capital-risque sont le plus souvent des entités publiques [13] ou des filiales de banques ou compagnies d’assurance ou des industriels ou quelquefois des particuliers aisés, alors qu’au États-Unis, le capital-risque est exercé en grande majorité par des sociétés indépendantes, spécialisées dans ce domaine.
12Selon la littérature, le capital-risque favorise la performance des start-ups technologiques [14]. Celles-ci grandissent plus vite et sont plus profitables que les autres non financées par ces fonds [15]. La présence de capital-risque accroît la rentabilité des activités des entreprises financées, grâce à une connaissance, une évaluation et une assistance offerte à l’entrepreneur. Cependant ces conclusions découlent essentiellement d’études portant sur des start-ups anglo-saxonnes implantées aux États-Unis, où le capital-risque a d’autres caractéristiques.
13Comment les start-ups technologiques françaises se financent-elles ? Comment ces modes de financement influencent-ils leur performance ? Tel est l’objet l’étude que nous présentons ici.
Une étude à partir de données relativement riches
14Les données analysées émanent du croisement de fichiers tirés des enquêtes annuelles sur les dépenses de R&D (DEPP) [16], de la base Diane [17], de la base VentureXpert qui renseigne sur les activités du capital-risque dans les entreprises, et de celle de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS), listant les montants d’exonérations de cotisations sociales perçus par les JEI.
15Sur la base des conditions énoncées dans la loi de Finance française de 2004 stipulant le statut Jeune Entreprise Innovante, nous avons réalisé une simulation des caractéristiques des entreprises statutaires, obtenant ainsi une population de JEI équivalentes. Nous avons construit un échantillon de 387 start-ups technologiques crées entre le 1er Janvier 1996 et le 31 Décembre 1998. Parmi elles, 44 % opèrent dans les Technologies de l’information et de la communication (TIC) alors que 40 % mènent des activités scientifiques liées aux domaines de la santé ou des sciences.
16Une fois le fichier final obtenu, nous avons analysé le profil financier des JEI (fonds de capital-risque, dettes à court et long terme, subventions d’investissement et exonérations de cotisations sociales reçus par les JEI), puis réalisé une comparaison des performances économiques ou financières selon ce profil. Les indicateurs de performance sont résumés dans le tableau 1.
Performance des JEI françaises selon le mode de financement
17Considérant le profil financier des JEI, on note les informations suivantes sur les six années d’observation :
- un peu plus de la moitié de l’effectif (55 %) a eu recours aux concours bancaires
- 62% des entreprises ont perçu des fonds publics
- seulement 16 % d’entre elles ont obtenu des subventions d’investissement
- 65% des JEI françaises ont bénéficié d’exonérations de cotisations sociales
- et 35 % des JEI françaises ont levé, aux stades de démarrage ou d’expansion de leurs activités, des fonds de capital-risque. Ces fonds sont essentiellement souscrits par des entités publiques [18].
18Pour les sociétés qui ont reçu des subventions d’investissement, on note qu’elles ont une évolution quatre fois supérieure de leurs bénéfices (cf. tableau 3). En revanche, leurs taux de croissance de la CAF et de l’EBE sont relativement faibles. En effet, ces subventions sont en principe réintégrées dans le compte de résultat de l’entreprise, au poste de « produits exceptionnels », donc sont non encaissables. Dès lors, elles n’ont aucune raison d’apparaitre dans le calcul de l’EBE et de la CAF. Il s’agit seulement d’une écriture comptable qui permet de lisser sur 5 ans l’impôt dû sur la subvention destinée à soutenir l’entreprise dans ses investissements. Toutefois, elles viennent augmenter les résultats des exercices. Ce qui expliquerait l’existence de bénéfices.
La performance des JEI selon qu’elles reçoivent ou pas des subventions d’investissement(*,**,***)
19Pour les firmes bénéficiant d’exonérations de cotisations sociales, on remarque plusieurs dissemblances statistiquement significatives avec leur groupe opposé. En effet elles ont des valeurs élevées pour les différents taux de croissance annuel moyen : bénéfice, chiffre d’affaires, excédent brut d’exploitation, valeur ajoutée, effectif et total actif (tableau 4). Soit une croissance supérieure (respectivement) de 10 %, 11 %, 7 %, 13 %, 15 %, et 8 %. Par exemple, leur effectif connaît une évolution 200 fois plus élevée que celui du groupe opposé.
La performance des JEI selon qu’elles ont bénéficié ou pas d’exonérations de cotisations sociales(*,**,***)
20Remarque : Les exonérations de cotisations sociales étudiées pourraient être le fait de l’avènement « des 35 heures » stipulés dans les lois Aubry 1 et 2 en 1995 et 1998, instaurées par le gouvernement français. Ces lois ont fixé la durée légale hebdomadaire du travail à 35h, en vue de faire face à un taux de chômage sans précédent à cette époque. Pour inciter donc les employeurs, l’application de cette mesure donne lieu à des exonérations de cotisations sociales à condition d’une promesse d’embauches dans un délai d’un an, à compter de la réduction effective du temps de travail.
Discussion et implications : l’efficacité des aides en question
21Nos résultats démontrent que la majorité des JEI françaises ont bénéficié du soutien des pouvoirs publics. Principalement, 65 % de ces start-ups ont tiré avantage des exonérations de cotisations sociales et affichent d’excellentes performances. On pourrait supposer que ces aides publiques ont un effet favorable sur la performance des JEI françaises, voire sur leur réussite. Ces résultats sont donc conformes à ceux présentés dans la littérature qui démontrent que les exonérations de cotisations sociales favorisent l’embauche de chercheurs, augmentant la productivité et la rentabilité de la JEI.
22Cependant, ne faut-il pas s’inquiéter de la viabilité des JEI dans un contexte où elles seraient dépourvues de ces aides ? Autrement dit, ces start-ups seront-elles capables de dépasser le cap de JEI et parvenir à une croissance autonome ? Des travaux ont même attesté de l’inefficacité des dispositifs publics sur le long terme ; leur imputant par exemple l’échec de certaines de ces sociétés qui ne parviennent pas à être autonomes ou performantes. La crise financière actuelle aidant, ces études critiques ont bénéficié d’une attention accrue en France, entraînant un coup de rabot sur les dispositifs en faveur de l’innovation dans la loi de finances 2011. Toutefois, la réduction des aides publiques met en danger plus de 2000 JEI. Par ricochet, cela peut entraîner la disparition des emplois qu’elles génèrent ou auraient pu générer, comme défendu par les entrepreneurs (voir encadré).
23Par ailleurs, 35 % de JEI françaises ont reçu un financement par capital-risque et présentent néanmoins un faible différenciel de croissance. Ceci laisse entrevoir une « sous-performance » relative, puisque ces start-ups devraient connaître une croissance bien plus importante, comme leurs homologues américaines [19]. D’où l’intérêt de s’interroger sur la sélectivité du capital-risque en France. Vu que dans notre étude les fonds de capital-risque proviennent essentiellement d’entités publiques, jugées peu sélectives [20], cela n’expliquerait-il pas ces résultats peu concluants ? Éventuellement, n’y aurait-il pas une mauvaise allocation des ressources ? De même, ces résultats n’indiquent-ils pas que la politique publique française se focalise sur la création d’emplois en négligeant un mécanisme fondamental, qui leur permettra non seulement de recruter mais aussi de se développer : celui d’assurer des débouchés (clients, marchés) aux produits des JEI, comme le prévoit le Small Business Act aux États-Unis ? Enfin, le CR public se focalisant beaucoup sur les phases précoces des JEI, ne sous-estime-t-il pas le financement des cycles d’expansion ? Alternativement, les pouvoirs publics ne devraient-ils pas plus encourager le CR privé en vue de prendre le relais du financement de ces étapes d’expansion ?
Issue de la recherche publique (Inserm, AP-HP et Université Pierre-et-Marie Curie), la jeune société biopharmaceutique InnaVirvax est prête à démarrer l’évaluation clinique de son candidat vaccin dédié au traitement des infections par le VIH. « Nous avons obtenu le statut de JEI l’année qui a suivi notre création en 2009. Cela a été crucial dans la phase de démarrage de l’entreprise où nous avions peu de moyens et l’exonération de charges sociales était importante, nous laissant de la trésorerie pour nos projets de R&D », explique Joël Crouzet, directeur général d‘InnaVirvax, qui fait partie des start-up affectées par le rabotage intervenu dans la loi de Finances 2011. « Nous avons eu plus de 100 000 euros de charges de supplémentaires au niveau des salaires. Il faut rappeler que cette décision est intervenue durant le dernier trimestre 2010, sans réelle lisibilité à l’avance. Or les start-up sont sur des cycles de développement et de financement de 2 ans, qui est le délai nécessaire à une levée de fonds. Ce manque de visibilité est donc un obstacle majeur, car il peut porter un grave préjudice à la survie de la société », poursuit Joël Crouzet.
Hemarina : « Nous avons arrêté de recruter des docteurs formés par l’université française ».
Créée en mars 2007, la société de biotechnologies Hemarina développe des transporteurs d’oxygène (molécules) d’origine marine pour des applications médicales et industrielles. « Obtenu dès notre création, le statut JEI nous a permis de recruter de jeunes docteurs formés par le système universitaire, qui avaient peu de chance de trouver un emploi de chercheur ou d’enseignant dans le public en France », souligne Franck Zal, directeur général de la start-up qui emploie actuellement 20 collaborateurs. Mais la réforme 2011 a mis au coup d›arrêt aux embauches à ce niveau de qualification. « L›augmentation des charges de 110 000 euros n›était pas prévue, car cette modification a été brutale et s›est faite sans aucune concertation avec les PME innovantes. Aucune société que je connaisse n›avait pris en compte ce type de modification dans son business plan », témoigne-t-il.
24Notre étude a ainsi permis d’identifier les financements spécifiques des start-ups technologiques françaises. Elle a également comparé les performances de ces entreprises en fonction de leur profil financier. Il en ressort que la plupart des JEI ont bénéficié d’exonérations de cotisations sociales et présentent d’excellentes performances. De plus, un grand nombre de JEI ont levé des fonds de capital-risque, essentiellement d’origine publique. Ceci dénote le rôle que l’État s’est assigné en dépassant la logique d’incitation fiscale, mais remet en question ses compétences réelles en la matière puisque les JEI financées principalement par du CR public ont une croissance faible par rapport à ce qu’on est en droit d’attendre d’entreprises financées par du CR.
25Ainsi, notre étude trouve incontestablement sa place dans un contexte actuel marqué par une crise économique, qui incite non seulement les pouvoirs publics à opter pour les soutiens les plus efficaces aux entreprises, mais aussi qui pousse ces dernières à faire des choix qui favorisent la réussite de leurs activités.
26Cependant, ces conclusions doivent être rapportées au contexte de l’étude puisque celle-ci ne prend en compte que les JEI françaises en activité continue qui ont survécu. Il existe en effet dans la population de la présente étude un nombre inconnu d’entreprises ayant disparu (faillites, liquidation, rachat, etc.) au cours de la période de l’étude, qui ne peuvent pas être inclues dans l’échantillon. De plus, la période d’analyse recouvre la crise des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) survenue en 2001 ; ce qui peut affecter les résultats dans un sens défavorable à leur performance.
27D’autres recherches sont nécessaires pour affiner les résultats obtenus ici et pourraient inclure d’autres types de financement comme les contrats de recherche, les alliances et partenariats publics/privés ou l’actionnariat familial.
Notes
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[1]
Jeunes Entreprises Innovantes = JEI
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[2]
Rapport sur l’évaluation du dispositif JEI, Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, Septembre 2012.
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[3]
Voir la définition et les conditions d’obtention dans la loi de finance française de 2004.
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[4]
Meunier, O., et al., 2004, « les aides à l’investissement : opportunes ? efficaces ? », Reflets et perspectives de la vie économique.
SESSI, 2004, Enquête sur le Financement de l’Innovation Technologique. - [5]
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[6]
Le SESSI est le Service des études et statistiques industrielles du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
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[7]
Renucci A., (2008), Innovations financières dans l’industrie du capital-risque, rapport du Conseil d’Analyse Économique, n°75.
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[8]
Raspiller S., (2008), Le taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les PME, Économie et Prévision, n°183.
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[9]
Lelarge C., (2008), l’impact du dispositif JEI, les 4 pages du SESSI.
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[10]
Suret J-M., (1993), Une évaluation des dépenses fiscales et subventions dans le domaine de la capitalisation des entreprises, L’Actualité économique, vol. 69, n° 2, p. 17-40.
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[11]
Dennis P., et al., (2012), “When does corporate venture capital add value for new ventures?”, Strategic Management Journal ; Vol. 33, Issue 1, p1-22.
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[12]
Dubocage, E., (2003), « Le capital-risque : un mode de financement dans un contexte d’incertitude », thèse de doctorat.
Lachmann, J., (2010), « Stratégie et Financement de l’Innovation », Economica, Paris. -
[13]
Krieger, E., et Medjad K., (2005), « Le contribuable, premier capital-risqueur de France », Les Échos, supplément L’Art du Management N°10, p. 8.
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[14]
Wirtz P., (2012), “Raising Capital for Rapid Growth in Young Technology Ventures: When Business Angels and Venture Capitalists Coinvest”, Venture Capital, vol.14, iss. 2-3, pp. 91-110.
Casamatta C., (2003), “Financing and Advising. Optimal Financial Contracts with Venture Capitalists”, Journal of Finance, 58. -
[15]
Manigart S., (2010), “ le capital-risque, accélérateur de croissance”, L’Expansion entrepreneuriat, n°8.
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[16]
La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) réalise des enquêtes annuelles sur les activités de R&D d’entreprises en France, qui emploient au moins un chercheur à temps plein. Ces fichiers contiennent les informations économiques et financières, mais surtout celles liées aux activités de R&D d’entreprises françaises.
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[17]
Les informations générales (effectif, secteur…) et financières (montant de la dette, capitaux propres, chiffre d’affaires, capacité d’autofinancement…) caractérisant les entreprises sont tirées de la base Diane.
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[18]
Les fonds investis proviennent généralement de structures ou d’organismes publics tels que la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC).
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[19]
Dumas, A., (2006), “Pourquoi nos PME ne grandissent pas”, Notes, Institut Montaigne.
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[20]
Joly, V., (2009), « Affiliation des investisseurs, expérience et contrats financiers en capital-risque », Université Paris-Dauphine.