Notes
-
[1]
FFSA – OpinionWay, « Baromètre Image de l’assurance en France », Troisième vague, 5 juin 2008. www.ffsa.fr
-
[2]
TREGUIER, E. PELE, D., « Les 500 plus grandes fortunes professionnelles de France ». In Challenges, N°176, 9 juillet 2009, Pages 108-134.
-
[3]
Cf. SABY-ROCH, A. DE LAGARDE O, « Contrôle des intermédiaires : comment peut-on être grossiste ? », In La Tribune de l’assurance, Mars 2009.
-
[4]
Les textes applicables sont issus d’une directive européenne : Directive 2002/92/CE du 09/12/2002 sur l’intermédiation en assurance.
-
[5]
La valorisation est importante en raison de la récurrence de portefeuilles composés de contrats à reconduction automatique. On peut retenir comme ordre de grandeur, pour un portefeuille classique, une valorisation de 1,8 à 2,2 années de commissions, hors aspects connexes – trésorerie, rentabilité, actifs immatériels, etc. Cette valorisation pourra être inférieure (autour de 1,5 années de commissions) pour un portefeuille « auto / particuliers » et monter jusqu’à 3 années pour un portefeuille vie de qualité. Cf. La concentration du courtage, à qui profite le phénomène ? Thèse de MBA de JL Lourties, Enass, 2008 ou Comment évaluer, acquérir ou vendre un portefeuille de courtage d’assurances ? Editons Argus, 1996.
Les points forts
- Le métier d’intermédiaire en assurance est un secteur ouvert, accessible et bien régulé.
- La diversité des statuts et des positionnements permet à différents types d’assureurs-entrepreneurs d’exercer cette activité, selon le degré de risque qu’ils sont prêts à prendre.
- Tour d’horizon des modalités d’exercice et des facteurs clefs de succès, en à partir des données de l’Organisme pour le Registre des Intermédiaires en Assurance (ORIAS).
1L’association entre entrepreneuriat et assurance n’est pas intuitive. Du moins, l’assurance n’apparaît-elle pas spontanément comme un monde d’opportunités pour les aspirants à la création ou à la reprise d’entreprise. Le secteur de l’assurance souffre encore d’une image technocratique : en 2008, 76% des Français estimaient qu’il s’agissait d’une activité administrative, alors que seuls 28% jugeaient ce secteur « simple » [1].
2Il ne s’agit pas ici de traiter de l’assurance des entrepreneurs : chacun sait que la couverture des risques professionnels constitue l’une des problématiques des apprentis dirigeants. Au reste, la garantie entrepreneuriale demeure une des activités historiques du secteur de l’assurance. La plupart des manuels situent son apparition à la fin du Moyen-Âge dans les ports européens où les premiers contrats d’assurance sécurisent l’essor du commerce maritime.
3S’il est acquis que l’accompagnement des entrepreneurs entre dans le domaine de compétences des assureurs, il reste à démontrer que le secteur de l’assurance offre des possibilités à ceux qui souhaitent créer ou développer leur propre activité. Pour s’en convaincre, mieux vaut se concentrer sur un volet particulier de la chaîne de valeur de l’assurance : la distribution des produits. C’est en effet dans l’intermédiation d’assurance que se trouvent, à notre sens, des gisements de projets entrepreneuriaux insuffisamment exploités.
Entrepreneuriat et intermédiation d’assurance, des univers en mouvement
4Les relais de création de valeur pour une personne physique qui souhaiterait développer une activité dans l’assurance se trouvent dans la distribution. La création ex nihilo d’une entreprise d’assurance, au sens juridique du terme, n’est pas interdite. Mais l’activité de porteur de risque est, par nature, gourmande en capitaux. Aussi, seuls des individus très fortunés peuvent-il envisager d’investir significativement à titre privé dans une société d’assurance. Dans son portefeuille d’entreprises, le milliardaire américain Warenn Buffet compte ainsi des compagnies d’assurance (Geico) et de réassurance (Gen Re). Sur les 500 fortunes professionnelles de France classées par le magazine Challenges en 2009, huit relèvent du secteur de l’assurance : à l’exception de Claude Bébéar, toutes sont historiquement rattachées au secteur du courtage.
5Ceux qui n’ont pas la capacité de mobiliser des capitaux importants mais qui souhaitent bénéficier du développement de l’écosystème assurantiel vont donc s’intéresser au monde des intermédiaires.
6L’assurance se caractérise en effet par la diversité de ses réseaux de distribution. On distingue trois situations juridiques principales : celle des agents généraux d’assurance ; des courtiers ; et les réseaux salariés. Les deux premières catégories concernent, à des degrés divers, une population relativement indépendante de la société d’assurance dont elle distribue les contrats ; ce sont eux que nous qualifions ici d’assureurs-entrepreneurs.
L’assurance dans les fortunes professionnelles [2]
L’assurance dans les fortunes professionnelles [2]
7A côté des réseaux traditionnels, les dernières années ont vu l’émergence de nouveaux canaux :
- grâce à l’exploitation de nouveaux réseaux de distribution – notamment les réseaux bancaires, mais aussi la grande distribution, les agences de voyages, les concessionnaires automobiles ou encore les pompes funèbres ;
- grâce à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication qui a permis le renouvellement de l’assurance directe – notamment grâce à la distribution d’assurance sur Internet.
8Les réseaux traditionnels constituent plutôt, pour leur part, un vivier pour la reprise d’activité. La population des intermédiaires est proche de celle du secteur salarié de l’assurance : c’est-à-dire qu’elle se caractérise par une pyramide des âges inversée où les départs à la retraite – et donc les reventes de portefeuilles – seront nombreuses dans les années à venir, même si les transferts d’activité devraient favoriser une plus grande concentration du monde de l’intermédiation.
9Est-ce à dire qu’il est facile d’entreprendre en assurance ? Si les opportunités sont variées, les contraintes et les règles de l’art y sont peut-être plus fortes qu’ailleurs. Réussir une création ou une reprise d’entreprise dans le domaine de l’assurance nécessite à la fois :
- une maîtrise du cadre d’exercice de l’activité d’intermédiaire en assurance qui s’inscrit dans un environnement juridique particulier ;
- une démarche marketing appropriée qui prenne en compte la spécificité politique, économique et sociale de l’assurance.
Un marché régulé mais ouvert
10L’intermédiation en assurance est une activité règlementée. L’objectif de la règlementation est d’offrir un haut niveau de protection aux consommateurs [4]. Cela détermine les conditions initiales d’exercice, sans pénaliser l’ouverture de la profession de l’assurance.
Les conditions initiales d’exercice de l’intermédiation en assurance
11L’inscription obligatoire à l’ORIAS, matérialisée par l’attribution d’un numéro d’immatriculation et la mention sur le site Internet orias.fr, nécessite de remplir des conditions graduées selon la catégorie d’exercice. Ainsi, quatre catégories d’inscription sont-elles prévues :
- courtier d’assurance ou de réassurance ;
- agent général d’assurance ;
- mandataire d’assurance (MA) ;
- mandataire d’intermédiaire d’assurance (MIA).
12Pour les catégories d’Agent général et de MA, le mandant est une (ou plusieurs) entreprise(s) d’assurance. Pour la catégorie de MIA, il s’agit d’un (ou plusieurs) Courtier(s), Agent(s) général(aux) ou MA. Le mandat qui lie un mandant à son mandataire est un support juridique majeur dans la mesure où il implique une mise en responsabilité du mandant pour les actes de son mandataire.
13Un intermédiaire en assurance peut être inscrit dans plusieurs catégories, à charge pour lui de préciser à son client le statut choisi lors de la démarche commerciale.
14Les conditions à remplir visent à offrir au consommateur une sécurité au regard de la faculté de mise en œuvre d’une assurance de responsabilité civile et, le cas échéant, d’une garantie financière, de l’honorabilité et de la capacité professionnelle de l’entrepreneur. Les justificatifs sont répartis en trois niveaux qui correspondent à des niveaux de stage, de diplôme ou d’expérience professionnelle.
Une activité ouverte
15Le créateur d’entreprise dans le domaine de l’intermédiation en assurance se doit de choisir une ou plusieurs catégories d’exercice. Particularité du monde de l’assurance, le choix juridique n’est pas dissociable du projet de création : il est constitutif du business plan.
16Le courtage semble offrir le statut le plus ouvert en termes de développement économique, mais nécessite de remplir les conditions les plus strictes. Précisons que, pour un créateur, le coût d’une assurance de responsabilité civile professionnelle (RCP) n’est pas négligeable et qu’il doit être assumé au préalable, avant la concrétisation d’un courant d’affaires.
17Les trois autres catégories (Agent général, MA, MIA) permettent de développer un projet de création avec un accompagnement. Soulignons que le statut des Agents généraux, de part son antériorité et son poids économique, détaille avec précisions les droits et devoirs des compagnies et des agents. Pour les créateurs qui s’inscrivent en tant que mandataire, il est fréquent que le mandant dispense lui-même la formation initiale professionnelle.
Bonnes pratiques, pièges et facteurs clés de succès
Bonnes pratiques, pièges et facteurs clés de succès
18Les 42 606 intermédiaires exercent pour 53% d’entre eux sous la forme d’entreprise individuelle et 47% en société. Par ailleurs, au 31 décembre 2010, 7 136 intermédiaires étaient simultanément inscrits dans les catégories Agent général et Courtier, ce qui explique le nombre d’inscriptions supérieur au nombre d’intermédiaires.
19Ces données témoignent d’un secteur ouvert et mobile. La réglementation qui encadre les conditions d’accès à l’intermédiation vise à renforcer la confiance des consommateurs. Les entrepreneurs ne doivent donc pas considérer le cadre juridique comme une barrière à l’entrée mais, au contraire, comme un gage de pérennité pour leur future activité.
Les aspects marketing de l’entrepreneuriat en assurance
20L’entrepreneur dans le secteur des assurances est confronté à des choix. Essayons de passer ici en revue les bonnes pratiques (sous-section 1), pièges (sous-section 2) et facteurs clés de succès (sous-section 3) auxquels est confronté l’assureur entrepreneur.
Du côté des bonnes pratiques
21Les bonnes pratiques relèvent du bon sens mais supposent aussi de répondre à des questions spécifiques. L’apprenti assureur a tout intérêt à multiplier les entretiens avec des intervenants du marché : agents ; courtiers ; syndicats professionnels ; risk managers ; etc. Les échanges visent un double objectif :
- valider la pertinence de son projet d’entreprise ;
- poser les bases d’un réseau professionnel pour l’avenir.
Avantages et inconvénients des deux principales formes d’exercice
Avantages et inconvénients des deux principales formes d’exercice
22Cette période préparatoire est aussi un moment d’apprentissage grâce à des formations, parfois obligatoires, auprès d’un organisme spécialisé ainsi que par la lecture d’ouvrages de référence. Dans bien des cas, un stage chez un intermédiaire s’impose.
23La période de cadrage du projet est l’occasion de soulever des questions de produits et de marchés. L’assureur entrepreneur doit-il se spécialiser dans l’assurance de biens et de responsabilité ou dans l’assurance de personne ? Il y a bien peu en commun entre la couverture des flottes automobiles et l’optimisation de patrimoine. Le choix dépend notamment des goûts, de l’expérience et des aptitudes du créateur ou du repreneur.
24La clientèle visée offre une autre alternative : marché de particuliers ou d’entreprises ? Si le marché des particuliers offre l’avantage d’être plus simple pour débuter, il risque de s’avérer peu rentable si une masse critique n’est pas atteinte. Côté « Entreprises », on sera attentif à la distinction opérée par les compagnies entre les Professionnels et les Entreprises. Les différents positionnements possibles se situent sur la matrice ci-dessus : tableau 4, matrice de positionnement.
25Après ces choix marketing, il convient d’envisager les avantages et les inconvénients des principales formes d’exercices.
26A certains égards, le choix de statut se rapproche de celui qui consiste, pour un entrepreneur commercial, à s’abriter ou non au sein d’un réseau de franchisés. Toutefois, comme pour les franchises, il convient de se documenter avec précision sur les droits et obligations du réseau auquel on s’adosse, afin de vérifier l’équilibre liberté / accompagnement.
Les pièges à éviter
27Les premiers pièges ne sont pas spécifiques à l’assurance. Ils peuvent être résumés par trois verbes : se disperser ; s’isoler ; se noyer. Pour autant, dans la mesure où l’intermédiation d’assurance constitue un secteur spécifique, elle soulève aussi des difficultés propres.
28Il convient notamment, lors de chaque échange avec la clientèle, y compris par courrier électronique, de suivre les règles du métier, telles que le devoir de conseil. En matière d’information et de conseil, retenons que l’intermédiaire doit diffuser, par écrit, à son client ou prospect, des informations d’identification (n°ORIAS, liens capitalistiques, contractuels ou d’affaires avec des entreprises d’assurances, etc.), ainsi qu’un état des lieux de ses besoins et les raisons de la préconisation de tel ou tel contrat.
29Rigoureuse, l’assurance est aussi un monde humain : se centrer sur la technique en oubliant les rapports de personnes constitue une erreur. Les opportunités en assurance se saisissent fréquemment en liaison avec les inspecteurs des sociétés d’assurance. De même, les fournisseurs sont disponibles pour former leurs intermédiaires à leurs produits.
Les facteurs clé de succès
30La diversification des réseaux de distribution, en particulier sur les risques de masse, impose aux assureurs entrepreneurs de développer un projet original. Même dans le cas d’une reprise, il faut s’interroger sur le positionnement, l’identité de la structure et ses atouts propres. Ainsi, des réussites se construisent-elles sur la maîtrise d’un univers : le connaisseur des productions cinématographiques deviendra l’assureur du cinéma ; celui des milieux hippiques assurera les propriétaires de galopeurs.
31Les exemples abondent de cas où l’entrepreneur aura fait la synthèse entre :
- un milieu professionnel qu’il connait ;
- des besoins spécifiques mal couverts ;
- une offre bâtie en partenariat avec une compagnie.
- développer des actions en liaison avec les sociétés d’assurances ;
- utiliser Internet et les marchés internationaux comme relais de développement ;
- penser à la croissance externe.
- pour des prospections organisées à destination d’une cible particulière ;
- pour des rendez-vous commerciaux significatifs ;
- pour des démarches commerciales de type mailing.
32La distribution de produits d’assurance sur Internet est aujourd’hui une réalité. Même s’il n’opte pas pour ce mode de commercialisation, qui suppose des moyens humains et techniques adaptés, l’intermédiaire d’assurance doit au moins disposer d’un site efficace, d’un blog pour marquer sa spécificité ou encore de sites dédiés à une population ou une offre en particulier. L’exploitation des réseaux sociaux ou professionnels virtuels se révèle être aussi un axe de progrès.
33Le marché premier d’un intermédiaire est régional. Les principales affaires de courtage françaises se sont d’abord développées sur des bassins de prospection locaux. Néanmoins, la dimension internationale demeure indispensable pour un développement ambitieux. La gestion des risques d’une entreprise requiert souvent une capacité d’accompagnement à l’international. De même, les sources d’innovations en termes de produit ou de placement des risques se situent souvent hors des frontières. Cette dimension se construit par des actions simples : disposer d’un site bilingue ; recruter des collaborateurs anglophones ; adhérer à un réseau international ; répondre à des prospects étrangers ; etc.
34Enfin, il faut penser à croître par acquisitions. Les réussites sont le fait d’entreprises ayant développé leur cabinet en y adjoignant de petits fonds de commerce. Le marché de l’intermédiation, et notamment du courtage, est en voie de consolidation. Le build up est donc indispensable pour construire une structure durable. Si les coûts d’acquisition de portefeuilles sont encore élevés, les opportunités existent [5]. Par ailleurs, le marché de l’intermédiation est propice aux rapprochements, aux coopérations ou aux partenariats. La diversité des positionnements rend beaucoup de cabinets plus complémentaires que concurrents.
35Pour l’assureur-entrepreneur, la construction d’un projet dans l’intermédiation suppose la prise en compte de deux déterminants : un environnement juridique particulier et un marketing stratégique adapté. Ces deux éléments, qui associent la flexibilité d’un secteur à sa nécessaire sécurisation, contribuent à façonner des projets originaux.
36Le champ des possibles est vaste. Du choix des statuts à l’élaboration du positionnement, de multiples combinaisons permettent de réinventer en permanence une profession qui répond à des besoins essentiels de protection financière.
37Le défi professionnel consiste à construire les conditions de la confiance. L’encadrement juridique y contribue, dans la mesure où il garantit une qualité de formation et de conseil chez les praticiens, mais il n’y suffit pas. L’intermédiaire d’assurance va devoir créer une interaction positive entre des clients qui souhaitent couvrir leurs risques, et des institutions qui manipulent des techniques complexes.
38Telle est la perspective offerte aux assureurs-entrepreneurs. Des marchands vénitiens aux Lloyds de Londres, l’assurance est née chez les entrepreneurs. Gageons qu’elle se développera par les entrepreneurs.
39Les analyses et positions présentées sont le fruit d’une appréciation personnelle de son auteur qui ne peut engager l’ORIAS.
Notes
-
[1]
FFSA – OpinionWay, « Baromètre Image de l’assurance en France », Troisième vague, 5 juin 2008. www.ffsa.fr
-
[2]
TREGUIER, E. PELE, D., « Les 500 plus grandes fortunes professionnelles de France ». In Challenges, N°176, 9 juillet 2009, Pages 108-134.
-
[3]
Cf. SABY-ROCH, A. DE LAGARDE O, « Contrôle des intermédiaires : comment peut-on être grossiste ? », In La Tribune de l’assurance, Mars 2009.
-
[4]
Les textes applicables sont issus d’une directive européenne : Directive 2002/92/CE du 09/12/2002 sur l’intermédiation en assurance.
-
[5]
La valorisation est importante en raison de la récurrence de portefeuilles composés de contrats à reconduction automatique. On peut retenir comme ordre de grandeur, pour un portefeuille classique, une valorisation de 1,8 à 2,2 années de commissions, hors aspects connexes – trésorerie, rentabilité, actifs immatériels, etc. Cette valorisation pourra être inférieure (autour de 1,5 années de commissions) pour un portefeuille « auto / particuliers » et monter jusqu’à 3 années pour un portefeuille vie de qualité. Cf. La concentration du courtage, à qui profite le phénomène ? Thèse de MBA de JL Lourties, Enass, 2008 ou Comment évaluer, acquérir ou vendre un portefeuille de courtage d’assurances ? Editons Argus, 1996.