Je n’ai jamais lu de Rainer Maria Rilke, chanté seulement, en chœur, dans ses vers français mis en musique par Paul Hindemith : La biche et Le cygne, des poèmes animaux.
La langue allemande, je la chante parfois grâce à Jean-Sébastien Bach, mais ne la lis pas et l’oralise à peine sans lui.
Lire la traduction d’un poème est l’une des expériences les plus idiotes de la vie, une expérience de solastalgie profonde et cruelle : le sens seul reste et tout ce qui devrait sonner et résonner dans les possibles de l’Ouvert s’échappe, et ce qui reste m’apitoie, m’angoisse et me désole.
Je sais qu’il y a un monde, là, ouvert par le poème. Anesthésiée que je suis par l’ignorance de la langue, la barrière est froide et renvoie à la petitesse d’une histoire
la mienne
qui n’a pas su s’ouvrir à cette autre
à cette langue singulière
une langue comme toutes les langues, mais qui singulièrement
déploie par les vers des mondes aux syntaxes multiples, où le blanc sur la page, où les sonorités de la langue, où les évocations des mots pierres qui roulent amassant les mousses des multiples crasses de l’usage trop humain du langage à tout-va ne sont pas, où les racines sont inconnues, où les phrases ne filent pas dans un rhizome de possibles.
Je ne vois que des lignes
avec des majuscules
Je sais que ce sont des Noms
Je sais que ce poème nomme
« Kreatur, Offene, Augen, Ausgang, Tiers, Kind »Une créature souvent augmente d’un tiers le gang d’un enfant haletant entre virgules et majuscules……
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