Notes
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[1]
À part pour le « délirant » qui trahit ma propre fascination, cf. É. Roudinesco, « Édouard Pichon : Dr Jekyll et Mr Hyde », dans La bataille de cent ans, t. I, Paris, Ramsay, 1982.
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[2]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », L’évolution psychiatrique, janvier-mars 1947, p. 9-46. C’est le même numéro 1 où Lacan fait paraître « Propos sur la causalité psychique » (p. 123-167).
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[3]
Note : « M. Corbin traduit “néantit”, ce qui ne me paraît pas bon, le suffixe ir servant, en dérivation française vivante, à indiquer non un état, mais une transformation (ex. blanchir = devenir blanc, rendre blanc). Le suffixe oyer convient mieux (cf. blanchoyer). » La note est signée E. P.
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[4]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 20.
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[5]
Ibid., p. 28. Du reste, pour l’auteur, les cliniciens français savent très bien ce qu’est l’angoisse : « Un processus très spécial où une très intense souffrance psychique est synchrone d’un dérèglement organique comportant une sensation subjective de constriction laryngée et de poids sur la poitrine, avec de la tachycardie, voire de l’arythmie. »
-
[6]
Ibid., p. 30.
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[7]
M. Heidegger, Être et temps, trad. Martineau, édition numérique, § 11, p. 60.
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[8]
Ibid., § 49, « Délimitation de l’analyse existentiale de la mort par rapport à d’autres interprétations possibles du phénomène », p. 199 : « L’interprétation existentiale de la mort est antérieure à toute biologie et ontologie de la vie. Mais elle n’est pas moins fondatrice pour toute investigation biographico-historique et ethnologico-psychologique de la mort. Une “typologie” du “mourir” comme caractéristique des états et des guises en lesquels le décéder est “vécu” présuppose déjà le concept de la mort. En outre, une psychologie du “mourir” apporte davantage de révélations sur la “vie” des “mourants” que sur le mourir lui-même, ce qui reflète simplement le fait que le Dasein ne meurt pas d’abord – ou même ne meurt jamais – proprement dans et par un vécu de son décéder factice. De même, les conceptions de la mort chez les primitifs, leurs conduites à l’égard de la mort dans la sorcellerie et le culte, éclairent primairement la compréhension du Dasein – de ce Dasein dont l’interprétation a déjà besoin d’une analytique existentiale et d’un concept correspondant de la mort. »
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[9]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 32-33. J. Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 803 : « Le moi ne s’achève qu’à être articulé non comme Je du discours, mais comme métonymie de sa signification (ce que Damourette et Pichon prennent pour la personne étoffée qu’ils opposent à la personne subtile, cette dernière n’étant autre que la forclusion plus haut désignée comme shifter). » Commenté par M. Arrivé, « Empersonnement, discordance, forclusion », dans Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient, Freud, Saussure, Pichon, Lacan, Paris, puf, 1994, p. 163. Cf. aussi J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 816. Notons pourtant que Benveniste critique la permutabilité de je et moi dans l’énonciation : « Une telle distinction ne serait recevable que s’il y avait libre choix et possibilité d’échange entre les deux séries de pronoms dans les mêmes positions. Cela n’arrive jamais, on le sait ; je et moi ne peuvent permuter en aucun cas. Dès lors parler de “personne ténue” ou “étoffée”, c’est seulement déguiser en notion psychologique une réalité linguistique insuffisamment décrite » (« L’antonyme et le pronom en français moderne », dans Problèmes de linguistique générale, 2, Paris, Gallimard, coll. « Tel », p 197-198). Note 1 : « Nous contredisons expressément ici Pichon et Damourette », et il conteste les trois exemples allégués au § 2311 de leur Essai de grammaire de la langue française, p. 253.
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[10]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 41.
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[11]
É. Pichon et J. Damourette, « La grammaire en tant que mode d’exploration de l’inconscient », dans Grammaire et inconscient, Paris, epel, L’Unebévue, 1993, p. 27.
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[12]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 46.
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[13]
Ibid.
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[14]
Cf. É. Pichon, Le développement psychique de l’enfant et de l’adolescent, évolution normale – pathologique – traitement. Manuel d’étude, Paris, Masson, 1936.
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[15]
É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, Paris, Louis Arnette, 1933, p. 8. Cf. aussi M. Arrivé, Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient…, op. cit., p. 150.
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[16]
É. Pichon, « Sur la signification psychologique de la négation en français », Journal de psychologie, 1929, p. 228-254, p. 245.
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[17]
É. Pichon, « De Freud à Dalbiez », Revue française de psychanalyse, 1938, cité par É. Roudinesco, La bataille de cent ans, op. cit. : « Quant à l’inconscient lui-même, M. Dalbiez est beaucoup plus près que moi des idées de Freud. Puisqu’il admet des faits psychiques sans conscience qui les supporte, il lui est facile de suivre M. Freud dans cette notion qui m’a toujours paru et me paraît toujours incompréhensible d’un inconscient psychologique qui soit toujours inconscient, non seulement pour la personnalité centrale du patient mais pour qui que ce soit. »
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[18]
É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, op. cit., p. 15.
-
[19]
É. Pichon, « Sur la signification psychologique de la négation en français », op. cit., p. 232.
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[20]
Ibid., p. 251.
-
[21]
É. Pichon et R. Laforgue, dans R. Laforgue (sous la dir. de), Le rêve et la psychanalyse, Paris, Maloine, 1926, p. 184. Introduction de Hesnard, chapitres : i, « Conceptions antiques et populaires du rêve », par Allendy ; ii, « La psychologie du rêve dans la tradition française », par de Saussure ; iii, « Caractères généraux du rêve », par Allendy ; iv, « Les doctrines de Freud », par de Saussure ; v, « Le transfert », par Laforgue ; vi, « La névrose et le rêve : la notion de schizonoïa », par Pichon et Laforgue, p. 173-211 ; vii, « Rêve et schizonoïa », par Laforgue.
-
[22]
Ibid., p. 208.
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[23]
Ibid., p. 209.
-
[24]
É. Pichon, « La psychanalyse dans l’art médical », L’évolution psychiatrique, 1933, p. 79-103, p. 91. « Point important : la méthode psychanalytique, basée sur la compréhension de situations affectives, ne peut réussir thérapeutiquement que sur des malades intelligents ; et le degré d’intelligence nécessaire est d’autant plus grand qu’on a affaire à des patients moins cultivés. La psychanalyse s’adresse donc uniquement à une élite. » En revanche, il est très critique à l’égard du snobisme surréaliste : « Il faut tout d’abord déplorer que les doctrines psychanalytiques aient trouvé leurs premiers champions en dehors du monde médical […] la doctrine psychanalytique irradiant les milieux littéraires a couru les salons où elle a subi de dangereuses déformations » (« De quelques obstacles à la diffusion des méthodes de psychanalyse en France », 1923).
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[25]
É. Pichon et R. Laforgue, « La névrose et le rêve : la notion de schizonoïa », dans R. Laforgue (sous la dir. de), Le rêve et la psychanalyse, op. cit., p. 185.
-
[26]
Ibid., p. 207.
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[27]
Ibid.
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[28]
Ibid., p. 174.
-
[29]
Ibid., p. 179.
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[30]
Ibid., p. 208.
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[31]
É. Pichon, « Temps et idiome », dans Recherches philosophiques, Paris, Boivin, 1935-1936, conclusion de l’article.
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[32]
É. Pichon, « La personne et la personnalité vues à la lumière de la pensée idiomatique française », publié dans la Revue française de psychanalyse, 1938, cité d’après Grammaire et inconscient, op. cit., p. 59.
-
[33]
Notion de taxième : « Notions directrices suivant lesquelles s’ordonne notre pensée-langage ; mais cet ordonnancement linguistique n’est pas conscient : il serait impossible à la parole d’accomplir ses alertes à fonctions sociales si tous les choix grammaticaux – et aussi lexicaux – que comporte la construction d’une phrase devaient être conscients, et volontaires au sens complet du terme. » É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, op. cit., p. 10.
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[34]
É. Pichon, « Temps et idiome », op. cit., p. 233.
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[35]
É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, op. cit., p. 11.
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[36]
É. Pichon, « Sur la signification psychologique de la négation en français », p. 228. « Partir des cadres d’une logique a priori et essayer de trouver comment la langue remplit ces cadres, c’est peut-être faire une bonne œuvre didactique, mais ce n’est pas faire avancer la question du fonctionnement psychique réel du langage. C’est à la langue elle-même qu’il faut aller demander les secrets de sa structure ».
1On s’accorde à dire que la clinique française n’a retenu de la psychanalyse qu’une thérapeutique, la rejetant comme philosophie. L’exemple d’Édouard Pichon me semble au contraire le plus honnête effort pour traduire l’esprit freudien dans ce qu’il nomme : le génie de la langue française. À cause de cette entreprise, les psychanalystes le tiennent pour un linguiste, et réciproquement. Sa philosophie a horreur de la profondeur, son système dénonce l’unilatéralité, mais il n’en est pas à une contradiction près. Il est maurassien, membre de l’Action française, dreyfusard, passeur et traducteur de Freud en France, membre fondateur de la Société psychanalytique de Paris (spp), membre de la Société française de linguistique, de phoniatrie, psychanalyste, médecin (pathologie rénale, cardiologie, pédiatrie), gendre de Pierre Janet, professeur et ami de Françoise Marette, future Françoise Dolto, introducteur de Lacan à la spp, auteur avec son oncle Damourette de l’énorme grammaire française Des mots à la pensée, idéologue de la « françaiseté », germanophobe, antimarxiste, fascinant rêveur de maître, ironique, guindé, néologisant, intempestif, peut-être délirant [1]. Une chose est sûre : sa haine de l’Un est transmissible.
« Mort, angoisse, négation » : Pichon lecteur de Heidegger
2L’article « Mort, angoisse, négation [2] » de 1939, paru dans la rubrique « À nos morts » de L’évolution psychiatrique de 1947, est un chef-d’œuvre d’ironie. Pichon grince de plaisir à montrer que la prétendue « angoisse de mort » chez Heidegger n’enseigne en réalité rien au métaphysicien ; elle ne saurait être une épreuve décisive sur le trajet du Dasein : aucun rassemblement des possibles à l’horizon d’aucun Néant, mais seulement le reflet, la projection dans l’idée pure de la formation linguistique de la négation en allemand. Thèse audacieuse ou folle, en tous les cas stimulante, qui n’ira pas sans difficultés. Le plan de l’article est donc globalement : 1. Que l’angoisse n’a pas la portée de révélation que lui prête Heidegger, et que l’épreuve du Néant est privée de sa première preuve ; 2. Que la négation n’est pas un phénomène linguistique universel. L’idéal d’une négation logique absolue est seulement une formation de l’inconscient – la philosophie allemande en est le symptôme – et l’épreuve du Néant est ainsi privé de sa seconde preuve.
3De sa position de linguiste, Pichon discute pied à pied la traduction de Corbin de Qu’est-ce que la métaphysique. Le Dasein devient « existaison », parce qu’il est à l’existence ce que la floraison est à la fleur, Vereden devient la crevaison et non l’achèvement, nichten devient néantoiement et non néantir, parce que le deuxième groupe est impropre à rendre l’acte propre du néant [3]. Wahrscheinlichkeit devient la probabilité, l’Erlebnis devient la transvivance, et non l’expérience vécue qui s’oppose à Geschehnis. Pichon s’efforce de rendre en français la tension dynamique des termes allemands : sans remarquer pour cela qu’il est obligé de néologiser, en créant des images allusives de force et de mouvement.
« Phénoménologiquement, cet auteur [Heidegger] a fait des distinctions utiles, mais me semble n’avoir pas fait toutes celles que son point de vue appelait. Les mots français crever, décéder, périr et trépasser sont propres à mettre en évidence les divers aspects phénoménologiques à envisager […]. Au chien vivant, qui aboyait, courait, remuait la queue, succède le chien crevé qui flotte passivement sur l’eau […]. Cet aspect-là de la mort, c’est la crevaison […] [4]. »
5Crever répond au fait psychique du présent de la mort, son choc et sa rencontre, sans l’horizon temporel qui permettrait d’en réaliser le moindre sens. Au contraire, que « le verbe périr prenne avoir pour auxiliaire d’antériorité est, selon [Pichon], très significatif, car il confirme le caractère sommatif, et non terminatif, du sens de ce verbe ». Périr indique une forme de passé-présent que seule connaît la langue française. Contre l’analyse existentiale de Heidegger, Pichon montre que notre enquotidiennement dans le temps ne baigne pas dans la certitude de la mort et qu’au contraire il la fuit.
« On n’envisage la certitude de la mort que comme une probabilité du degré le plus haut, mais non pas comme une certitude inconditionnée. Sous cet autruchisme, peut-on, se demande M. Heidegger, déceler la nature authentique de notre vocation à mourir ? […] Le point original, c’est l’attitude que M. Heidegger a devant l’angoisse. Pour lui, non seulement l’angoisse devant la mort est normale, mais encore la vivre est recommandée à tout homme courageux. »
7La conception freudienne de la mort s’avère ainsi « moins simpliste » que chez Heidegger, qualifié – c’est un comble – de « rationaliste borné ». Il ne peut se débarrasser de l’angoisse de mort par un raisonnement simple et péremptoire. Selon Pichon au contraire, « l’angoisse est un phénomène maladif que l’homme normal n’a pas à faire entrer en ligne de compte ». Toute la « philosophie » freudienne lui paraît une justification bien morbide de la peur, car c’est dans son essence même que l’angoisse de mort est morbide.
« À vrai dire, les faits pathologiques visés par ce grand observateur que fut Freud existent, mais ils constituent un domaine clinique tout différent. Dans bien des cas, en effet, l’angoisse pathologique dite de mort n’apparaît pas cliniquement comme une angoisse métaphysiquement sans danger immédiat ; elle survient au contraire comme expression symptomatique d’une peur présente : le malade redoute de mourir dans l’instant. C’est alors une angoisse par effroi [5]. »
9Pichon montre qu’il a peut-être entrevu, mais non mesuré, la question à laquelle veut répondre le projet d’Être et temps :
« M. Heidegger aurait, semble-t-il, pu, s’il cherchait une transvivance du néant, s’adresser au sommeil sans rêves, à l’absence épileptique, au coma profond. Il aurait eu la partie plus belle, et ses adversaires plus de peine à en réfuter l’opinion. Mais il n’a pas choisi ce terrain. Pour lui, c’est l’angoisse métaphysique qui est une survivance du néant, lequel acquiert par là une manière de réalité, mais toute sienne. Il n’est pas licite de dire qu’il n’existe pas ; il néantoie [6]. »
11Heidegger montrait au contraire que l’analytique existentiale est préalable à toute science positive, psychologie, anthropologie, biologie. Une délimitation de l’analytique par rapport à ces recherches possibles sur le Dasein doit même contribuer à en définir le thème (§ 9). En tant qu’ontologies régionales se concentrant sur l’étude d’un étant, les sciences positives « ne “peuvent” ni ne doivent attendre que se soit achevé le travail ontologique de la philosophie, la poursuite de la recherche s’accomplira non pas comme un “progrès”, mais comme une répétition et une purification ontologiquement plus clairvoyante de ce qui aura été ontiquement découvert [7] » (§ 11). Pour Heidegger, que la science ne veuille rien savoir de son enracinement dans la question de l’être et le prenne comme allant de soi éveille plutôt le soupçon de ce que la base de cette recherche reste voilée, et pose problème dans un sens bien plus radical que ne peut l’être une théorie régionale de l’étant.
12Ainsi, le Dasein est affecté préalablement à toute psychologie de la tonalité (§ 29), et l’expérience de la mort, loin d’en révéler la coloration psychologique, dévoile plutôt les structures sur lesquelles, depuis le début, se fondaient ou croyaient s’assurer les ontologies régionales des sciences positivistes. La mort n’est pas seulement une expérience de pensée ; elle révèle à la pensée, à l’existence, la possibilité de son impossibilité. Elle révèle tout plan d’immanence comme une possibilité de voilement de la question de l’être. Elle se révèle d’une portée méthodologique, informant le Dasein de la nullité de sa méthode, s’il croyait jusqu’ici faire de l’ontologie fondamentale le sol fixe des ontologies régionales. L’ontologie fondamentale, précisément, est le sans-fond. Le gouffre méthodologique qui s’ouvre à la rencontre de cette identité, c’est cela l’expérience de la mort [8] : que toute possibilité repose sur un fond d’impossibilité.
13Mais Pichon insiste pour poser la question de l’angoisse à la psychologie du sommeil sans rêves, à l’absence épileptique, au coma profond, c’est-à-dire une science en progrès qui, pour son élaboration, ne peut pas attendre la fin de la méditation fondamentale-ontologique.
14Car le dernier mot de son argument est que l’angoisse rend nécessaire le distinguo psychologique entre ses deux modes d’empersonnement : la personne ténue et la personne étoffée, « lesquels, en ce qui concerne le locuteur (première personne), opposent nettement un centre permanent, intellectuellement continu et affectivement sensible (je, me), à un contenu global envisageable de l’extérieur (moi) [9] ». Dans une certaine mesure, Pichon retrouve Heidegger en notant que c’est l’impensabilité de la mort qui en crée l’angoisse. « Pour témoigner de la manifestation du néant dans notre existaison (Dasein) humaine, de sa continuité et de sa diffusion, il y a la négation. »
« La négation prise comme telle, avec la brutalité qu’elle a dans le haut allemand sur lequel se règlent tous les raisonnements de M. Heidegger, est loin d’être un fait universel. Bien au contraire, les idiomes les plus affinés traduisent tous le malaise que l’épais simplisme de cette notion cause à tout esprit soucieux d’exprimer adéquatement aux données du monde les nuances de la pensée […]. C’est surtout dans les deux idiomes qui se sont imposé le plus haut niveau d’exigences spirituelles, lesquels sont notoirement le grec ancien et le français, que cette tendance a reçu son accomplissement [10]. »
16La notion « robuste » mais « peu souple » de négation telle que nous la montre la logique formelle est en réalité étrangère à la langue française [11]. « En français, ce qui se rapproche le plus de la notion classique de négation, c’est la séposition, qui s’opère par non. Mais j’ai montré plus haut qu’elle ne touchait, au vrai, que les sujets et les attributs. Or la véritable négation n’appartient pas aux susceptibles d’exister ; elle concerne les existences ; et, en ce domaine, le français ne l’admet précisément pas. Elle lui paraît trop brutale ; il n’en reconstitue l’équivalent approximatif, intellectuellement plus modeste, que par l’alliance de la forclusion et de la discordance [12]. » Et la conclusion, lapidaire : « M. Martin Heidegger n’est donc pas fondé à venir dire que la négation est une notion humaine universelle ; et partant, les conclusions qu’il fonde sur ces prémisses sont caduques [13]. »
Trois concepts « pichoniens » : négation, schizonoïa, personnalité
17Derrière la polygraphie pichonienne, il y a un raisonnement, me semble-t-il, toujours uniforme au départ de son argumentation. De trois notions majeures de la psychanalyse : la négation, le refoulement, la personnalité, il révèle sous l’impression d’unité qui s’offre à même le langage l’infinie richesse et la variance de négations, de modes de refoulement, de postures subjectives. Mais cette unité, si elle n’appartient ni à la langue, ni à l’inconscient, d’où Pichon la tient-il ? D’une position purement philosophique, selon laquelle l’unité indivise est l’illusion par excellence du stade infantile. Lorsqu’il groupe les réflexions sur la psychopédeutique [14] et les différences entre la civilisation et la culture, on voit apparaître chez Pichon une pensée de la naissance et de la formation du sujet.
18Les concepts cliniques qu’il propose, tout en exprimant une manière d’être du sujet, n’ont pas de visée pour tout sujet, mais pour chaque sujet. Un certain mouvement de particularisation s’opère, qui décrit non plus le sujet universel abstrait, pré-unifié sous l’angle de l’anthropologie générale, mais un mode particulier du cas pathologique. Connaissant l’influence de Pichon sur les formations de Ey et de Lacan, on pourra interpréter les termes de scotomisation, de forclusion et de schizonoïa comme des propositions de réponses à l’explication universaliste de l’automatisme mental.
La négation
19Le postulat de la méthode, écrit Pichon, c’est qu’il n’existe pas un seul fait de langage qui n’ait une signification psychologique. La psychanalyse parlera sans ambiguïté de la linguistique comme d’une forme de la clinique. Des faits particuliers, bien interprétés avec ce sens d’observation critique que les médecins appellent « l’esprit clinique », prendront une valeur scientifique considérable : « Il faut donc renoncer à la “vaine distinction” saussurienne des faits de langue, qui auraient une portée générale, et des faits de parole, qui n’en auraient point. Entre ces deux ordres de faits, on ne peut établir de limite qu’arbitraire, excluant du champ de l’observation les faits les plus gênants pour les doctrines préconçues. Donc acceptons tout, et, comme aurait dit Morgagni, pesons tout dans la plus pleine lumière possible [15]. »
« Le langage est pour celui qui sait en déchiffrer les images un merveilleux miroir des profondeurs de l’inconscient. Le repentir est le désir qu’une chose passée, donc irréparable, n’ait jamais existé ; la langue française, par le forclusif, exprime ce désir de scotomisation, traduisant ainsi le phénomène normal dont la scotomisation, décrite en pathologie mentale par Laforgue et l’un de nous, est l’exagération pathologique [16]. »
21Seule la psychanalyse – comme exploration de l’esprit [17]– apporte une réponse satisfaisante à l’alliance problématique de la philosophie et de la logique. La démonstration consiste d’abord à constater que l’idiome français ne réalise pas la négation comme une notion simple, mais comme la convergence de deux notions par ailleurs indépendantes : la discordance et la forclusion. « Le discordantiel ne se trouve dans plus grand que je ne suis, avant que tu n’arrives, je crains qu’il ne succombe, je ne doute pas qu’il ne s’en tire, etc. De leur côté les forclusifs pas, rien, jamais, aucun chassent la chose ou le fait hors du champ de l’envisageable, le désacceptent, si l’on ose ainsi parler [18]. » La contradiction éclôt entre l’usage logique et le sens philosophique de la négation.
22Or le français exprime sa négation du type je n’y songe pas, je n’en parlerai jamais, je ne désire rien, c’est-à-dire par une convergence jamais innocente ; « on déclare un fait d’une part forclos de ce qu’on aperçoit, et d’autre part discordant d’avec cet ensemble. C’est ainsi qu’il se trouve être ce qu’on appelle communément nié. Dans une pensée lâchée la forclusion peut suffire à jouer le rôle de la négation (j’en parlerai jamais), mais le ne n’est jamais tout à fait absent de l’esprit du locuteur ; les conditions de sa disparition et de sa réapparition le montrent ». De cette élision courante du ne, Damourette et Pichon réfutent l’explication historique, qui « ne nous éclaire nullement sur la nature des notions contenues dans ne et dans pas, rien, jamais, pour le sentiment linguistique du français d’aujourd’hui […]. Il nous semble donc indéniable que le français s’est constitué un nouveau système taxiématique remplaçant la négation latine [19] ».
23La négation des faits ne s’obtient que par l’intersection logique de deux notions discordantielle et forclusive (je n’en finirai jamais, Jarry) ; mais l’indépendance des deux notions est telle qu’elles peuvent figurer dans la même phrase, dans certaines circonstances sémantiques, sans faire négation (Et la discipline y régnait… plus qu’elle n’avait jamais fait dans aucune armée du roi de Prusse, Claude Farrière).
24Une fois repéré, il s’agit à présent d’interpréter ce désaccord entre la logique linguistique et la logique rationnelle scolaire. Pichon montre d’abord le libre jeu jamais innocent de deux notions indépendantes qui saturent et dépassent le domaine de la négation de la logique consciente. Cette réduction de la raison à la logique est ainsi « trop grossière pour se plier aux nuances de la pensée. Même sous la forme délicate que lui donne en français la convergence des deux notions de forclusion et de discordance, elle a souvent encore trop de raideur […] [20] ». La négation, « telle qu’on la conçoit communément au point de vue rationnel », se révèle donc étrangère aux conceptions vivantes qui tissent en langage la pensée des Français. Cette négation classique, si on voulait la trouver, ne serait exprimée que par le seul vocable non.
25Pourtant, ce sens philosophique est livré dans l’expérience quotidienne par les volontés contraires d’autrui, les jougs, les obligations et les devoirs. Autant de négations exprimées sur le sujet qui ne parviennent ou qui ne parvient pas, lui, à formulation. « Comment nier tout cela ? », demande ingénument Pichon. « C’est là qu’intervient un mécanisme que nous décrirons sous le nom de scotomisation. Pour satisfaire ces désirs qu’ils ne peuvent expulser, les névrosés en arrivent à ne pas laisser parvenir à leur conscience les faits contraires à ces désirs ; le champ de leur conscience est ainsi rétréci par un véritable scotome psychique. Ainsi notre malade scotomise toute autorité [21]. » La scotomisation est ainsi la réduction du sens philosophique de la négation à son usage logique pour la conscience – l’oubli délibéré de la richesse du français, faudrait-il lire entre les lignes.
26Plus tard, Pichon écrit : « Comme on le voit nous isolons sous le nom de scotomisation un phénomène que l’on n’a pas jusqu’ici assez nettement distingué du refoulement. La scotomisation s’applique aux objets des désirs négatifs, le refoulement s’applique au contraire aux désirs eux-mêmes. Dans la scotomisation, l’on ne refoule pas le désir consciemment désavoué ; bien au contraire, on lui obéit en réalité, puisque ce désir est que les choses haïes n’existent pas, et que par la scotomisation on rend ces choses comme inexistantes [22]. » Au contraire, on refoule les « désirs non compatibles avec l’attitude mentale qu’on a choisie ou que votre névrose vous a forcé à adopter ». Le refoulement « entrave donc moins le fonctionnement intellectuel que ne le fait la scotomisation ».
La schizonoïa
27Par la proposition du terme de schizonoïa, Laforgue et Pichon prolongent leur programme d’anthropologie clinique du point de vue de la linguistique : extension du champ d’application de la discordance de Chaslin et de la schizophrénie de Bleuler au champ de la névrose. Cela correspond à relier la psychose et la névrose sur une même base d’observation psycholinguistique et psychanalytique et à rétablir un continuum entre les structures. La schizonoïa est définie comme « discordance entre la conduite que les appétences inconscientes imposent au sujet et le but qu’il cherche consciemment ». Les mêmes lois régissent les névroses et les folies discordantes, « mais il nous semble que les notions d’oblativité et de résultante vitale font saisir le mécanisme de cette analogie ».
28La schizonoïa est donc caractérisée par l’insuffisance de la résultante vitale. Quand elle est nulle, le malade arrive à la puberté sans avoir développé d’oblativité : « Il est dès l’origine versé dans le monde intérieur et son affectivité se comporte comme celle de l’enfant dans le sein maternel : c’est la schizophrénie d’emblée. » Si au contraire la résultante vitale « quoique insuffisante, est plus grande, le sujet a assez d’oblativité pour participer à la vie sociale ; il n’en a pourtant pas pour accepter véritablement les conséquences de cette vie. Il exagère le rôle d’ailleurs normal de l’autisme comme refuge contre la vie réelle. Et il lui vient des symptômes névrotiques [23] ».
29Civiliser, c’est pour Pichon la très haute mission de la psychanalyse [24]. Elle doit rendre la personne ténue à elle-même et l’aider à se défaire des « étoffes » que l’arrêt du développement affectif et l’habillage social de la névrose ont constituées. La personne étoffée est immédiatement un concept linguistique et psychanalytique. Sous la pression de la vie sociale, le malade devient affecté, théâtral, artificiel (maniérisme des schizophrènes) ; « une belle maison est bâtie, suivant les règles, à l’oblativité : mais point d’oblativité vivante pour l’habiter [25] ». C’est qu’il faut une « certaine dose d’oblativité » pour toutes les relations sociales, et pour qu’en particulier « la plus naturelle et la plus primordiale des fonctions de l’homme, la procréation, implique, surtout sous la forme que notre civilisation lui a donnée, un dévouement soutenu à la progéniture [26].
30Pichon nomme l’aimance l’unité fondamentale de l’affectivité, qui exprime toute fixation positive d’affect par le verbe aimer [27] : appétences possessives dans la période infantile, appétences oblatives ou d’extériorisation de l’âge adulte. La période puérile « n’est au fond qu’une longue transition entre les deux stades que nous venons d’indiquer [28] ». D’une patiente qui veut ne rien devoir à personne, Picon écrit : « C’est que rien de son aimance ne s’est canalisé dans le sens oblatif [29]. » Et : « L’on viendra certes nous dire que nous sommes bien audacieux de vouloir expliquer toutes les névroses par le manque d’oblativité efficiente : nous répondrons qu’une théorie scientifique n’est jamais qu’une hypothèse de travail [30]. »
La personnalité
31C’est probablement au sens « pichonien » de personnalité qu’il faut comprendre l’intérêt de Lacan pour ce concept dans la thèse de 1932. Il ne désigne jamais un contenu de personnalité, mais une « synthèse idéale » ; et la critique de l’idéal à laquelle nous habitue Pichon nous invite à l’entendre en un sens critique. Comme formation de l’inconscient, la personnalité est une illusion logique, une fiction efficace dans le développement du sujet. Dans cette mesure, dès sa réception par le jeune Lacan, elle ne proviendrait ni de la caractérologie (Delmas et Boll dans La personnalité humaine), ni de la sémiologie psychiatrique (Géni-Perrin dans La personnalité paranoïaque).
« Si l’on veut bien admettre avec moi qu’après le scientisme rationaliste exaspéré des entours de 1900 notre pensée d’Europe occidentale soit en train de passer du stade de la prétention à l’objectivité à celui de la subjectivité eunoïaque, on saisira une fois de plus ici ce rythme que le développement psychique de l’enfant nous montre si nettement : le déferlement progressif d’ondes parallèles et de même nature aux différents étages de la pensée [31]. »
33Pichon met en parallèle l’histoire du développement occidental et celui de l’enfant : le stade de « la prétention à l’objectivité » précède celui de la « subjectivité eunoïaque » où il tombe dans l’illusion d’une adéquation exagérée de la pensée subjective à la réalité extérieure. La naïveté d’une pensée qui croit coller au réel parce qu’elle n’en douterait plus forme avec elle un cercle fermé, jubilatoire sans doute comme l’éprouve l’enfant de 3 ans.
34Pour Pichon, la pensée scientifique et philosophique de l’Occident semble restée à ce stade eunoïaque où la conscience ne fait que dialoguer avec elle-même dans le prisme de ses objets d’étude. La science saisit son propre reflet dans l’intentionnalité qu’elle imprime, qu’elle projette, dans ses productions, et rien ne semble devoir interrompre ce cercle. La civilisation et l’enfant parlent d’abord d’eux-mêmes à la troisième personne.
« Si le langage en restait là […] on ne se conduirait jamais vis-à-vis de soi que suivant le modèle des conduites que l’on a vis-à-vis d’autrui. Mais il n’en est pas du tout ainsi. Au bout de peu de semaines, l’enfant normal sent combien est inadéquat au réel un système dans lequel il ne lui est pas accordé de position spéciale vis-à-vis de lui-même ; l’apparition des pronoms de la première personne (en français moi, je me) est le correctif indispensable de ce système [32]. »
36Cette pensée scientifique de l’adulte, par son appétit insatiable d’objectivité absolue, était, sur un certain terrain restée analogue à celle de l’enfant, qui, comme l’a montré M. Piaget, a pendant longtemps l’illusion d’une adéquation exagérée de la pensée subjective à la réalité extérieure. D’ailleurs, chez l’enfant lui-même, le langage, dans son organisation taxiématique [33], se dégage de cet état beaucoup plus tôt que ne le fait la pensée séméiématique banale, puisque la première et capitale manifestation d’eunoïa subjective est l’apparition du je, qui a lieu dans le cours de la troisième année après la naissance.
37L’étude du langage révèle la nature des conceptions psychologiques « les plus profondes » et prépare la voie à l’évolution de la culture consciente. « Outil d’une pensée qui travaille de plus en plus délicatement, l’idiome d’un peuple cultivé s’améliore par une adaptation spontanée pour suffire à sa tâche ; cette adaptation se fait sans que l’attention des locuteurs y soit consciemment portée. En étudiant ce précieux outil au moyen de ses appareils optiques les plus puissants, le linguiste peut espérer arriver à y saisir des perfectionnements de la pensée humaine dont les disciplines les plus rigoureuses n’avaient encore pas pris conscience [34]. » À propos de la grammaire française, il écrit : « Les résultats acquis sont déjà assez passionnément intéressants pour qu’il ne soit pas permis de garder aucun doute sur la valeur de la tâche entreprise. Ces résultats nous permettent d’entrevoir la genèse même de la logique dans l’esprit humain. Certes, il n’y a de science possible que si l’on croit à l’existence d’une réalité vraie ; et pour juger de cette réalité il ne peut pas ne pas y avoir des règles logiques universelles, si générales qu’on les imagine. Mais à cette logique adéquate au réel, l’homme, avec ses moyens humains, n’arrive, si j’ose ainsi parler, que de façon analogique ; il construit peu à peu des logiques de moins en moins imparfaites, et il n’y a pas de doute qu’il ne les construise, comme les Grecs l’avaient déjà vu, au moyen du langage, seul lieu humain de la pensée abstraite [35]. »
38Il y a une curieuse rencontre, dans ces lignes, avec une théorie forte de l’inconscient comme ce qui vient arracher le sujet à la circularité naïve de son rapport au semblable – au monde comme reflet –, insinuant dans son cercle un mouvement qui le dépasse et le porte en avant de lui. L’inconscient se définit comme une prématuration de la langue par rapport à la pensée consciente ; et la mission civilisatrice de la psychanalyse, comme l’assèchement du Zuiderzee, est d’informer le sujet parlant de la véritable dialectique au monde que son langage exprime sans s’en apercevoir. À côté de cette intuition de l’inconscient comme décompensation de l’eunoïa et passage à l’âge adulte (cette connaissance heureuse n’est-elle pas pour Pichon le noyau autour duquel tourne le para-noïaque ?), on voit une notion plus janetienne d’un conscient virtuel, peut-être plus proche de l’inconscient linguistique [36]. Il ne semble pas vraiment faire de différence et emploie indifféremment « subconscient », « l’inconscient ou tout au moins cette partie de l’inconscient que la grammaire nous révèle » qui doit « nous éclairer sur cet inconscient national collectif qui s’appelle le génie des peuples ».
39* * *
40Voilà le sens de la démonstration de Pichon : ni l’inconscient ni le français ne connaissent la négation au sens de la logique classique, ni la personnalité au sens de la caractérologie psychologique. L’idéal d’une négation logique ne joue dans le développement de la pensée qu’au « stade eunoïaque » naïf, assimilé à l’assomption jubilaire de l’enfant à la rencontre de son reflet. L’Un, comme concept, est le nom donné à la supposée discontinuité entre langue et pensée, entre l’inconscient et le conscient. La psychanalyse « pichonienne » est le démontage de cette fiction efficace qui maintiendrait le sujet dans la schize et la névrose. La schizonoïa, qu’il propose avec Laforgue, forme le type pathologique de cette aliénation à l’Un. L’Un doit être détruit comme la barrière inconsciente doit être levée.
Notes
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[1]
À part pour le « délirant » qui trahit ma propre fascination, cf. É. Roudinesco, « Édouard Pichon : Dr Jekyll et Mr Hyde », dans La bataille de cent ans, t. I, Paris, Ramsay, 1982.
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[2]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », L’évolution psychiatrique, janvier-mars 1947, p. 9-46. C’est le même numéro 1 où Lacan fait paraître « Propos sur la causalité psychique » (p. 123-167).
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[3]
Note : « M. Corbin traduit “néantit”, ce qui ne me paraît pas bon, le suffixe ir servant, en dérivation française vivante, à indiquer non un état, mais une transformation (ex. blanchir = devenir blanc, rendre blanc). Le suffixe oyer convient mieux (cf. blanchoyer). » La note est signée E. P.
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[4]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 20.
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[5]
Ibid., p. 28. Du reste, pour l’auteur, les cliniciens français savent très bien ce qu’est l’angoisse : « Un processus très spécial où une très intense souffrance psychique est synchrone d’un dérèglement organique comportant une sensation subjective de constriction laryngée et de poids sur la poitrine, avec de la tachycardie, voire de l’arythmie. »
-
[6]
Ibid., p. 30.
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[7]
M. Heidegger, Être et temps, trad. Martineau, édition numérique, § 11, p. 60.
-
[8]
Ibid., § 49, « Délimitation de l’analyse existentiale de la mort par rapport à d’autres interprétations possibles du phénomène », p. 199 : « L’interprétation existentiale de la mort est antérieure à toute biologie et ontologie de la vie. Mais elle n’est pas moins fondatrice pour toute investigation biographico-historique et ethnologico-psychologique de la mort. Une “typologie” du “mourir” comme caractéristique des états et des guises en lesquels le décéder est “vécu” présuppose déjà le concept de la mort. En outre, une psychologie du “mourir” apporte davantage de révélations sur la “vie” des “mourants” que sur le mourir lui-même, ce qui reflète simplement le fait que le Dasein ne meurt pas d’abord – ou même ne meurt jamais – proprement dans et par un vécu de son décéder factice. De même, les conceptions de la mort chez les primitifs, leurs conduites à l’égard de la mort dans la sorcellerie et le culte, éclairent primairement la compréhension du Dasein – de ce Dasein dont l’interprétation a déjà besoin d’une analytique existentiale et d’un concept correspondant de la mort. »
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[9]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 32-33. J. Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 803 : « Le moi ne s’achève qu’à être articulé non comme Je du discours, mais comme métonymie de sa signification (ce que Damourette et Pichon prennent pour la personne étoffée qu’ils opposent à la personne subtile, cette dernière n’étant autre que la forclusion plus haut désignée comme shifter). » Commenté par M. Arrivé, « Empersonnement, discordance, forclusion », dans Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient, Freud, Saussure, Pichon, Lacan, Paris, puf, 1994, p. 163. Cf. aussi J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 816. Notons pourtant que Benveniste critique la permutabilité de je et moi dans l’énonciation : « Une telle distinction ne serait recevable que s’il y avait libre choix et possibilité d’échange entre les deux séries de pronoms dans les mêmes positions. Cela n’arrive jamais, on le sait ; je et moi ne peuvent permuter en aucun cas. Dès lors parler de “personne ténue” ou “étoffée”, c’est seulement déguiser en notion psychologique une réalité linguistique insuffisamment décrite » (« L’antonyme et le pronom en français moderne », dans Problèmes de linguistique générale, 2, Paris, Gallimard, coll. « Tel », p 197-198). Note 1 : « Nous contredisons expressément ici Pichon et Damourette », et il conteste les trois exemples allégués au § 2311 de leur Essai de grammaire de la langue française, p. 253.
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[10]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 41.
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[11]
É. Pichon et J. Damourette, « La grammaire en tant que mode d’exploration de l’inconscient », dans Grammaire et inconscient, Paris, epel, L’Unebévue, 1993, p. 27.
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[12]
É. Pichon, « Mort, angoisse, négation », op. cit., p. 46.
-
[13]
Ibid.
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[14]
Cf. É. Pichon, Le développement psychique de l’enfant et de l’adolescent, évolution normale – pathologique – traitement. Manuel d’étude, Paris, Masson, 1936.
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[15]
É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, Paris, Louis Arnette, 1933, p. 8. Cf. aussi M. Arrivé, Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient…, op. cit., p. 150.
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[16]
É. Pichon, « Sur la signification psychologique de la négation en français », Journal de psychologie, 1929, p. 228-254, p. 245.
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[17]
É. Pichon, « De Freud à Dalbiez », Revue française de psychanalyse, 1938, cité par É. Roudinesco, La bataille de cent ans, op. cit. : « Quant à l’inconscient lui-même, M. Dalbiez est beaucoup plus près que moi des idées de Freud. Puisqu’il admet des faits psychiques sans conscience qui les supporte, il lui est facile de suivre M. Freud dans cette notion qui m’a toujours paru et me paraît toujours incompréhensible d’un inconscient psychologique qui soit toujours inconscient, non seulement pour la personnalité centrale du patient mais pour qui que ce soit. »
-
[18]
É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, op. cit., p. 15.
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[19]
É. Pichon, « Sur la signification psychologique de la négation en français », op. cit., p. 232.
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[20]
Ibid., p. 251.
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[21]
É. Pichon et R. Laforgue, dans R. Laforgue (sous la dir. de), Le rêve et la psychanalyse, Paris, Maloine, 1926, p. 184. Introduction de Hesnard, chapitres : i, « Conceptions antiques et populaires du rêve », par Allendy ; ii, « La psychologie du rêve dans la tradition française », par de Saussure ; iii, « Caractères généraux du rêve », par Allendy ; iv, « Les doctrines de Freud », par de Saussure ; v, « Le transfert », par Laforgue ; vi, « La névrose et le rêve : la notion de schizonoïa », par Pichon et Laforgue, p. 173-211 ; vii, « Rêve et schizonoïa », par Laforgue.
-
[22]
Ibid., p. 208.
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[23]
Ibid., p. 209.
-
[24]
É. Pichon, « La psychanalyse dans l’art médical », L’évolution psychiatrique, 1933, p. 79-103, p. 91. « Point important : la méthode psychanalytique, basée sur la compréhension de situations affectives, ne peut réussir thérapeutiquement que sur des malades intelligents ; et le degré d’intelligence nécessaire est d’autant plus grand qu’on a affaire à des patients moins cultivés. La psychanalyse s’adresse donc uniquement à une élite. » En revanche, il est très critique à l’égard du snobisme surréaliste : « Il faut tout d’abord déplorer que les doctrines psychanalytiques aient trouvé leurs premiers champions en dehors du monde médical […] la doctrine psychanalytique irradiant les milieux littéraires a couru les salons où elle a subi de dangereuses déformations » (« De quelques obstacles à la diffusion des méthodes de psychanalyse en France », 1923).
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[25]
É. Pichon et R. Laforgue, « La névrose et le rêve : la notion de schizonoïa », dans R. Laforgue (sous la dir. de), Le rêve et la psychanalyse, op. cit., p. 185.
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[26]
Ibid., p. 207.
-
[27]
Ibid.
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[28]
Ibid., p. 174.
-
[29]
Ibid., p. 179.
-
[30]
Ibid., p. 208.
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[31]
É. Pichon, « Temps et idiome », dans Recherches philosophiques, Paris, Boivin, 1935-1936, conclusion de l’article.
-
[32]
É. Pichon, « La personne et la personnalité vues à la lumière de la pensée idiomatique française », publié dans la Revue française de psychanalyse, 1938, cité d’après Grammaire et inconscient, op. cit., p. 59.
-
[33]
Notion de taxième : « Notions directrices suivant lesquelles s’ordonne notre pensée-langage ; mais cet ordonnancement linguistique n’est pas conscient : il serait impossible à la parole d’accomplir ses alertes à fonctions sociales si tous les choix grammaticaux – et aussi lexicaux – que comporte la construction d’une phrase devaient être conscients, et volontaires au sens complet du terme. » É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, op. cit., p. 10.
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[34]
É. Pichon, « Temps et idiome », op. cit., p. 233.
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[35]
É. Pichon, Titres et travaux linguistiques, op. cit., p. 11.
-
[36]
É. Pichon, « Sur la signification psychologique de la négation en français », p. 228. « Partir des cadres d’une logique a priori et essayer de trouver comment la langue remplit ces cadres, c’est peut-être faire une bonne œuvre didactique, mais ce n’est pas faire avancer la question du fonctionnement psychique réel du langage. C’est à la langue elle-même qu’il faut aller demander les secrets de sa structure ».