Couverture de ENJE_003

Article de revue

Miroirs

De Narcisse à Dionysos

Pages 7 à 24

Notes

  • [*]
    Brigitte Hatat, psychanalyste à Reims, membre de l’École de psychanalyse des Forums du Champ lacanien.
  • [1]
    J. Lacan, « Le stade du miroir » (1949), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 94.
  • [2]
    Notons « la perception très précoce chez l’enfant de la forme humaine, forme qui, on le sait, fixe son intérêt dès les premiers mois, et même pour le visage humain dès le dixième jour », J. Lacan, « L’agressivité en psychanalyse » (1948), dans Écrits, op. cit., p. 112.
  • [3]
    « La réalité, soumise d’abord à un morcellement perceptif […] s’ordonne en reflétant les formes du corps, qui donnent en quelque sorte le modèle de tous les objets », J. Lacan, Les complexes familiaux (1938), Paris, Navarin, 1984, p. 43.
  • [4]
    J. Lacan, « Le stade du miroir », art. cit., p. 94.
  • [5]
    J. Lacan, Les complexes familiaux, op. cit., p. 43.
  • [6]
    C’est-à-dire la coupure que le signifiant opère sur le vivant.
  • [7]
    J. Lacan, Les complexes familiaux, op. cit., p. 43.
  • [8]
    En cela, elle prolonge le processus de séparation du sevrage où domine l’imago maternelle.
  • [9]
    C’est-à-dire la mise en fonction de cette image dans la chaîne signifiante.
  • [10]
    « Le phallus est le signifiant de la perte même que le sujet subit par le morcellement du signifiant, et nulle part la fonction de contrepartie où un objet est entraîné dans la subordination du désir à la dialectique symbolique, n’apparaît de façon plus décisive », J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 715.
  • [11]
    On peut se référer, par exemple, au travail de l’artiste Louise Bourgeois sur la femme-maison.
  • [12]
    Cf. F. Coquelet, « Annette Messager, artiste-femme », dans Le désir et la mère, Actes d’Artémis, Reims, 1999.
  • [13]
    J. Lacan, Les complexes familiaux, op. cit., p. 39.
  • [14]
    J. Joyce, Finnegans Wake, fragments adaptés par André du Bouchet, Paris, Gallimard, p. 52.
  • [15]
    Pour ce travail, je m’appuie essentiellement sur ce que dit Orlan dans sa conférence « Orlan conférence », 1995, dans Une œuvre de Orlan, collectif, Iconotexte, 1998, p. 51-80, ainsi que sur sa monographie multimédia, CD-rom, Jéricho et sa récente monographie Orlan, Paris, Flammarion, 2004. D’autres informations sont également disponibles sur le site www. orlan. net.
  • [16]
    « Sa mère qui la dépossède de son corps, tisse patiemment et sûrement la toile de tous les préceptes sociaux, de tous les tabous, tisse un voile entre Son Corps et elle (blanches camisoles) », Orlan, « Face à une société de mères et de marchands », dans De l’art charnel au baiser de l’artiste, Jean-Michel Place, 1997.
  • [17]
    Cf. J.-P. Vernant, « Un, deux, trois : Éros », dans L’individu, la mort, l’amour, Paris, Folio, p.153-171. Pour détourner l’attention du petit Dionysos, les Titans lui offrent un miroir et, pendant qu’il se contemple, en profitent pour le découper en morceaux. « Les néoplatoniciens ont utilisé ce motif du miroir de Dionysos pour traduire sur le plan cosmologique le passage de l’un au multiple. »
    « La vision de Dionysos consiste à faire éclater du dedans, à réduire en miettes cette vision “positive” qui se prétend la seule valable et où chaque être a sa forme précise, sa place définie, son essence particulière dans un monde fixe assurant à chacun sa propre identité à l’intérieur de laquelle il demeure enfermé toujours semblable à lui-même. Pour voir Dionysos il faut pénétrer dans un univers différent, où l’Autre règne, non le Même », J.-P. Vernant, « Le Dionysos masqué des Bacchantes », dans La Grèce ancienne, Rites de passage et transgression, Paris, Folio, p. 267.
  • [18]
    E. Lemoine-Luccioni, La robe, Paris, Le Seuil, p. 95.
  • [19]
    J. Lacan, « Propos sur la causalité psychique » (1946), dans Écrits, op. cit., p. 192.
Je ne désire pas une identité définie et définitive, je suis pour les identités nomades, mouvantes, multiples, mutantes.
Orlan

1 L’organisme ne suffit pas à produire un corps, il y faut aussi une image. Encore que cette image, pour son assomption subjective, requière l’intervention d’un troisième terme, le symbolique. Voilà posées les trois dimensions – réel, imaginaire et symbolique – dont le nouage inaugure ce que j’appellerai la fabrique d’un corps. Nouage que Lacan formalise en 1936 avec le stade du miroir [1].

2 Que le corps se transforme au fil du temps, qu’il soit l’objet d’épreuves – contingentes ou structurelles – où il s’éprouve comme atout ou fardeau, docile ou rebelle, glorieux ou déchu, unifié ou dispersé…, qu’il foute le camp, comme dit Lacan, à tout instant, il n’en demeure pas moins, tout au long de la vie, le support d’une certaine identité formelle et mentale. Identité générique, où l’homme se reconnaît dans l’homme au-delà des variations individuelles [2], identité propre, où il se reconnaît comme individu séparé et différent de tout autre.

3 Mais cette identité est fragile et même précaire. D’une part, elle repose sur une forme qui, tout unifiée et unifiante qu’elle soit, n’en est pas moins imaginaire donc illusoire. D’autre part, elle peut vaciller, se déformer, se désorganiser, voire s’effondrer, en fonction de certains facteurs et des aléas de sa construction. Qui n’a d’ailleurs éprouvé, à l’égard de son propre corps, un sentiment d’étrangeté, l’impression que son corps lui échappe, qu’il se refuse, qu’il ne tient plus ?

4 Par exemple, une petite fille se mordait la main chaque fois que celle-ci se trompait de note sur le piano. Dans ces moments, sa main ne lui appartenait plus, elle devenait autre. Les erreurs lui étaient attribuées comme à une entité séparée qu’il fallait punir. La fausse note touchait tout autant l’unité du jeu musical que l’intégrité de son corps qui brusquement sonnait faux. Elle disait éprouver alors dans ce corps un grand désordre que seul l’acte de morsure parvenait à apaiser. Pour préserver l’unité de son corps, une part en était momentanément re-tranchée.

5 Si l’assomption de l’unité corporelle, dont le stade du miroir donne le moment génétique, vaut pour les deux sexes et se situe même en amont de l’identification sexuée, il n’en demeure pas moins que la découverte de la différence des sexes va profondément remanier cette image en faisant du corps un corps sexué. On le sait, les hommes et les femmes n’entretiennent pas avec le corps – le leur ou celui de l’autre – le même rapport. L’observation la plus courante le montre : les femmes semblent plus occupées et même préoccupées par leur corps et son image que les hommes. Je laisse bien sûr volontairement de côté les cas particuliers pour me centrer essentiellement sur les faits de discours. Dans la clinique par exemple, on observe une répartition selon les sexes entre névrose obsessionnelle, qui affecte la pensée et se rencontre davantage chez les hommes, et névrose hystérique, qui affecte le corps et concerne surtout les femmes. Si les uns souffrent de leurs pensées, les autres souffrent de leur corps. Freud a montré comment le message chiffré du symptôme hystérique s’inscrit préférentiellement dans le corps – paralysie, anesthésie, algie, inhibition, scotomisation… – justifiant le terme de complaisance somatique utilisé dans cette névrose.

6 Mais sortons du cadre strict de la clinique et observons tout simplement ce qu’on peut appeler avec Freud la psychopathologie de la vie quotidienne. Les objets consommés, par exemple. Certains révèlent, entre les hommes et les femmes, un point où les champs d’intérêt – qui sont toujours des intérêts de jouissance – ne se recouvrent plus. Non pas tous les objets de consommation, mais ceux qu’on appelle les objets « plus-de-jouir », non en raison de leur nature mais de la place qu’ils occupent dans l’économie subjective. Ce sont des objets qui n’entrent pas spécialement dans la catégorie de l’utile ou du besoin, et qui captivent l’intérêt de l’un tout en suscitant souvent d’ailleurs l’agacement de l’autre. Car ces objets ne sont pas neutres. Évoquons les guerres que ces objets déclenchent selon la place prise dans l’occupation du temps ou de l’espace. Dépense au profit de l’un, restriction au détriment de l’autre, c’est à leur aune que s’évaluent les empiétements de jouissance dont s’exacerbent les rapports de voisinage.

7 Au-delà de ces conflits de jouissance, ces objets peuvent être répartis en deux séries distinctes. Côté femmes : vêtements, maquillage, bijoux, parfums, produits de régimes et soins de beauté en tous genres, décoration d’intérieur…, ainsi que les magazines féminins qui recensent cette même série d’objets, avec conseils et modèles de rêve à la clé. Côté hommes : voiture, moto, ordinateur, jeux vidéo, caméscope, télescope, bricolage et outillage en tous genres…, et les revues spécialisées pour chacun de ces articles, avec détails techniques et cotation des performances. D’un côté la parure et le colifichet, de l’autre la technique de pointe et le gadget.

8 Côté hommes, ces objets sont marqués, on le voit, d’une valeur phallique, dont ils assurent tant le soutien que la relève. En cela, ils sont conformes aux idéaux virils de puissance, de performance et de conquête. Côté femme, on peut les diviser en deux séries qui d’ailleurs se recouvrent partiellement : ceux qui ont pour fonction de masquer ou de compenser le « défaut » phallique et ceux qui ont pour fonction de traiter autre chose qui relèverait – du moins c’est ce que je questionne – d’une certaine inconsistance du corps. Ces objets sont essentiellement narcissiques.

9 Soulignons déjà la double logique sous-jacente aux champs d’intérêt qu’ils déterminent, puisque les uns (côté femme) renvoient à une logique centripète de doublure, de modelage ou de contenance du corps, tandis que les autres (côté homme) déterminent des champs d’investigation centrifuges, c’est-à-dire qu’ils dépassent les limites du corps, qu’ils le prolongent et l’instrumentent : ainsi l’outil prolonge la main, le télescope la vision, la voiture les jambes, mais aussi l’avion la voiture, la fusée l’avion… L’univers objectal chez l’homme se construit avant tout sur le modèle de l’organe phallique [3]. Chez le petit garçon en effet, l’intérêt, c’est-à-dire la jouissance, passe du corps comme objet – objet de l’Autre maternel – au pénis comme appendice du corps et appendice érectile, puis se détourne, du fait de l’angoisse de castration, de l’organe au profit de son symbole, le symbole phallique, médiatisé par le père et ouvert à tous les développements substitutifs. Le corps sans doute s’en trouve dégagé d’autant. Mais côté femme, la jouissance ne s’inscrit pas toute sous l’empire de ce Un phallique. Une part, plus ou moins importante, reste investie dans le corps.

10 En effet, si l’homme peut trouver dans l’Autre le signifiant qui l’identifie comme homme – le signifiant phallique –, il a aussi l’organe qui donne « corps » à ce signifiant, qui l’incarne. Même si le pénis n’est pas le phallus, il lui donne pourtant une certaine consistance imaginaire. Les femmes, quant à elles, non seulement n’ont pas l’organe mais elles n’ont pas non plus le signifiant qui pourrait les représenter en tant que femmes. Il n’y a pas dans l’Autre le signifiant de « la » femme. Il en résulte que sa jouissance se divise entre la recherche d’un substitut phallique et la quête d’autre chose au-delà du phallus. Si la recherche d’un substitut phallique – par exemple un enfant – la situe côté homme dans les formules de la sexuation, la quête d’autre chose relève d’une jouissance au-delà du phallus, une jouissance supplémentaire et proprement féminine.

11 On remarque que cette logique réfute l’idée – chère au doux rêveur – d’une complémentarité de jouissance entre les sexes. De plus, elle fait du choix du sexe – et indépendamment de l’anatomie – un choix de jouissance : toute ou pas toute phallique. La position masculine spécifie celui ou celle qui ne retient que la jouissance symbolisable par le phallus ; la position féminine, celui ou celle qui prend en compte, en plus de cette jouissance « Une », une jouissance Autre, au-delà du phallus.

12 Mais pourquoi tous ces détours qui nous entraînent bien loin du miroir ? Il nous faut pourtant en passer par les méandres de l’identification sexuée pour tenter de comprendre la place qu’occupe préférentiellement chez les femmes le corps comme passion, passion pouvant aller de l’exaltation au pâtir. De plus, il nous faut remarquer qu’il existe un lien entre arrimage phallique d’une part et stabilité de l’image d’autre part. Plus une femme s’inscrit dans la dimension phallique, plus elle y engage sa jouissance, moins elle semble portée aux vacillations de l’image corporelle. Il en va d’ailleurs de même pour les hommes. Moins ils soutiennent ou investissent la dimension phallique, plus les passions du corps s’enflamment. Il y aurait donc un lien entre signifiant phallique et stabilisation de l’image.

13 Mais voyons maintenant comment, avant même toute différenciation sexuelle, se fabrique un corps.

14 En 1936, Lacan élabore ce qu’il appelle « le stade du miroir », à savoir « la transformation produite chez le sujet quand il assume une image [4] », celle de son propre corps. Ce « phénomène de perception, dit-il, qui se produit chez l’homme dès le sixième mois, apparaît sous une forme différente (de celle du singe par exemple), caractéristique d’une intuition illuminative, à savoir, sur le fonds d’une inhibition attentive, révélation soudaine du comportement adapté (ici geste de référence à quelque partie du corps propre) ; puis ce gaspillage jubilatoire d’énergie qui signale objectivement le triomphe ; cette double réaction laissant entrevoir le sentiment de compréhension sous sa forme ineffable [5]. »

15 Dès lors l’enfant se reconnaît dans une image. Mais cette précipitation à corps perdu dans ce reflet où il s’aliène trouve son véritable point d’appel dans ce qui s’éprouve d’abord comme morcellement du corps. Ce morcellement, c’est-à-dire la discordance tant des pulsions que des fonctions, Lacan va le relier d’abord à la prématuration de la naissance chez le petit d’homme, pour l’attribuer ensuite à l’incidence du signifiant sur le vivant [6]. À ce stade, l’investissement de l’image spéculaire traduit donc un déplacement de l’intérêt sur des tendances visant à quelque recollement narcissique du corps propre : « Ce que le sujet salue en elle, dit Lacan, c’est l’unité mentale qui lui est inhérente. Ce qu’il y reconnaît, c’est l’idéal de l’image du double. Ce qu’il y acclame, c’est le triomphe de la tendance salutaire [7]. »

16 L’image, à ce stade, est donc illusion de cohésion sur fond de morcellement corporel. Si elle fournit un semblant d’unité, c’est en tant qu’elle donne forme au corps, qu’elle lui donne une limite, un contour qui le détache de son milieu [8]. Dans l’image, le corps n’est plus dispersé dans l’Autre, il se rassemble. Mais « l’assomption jubilatoire de son image par l’être encore plongé dans l’impuissance motrice » et sa dépendance à l’Autre révèle aussi toute la distance qu’il y a entre ce qui s’anticipe comme mirage de puissance et ce qui, dans son être, s’éprouve comme impuissance fondamentale. Car, dans l’image, il se voit autre qu’il n’est. Encore faut-il que cet écart soit maintenu, que quelque chose reste en deçà de cette capture par l’image, c’est-à-dire qu’il puisse y faire l’expérience d’un reste non spécularisable, pour que prenne place dans cet écart l’appel à l’Autre symbolique. C’est dans le regard de l’Autre – de la mère en l’occurrence – que l’enfant va chercher confirmation de ce qu’il voit et fonder ailleurs que dans l’imaginaire sa garantie. C’est ce qui s’observe quand l’enfant se détourne de l’image vers l’adulte qui le porte, adulte qui confirme ce que l’enfant voit en le nommant : « C’est toi. » Seule la prise de cette image dans le désir de l’Autre [9] peut détacher l’enfant de la capture imaginaire où, tel Narcisse, il tend à s’abolir. En effet, si l’image donne au corps sa consistance d’enveloppe, cette forme ne livre que le sac. Seul le symbolique permet d’ordonner, d’articuler et d’orienter ce que l’imaginaire englobe de fondamentalement hétéroclite.

17 Au moment de l’Œdipe, la découverte de la différence des sexes va remanier l’image du corps par des intégrations secondaires au miroir. Ainsi, le phallus va donner au manque et son signifiant et sa localisation imaginaire. En localisant la perte [10], il préserve et même renforce la cohésion du corps propre. En témoignent les fantasmes de castration en progrès sur ceux de morcellement.

18 Pour une femme, cette construction peut être précaire puisqu’elle n’a rien à perdre et qu’une part de sa jouissance n’est pas médiatisée par le phallus. L’importance donnée chez une femme à l’image et aux processus de recollement du corps suggère une fragilité particulière de cette image et des facteurs de cohésion du corps propre, et par là même de l’identité. En témoigne la régression plus fréquente chez elle des fantasmes de castration vers ceux de morcellement, de dispersion, voire d’effondrement ou d’ensevelissement du corps. Mal localisée, la part nomade peut se disperser dans le tout, le tout à perdre.

19 La fragilité du sommeil féminin – sommeil qui est repli du corps dans sa clôture narcissique – montre à quel point cette clôture peut être « poreuse » et friable. N’importe quel évènement minuscule en menace l’intégrité, la troue, pour faire intrusion dans le corps, vécu comme profondément agité et dispersé. Une patiente comparait ce qui se passe alors dans son corps aux boules du Loto : « Je suis comme ce vase qui contient les boules. Il faut que ça s’arrête de bouger, que ça se calme, que ça se dépose. Alors je sens mon corps s’engourdir, se rassembler et je m’endors à l’intérieur de moi. Mais au moindre bruit je sursaute, quelque chose est entré dans mon corps et les boules recommencent à s’agiter. Parfois je peux me calmer mais la plupart du temps, ça s’amplifie, je me disperse. Même les parois du vase semblent ne plus tenir, elles craquent et je m’éparpille à l’extérieur de moi. »

20 La princesse au petit pois n’est pas seulement un conte ! La clinique ne manque pas d’exemples de la sensibilité exacerbée de certaines femmes au contact physique. Par moments, elles ne supportent plus qu’on les touche, non par dégoût ou refus, mais à cause de ce que cela provoque de désordre. Le moindre contact, la plus petite caresse déclenche un véritable cataclysme. Dans ces moments, la tension est toujours explosive : « J’explose, me dit une jeune femme, pour un rien ; un rien me désorganise, me met sens dessus dessous, je ne supporte plus qu’on me touche, ça me met hors de moi ; ou bien je crie ou je pleure, j’ai des envies de meurtre. Alors il faut que je casse quelque chose, que je pulvérise quelque chose pour retrouver mon calme. »

21 De même l’importance que peut prendre pour une femme son « intérieur », sa maison [11]. On sait l’angoisse et les crises que peut susciter chez une femme le désordre ou même le simple déplacement d’un objet. Elle fuit avec le robinet, elle se brise avec le verre, elle s’émiette avec le pain, elle se perd dans le désordre… Du souci décoratif à la folie ménagère, tous les degrés sont possibles où rangement et arrangement de son intérieur tentent de parer au désordre intérieur.

22 Mais c’est dans le vêtement et le « traitement » du corps que se révèlent le plus la structure du miroir et la quête de l’identité sexuée. Changer de peau, être une autre, autant d’autres qu’il le faut pour tenter de cerner cet « être » femme insaisissable, en passe aussi par le vêtement qui a charge d’identité. On connaît les passions et les tourments que suscitent le choix, l’essayage ou l’assemblage des vêtements pour une femme. Quel que soit le style ou quelle que soit la multiplicité des styles qu’elle adopte, à certains moments de sa vie, elle ne sait plus comment s’habiller, elle ne sait plus de quoi elle a l’air. Mais, plus radicales, ce qu’Annette Messager appelle « les tortures volontaires [12] » ne se contente pas toujours de farder, enduire, percer, masser, muscler, affiner, friser, colorer, épiler ou maquiller le corps, elles le mettent aussi à la diète, le gavent de pilules miracles, le fendent pour le retendre ou le gonfler ici ou là, le ponctionnent de ses excédents ou l’amputent de ses imperfections… Il faut souffrir, dit-on, pour être belle… N’est-ce pas plutôt autre chose qui se dévoile ici sur l’envers du décor ? Ce démontage et ce remontage perpétuel du corps, pièce par pièce, ne sont-ils pas le signe, comme disait Duras, que « je » ne tient plus ensemble ?

23 En effet, l’effet obtenu est fugace, aussi réussi soit-il. Passé le temps de la surprise où le sujet peut s’imaginer autre qu’il n’est, ça ne tient plus. Au-delà de l’outrage, dit-on, que le temps fait aux femmes, soumises plus que les hommes à la pression des standards de beauté, l’image n’en finit pas de vaciller, de se fissurer, aussi belle soit-elle. Sans doute la beauté est-elle affaire de goût et échappe à la capture dans un modèle universel. Sans doute aussi ne dit-elle rien de la femme, au-delà de cette image qui la fait phallus. Il y faut autre chose – un « je ne sais quoi » – pour donner à l’image des airs de sexe. Une femme ne s’y trompe pas. L’attention qu’elle prête aux autres femmes et au regard des hommes sur celles-ci ne relève pas seulement, comme on le croit, d’une jalousie amoureuse. Comme l’a bien repéré Lacan, cet intérêt pour l’autre femme est « entretenu par le sujet de la façon la plus gratuite et la plus coûteuse, et souvent domine à tel point le sentiment amoureux lui-même, qu’il doit être interprété comme l’intérêt essentiel et positif de la passion [13] ». La description de cette passion dévorante, je la tiens d’une patiente qui tentait de « décortiquer » son rapport à d’autres femmes qui pouvaient être justement des images, celles des magazines ou des films : « Quand mon regard est attiré par une femme, dit-elle, je ne peux plus m’en défaire. Il faut que je la détaille et que je la prenne bout par bout. Je l’épluche, je la décortique, je l’examine sous toutes les coutures… Je prends et je jette, car ce n’est jamais ça. Ce que je pensais être ça, une fois que je l’ai détaillé, ce n’est plus ça. À la fin, il ne reste plus rien, comme une carcasse qu’on a récurée jusqu’ la dernière miette. Après je ne la trouve plus si belle que ça, ni attirante. En tout cas, elle ne me fait plus peur. »

24 Si l’on peut dire du regard d’un homme qu’il déshabille une femme, on pourrait dire d’une femme qu’elle « décortique » une autre femme, à la recherche de ce « je ne sais quoi » qui donne à l’image « un air de sexe ». Qu’on le sache ou non, elle ne s’arrêtera pas aux simulacres phalliques dont une femme peut se parer, plutôt la mettra-t-elle littéralement en pièces pour tenter de saisir l’insaisissable, l’innommable. Ni étoffe ni lambeaux, mais seulement ce « quelque chose qui nous manque. D’abord nous émeut. Puis nous émiette [14] ».

25  Ici se manifeste la tendance propre au sujet humain de mimer, sur un mannequin de chair, sa propre mutilation. Elle observe, elle traque, elle détaille, elle découpe, elle tranche, elle fend, elle déchire, elle morcelle, elle met en miettes, elle brise le miroir.

26 De la peau à l’image, de l’image au vêtement, du vêtement à la maison, de la maison au tombeau – en passant par l’amour, lui aussi enveloppant –, ces doublures ont pour fonction de masquer ou de renforcer les « coutures » du corps afin de préserver le monde intérieur du morcellement et du ravage.

27 L’œuvre d’Orlan, en ce qu’elle comporte de radical, vient ici comme démonstration en acte des faits de structure que je tente de saisir. Cette œuvre, qui oscille entre « défiguration et refiguration [15] », peut nous frayer la voie de ce qui noue la fabrique du corps et l’identité sexuée chez une femme. Disons qu’elle dévoile, dans le mouvement même où elle y supplée, le défaut dans la structure, à savoir qu’il n’y a pas dans l’Autre le signifiant de La femme.

28 Si son travail interroge le statut du corps féminin à travers l’histoire de l’art et celle de la pensée, il ne s’agit pas tant pour Orlan de promouvoir les images et les symboles de « La » femme que de procéder à leur déconstruction et de questionner ce qu’il reste de la femme une fois ôtés ces images et ces symboles.

29 L’œuvre débute en 1964 par un acte de naissance : naissance de l’œuvre mais aussi auto-engendrement d’Orlan en tant qu’artiste. Elle devient « Orlan » par autonomination, et reprend possession de son corps qui devient alors le support et la matière mêmes de son œuvre. Les vintages, notamment Orlan accouche d’elle-m’aime, ou bien Tentatives pour sortir du cadre, avec masque ou sans masque, symbolisent cet acte de naissance et contiennent en germe l’œuvre à venir.

30 Sa démarche rigoureuse procède par érosions successives des images et des signifiants par lesquels le corps, et plus particulièrement le corps féminin, est aliéné à l’Autre. Ces images et ces signifiants, Orlan, tout au long de son œuvre, va les explorer, les exploiter, les décliner jusqu’à leur épuisement, jusqu’à la production d’un reste inaliénable. Le corps dont elle était dépossédée devient le lieu par lequel elle tente de s’affranchir de l’Autre, Autre maternel d’abord dont elle subvertit l’héritage, héritage que symbolisent les draps de son trousseau – « voiles que tisse la mère entre Son corps et elle[16] ».

31 Ces draps vont lui servir de matériau lors de ses performances pendant la deuxième période de son travail. Durant cette période, qui couvre une vingtaine d’années à partir des années 1970, Orlan expérimente diverses figures de « La » femme, tournant autour de l’opposition de la mère (la madone, la sainte) et de la prostituée, de la femme privée et de la fille publique. On reconnaît là les deux extrêmes – que Freud lui-même a dégagés – de ce que peut être une femme pour un homme. D’un côté un objet de désir, idéalisé mais intouchable, de l’autre un objet de jouissance, supposant un certain ravalement.

32 Peints ou sculptés, enroulés ou déroulés, immaculés ou maculés, les draps du trousseau s’avèrent matériaux davantage de déconstruction que de construction de l’image et de l’identité féminine. Plutôt sont-ils matière à montrer que ces images – vierges, madones, saintes ou prostituées – sont de la même étoffe, celle du semblant. Rappelons quelques performances réalisées à cette époque.

33 Au début des années 1970, c’est Plaisirs brodés, où elle s’adresse aux artistes et aux marchands d’art : « Je fournis la toile, fournissez-moi la peinture », les invitant à partager sa couche et les draps du trousseau. Puis, les yeux fermés, elle en cerne les traces à l’aide d’une broderie. Dans cette œuvre, Orlan subvertit le discours maternel et le retourne d’une manière poétique et érotique.

34 En 1977, Le baiser de l’artiste est une performance où Orlan donne un baiser à qui verse cinq francs dans son corps « distributeur ». Cela lui vaudra entre autres d’être exclue de l’atelier des Trois Soleils où elle enseigne les arts plastiques. Cette performance illustre deux textes aux titres et aux contenus révélateurs : « Face à une société de mères et de marchands » et « Art et prostitution ».

35 À la même époque, elle prend à la lettre la phrase de Plutarque : « L’homme est la mesure de toute chose », et procède à des mesurages de rues ou d’institutions, pratiqués avec une robe faite dans les draps du trousseau, où son corps allongé au sol fournit l’étalon de mesure. Traînée, souillée, la robe est lavée en public et l’eau recueillie dans des reliquaires.

36 Enfin, dans les performances les plus importantes et les plus longues – entre trois et cinq heures – intitulées Le drapé, le baroque, elle est travestie de ces mêmes draps en madone. « À la fin de ces performances faites au ralenti et construites sur enroulement-déroulement, je démaillotais, dit-elle, un paquet ressemblant à un petit enfant fait d’une quarantaine de mètres d’une bande de ces mêmes draps et dessous il y avait une sculpture en pain coloré : croûte bleue, mie rouge, que je mangeais en public… parfois jusqu’au vomissement. »

37 Après avoir travaillé pendant vingt ans sur l’iconographie judéochrétienne et le baroque, Orlan va passer, sous le double signe de La réincarnation de sainte Orlan et Images-nouvelles images, à la mythologie grecque. Ici se saisissent le passage de l’Un au multiple et le passage du miroir de Narcisse à celui de Dionysos [17]. Sans doute Orlan a- t-elle épuisé, avec les draps du trousseau, ce que Lacan appelle « les fictions de surface dont la structure s’habille ». Ne lui reste alors, comme dans la danse des sept voiles, que la peau. En ce point, le monument du corps montre sa faille et c’est le réel qui désormais va mordre sur l’imaginaire. Entre les deux périodes de son travail, il y a franchissement du plan du miroir, au-delà duquel la mise en pièce devient opérante.

38 Sa performance suivante commence en 1990. Bien qu’étant la suite logique de ses travaux précédents, elle s’exprime sous une forme radicale puisqu’il va s’agir de l’inscrire dans sa chair de manière permanente. L’idée de ce « passage à l’acte » lui est venue, dit-elle, à la lecture d’un texte d’Eugénie Lemoine-Luccioni : « La peau est décevante […], il y a maldonne dans tous les rapports humains : j’ai une peau d’ange mais je suis un chacal ; une peau de crocodile, mais je suis un toutou ; une peau noire mais je suis un Blanc ; une peau de femme mais je suis un homme. Je n’ai jamais la peau de ce que je suis. Il n’y a pas d’exception à la règle parce que je ne suis jamais ce que j’ai [18]. »

39 « À la lecture de ce texte, dit Orlan, j’ai pensé qu’à notre époque nous commencions à avoir les moyens de réduire cet écart, en particulier à l’aide de la chirurgie, et qu’il devenait donc possible de ramener l’image interne à l’image externe. »

40 Sans doute est-ce là qu’il y a maldonne… puisqu’il n’y a pas d’image « interne ». Au verso des images, il y a non pas d’image mais le morcellement auquel l’image, justement, tente de parer. Remarquons-le, il s’agit là non pas de changer de peau – ce qui est un vœu banal – mais de procéder à un retournement. Du moins est-ce comme cela que j’entends ce qu’elle dit : « Ramener l’image interne à l’image externe », « je fais un transsexualisme femme-femme », « l’art charnel transforme le corps en langue et renverse le principe chrétien du verbe qui se fait chair au profit de la chair faite verbe », ou encore : « Désormais je peux voir mon corps ouvert sans en souffrir ; je peux me voir jusqu’au fond des entrailles, nouveau stade du miroir. » À vouloir atteindre la vérité de la femme au-delà des semblants, le corps se morcelle et l’identité se disperse dans le multiple.

41 La série d’opérations chirurgicales-performances – il y en aura sept de 1990 à 1993 – ne s’inscrit pas dans une visée esthétique : « L’art, dit Orlan, n’est pas une décoration pour les appartements, car nous avons déjà pour ce faire les aquariums, les plantes vertes, les napperons, les rideaux et les meubles. » D’ailleurs les titres de ces opérations – Changement d’identité, Rituel de passage, Ceci est mon corps, ceci est mon logiciel, J’ai donné mon corps à l’art, Identité-altérité, Corps/statut… – indiquent bien qu’il est question d’autre chose que de beauté, qu’il est question d’identité, mais une identité fabriquée de toute pièce.

42 Mixant à l’aide d’un ordinateur cinq images de femmes mythiques – Diane, Mona Lisa, Psyché, Vénus et Europe –, elle mélange ces images à sa propre image et retravaille l’ensemble jusqu’au portrait final, celui dont elle passe commande à ses chirurgiens. Le bloc opératoire devient son atelier d’artiste. Chaque opération – réalisée sous péridurale – a son style : costumes faits par des grands couturiers, décors carnavalesques ou high tech, exécution de dessins par Orlan avec son sang ou lecture de textes choisis, recueil des lambeaux de chair ou de graisse dans des reliquaires, mais aussi photos et vidéos. La septième opération sera même diffusée en direct dans des musées par satellite…

43 La suite logique de ce projet est de faire appel à une agence de publicité qui lui proposera un nom, un prénom, un nom d’artiste et un logo. Puis elle demandera au procureur de la République d’accepter ses nouvelles identités avec son nouveau visage. Seule la voix d’Orlan, dit-elle, restera inchangée. L’opération produit donc un reste inaliénable et donc soustrait au champ de l’Autre.

44 Trouver un chirurgien n’a pas été facile… Question de déontologie, sans doute. Orlan a pourtant réussi à en convaincre certains… du moins jusqu’à un certain point. Passé une limite, les hommes ont dit non. Les hommes… mais pas les femmes. Si les six premières interventions ont été réalisées par des chirurgiens hommes, les suivantes le seront par une femme. « Je n’aurais pas pu obtenir des chirurgiens ce que j’ai obtenu de ma chirurgienne, dit Orlan. En effet, ils voulaient me garder mignonne. » Car hybrider Orlan avec Mona Lisa, Vénus ou Psyché, passe encore… Mais quand il s’agit de lui implanter deux bosses sur le front et de manipuler dans le réel l’image générique du corps, une limite est atteinte. Une limite que certaines femmes, semble-t-il, peuvent franchir… de n’être pas-toutes prises dans la fonction phallique.

45 « Je suis prête, dit d’ailleurs Orlan, à travailler avec les biotechnologies, la génétique, l’intelligence artificielle, la robotique et toutes les techniques médicales de pointe si je trouvais au Japon ou ailleurs un laboratoire disposé à me faire une proposition. » Mais l’efficacité de l’œuvre n’est pas tant de viser, à travers des techniques diverses, une improbable « essence » de la femme que de démontrer son impossible clôture dans un modèle universel. L’ensemble des figures féminines est un ensemble ouvert, impossible à refermer sur une identification dernière. C’est ce sur quoi s’appuie l’œuvre d’Orlan, elle qui désire non pas une identité définie ou définitive mais « des identités nomades, mouvantes, multiples, mutantes ».

46 La suite de son travail explore et exploite ce nomadisme identitaire, avec les Self-hybridations, photographies numériques et sculptures de résine représentant des corps mutants conçus à partir de son image hybridée à des représentations issues des cultures précolombiennes et africaines. Ces montages virtuels soulignent, par leur procédé même, que La femme, telle Pandore, est un montage. Montage qui a pour fonction de faire exister La femme, et de parer à ce qui, du féminin, ne fait pas pièce au discours.

47 Au-delà de ses « performances », le travail d’Orlan nous intéresse en tant qu’il questionne le statut du corps pris dans le discours de la science moderne : « Mon travail, dit-elle, et ses idées incarnées dans ma chair posent des questions sur le statut du corps dans notre société et son devenir dans les générations futures via les nouvelles technologies et les prochaines manipulations génétiques. »

48 On ne peut en effet que s’interroger sur l’incidence du déclin de la fonction paternelle tant sur le corps propre que sur le corps social, lisible déjà dans cette résurgence, de plus en plus sensible, des tendances propres au miroir : dispersion, morcellement, anomie, agressivité d’une part, ségrégation et effets de capture massive par l’image d’autre part. Ce qu’éclaire, en l’anticipant, ce texte de Lacan de 1946 : « Si rien ne peut nous garantir de ne pas nous perdre dans un mouvement libre vers le vrai, il suffit d’un coup de pouce pour nous assurer de changer le vrai en folie. Alors nous serons passés du domaine de la causalité métaphysique dont on peut se moquer, à celui de la technique scientifique qui ne prête pas à rire. De semblables entreprises ont paru déjà par-ci par-là quelques balbutiements. L’art de l’image bientôt saura jouer sur les valeurs de l’imago et l’on connaîtra un jour des commandes en série d’“idéaux” à l’épreuve de la critique : c’est bien là que prendra tout son sens l’étiquette : “garanti véritable”. L’intention ni l’entreprise ne seront nouvelles, mais nouvelle leur forme systématique [19]. »

Notes

  • [*]
    Brigitte Hatat, psychanalyste à Reims, membre de l’École de psychanalyse des Forums du Champ lacanien.
  • [1]
    J. Lacan, « Le stade du miroir » (1949), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 94.
  • [2]
    Notons « la perception très précoce chez l’enfant de la forme humaine, forme qui, on le sait, fixe son intérêt dès les premiers mois, et même pour le visage humain dès le dixième jour », J. Lacan, « L’agressivité en psychanalyse » (1948), dans Écrits, op. cit., p. 112.
  • [3]
    « La réalité, soumise d’abord à un morcellement perceptif […] s’ordonne en reflétant les formes du corps, qui donnent en quelque sorte le modèle de tous les objets », J. Lacan, Les complexes familiaux (1938), Paris, Navarin, 1984, p. 43.
  • [4]
    J. Lacan, « Le stade du miroir », art. cit., p. 94.
  • [5]
    J. Lacan, Les complexes familiaux, op. cit., p. 43.
  • [6]
    C’est-à-dire la coupure que le signifiant opère sur le vivant.
  • [7]
    J. Lacan, Les complexes familiaux, op. cit., p. 43.
  • [8]
    En cela, elle prolonge le processus de séparation du sevrage où domine l’imago maternelle.
  • [9]
    C’est-à-dire la mise en fonction de cette image dans la chaîne signifiante.
  • [10]
    « Le phallus est le signifiant de la perte même que le sujet subit par le morcellement du signifiant, et nulle part la fonction de contrepartie où un objet est entraîné dans la subordination du désir à la dialectique symbolique, n’apparaît de façon plus décisive », J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 715.
  • [11]
    On peut se référer, par exemple, au travail de l’artiste Louise Bourgeois sur la femme-maison.
  • [12]
    Cf. F. Coquelet, « Annette Messager, artiste-femme », dans Le désir et la mère, Actes d’Artémis, Reims, 1999.
  • [13]
    J. Lacan, Les complexes familiaux, op. cit., p. 39.
  • [14]
    J. Joyce, Finnegans Wake, fragments adaptés par André du Bouchet, Paris, Gallimard, p. 52.
  • [15]
    Pour ce travail, je m’appuie essentiellement sur ce que dit Orlan dans sa conférence « Orlan conférence », 1995, dans Une œuvre de Orlan, collectif, Iconotexte, 1998, p. 51-80, ainsi que sur sa monographie multimédia, CD-rom, Jéricho et sa récente monographie Orlan, Paris, Flammarion, 2004. D’autres informations sont également disponibles sur le site www. orlan. net.
  • [16]
    « Sa mère qui la dépossède de son corps, tisse patiemment et sûrement la toile de tous les préceptes sociaux, de tous les tabous, tisse un voile entre Son Corps et elle (blanches camisoles) », Orlan, « Face à une société de mères et de marchands », dans De l’art charnel au baiser de l’artiste, Jean-Michel Place, 1997.
  • [17]
    Cf. J.-P. Vernant, « Un, deux, trois : Éros », dans L’individu, la mort, l’amour, Paris, Folio, p.153-171. Pour détourner l’attention du petit Dionysos, les Titans lui offrent un miroir et, pendant qu’il se contemple, en profitent pour le découper en morceaux. « Les néoplatoniciens ont utilisé ce motif du miroir de Dionysos pour traduire sur le plan cosmologique le passage de l’un au multiple. »
    « La vision de Dionysos consiste à faire éclater du dedans, à réduire en miettes cette vision “positive” qui se prétend la seule valable et où chaque être a sa forme précise, sa place définie, son essence particulière dans un monde fixe assurant à chacun sa propre identité à l’intérieur de laquelle il demeure enfermé toujours semblable à lui-même. Pour voir Dionysos il faut pénétrer dans un univers différent, où l’Autre règne, non le Même », J.-P. Vernant, « Le Dionysos masqué des Bacchantes », dans La Grèce ancienne, Rites de passage et transgression, Paris, Folio, p. 267.
  • [18]
    E. Lemoine-Luccioni, La robe, Paris, Le Seuil, p. 95.
  • [19]
    J. Lacan, « Propos sur la causalité psychique » (1946), dans Écrits, op. cit., p. 192.
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