Enfance 2006/2 Vol. 58

Couverture de ENF_582

Article de revue

La culture, l'esprit, les récits

Pages 118 à 125

Notes

  • [1]
    School of Law, New York University, États-Unis.
  • [2]
    Traduction française : Bertrand Troadec.
  • [3]
    N.d.T. Le mot français « esprit » est la traduction de l’anglais mind. Il désigne une entité dont l’existence est d’origine strictement naturelle. En l’occurrence, il s’agit d’une production de l’activité cérébrale. Le mot français « esprit » pourrait aussi être la traduction de l’anglais spirit. Mais, il désignerait alors une entité d’origine surnaturelle ou divine, ce qui n’est pas le cas ici.
  • [4]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [5]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [6]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [7]
    N.d.T. Jérôme Bruner distingue les significations des deux verbes français connaître correspondant pour l’auteur à « savoir comment se comporter » et savoir à « savoir de quoi est faite une culture » (communication personnelle).
  • [8]
    N.d.T. Le terme schismogenèse, forgé par Grégory Bateson, désigne l’un des aboutissements possibles du contact culturel défini comme un processus de « différenciation progressive » des groupes en présence « qui ne peut conduire, s’il n’est pas contenu, qu’à une rivalité de plus en plus grande et, finalement, à l’hostilité et à l’effondrement de l’ensemble » (Vers une écologie de l’esprit, 1977, p. 99).
  • [9]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [10]
    N.d.T. En français dans le texte.

1Comment une culture, l’ordinaire de nos vies quotidiennes, fait-elle pour donner forme à la manière dont nos esprits [3] se développent, dont nous pensons, à ce que nous venons à espérer ? Hélas ! La plupart des tentatives pour répondre à de telles questions, bien qu’elles soient souvent assez acceptables, sont soit trop générales pour prendre en compte les détails, soit trop minimes pour rendre compte des généralités. Existe-t-il quelque façon cohérente et malgré tout détaillée d’expliquer comment “ nous ”, en tant que subjectivités privées, “ devenons ” des Danois ou des Kwakiutl ou des Navajos ? Dans ce qui suit, j’aimerais faire un pas dans cette direction, mais seulement un pas, car la question recèle trop d’aspects pour être réglée en un seul coup. Cela nécessite que nous trouvions une manière de concilier, entre autres, deux idées pratiquement incommensurables : l’ “ esprit ” et la “ culture ”.

2Dans la suite, je soutiendrai que la principale manière par laquelle nos esprits se conforment aux contraintes de nos expériences culturelles est par l’intermédiaire des histoires que nous racontons et que nous écoutons, qu’elles soient véridiques ou fictives. Je défendrai que la culture consiste en un ensemble de récits plus ou moins interconnectés et que nous l’apprenons principalement grâce à notre capacité narrative par laquelle nous « donnons du sens » à ce qui est en train de se produire, à ce qui s’est produit et à ce qui pourrait se produire dans nos mondes. Nous façonnons nos attentes de façon narrative et nous apprenons à vivre d’une manière qui est modelée par elles. Nous le faisons depuis le tout début de la vie. Ce n’est pas par hasard [4] que la première saisie par un jeune enfant de ce qui passe autour de lui, prend une forme narrative.

3Nous ferions mieux alors de commencer par nous demander ce que nous signifions par une culture et ce que c’est que de l’apprendre. Occupons-nous du deuxième aspect d’abord. D’un certain côté, nous apprenons les aspects de ce qui ressort d’une culture donnée par un processus purement routinier, comme l’alimentation, le contrôle sphinctérien, etc., qui a tant préoccupé les anthropologues de la génération de nos parents, tels que Cora DuBois, Margaret Mead et leurs collègues d’orientation psychanalytique. Cependant, comme je l’ai déjà suggéré, cette approche est trop générale et « vague » pour traiter des détails. D’un autre côté, nous apprenons probablement les aspects d’une culture en maîtrisant certains « principes » imposés par nos parents, comme cette règle édictée par ma mère : « Tu dois accueillir toute personne qui entre dans notre maison » ; quoique je n’étais pas tout à fait sûr de ce qui était attendu. Des anthropologues pourraient sans doute me dire ce que cela « signifiait », mais je crains que l’enfant de 6 ans que j’étais n’ait pas compris.

4Et maintenant, qu’est-ce que la culture en soi ? Eh bien, il s’agit de quelque chose qui est reconnue par certains comme apparaissant beaucoup plus implicite qu’explicite, quel que soit le point de vue quotidien duquel on la regarde. La plupart du temps, la « maîtrise » d’une culture par les gens est similaire à celle de l’eau par le poisson, conformément au proverbe qui dit que le poisson est le dernier à découvrir l’eau. Il est assurément évident que la plupart des gens « connaissent » leur culture davantage dans le sens de connaître [5] que de savoir [6] et il nous faut garder ce point présent à l’esprit pour la discussion sur la manière dont une culture donne forme à l’esprit [7].

5Ainsi, que pouvons-nous dire au sujet de la culture en tant que telle ? Pour le sens commun, une culture est plutôt un « système » rudimentaire et approprié de création de significations pour les choses de l’ordinaire et même pour celles que nous n’avons encore jamais rencontrées. « Hé oui ! », disons-nous, en voyant par exemple un millier de jeunes gens en patins à roulettes dévalant le boulevard Saint-Germain, « voilà un défilé de rolleurs ! ». Certaines de ces « constructions de choses ordinaires » sont produites institutionnellement, par l’intermédiaire d’organisations sociales publiques, telles que les bureaux de Poste, les banques, les familles, ou autres. Nous les apprenons en y participant.

6Cependant, en dépit de son institutionnalisation, aucune culture n’est faite d’une seule pièce. Les catégories, les croyances et les attentes d’une culture sont typiquement en proie aux discordances, incohérences, incommensurabilités. Celles-ci, d’une façon ou d’une autre, coexistent dans l’apparence d’un tout. Apprendre une culture requiert donc de maîtriser un foisonnement de croyances et de pratiques, mais d’une manière qui les font paraître malgré tout pragmatiquement cohérentes. Par exemple, nous « apprenons », par altruisme, qu’il faut nous aider les uns les autres, mais en même temps que nous devons aussi nous protéger contre le fait d’être exploité par les autres. Respecte la Règle d’Or (comme on dit en argot américain), mais surveille aussi tes arrières ! Tant bien que mal, il nous faut tolérer les contradictions. Si une contradiction devient intolérable, il y a des façons culturellement appropriées d’y faire face en consultant soit un prêtre, soit un psychiatre, soit un avocat.

7Une culture, considérée comme un tout, n’est guère faite d’une seule pièce harmonieuse. Ainsi que Grégory Bateson (1972) l’a évoqué autrefois, une culture est carrément schismogénétique [8]. De plus, elle est transmise très facilement de génération en génération, en dépit de ses moyens de fortune et des épouvantables mises en garde de certains intellectuels moralisateurs selon lesquels nous ne pourrions pas vivre de cette façon. Une culture est simplement ce qui est considéré comme ordinaire, comment sont les choses, ou ce qui va de soi. Comment la culture fait-elle pour accomplir un tel miracle ?

8Je soutiens dans ce qui suit que la culture a besoin d’un « outil » dont la fonction principale consiste à rendre ses conflits et ses incommensurabilités aussi ordinaires que l’ordre naturel. Cet outil est la capacité que les Hommes ont de raconter des histoires et l’usage de la structure d’une histoire pour donner forme à la réalité. Le récit est en effet la structure par excellence [9] pour à la fois représenter les croyances et les valeurs potentiellement discordantes et résoudre leurs contradictions. Celles-ci peuvent se produire, et d’ailleurs se produisent, au sein de toute communauté partageant une même manière de vivre. Aussi modeste que soit l’activité de raconter une histoire, nous ne pourrions pas nous en passer.

9Les histoires aident à repérer les discordances et les conflits. Leur nature profonde est d’être locales. Ainsi est la culture, selon les mots du brillant anthropologue Clifford Geertz (1983). Personne n’a jamais vécu le tout de sa propre culture, quoi que ce « tout » puisse être. Mais de quel « tout » s’agit-il ? Pour utiliser l’expression de Pierre Bourdieu (1977), nous vivons tous avec un habitus restreint et construit, tel que le fait d’être garçon de café, avocat, mère de famille, new-yorkais, vendeur de fruits et légumes, prostitué, enseignant, ou quelque mélange de tout cela. Nous trouvons des manières de créer des liens entre les uns et les autres – des liens narratifs – qui nous rendent reconnaissables comme les membres d’une communauté partageant les mêmes récits, même si nous ne sommes pas d’accord entre nous. Par exemple, deux Français à l’allure radicalement différente, l’un issu du centre-ville animé de Toulouse, l’autre de la campagne, 75 km plus au Sud, peuvent partager des récits au sujet de leurs vies respectives qui soient mutuellement compréhensibles. Ce qui fait qu’ils ressentent une « connaissance de l’esprit l’un de l’autre » est qu’ils sont en contact intersubjectif. Sur la Terre, aucune espèce animale, excepté Homo sapiens, n’a cette capacité. Elle rend possible une « progression » vers les autres, bien que pleine d’embûches, même lorsqu’on n’a rien à voir avec eux ou que l’on pense qu’ils sont des fripons ou des imbéciles.

10Claude Lévi-Strauss (1962) a jeté une lumière intéressante sur cette question bizarre. Les cultures, selon l’auteur, sont façonnées et soutenues par des systèmes d’échanges conventionnels, comme lors des échanges de biens et de services, de partenaires pour le mariage, de considération et d’informations. Il n’est pas nécessaire pour quiconque ressortant d’une culture de « savoir » comment le système dans son entier fonctionne en tant que tout. Tout ce dont on a besoin est une connaissance locale. Sur ce point, Clifford Geertz et Claude Lévi-Strauss se rejoignent. Mais les cultures, confrontées aux multiples et fréquentes situations d’échanges conflictuels auxquelles elles doivent faire face, fonctionnent rarement sans heurts, sans efforts, d’une même voix, harcelées qu’elles sont par les attentes contradictoires et les incertitudes non résolues. Qui, où qu’il soit, sait comment gérer calmement et simultanément, l’amour, la puissance et l’estime de soi et des autres ? Vivre une culture requiert non seulement de connaître ce qui est attendu de façon conventionnelle, mais aussi d’avoir quelque idée des problèmes qui peuvent être produits par l’ordre conventionnel.

11Venons-en maintenant à la nature des récits. Leur fonction est justement d’instancier les conventions attendues, mais aussi de mettre en avant les problèmes qui peuvent interférer avec la réalisation de ces attentes. Raconter une histoire, qu’elle soit fictive ou véridique, est la manière dont toute culture prévient ses membres des vicissitudes de la vie.

12Il n’est alors pas surprenant que le fait de raconter des histoires soit universel. Il n’est pas non plus surprenant que le don narratif nous advienne « naturellement », peut-être même de façon innée, permettant aux enfants d’apprendre très tôt dans la vie des possibilités d’être et les risques qui en découlent. Personne, en effet, n’a à être instruit pour raconter ou comprendre des récits. Les enfants qui ne le peuvent pas, comme par exemple les autistes ou ceux qui ont un syndrome d’Asperger sévère, sont tout simplement incapables d’ « entrer » dans une culture (Baron-Cohen, 1993). Mais, qu’est-ce donc qu’une histoire ? Que voulons-nous dire par « récit » ?

13Une histoire, toute histoire, commence par la présomption de l’existence de l’ordinaire et du conventionnel dans un certain monde. C’est ce que nous désignons comme étant l’état canonique initial d’un récit, c’est-à-dire le fait de tenir pour vrai qu’il y a un état ordinaire et stable du monde avec lequel nos habitudes de pensée sont déjà accordées. Une histoire requiert ensuite que cet état ordinaire et attendu soit bouleversé. C’est, comme on le nomme, la peripeteia de l’histoire. Peripeteia est le terme qu’Aristote emploie dans La Poétique pour rendre compte des violations des habitudes ou de ce qui est attendu. Ce terme signifie littéralement l’ « aventure » en ancien grec. Dans la suite du récit, on trouve l’action. Il s’agit des efforts faits pour annuler la peripeteia, pour restaurer ou bien revenir à l’état canonique des choses. Enfin, il y a une résolution qui est la façon dont les choses aboutissent à une conclusion, avec succès ou bien autrement. Les récits sont dotés aussi d’une coda, sorte de commentaire ou de morale, comme dans cette fable d’Ésope : un point à temps en vaut mille. De nos jours, la coda se perd tant pour le lecteur que pour l’auditeur.

14Cela dit, bien que les différents éléments constitutifs d’une histoire soient universels, la forme qu’ils prennent reflète manifestement la culture au sein de laquelle le récit est raconté. Il en est de même des sous-cultures, tels cette légende typique des Universités selon laquelle mes idées ont été volées ou bien les récits de transactions insolites chez les banquiers du commerce. La plupart des histoires sont dites pour illustrer une attente conventionnelle qui a un peu dévié de sa route. Cela, je le dois encore une fois à Aristote. Lorsque vous demandez à des gens de répéter une histoire, ils tendent à donner davantage d’importance à la peripeteia et à ce qui a fait dévier les choses de leur route (Bartlett, 1932 ; Halbwachs, 1925).

15D’une façon saisissante, n’en déplaise à Aristote, les récits relèvent d’un type ou d’un style. Les styles varient quelque peu de culture à culture. Cependant, la comédie, la tragédie, le roman d’amour et l’ironie apparaissent être des types généraux qui peuvent être trouvés pratiquement partout. Évidemment, les histoires sont marquées aussi par la « perspective » du narrateur, ainsi que sa place au sein de la culture. Les récits des chauffeurs de taxis new-yorkais, par exemple, ont une perspective typique et, en tant que new-yorkais moi-même, je peux vous raconter des histoires au sujet des histoires de ces chauffeurs de taxis qui sont relativement différentes de celles de Parisiens racontant des histoires au sujet des histoires de leurs propres chauffeurs de taxis [10]. Les récits, à l’exception des récits mythiques et religieux, se veulent locaux, personnels et quelque peu idiosyncrasiques. Ils illustrent néanmoins quelque chose de général.

16Une caractéristique universelle remarquable des récits est le fait qu’ils doivent avoir l’air d’être vrais ou d’être comme la vie. Ce qui fait qu’une histoire semble véridique, c’est bien sûr qu’elle s’ajuste aux attentes culturelles, même s’il s’agit d’une fiction. Après tout, la fonction d’une fiction est d’explorer la parenté entre le possible imaginable et le familier déjà connu, grâce aux tropes et métaphores, avec toujours un œil examinateur des voies possibles par lesquelles la forme culturelle canonique pourrait succomber à de l’inattendu. En définitive, la dimension fictionnelle d’une culture est la façon d’envisager ses limites possibles.

17Laissez-moi faire un pas de plus, afin de mieux comprendre comment un récit est construit et comment sa structure est faite, de telle manière à permettre les significations culturelles de ce qui est ordinaire, et aussi comment l’ordinaire établi apparaît être en permanence menacé. Pour le faire, je vais m’appuyer sur le brillant théoricien de la littérature, Kenneth Burke (1945).

18Les récits ont une structure en Pentagone. Il y a un Agent qui réalise une certaine Action ayant un certain Objectif, ainsi que quelqu’un qui en est le Bénéficiaire. Le tout a lieu dans un certain Cadre. Agent, Action, Objectif, Destinataire, Cadre, tout cela correspond de façon intéressante à ce que les philosophes désignent comme les « arguments de l’action » qui sous-tendent une logique universelle. Transformer les éléments d’un Pentagone en une histoire requiert une chose cruciale : un défaut d’accord entre ces mêmes éléments. C’est ce que Kenneth Burke désigne comme un Désordre (avec un D majuscule). Par exemple, l’Action d’un Agent apparaît inappropriée dans un Cadre particulier. Ou bien, l’Action est inopérante pour atteindre l’Objectif escompté. Ou encore, le Bénéficiaire de l’Action ne relève pas du Cadre en question. Pour Kenneth Burke, le Désordre est le « moteur » du récit. Le Désordre est ce qui arrive lorsque l’ordinaire rencontre l’inattendu. C’est ce qu’est la vie la plupart du temps et dans toute culture. Voilà ce à quoi le récit correspond et pourquoi c’est un moyen si efficace d’adaptation à l’inévitable incohérence culturelle.

19Je pense que le génie de Kenneth Burke réside dans la mise en lumière non seulement du caractère banal des récits – leurs cinq constituants et les multiples sources du Désordre qui les animent – qu’ils soient fictifs ou véridiques, mais aussi de leur universalité. Quel que soit leur contenu qui peut varier selon les cultures, il y a quelque chose de conflictuel qui est inhérent à tout récit.

20Je voudrais conclure maintenant avec quelques généralisations plutôt évidentes ; certaines étant implicites dans ce qui vient d’être dit. « Apprendre » une culture revient à apprendre à penser dans les termes des diverses façons, souvent conflictuelles, par lesquelles vous, ainsi que vos pareils, résolvez vos fréquentes situations discordantes. Chacun acquiert les voies dialectiques, issues de sa propre culture, d’hésiter entre des attentes contradictoires, sans forcément les résoudre. Les systèmes d’échange entre les membres d’une culture et à l’intérieur même des esprits des individus génèrent de telles attentes contradictoires. Les histoires rendent ces conflits acceptables. Elles les particularisent et les rendent compréhensibles s’ils ne sont pas évidents.

21Aussi curieux que cela paraisse, étant donné la longue histoire de la théorie de la narration, j’ai laissé pour la fin la discussion au sujet du rôle des styles par lesquels les récits produisent des moyens pour accorder les esprits individuels aux exigences de la culture. Grâce à la nature généralisante du fonctionnement mental humain, nous reconnaissons (ou sommes contraints de reconnaître), précocement et aisément, diverses « sortes » d’histoires ; des histoires de « prétextes », de « désirs », de « flatteries », etc. Évidemment, lorsqu’on intègre la vie si compliquée d’un adulte et cela dans toute culture, on est amené à maîtriser de nouveaux genres d’histoires qui sont quelquefois hautement spécialisés, comme par exemple, en cas de litige (Bruner, 2003). Je n’ai pas de certitude quant au fait de savoir si le groupe des quatre genres que sont la comédie, la tragédie, le roman d’amour et l’ironie est déterminé génétiquement ou simplement une convention classique. Nous pouvons laisser cela de côté et admettre que cet ensemble est répandu dans toutes les cultures. Il est clair qu’elles sont prédisposées à ces types de récits. De même, il est clair que certains d’entre eux deviennent spécialisés dans certaines cultures, ce qui leur confère peut-être leurs qualités idiosyncrasiques.

22L’essentiel de ce que je voudrais dire dans cette conclusion est que les cultures ne pourraient pas exister dans l’harmonie restreinte qu’elles atteignent, au-delà de leurs inhérentes contradictions, sans l’intervention des récits. Les récits nous procurent en effet des moyens d’appréhender ce qui est attendu tout en rendant évident son caractère aléatoire. J’ai dit peu de choses au sujet de la dérivation des formes actuelles des histoires à partir des « mythes des origines », comme les récits chrétiens des origines, ou à partir des « histoires typiques », telle que cette histoire du XIXe selon laquelle l’effort est récompensé par le succès. Je sais que c’est d’une importance historique certaine, mais c’est en dehors du propos de cet article. Mon objectif a été d’analyser comment une culture donne forme aux esprits individuels qui la constituent et comment elle permet de rendre gérable les conflits qui la traversent.

23Il y a encore beaucoup de choses que j’ai laissées de côté. Je vous offre celles-ci comme un point de départ.

Bibliographie

RÉFÉRENCES

  • Baron-Cohen, S. (1993). Predisposing conditions for joint attention. In C. Moore & P. Dunham (Eds), Joint attention : Its origin and role in development. Hillsdale : Erlbaum.
  • Bartlett, F. (1932). Remembering. Cambridge : Cambridge University Press.
  • Bateson, G. (1972). Culture contact and schizmogenesis. In G. Bateson, Steps to an ecology of mind. New York : Ballantine.
  • Bourdieu, P. (1977). Outline of a theory of practice (1re éd. franç., 1972). Cambridge : Cambridge University Press.
  • Bruner, J. (2003). Making stories : Law, literature, life. New York : Farrar, Straus, Giroux.
  • Burke, K. (1945). The grammar of motives. New York : Prentice-Hall.
  • Geertz, C. (1983). Local knowledge : Further essays in interpretive anthropology. New York : Basic Books.
  • Halbwachs, M. (1925). Les cadres sociaux de la mémoire. Paris : Alcan.
  • Lévi-Strauss, C. (1962). La pensée sauvage. Paris : Plon.

Mots-clés éditeurs : Culture, Récits, Développement

https://doi.org/10.3917/enf.582.0118

Notes

  • [1]
    School of Law, New York University, États-Unis.
  • [2]
    Traduction française : Bertrand Troadec.
  • [3]
    N.d.T. Le mot français « esprit » est la traduction de l’anglais mind. Il désigne une entité dont l’existence est d’origine strictement naturelle. En l’occurrence, il s’agit d’une production de l’activité cérébrale. Le mot français « esprit » pourrait aussi être la traduction de l’anglais spirit. Mais, il désignerait alors une entité d’origine surnaturelle ou divine, ce qui n’est pas le cas ici.
  • [4]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [5]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [6]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [7]
    N.d.T. Jérôme Bruner distingue les significations des deux verbes français connaître correspondant pour l’auteur à « savoir comment se comporter » et savoir à « savoir de quoi est faite une culture » (communication personnelle).
  • [8]
    N.d.T. Le terme schismogenèse, forgé par Grégory Bateson, désigne l’un des aboutissements possibles du contact culturel défini comme un processus de « différenciation progressive » des groupes en présence « qui ne peut conduire, s’il n’est pas contenu, qu’à une rivalité de plus en plus grande et, finalement, à l’hostilité et à l’effondrement de l’ensemble » (Vers une écologie de l’esprit, 1977, p. 99).
  • [9]
    N.d.T. En français dans le texte.
  • [10]
    N.d.T. En français dans le texte.
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