Notes
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[*]
Robert Diez a codirigé pendant vingt ans le cabinet Itaque, dont il est un des fondateurs. Il a réalisé de nombreuses missions en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et a développé une démarche spécifique de transfert de compétences.
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[**]
Pierre Carton a une double formation de docteur en pharmacie et de psychologue clinicien. Après avoir travaillé douze ans dans l’industrie pharmaceutique, il exerce maintenant en institution et cabinet libéral, et intervient en entreprise, en particulier dans le cadre de formations à la prévention et à la gestion du stress et des conflits.
-
[1]
R. J. Vallerand et E. E. Thill, « Introduction au concept de motivation », Études vivantes – Vigot, 1993.
-
[2]
P. Roussel, « La Motivation au travail – Concept et théories », notes du LIRHE, n° 326, octobre 2000, université Toulouse I.
-
[3]
J.-C. Rouchy, Le Groupe, espace analytique, éditions Erès, 2008.
-
[4]
J.-P. Brun, « La reconnaissance au travail », Sciences humaines, 30 mars 2010.
-
[5]
Voir R. Diez et L. Sarton, Transférer les compétences, Eyrolles, 2012.
-
[6]
C. Neri, « L’authenticité comme finalité de l’analyse », présentation lors de la conférence de la SEPEA, Paris, 19 septembre 2010.
1Aujourd’hui, un des facteurs le plus souvent cités comme source de difficultés pour la gestion des relations sociales dans l’entreprise est le manque de motivation des salariés. Au-delà des revendications classiques et légitimes de salaire, d’amélioration des conditions de travail, de flexibilité, apparaissent fréquemment dans les attentes exprimées des besoins de reconnaissance et de prise en compte de la valeur de son travail, de ses compétences qu’elles soient explicites ou tacites, de sa fonction sociale dans l’entreprise.
2Dans cet article nous avons souhaité, à partir de nos regards croisés de consultant et de psychoclinicien intervenant en entreprise, apporter quelques éléments de réflexion et de compréhension sur la nature de ces attentes. C’est à partir de ces éléments que pourront être définies quelques préconisations de management et d’organisation pour renforcer la motivation des salariés. Si notre ambition est de faire partager des constats liés à l’observation et l’analyse de nos pratiques professionnelles, elle est aussi de tracer un cadre de réflexion et d’analyse ouvrant des pistes qu’il conviendra certainement d’élargir et de renforcer.
Focus
C’est cette dernière qui nourrit la motivation. Et les signes de valorisation donnés par l’entreprise ne porteront leurs fruits que s’ils contribuent à la renforcer.
Pour cela, il faut qu’ils soient correctement décodés par le salarié et dispensés avec authenticité par le manager.
Une attente affirmée de reconnaissance
3Pour définir le cadre de cette réflexion, arrêtons-nous sur les résultats d’un sondage réalisé par l’IFOP du 6 au 10 février 2012, sur un échantillon de 802 salariés exerçant dans des entreprises de plus de 10 personnes. Ils montrent que 72 % des salariés interrogés se déclarent heureux au travail, et inversement que pour 28% d’entre eux le travail n’est pas une source de bonheur. Ce chiffre est renforcé pour les plus de 50 ans (38 %), les ouvriers (39 %) et le secteur de l’industrie (33 %).
4Parmi les éléments cités comme participant du bien-être au travail, viennent en tête :
- davantage de reconnaissance de la part des supérieurs pour 45 % des répondants (53 % pour les ouvriers et 54 % chez les salariés de niveau scolaire inférieur au bac) ;
- une augmentation de salaire pour 41% des répondants (ouvriers : 51 %) ;
- une charge de travail acceptable pour 38% des personnes interrogées.
5Le même sondage montre que les salariés interrogés sur ce qu’ils feraient en tant que chefs d’entreprise pour améliorer le bien-être au travail citent largement en tête (40 %) les éléments favorisant l’écoute et la communication (une meilleure écoute des salariés, l’instauration d’un véritable dialogue, plus de reconnaissance et de respect), bien avant une augmentation de salaire ou des primes (14 % seulement).
6Alors que l’on entend parler de démotivation ou de souffrance au travail, de crise de management, les managers se trouvent souvent dépourvus et mesurent à quel point les techniques et outils classiques du management ne leur permettent plus de faire face aux difficultés rencontrées pour renforcer l’implication des salariés et maintenir des objectifs de performance. Il convient alors de s’interroger sur les leviers possibles, que ce soit pour les cadres dirigeants ou pour l’encadrement de proximité. Le contexte économique ne permet plus la fuite en avant de l’augmentation des salaires et des primes qui de toute façon, même en période faste, ne suffisait plus à motiver les salariés (elle peut être un élément temporaire de motivation). On constate que toutes les stratégies de motivation échouent si elles ne permettent pas à l’individu de donner du sens à son travail et de valoriser son « estime de soi ».
La motivation, de quoi parle-t-on ?
7Avant d’aller plus loin dans la réflexion sur les facteurs pouvant influer sur la motivation, il convient d’en proposer une définition. Pour notre part, nous retiendrons celle de Vallerand et Thill [1] : « Le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement. » Patrice Roussel [2] développe les quatre éléments constitutifs de ce construit :
- le déclenchement du comportement : on passe de l’absence d’activité à l’exécution de tâches nécessitant une dépense d’énergie physique, intellectuelle ou mentale. La motivation fournit cette énergie ;
- la direction du comportement vers les objectifs à atteindre : la motivation est la force incitatrice qui oriente l’énergie nécessaire à la réalisation des buts à atteindre ;
- l’intensité du comportement : la motivation incite à dépenser l’énergie à la mesure des objectifs à atteindre. Elle se manifeste par le niveau des efforts déployés dans le travail ;
- la persistance du comportement : elle se manifeste par la continuité dans le temps des caractéristiques de direction et d’intensité de la motivation.
L’estime de soi, de quoi parle-t-on ?
8L’estime de soi se construit initialement dans notre groupe d’appartenance primaire. Selon Jean-Claude Rouchy [3], « le groupe d’appartenance primaire est la matrice de l’identité culturelle du groupe ; c’est le creuset d’où procède l’individuation. Parents, fratrie, grands-parents, oncles et tantes, cousins proches, serviteurs, amis de longue date, baby-sitters ou même animaux familiers font partie de l’espace imaginaire du groupe d’appartenance primaire. C’est là que s’élaborent les limites de l’individu et du groupe, du moi et du non-moi, de l’intérieur et de l’extérieur, de l’imaginaire et du réel. C’est à partir de ces éléments que l’individu appréhende la réalité, lui donne du sens et la construit dans ses systèmes explicatifs ».
9L’estime de soi (autrement dit la valeur que nous accordons au reflet que nous renvoie le miroir du groupe – entreprise, collègues, etc. – dans lequel tout un chacun se regarde) s’est construite dans notre groupe d’appartenance primaire, puis elle a cheminé au gré des différents bains successifs dans les groupes d’appartenance secondaires. Ces groupes d’appartenance secondaires étant « tous les groupes institués au sein desquels des individus sont réunis. Ils complètent l’intériorisation culturelle et concrétisent l’appréhension de l’espace et du temps : ils ont donc une fonction de socialisation et d’intériorisation de normes et de valeurs ». Encore faut-il que ces groupes d’appartenance secondaires (au sein des entreprises mais pas seulement) puissent permettre des échanges et donc assurer cette fonction d’intériorisation de normes et de valeurs.
La reconnaissance, de quoi parle-t-on ?
10Comme le définit Jean-Pierre Brun [4], la reconnaissance est devenue une demande quasi unanime chez les salariés et une composante essentielle de la vie au travail. Elle touche toutes les organisations, privées ou publiques, et toutes les professions, du bas en haut de la hiérarchie. Elle prend la forme de revendications de salaire, de statut, mais aussi d’une demande plus générale et plus diffuse qui porte sur la personne elle-même, le « respect » et la dignité que chacun estime lui être dus.
11Elle se décline à travers quatre dimensions principales.
- Reconnaître la personne : la conception humaniste et existentielle s’intéresse aux personnes en tant qu’êtres singuliers. Dans cette optique, la reconnaissance porte sur l’individu et non sur l’employé. Cette reconnaissance s’adresse à Eric, Stéphanie, madame T., et non au « responsable marketing » ou à « la comptable » ; elle s’exprimera en termes de relations : saluer ses collègues lors de l’arrivée le matin, consulter les salariés avant de prendre une décision, les tenir au courant des décisions prises ou de l’évolution de l’entreprise. En somme valoriser tout ce qui respecte le salarié comme une personne importante dans l’organisation.
- Reconnaître les résultats : l’approche comportementale s’intéresse aux résultats effectifs, observables, mesurables et contrôlables du travail. Elle suppose implicitement que l’individu agisse en vue de résultats positifs qui sont le moteur de son activité. La reconnaissance des résultats porte principalement sur le produit final et est considérée comme une récompense. Ici, les modes de reconnaissance sont plus concrets et plus directs (le salaire à la pièce, l’intéressement aux bénéfices, la commission, la prime) ou bien plus symboliques (un courrier personnalisé envoyé pour souligner que l’objectif a été atteint, un « pot » après la fin d’un projet).
- Reconnaître l’effort : dans la perspective subjective, les résultats ne sont pas forcément proportionnels aux efforts fournis. Dans un marché déprimé, les salariés peuvent redoubler d’efforts sans que les résultats suivent. Cette conception de la reconnaissance porte sur l’effort, l’engagement et les risques encourus. Ici la reconnaissance, indépendante des résultats finaux, se vit surtout dans le registre du symbolique : elle va se traduire, par exemple, par des remerciements pour les efforts accomplis. S’il s’agit de l’investissement dans un projet, on confiera ensuite au salarié des responsabilités plus grandes. De ce point de vue, la logique de la délégation peut être regardée comme un signe de reconnaissance et de confiance.
- Reconnaître les compétences : la perspective éthique s’intéresse à la manière d’exécuter le travail, aux responsabilités individuelles, au souci porté à autrui, etc. La qualité de la relation est mise en avant. Dans cette conception éthique aussi sont pris en compte les valeurs et les principes moraux qui guident une organisation, qu’il s’agisse de l’égalité, de la justice ou de la responsabilité sociale. En termes concrets, cela suppose de ne pas seulement souligner la qualité d’un travail bien fait mais aussi de valoriser les dimensions cachées du travail comme la créativité, l’innovation ou l’autonomie.
L’estime de soi, passage obligé
12Il serait tentant de s’inscrire dans un schéma simple qui tracerait un lien direct entre reconnaissance et motivation, dans lequel les éléments de reconnaissance, émis par l’encadrement, impliqueraient automatiquement un renforcement de la motivation du salarié.
13L’expérience montre que, si certains éléments de reconnaissance tels qu’impliquer les salariés dans la prise de décision, distribuer des primes, remercier pour les efforts accomplis, reconnaître ponctuellement la qualité d’un travail bien fait, peuvent agir directement et efficacement sur la motivation du salarié, ils peuvent à d’autres moments, à l’inverse, constituer, des points de friction ou de tension. Exemples :
- des compliments ponctuels sur la qualité d’un travail pourront être perçus et acceptés par certains comme un signe fort de reconnaissance, mais perçus par d’autres comme le constat d’une exception par rapport au travail habituel et donc fortement rejetés ;
- un travail délicat confié à une personne pourra être perçu par l’un comme un signe de reconnaissance du professionnalisme et rejeté par l’autre qui le vivra comme une tâche qui lui échoit parce que personne n’en a voulu.
14Les éléments évoqués plus haut nous conduisent à représenter et à résumer la relation entre reconnaissance et motivation selon la figure ci-dessous. Tous les signes de reconnaissance n’auront pas une prise directe sur l’estime de soi et donc sur la motivation. Chaque individu va développer une réceptivité spécifique aux signes de reconnaissance qui lui seront adressés : ce qui sera perçu et reçu positivement par certains pourra a contrario être rejeté par d’autres.
Une relation indirecte
Une relation indirecte
L’impact des signes de reconnaissance
15Les signes de reconnaissance qui peuvent être donnés en situation professionnelle (rémunération, prime, reconnaissance du travail, reconnaissance des compétences…) vont être décodés et analysés par chaque salarié à travers ce que nous appellerons son « prisme d’impact », qui s’est forgé à partir d’éléments internes tels que sa culture ou ses valeurs, qui plongent leurs racines dans son groupe d’appartenance primaire.
16Au même titre qu’un prisme utilisé en optique va diffracter la lumière d’une manière singulière dépendant de ses caractéristiques internes (indice de réfraction, etc.), soit le prisme d’impact du salarié va « accueillir » l’élément de valorisation (réfraction du rayon lumineux incident) car cela répond à une attente implicite ou explicite, ce qui va stimuler la motivation ; soit l’élément de valorisation ne sera pas accepté et ne traversera pas le prisme d’impact (réflexion du rayon lumineux incident) car il ne répond pas aux attentes implicites et explicites du salarié.
17L’enjeu, pour le manager, sera donc de parvenir à cerner ces attentes, d’autant qu’elles sont à la fois explicites (en général exprimées directement en situation ou lors de différents entretiens) et implicites (dépendant des valeurs du salarié, de sa culture) et donc plus difficiles à identifier.
18Outre cette dimension interne au salarié (caractéristique de son prisme d’impact), la deuxième dimension critique permettant que s’accomplisse le processus « reconnaissance à estime de soi à motivation » réside dans l’authenticité avec laquelle le manager peut dispenser l’élément de valorisation. En effet, nous estimons, à la suite de Claudio Neri [6], que dans l’authenticité « il y a la capacité d’inclure dans son horizon les effets que les paroles dites et les actions faites auront sur l’autre. Il ne s’agit pas simplement d’être sincère et spontané. Il ne s’agit pas seulement de tenir un discours qui correspond à la réalité, mais aussi de tenir un discours qui correspond à la réalité de la relation. Être authentique ne signifie donc pas seulement faire ses comptes avec soi-même et ses propres caractéristiques, mais aussi avec les limites et les caractéristiques de l’autre ».
Des éléments de valorisation décodés par le salarié
Des éléments de valorisation décodés par le salarié
19Cette vision dualiste qui met en relation un salarié (avec son prisme) face à un manager (avec son authenticité) constitue un modèle théorique qui, s’il représente le maillon constitutif de la chaîne de la reconnaissance, est pensé et décrit ici « in vitro ». Ce modèle doit être maintenant confronté à une vision « in vivo » qui, tenant compte de l’environnement de travail et du contexte de l’entreprise, le confronte à toutes les influences des phénomènes groupaux (groupes d’appartenance secondaires tels que définis par Jean-Claude Rouchy, voir supra) existant dans l’entreprise.
Les interférences du contexte de l’entreprise
20Le contexte dans lequel va se développer le processus de reconnaissance aura une influence certaine sur la façon dont le salarié va le percevoir, le décrypter et l’analyser pour le traduire (à travers son prisme) en éléments de valorisation et de renforcement de « l’estime de soi ». De ce point de vue, nous avons identifié quelques éléments dont nous avons pu mesurer l’impact.
- Les conditions de travail. L’estime de soi est rehaussée quand les représentations mentales du corps au travail sont valorisées. Cela touche aux conditions de travail que l’on offre au salarié et qui vont lui permettre de se considérer comme reconnu et important dans l’organisation :
- l’état des bureaux, celui des vestiaires que l’on attribue au personnel, influent sur l’image de soi au travail, comme un signe de la reconnaissance que l’on a pour lui ;
- la mise à disposition d’un lieu dédié, par exemple un bureau attribué à la personne seule ou bien partagé mais à condition que son nom (parmi d’autres noms) soit inscrit sur la porte, est souvent perçu comme un élément de reconnaissance. En effet, il est important que chacun dispose d’un lieu où il se reconnaît. A l’inverse, ne pas disposer de lieu physique dans l’entreprise où l’on puisse s’identifier peut rendre impossible à terme de prendre une place dans l’organisation.
- La qualité des relations de travail dans le cadre de l’entreprise, et en particulier le développement des collaborations, permettra une plus grande proximité entre les différents acteurs. La reconnaissance des personnes et de leurs efforts en sera ainsi renforcée.
- La place accordée à la responsabilité et à l’initiative individuelle ou collective est une des composantes d’un processus de reconnaissance. Les entreprises qui donnent une place authentique aux initiatives individuelles ou collectives, et qui savent les valoriser, sauront reconnaître les résultats et les compétences de leurs salariés.
- La prise en compte et la valorisation des compétences et en particulier des compétences tacites est, sans aucun doute, un élément fort de reconnaissance. Il convient pour cela d’être attentif non pas seulement aux résultats et à la productivité mais également à la façon donc chaque salarié s’y prend pour tenir son emploi, en particulier la façon dont il mobilise ses compétences et notamment ses compétences tacites. C’est peut-être le signe de reconnaissance le plus attendu et peut-être le plus simple à donner en particulier à travers la mise en œuvre de dispositifs de transfert de compétences.
- la valorisation de l’expertise issue de l’expérience (les transférants sont, à cette occasion, étonnés de l’importance qui leur est accordée) ;
- la responsabilité de la transmission, qui représente une preuve réelle de la confiance qui leur est témoignée.
Une construction pas à pas et sans faux-semblants
21Le processus de reconnaissance. La culture du respect et du développement de l’estime de soi ne se décrète pas. Elle se construit par étapes :
- la conviction du dirigeant que la reconnaissance et le développement de l’estime de soi est le facteur clé de succès du renforcement de la motivation et donc un des leviers de la croissance. Il devra alors lui-même mettre en place le processus « reconnaissance à estime de soi à motivation » auprès des cadres dirigeants ;
- la mobilisation des cadres dirigeants dans le développement et le renforcement de la dynamique impulsée en l’appliquant eux-mêmes à l’encadrement de proximité ;
- l’accompagnement de l’encadrement de proximité dans la mise en œuvre du processus auprès de l’ensemble des salariés.
22Ne pas chercher à instituer, voire à imposer, des processus de reconnaissance que l’entreprise ne serait pas en mesure de mettre en œuvre (obstacles liés aux contraintes d’organisation, contraintes financières qui ne permettent pas de tenir des engagements pris) ou que les managers de proximité ne seraient pas en mesure de mettre en œuvre (changement culturel majeur).
23La place de l’encadrement. Le top management, et en particulier le dirigeant, devra être attentif à sa propre part d’authenticité : ne pas promouvoir des modes de reconnaissance dont il ne serait pas convaincu ; identifier quelles sont les limites de l’organisation et ses propres limites. Toute tentative pour faire évoluer le processus de reconnaissance devra commencer par une réflexion sur la valorisation des échelons intermédiaires. Tout changement de cap majeur dans la stratégie de reconnaissance devra être précédé par une analyse précise de ce que les managers peuvent accepter et mettre en œuvre en fonction de leur personnalité mais aussi de la façon dont ils sont eux-mêmes reconnus. Il conviendra de s’attacher à ce que le management et en particulier le management de proximité ne soit pas tenté de privilégier seulement des éléments de reconnaissance qu’il souhaiterait lui-même recevoir.
24Les postures de management. Développer des modes de management qui sortent des sentiers battus et qui donnent de la considération à l’individu en lui permettant de trouver du sens dans ce qu’il fait, comme par exemple :
- l’identification et la valorisation des compétences tacites ;
- la prise en compte des transgressions pour peu qu’elles soient justifiées et pertinentes ;
- le regard porté sur les gestes, les postures, en les considérant comme des modes singuliers d’expression d’un savoir-faire.
25Les modes d’action possibles. Aujourd’hui, on sait intervenir sur les conditions de travail, l’organisation, la rémunération… Toutes les actions entreprises dans ces domaines répondent généralement à des attentes explicites formulées individuellement ou collectivement. Les stratégies de motivation échouent si elles n’atteignent pas l’individu dans son image de soi. Ainsi, accorder une augmentation peut être un élément de valorisation mais qui ne vaut qu’un temps. Et donner une prime ne renforcera pas nécessairement et de manière durable la motivation, même s’il ne faut pas sous-estimer la valeur de l’argent comme élément de valorisation.
26La difficulté est d’arriver à cerner la réalité des attentes des salariés, d’autant que ces attentes sont à la fois explicites (en général exprimées directement en situation ou lors des différents entretiens) et implicites (beaucoup plus difficiles à identifier).
27Les attentes implicites se construisent à partir des valeurs auxquelles le salarié est attaché, la culture à partir de laquelle il a construit ses références au sein de son groupe d’appartenance primaire. C’est à ces éléments qu’il va rattacher les signes de reconnaissance qui lui sont proposés. Les actions possibles pour répondre aux besoins de reconnaissance et donc souvent aux attentes implicites (donc non formulées) sont plus complexes et difficiles à mettre en œuvre.
28Il convient avant tout d’identifier et prendre en considération la façon dont chaque individu se projette dans le travail, en tenant compte des éléments constitutifs de cette projection :
- l’image sociale qu’il attache à son métier ;
- la capacité de projection de son évolution dans le temps ;
- le sentiment de liberté dans l’organisation de son travail ;
- le niveau d’autonomie qu’il perçoit ;
- la liberté de choix vécue dans ses évolutions professionnelles ;
- le sentiment de protection qu’offre l’entreprise.
29« Faites ce que vous pensez pouvoir faire, mais faites que cela ait du sens. »
Notes
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Robert Diez a codirigé pendant vingt ans le cabinet Itaque, dont il est un des fondateurs. Il a réalisé de nombreuses missions en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et a développé une démarche spécifique de transfert de compétences.
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[**]
Pierre Carton a une double formation de docteur en pharmacie et de psychologue clinicien. Après avoir travaillé douze ans dans l’industrie pharmaceutique, il exerce maintenant en institution et cabinet libéral, et intervient en entreprise, en particulier dans le cadre de formations à la prévention et à la gestion du stress et des conflits.
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[1]
R. J. Vallerand et E. E. Thill, « Introduction au concept de motivation », Études vivantes – Vigot, 1993.
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[2]
P. Roussel, « La Motivation au travail – Concept et théories », notes du LIRHE, n° 326, octobre 2000, université Toulouse I.
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[3]
J.-C. Rouchy, Le Groupe, espace analytique, éditions Erès, 2008.
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[4]
J.-P. Brun, « La reconnaissance au travail », Sciences humaines, 30 mars 2010.
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[5]
Voir R. Diez et L. Sarton, Transférer les compétences, Eyrolles, 2012.
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[6]
C. Neri, « L’authenticité comme finalité de l’analyse », présentation lors de la conférence de la SEPEA, Paris, 19 septembre 2010.