Couverture de EMR_150

Article de revue

De la création de valeur à la création de valeurs

Pages 48 à 59

Notes

  • [*]
    Spécialiste des marchés financiers pendant quinze ans (journaliste à BFM, Bloomberg TV, Le Figaro, Le Journal des Finances-Investir…), Yannick Roudaut est conférencier, auteur et entrepreneur. Il crée des passerelles entre le monde de la finance, les ONG, l’économie, l’écologie, la philosophie et les questions sociales/sociétales. Expert à l’Association pour le progrès du management et au GERME, codirigeant du cabinet Alternité, il a publié L’Alter Entreprise (Dunod, 2008) et La Nouvelle Controverse (La Mer Salée, 2013).
  • [1]
    Voir, sur le site du Réseau entreprise et développement durable (REDD), R. G. Eccles, I. Ioannou et G. Serafeim, « The Impact of a Culture of Corporate Sustainability on Corporate Behavior and Performance », working paper 12-035, Harvard Business School, 2011, résumé par Chelsea Hicks et l’équipe du REDD.
  • [2]
    ISO 26000 : démarche de responsabilité sociétale des entreprises. ISO 14001 : norme relative à la démarche environnementale des entreprises. Agriconfiance : label de traçabilité, de transparence, de sécurité des aliments et de respect de l’environnement.
  • [3]
    Association pour le maintien d’une agriculture paysanne : les adhérents s’engagent à payer une cotisation annuelle, laquelle leur donne droit à un panier de légumes par semaine. L’agriculteur bénéficie ainsi d’un débouché et d’un revenu garantis.
  • [4]
    Voir REDD, op. cit.
  • [5]
    Interviewé par Yann Verdo et Muriel Jasor, Les Échos, 17 octobre 2012.
  • [6]
    Auteur de La Troisième Révolution industrielle, Les Liens qui libèrent, 2012.
  • [7]
    On dit qu’une banque est trop grosse pour faire faillite lorsque l’on estime que sa faillite mettrait en péril l’économie voire tout le système financier, et que les États ne pourraient la renflouer. A la suite de la crise financière de 2008, de nombreuses grandes enseignes américaines ont fusionné entre elles donnant naissance à des méga-banques dont la faillite serait catastrophique.

1Le concept de création de valeur touche à sa fin. Dans un monde confronté à une multicrise (crise financière, économique, sociale, philosophique, écologique...), la demande de sens commence à s’affirmer. Paradoxe de la situation, plus le consommateur occidental s’appauvrit, plus il s’interroge sur le bien-fondé de ses achats. Il passe progressivement d’une hyperconsommation aveugle à une consommation réfléchie, dont le sens deviendra progressivement la pierre angulaire. Plusieurs éléments vont contribuer à faire émerger la demande de sens et d’engagement dans la société : l’appauvrissement des classes moyennes occidentales en est un, la prise de conscience progressive du défi écologique en est un autre. L’aggravation de la crise sociale joue le rôle d’accélérateur.

2Pour répondre à ces attentes croissantes de sens, les dirigeants d’entreprise vont devoir mettre en avant leur engagement, leurs valeurs. Il ne s’agira pas de se limiter à graver sur le fronton de l’entreprise « Performance, Qualité, Écoute ». Ces valeurs certes louables pourraient paraître « creuses » au regard des nouveaux défis écologiques, sociaux, philosophiques et économiques à relever. Il s’agira plutôt de définir et d’apporter les preuves que l’entreprise s’engage à répondre au triptyque économie-environnement-social (ou sociétal). L’entreprise va donc devoir s’engager avec sincérité et cohérence. Elle va devoir porter des valeurs de respect global. C’est à ce prix qu’elle donnera du sens à ses services ou à ses produits. C’est à ce prix qu’elle motivera ses futurs collaborateurs en attente de réponses aux questions économiques, environnementales et sociales. Cela sous-entend que la recherche de rentabilité ne devient plus l’ultime fonction de l’entreprise, but rarement avoué aussi ostensiblement. La recherche de rentabilité devient un paramètre parmi les autres.

Le RIESE, un autre retour sur investissement

3Depuis la grande vague de déréglementation de l’économie et en particulier de la finance, le triptyque économie-environnement-social a été balayé de la main au profit du culte de la rentabilité. Cette recherche de résultats uniquement financiers est poussée à son paroxysme dans le monde financier. Dans l’industrie, la démarche est compréhensible, mais elle n’est pas acceptable. Elle n’est pas acceptable car cette démarche n’est pas complexe, elle est réductrice et dangereuse. Elle nous pousse vers une récession durable et une destruction de la biosphère. Combien de dirigeants rencontrés ces dernières années m’ont répondu : « L’environnement et le sociétal, c’est bien joli, nous sommes tous d’accord avec vous, mais économiquement nous ne pouvons pas nous le permettre ! » Une grande majorité sont prisonniers d’un modèle économique dont ils aimeraient sortir, mais dont ils ne savent comment s’affranchir. Que les choses soient bien claires, hormis quelques « patrons voyous » médiatisés ou non, nombreux sont les dirigeants qui aimeraient bien vendre aussi des valeurs, mais qui sont piégés par des clients ou des actionnaires pour qui seuls le prix, le retour sur investissement, les résultats trimestriels comptent. Sortir de cette logique est pourtant nécessaire. La course au moins-disant conduit à la mort des entreprises, à la disparition des savoir-faire, à une succession de crises économiques et sociales.

4Dès lors qu’une entreprise s’engage à respecter le « triptyque vertueux », elle suscite de la motivation en interne et de la créativité sur les questions environnementales et sociales. Elle véhicule et incarne des valeurs. Elle devient plus performante financièrement. Robert Eccles et George Serafeim (université Harvard) et Ioannis Ioannou (London Business School) ont identifié des entreprises qui ont adopté des politiques de développement durable dès le milieu des années 90. Les chercheurs ont jumelé 90 entreprises qu’ils ont qualifiées de « hautement durables » avec 90 entreprises qualifiées de « faiblement durables ». Ensuite, ils ont suivi l’écart de performance financière sur une base annuelle pour chaque paire d’entreprises entre 1992 et 2010. Sur le long terme, les entreprises hautement durables ont réalisé une performance nettement supérieure à leurs homologues. Cette performance a été mesurée à l’aide d’indicateurs financiers tels que le rendement de l’actif et le rendement des capitaux propres ainsi que la volatilité des cours des actions [1].

5Plutôt que de rechercher un retour sur investissement strictement financier, le dirigeant d’une entreprise engagée, porteuse de valeurs, recherche un retour sur investissement économique, social (sociétal) et environnemental. C’est le RIESE. Pour chaque décision d’investissement, il soupèse l’impact financier, l’impact environnemental et l’impact social. Dans l’idéal, les trois critères représentent chacun 33,33 % de la décision finale. Et c’est parce que le décideur donne la même importance à ces trois critères, qu’il créera non plus de la valeur, mais des valeurs. En s’engageant davantage dans les questions sociétales et environnementales, l’entreprise devient plus performante économiquement. Traitées séparément, ces trois thématiques ne se nourrissent pas entre elles. Elles peuvent même être source de destruction de valeur. C’est le traitement simultané des trois thématiques qui est à l’origine de la mutation vers une entreprise engagée, trouvant sa place dans l’économie du sens.

Les points forts

Pour faire face aux défis du xxie siècle et répondre à la demande de sens de la société, les entreprises vont devoir s’engager dans le triptyque économie-environnement-social avec sincérité et cohérence.
Des pionnières qui explorent de nouveaux processus de production, circuits de distribution, modes de management… avec cette perspective montrent la voie d’un nouveau modèle économique.
Les valeurs de transparence, liberté, simplicité remettent en question les marchés captifs et l’antagonisme fournisseur-usager. Latéralité, décentralisation, coopération annoncent des évolutions radicales.

Des entreprises pionnières, en transition

6Dans ce monde en plein bouleversement, des entrepreneurs nous montrent la voie de ce que pourraient être les organisations économiques de demain, les entreprises capables de répondre aux défis du xxie siècle. Ces « alter entreprises » ne sont pas parfaites ou exemplaires – rechercher la perfection, la vertu, est un travers dans lequel il faut bien se garder de tomber. Elles sont plutôt des pionnières, explorant de nouvelles formes de management, de nouveaux circuits de production, de nouveaux process et une autre façon de communiquer. Ces entreprises ont entamé une démarche de progrès. Elles réinventent les modèles économiques, les « business model ».

7Il ne s’agit pas ici de faire l’éloge de ces dirigeants, de les porter aux nues comme icônes. Au contraire, ceux qui changent leur entreprise sont bien trop conscients du chemin qu’il reste à parcourir, ils voient tout ce qu’ils pourraient faire encore, qu’ils vont tenter d’accomplir demain. Ils ne se sentent pas exemplaires mais acteurs. Leur motivation se limite souvent à donner du sens à leur action et à démontrer qu’une autre voie est possible.

8Si nous acceptons la simple idée que l’entreprise vertueuse n’existe pas, si nous faisons preuve de bienveillance à l’égard de ces dirigeants, alors nous nous donnons les moyens de faire émerger l’économie du sens. Trop souvent les entreprises qui s’engagent sont attaquées sur ce qu’elles ne font pas. Nous tombons très facilement dans la recherche de perfection, dans la quête de la vertu, alors qu’en réalité la démarche de progrès nécessite l’acceptation d’un compromis. L’entreprise durable, respectueuse du triptyque, ne peut être pure ni parfaite. Elle offre inévitablement des aspérités que les réticents au développement durable saisiront pour rejeter en bloc la démarche.

9Léa Nature, le RIESE en application. Fondée et dirigée par Charles Kloboukof, Léa Nature conçoit des produits naturels et biologiques bénéfiques pour la santé, des produits alimentaires, d’hygiène et de beauté. En une vingtaine d’années, le groupe s’est hissé parmi les premiers acteurs français de ce secteur en France. Ses produits sont vendus en grandes et moyennes surfaces sous les marques Jardin Bio, So’Bio, Floressance, Karéléa ou en magasins spécialisés et pharmacies : Lift’Argan, Natessance, Eau thermale Jonzac, Carte Nature, Vitamont… En 2012, Léa Nature comptait plus de 700 collaborateurs pour un chiffre d’affaires 2011 de 120 millions d’euros.

10• Une « entreprise militante ». « Chez Léa Nature, la rentabilité n’est pas une finalité, c’est une contrainte que nous devons gérer », explique son dirigeant. Contrairement à la très grande majorité des entreprises existantes en Occident, pour Léa Nature l’objectif de rentabilité n’est qu’une composante parmi une série d’objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux : « Notre objectif est écologique avant d’être économique. Nous faisons de “l’éconologie”. Nous avons pour but à la fois d’assurer la croissance, l’autonomie et la pérennité de l’entreprise, de nous situer dans une fourchette de résultats d’exploitation et de ratios d’endettement suffisants, mais notre satisfaction première n’est pas là. Notre satisfaction, c’est d’avoir un véritable impact sur la biodiversité, de neutraliser écologiquement l’ensemble de nos activités économiques en termes d’émissions polluantes. […] Nous avons également pour ambition de donner du bonheur intérieur brut à nos collaborateurs, de les mettre dans les meilleures conditions de travail pour qu’ils puissent s’épanouir et rester fidèles à l’entreprise. Cela passe par un certain nombre de partis pris qui peuvent paraître antagonistes par rapport à des notions de productivité. […] Autre parti pris, l’entreprise est un élément de la société et elle doit contribuer à s’intégrer dans les milieux associatifs, dans la vie publique… » Voilà en quelques mots comment Charles Kloboukof présente son entreprise et la mission qui l’anime.

11Dans les faits, cela se traduit par une série de mesures concrètes que les clients/partenaires et les collaborateurs du groupe peuvent apprécier au quotidien. Sans faire l’inventaire de toutes les actions menées par Léa Nature dans le respect de ces valeurs, deux familles d’actions peuvent être distinguées : celles qui sont menées en dehors de l’entreprise et celles qui sont menées directement dans l’entreprise, au quotidien.

12• Des actions d’engagement. Le groupe soutient de nombreuses associations dont la vocation est la protection de la nature ou l’amélioration des conditions de vie des hommes : Générations futures, Terre & Humanisme, Compost’Age, Echo mer, France nature environnement, Atout fruits, Colibris, Bio consomm’acteurs… Léa Nature adhère au « Club 1 % pour la planète », adhésion qui exige que l’entreprise verse 1% de son chiffre d’affaires ou de celui d’une de ses filiales à l’association. Au final, toutes actions cumulées, Léa Nature verse l’équivalent de 600 000 euros par an à des ONG œuvrant pour le respect de l’environnement.

13Charles Kloboukof n’hésite pas à prendre position dans la presse pour une alimentation sans pesticides. Un engagement fort qui donne de la cohérence à l’action du groupe. De nombreux projets de mécénat et des associations sportives et culturelles sont également soutenus par le groupe sur son territoire (près de La Rochelle) et au-delà. La cohérence du groupe est fondée sur une organisation humaine, logistique, économique, qui met l’homme et la nature au cœur de la stratégie de l’entreprise.

14• Des actions menées en interne. Outre la réalisation de bâtiments agréables à vivre pour les collaborateurs, Léa Nature s’efforce de réduire autant que possible son empreinte écologique. « Nous recherchons une cohérence écologique entre les produits que nous fabriquons et la façon de les concevoir » (Capucine Decoster, responsable des projets développement durable). Au jour le jour, cela se traduit bien sûr par la maîtrise des dépenses énergétiques, par l’utilisation de matériaux écologiques et des énergies vertes dans le bâti, des éclairages optimisés, la mise en place d’un processus d’écoconception, ou encore la réduction des emballages des produits.

15En 2012, le groupe a également décidé de relocaliser en France et au plus près des centres de transformation l’essentiel de ses approvisionnements agricoles. Cette décision se traduit par une sensible augmentation des prix de l’approvisionnement, mais le choix est politique : Léa Nature s’engage pour soutenir l’agriculture bio en France. « Dès lors que vous avez créé une dynamique, vous ne pouvez plus revenir en arrière. Si nous voulons soutenir la filière agricole bio en France, il est de notre responsabilité d’acheter davantage local », souligne Charles Kloboukof. Un bel exemple de stratégie globale qui va à l’encontre du modèle économique dominant de recherche du moindre coût, quelles qu’en soient les conséquences humaines et environnementales à moyen terme, et qui permet de bâtir un projet d’entreprise créateur de valeurs économiques, écologiques et sociétales.

16Piola, la transparence à tous les niveaux. Le secteur de la chaussure est particulièrement compétitif. L’essentiel de la production est aujourd’hui réalisé en Asie.

17Piola est une jeune société créée par Antoine Burnier en 2010, rejoint par Quentin Richard en 2011. A 26 ans, ces jeunes entrepreneurs ont décidé de s’imposer dans ce secteur concurrentiel en jouant la carte de la transparence totale. « Piola se met à nu » est en quelque sorte la signature de l’entreprise. Tout le processus de fabrication est expliqué, depuis le choix du coton bio jusqu’à celui du caoutchouc naturel fournis par les petits producteurs péruviens. Piola livre toutes les quantités achetées, les prix, l’origine, le mode de transformation. Et comme il ne s’agit pas de tricher dans un monde interconnecté, la marque n’hésite pas à dire quelles sont les limites de son modèle : « Nous ne prétendons pas être équitables sur toute la chaîne de valeur. Plusieurs usines fabriquent les baskets (comme Calzados Chosica), elles représentent des centaines de salariés. »

18En jouant la carte de l’honnêteté et de la transparence, l’entreprise créé un lien affectif avec ses clients. Quand on achète une paire de chaussures Piola, on achète une certaine forme d’intégrité, des valeurs sociales et environnementales. « Piola agit, et elle n’est pas seule. Partenaire via l’organisation Chemonics d’un programme de l’ONU de lutte contre la pauvreté, on ne se contente pas de signer des promesses ou de reverser des fonds. Notre volonté et notre engagement, c’est de travailler à construire du concret. Si on prépare un business plan avec les coordinateurs de projets, c’est pour gagner 100 000 euros pour financer des ponts nécessaires à la construction d’ateliers. » Autre engagement, celui de ne pas dépenser d’argent dans la recherche d’une quelconque certification, mais de reverser ces sommes aux producteurs péruviens ! Et le tout pour un prix comparable à des marques mondialement connues mais plus difficilement crédibles sur leur implication environnementale et sociale.

19Point important, les dirigeants de Piola ne recherchent pas l’exemplarité. Ils ont compris une chose : les consommateurs engagés sont conscients de la difficulté de mettre en place un processus qui serait d’un bout à l’autre équitable. En revanche, ils en voudraient à Piola de leur cacher certains éléments de la chaîne au profit d’une politique d’image. C’est ce que la majeure partie des grands groupes mondiaux n’ont pas encore compris.

20Buzet, une redéfinition des valeurs. Autre secteur, autre engagement. Sur un marché hautement concurrentiel, le vin, les Vignerons de Buzet ont choisi de faire du respect social, sociétal et environnemental, la clé de voûte de leur entreprise, le tout en assurant une rentabilité nécessaire à la pérennité des exploitations agricoles. Une nouvelle fois, ce projet a été porté par un homme, Pierre Philippe, directeur général de la coopérative. A son arrivée, en 2005, l’entreprise était à la dérive. Il décide alors de faire du développement durable la pierre angulaire du « nouveau Buzet ». Il en fait un projet d’entreprise pour créer du lien en interne, pour mobiliser ses équipes et les vignerons habitués à pratiquer une viticulture traditionnelle, à base de produits phytosanitaires.

21Pierre Philippe décide alors de créer de l’adhésion autour de son projet en incitant toute l’équipe de Buzet à travailler autrement. « Nous étions, adhérents et salariés, à la recherche de sens pour notre entreprise… C’est donc naturellement que le développement durable a pris sa place dans notre quotidien. […] Il n’est pas simplement question de “stratégie” ou de “tactique” mais bien du changement de nos comportements et de nos logiques, changement vital et exigeant en cohérence », souligne Pierre Philippe. La traduction de cette philosophie se décline en sept axes de progrès : soin et protection de la vigne, respect de la biodiversité, maîtrise des ressources et innovations environnementales, écoconception et achats responsables, ancrage territorial et pérennité des exploitations, adaptation-formation et insertion, et enfin développement commercial.

22Sur le terrain, les Vignerons de Buzet multiplient les actions en accord avec le triptyque économie-environnement-social. « Nous avons intégré les enjeux du développement durable dans toutes nos activités, allant de la protection de la vigne à l’écoute de nos clients et de la biodiversité à l’écoconception de notre production », précise Pierre Philippe.

23Concernant la biodiversité, des nichoirs sont régulièrement installés dans le vignoble pour permettre à la chouette chevêche d’Athéna, aux chauves-souris, aux bergeronnettes et aux mésanges de se réapproprier l’espace viticole. La réintroduction dans le vignoble de ces espèces animales permet de créer un équilibre avec des populations d’insectes parfois gênantes pour la vigne. Aucun engrais chimique n’est utilisé. L’enherbement des vignes permet aux lapins et autres rongeurs de se développer. La plantation d’un mélange de graminées et de féveroles entre les vignes contribue à décompacter le sol, à l’aérer, faciliter l’irrigation et réaliser des apports en azote. L’intégration d’insectes, les typhlodromes, permet de limiter de manière significative les traitements chimiques contre les acariens et araignées rouges. En réunissant les conditions de développement de la faune et de la flore dans les vignes, Buzet réduit progressivement et de manière sensible l’utilisation d’insecticides et de pesticides.

24Cette union du meilleur des innovations techniques et des produits naturels permet à l’entreprise d’évoluer vers un modèle soutenable sur le plan économique (rendements constants), écologique et social. « Nous avons mis en œuvre une approche globale, différente. Pour cela, nous considérons de manière interdépendante les questions qui se posent à notre entreprise », indique Pierre Philippe. Cette démarche a permis aux Vignerons de Buzet d’être la première société agroalimentaire en France à être évaluée ISO 26000 par l’AFNOR. Buzet répond également à la norme ISO 14001 et a reçu le label Agriconfiance [2].

25Au-delà de cette validation technique de la démarche, l’entreprise bénéficie désormais d’une image « engagée » dans le monde du vin. « Bien qu’il ne soit jamais possible de mobiliser tous les vignerons autour de ces valeurs durables, les retombées humaines, techniques (innovations), publicitaires et commerciales de notre démarche sont bien réelles », conclut Pierre Philippe.

26Vénétis, le contrat de travail partagé. Pionnier de l’économie collaborative, Vénétis est né en 1997 sous l’impulsion de Chantal Tabur. Élue adjointe au maire de Vannes, chef d’entreprise, Chantal Tabur prend conscience des conséquences de la précarité des salariés en contrat à durée déterminée : ceux-ci enchaînent les contrats, ont des difficultés à prendre des vacances, à souscrire un crédit immobilier et ils manquent totalement de visibilité financière et professionnelle. Avec ses collègues du club Entreprises du Pays de Vannes, elle décide alors de s’inspirer du modèle des groupements d’employeurs agricoles pour partager les moyens humains et sortir ces personnes de la précarité. Le but de l’association est simple : mettre en relation des entreprises d’un même territoire afin qu’elles puissent partager les compétences d’un ou plusieurs collaborateurs.

27Présidée depuis 2003 par Loïc Pilorget et dirigée depuis l’origine par Franck Delalande, l’association emploie aujourd’hui 140 personnes en contrat partagé à durée indéterminée pour 260 entreprises. Vénétis collecte les besoins en compétences à temps partiel de plusieurs entreprises et cherche ensuite l’homme ou la femme qui pourra combler ce besoin durable, un contrat partagé entre entreprises adhérentes. Un contrôleur de gestion peut ainsi travailler deux jours par semaine pour une entreprise A et trois autres jours pour une entreprise B évoluant dans un secteur d’activité totalement différent. Les deux contrats à temps partiel sont agrégés et transformés en un contrat à durée indéterminée à temps complet Vénétis. Cette formule collaborative place le salarié et l’entreprise dans un rapport gagnant-gagnant.

28L’offre collaborative de Vénétis permet au salarié de bénéficier d’un CDI, de sortir de la précarité des petits contrats à durée déterminée et à temps partiel, d’améliorer ses compétences par le croisement des expériences vécues dans différentes entreprises et de développer sa flexibilité donc son employabilité. La formule du CDI partagé lui permet également de moduler son temps de travail selon l’équilibre de vie qu’il souhaite bâtir.

29Pour les entreprises, les avantages sont nombreux. Grâce à la flexibilité de l’offre, elles accèdent à des compétences à temps choisi, à hauteur de leurs besoins. Une PME de 50 salariés peut rarement s’offrir les services d’un directeur des ressources humaines à temps plein. Avec cette offre collaborative, elle peut avoir un DRH une journée par semaine. Autre atout, le collaborateur Vénétis est généralement très motivé dans sa mission car il multiplie les expériences de travail et arrive dans l’entreprise pour remplir sa fonction dans les meilleures conditions possibles. Il ne subit pas « l’effet routine » qui peut toucher des salariés à temps plein dans la même entreprise.

30L’originalité et le bon fonctionnement de l’offre tiennent en quelques mots : « L’entreprise a besoin de flexibilité et les salariés de sécurité. C’est ce que nous offrons aux deux parties », souligne Franck Delalande. « Kerfood, une entreprise située à Belle-Ile-en-Mer a grandi en partie grâce à nos services. Elle commercialise des produits locaux (Carabreizh) fabriqués et développés par des compétences locales. Kerfood a commencé par employer une personne de chez nous en comptabilité une journée par semaine, puis une personne pour se développer à l’export. Nous lui avons trouvé une autre personne pour l’animation du webmarketing, puis une autre spécialisée en ressources humaines… Aujourd’hui Kerfood emploie près d’une quarantaine de personnes sur Belle-Ile et Landévant », relate le dirigeant.

31En outre, Vénétis peut se vanter aujourd’hui d’être devenu un outil de partage des expériences. En effet, au-delà de la mutualisation des compétences, les dirigeants adhérents partagent leurs projets et leurs problématiques. Cette mise en relation est non seulement créatrice de partenariats économiques mais aussi de rencontres humaines.

La latéralité et ses grandes conséquences

32Au-delà de la nécessité de remettre du sens au cœur de l’activité économique, de l’activité humaine, il est également impératif de prendre en compte les attentes de latéralité qui émanent de la société civile et des collaborateurs en entreprise.

33La fin de certains « business models ». Avec la fin progressive de la verticalité, toute l’économie est à repenser. Certains modèles de développement ne seront plus tenables. Nous allons, par exemple, progressivement vivre la fin des marchés « captifs ». Ces derniers sont la base d’un modèle d’entreprise qui consiste à vous vendre une voiture que vous ne pouvez pas réparer seul ou faire réparer ailleurs que chez un garagiste équipé de la technologie développée par le fabricant. C’est une sorte de privation de liberté, qui va totalement à l’encontre de la pensée ouverte propre à Internet. Dans l’industrie du logiciel, Linux, un système totalement ouvert, s’est bâti grâce à la collaboration de milliers de développeurs répartis à travers le monde. C’est typiquement un modèle d’entreprise du xxie siècle. A l’opposé, Microsoft, propriétaire d’un système verrouillé, qui nécessite l’achat de logiciels particuliers pour fonctionner, a créé des marchés captifs. Deux visions du marché s’opposent. L’un est totalement ouvert, on parle d’open source, tandis que l’autre est totalement fermé. Le client est captif, otage.

34Dans le monde en devenir, les marchés captifs auront de moins en moins leur place. Le premier fabricant automobile qui mettra sur le marché un véhicule simple à réparer, via la commande de pièces électroniques sur un site Internet, cassera les codes du marché actuel, mais s’ouvrira à une clientèle en attente de liberté et de choix économique. D’un côté, nous avons une catégorie de personnes qui a structuré sa pensée sur les notions de propriété, de hiérarchie, de barrières à l’entrée… de l’autre une nouvelle génération Internet pour qui les maîtres mots sont la latéralité, la transparence, l’ouverture, la simplicité. Un choc des cultures.

35De « l’acheteur-vendeur » au « gagnant-gagnant ». Autre concept remis en cause par le pouvoir latéral, la relation antagonique vendeur-acheteur. Dans le système économique actuel, le bras de fer est permanent entre les acheteurs et les vendeurs. C’est le principe fondateur de l’économie de marché. Acheteurs et vendeurs s’affrontent pour trouver un terrain d’entente, le fameux équilibre, la « main invisible » d’Adam Smith. Dans un système économique collaboratif, donc plus latéral, ce dogme vole en éclats. La relation vendeur-acheteur cède la place à une relation fournisseur-usager. C’est le retour du « gagnant-gagnant ».

36Prenons l’exemple d’une petite société française, La Ruche qui dit oui. Le concept de La Ruche consiste à réunir des consommateurs via le Net pour acheter directement aux producteurs de denrées alimentaires. Mais contrairement à certains sites d’achats groupés, la force du modèle repose sur l’absence de négociation commerciale en amont. C’est une logique de partenariat et non plus une relation de fournisseur à client dans le rapport de force. Comment cela fonctionne-t-il ? Le producteur de légumes propose ses pommes de terre locales à 1,20 euro le kilo avec pour condition un volume minimal de 100 kilos. L’animateur de La Ruche (bénévole ou rémunéré) réunit ses amis, ses voisins, ou connaissances, via le Net. Il diffuse l’offre de l’agriculteur au sein de sa communauté. Quand le seuil des 100 kilos de commandes est atteint, l’animateur organise la réception de la marchandise chez lui et fixe une date de retrait pour l’ensemble des acheteurs.

37Contrairement à ce qui se passe dans les AMAP [3], l’adhérent à une Ruche peut choisir ses produits. Il n’est pas contraint de retirer un panier de légumes par semaine. C’est une nouvelle forme de commerce, sans intermédiaires, qui n’a de sens que si elle s’appuie sur le collectif. Et l’expérience est séduisante car elle répond à une contrainte économique, sociale et environnementale : je paie mes aliments moins cher, je respecte le travail du producteur en acceptant de payer le prix qui lui convient, je réduis le bilan carbone des produits en limitant le recours aux transporteurs routiers et en consommant local, je partage un moment de convivialité au moment du retrait de mes courses. Et, si les produits sont issus d’une culture biologique ou raisonnée, je participe à la préservation de la nature. L’entreprise à l’origine de ces Ruches n’est pas une association à but non lucratif. Elle applique une marge de 10 % sur les prix. C’est une organisation latérale.

Management : une sérieuse remise en question

38Les entrepreneurs collaboratifs commencent tout juste à apparaître. La société, son organisation politique, le monde de l’entreprise sont encore largement dominés par la pensée verticale. Dans l’entreprise, il est encore très courant de rencontrer des dirigeants qui pensent détenir le pouvoir parce qu’ils détiennent la connaissance : « je sais, donc je dirige ».

39Cet héritage des siècles précédents commence à être sérieusement remis en cause sous la pression latérale. Lors d’un recrutement, le jeune candidat à un poste en sait désormais autant voire plus sur son interlocuteur recruteur que ce dernier n’en sait sur lui. Pourquoi ? Tout simplement parce que la connaissance est largement diffusée sur le Net. Tout enfant de la génération Y qui se respecte aura « googlé » son interlocuteur avant la rencontre. Vous êtes fan de voile, de golf ? Il le sait. Vous êtes à l’origine d’une success story ou d’un échec retentissant, vous avez mis en place un plan social dans une autre entreprise ? Il le sait aussi.

40Les conséquences de cette décentralisation, de cette horizontalité de la connaissance, sont multiples en termes de management. Un dirigeant doit dorénavant savoir se fondre dans « l’esprit réseaux ». Il doit savoir partager l’information, enrichir la communauté qu’il dirige, pour en retour en tirer des éléments de décision. Partager n’appauvrit pas. Au contraire, la démarche permet de bénéficier de retours enrichissants.

41Très concrètement, cela sous-entend que le dirigeant de l’entreprise sera de plus en plus celui qui décide et non celui qui sait ! Le savoir étant mis en commun, ce qui donnera toute sa légitimité à un dirigeant ne sera plus le fait de savoir (et de pratiquer la rétention, la distillation d’informations) mais sa capacité à prendre une décision après collecte des avis, enrichissements, amendements de son idée. Plus il diffusera, partagera une connaissance ou une idée, plus elle sera enrichie par ses collaborateurs. Il lui reviendra alors de prendre la décision qui s’impose. Le constat peut paraître évident, mais on a souvent tendance, dans l’entreprise, à confondre savoir et pouvoir, connaissance et autorité. Les attentes de la jeune génération sont d’ailleurs très fortes en matière de transparence, de communication sur des projets qui ne les concernent pas directement mais qui relèvent de l’entreprise.

42Cela sous-entend un management plus distributif, plus latéral en matière d’information et de prise de décision. Cette latéralité requiert aussi une meilleure participation des salariés aux résultats, voire au capital de l’entreprise. Le modèle d’entreprise capitaliste verticale, basé sur une scission entre le capital (les investisseurs) et les collaborateurs (le travail), pourrait être sérieusement remis en question dans le nouveau monde. Au-delà du rejet croissant de la sphère financière dans l’opinion publique, du fait de la multiplication des affaires de fraudes ou de tricherie (celle du Libor en 2012 et 2013) et des rémunérations exorbitantes accordées aux « tricheurs », les attentes de transparence et d’implication de la génération connectée poussent à une refonte du modèle [4]. Le modèle coopératif tel que nous le connaissons actuellement en Europe n’est pas forcément applicable à toutes les entreprises. Chaque cas est particulier. En revanche, l’implication par un investissement direct au capital devrait se développer sous la poussée collaborative d’une génération au mode de pensée latéral. Séparer la question du pouvoir capitalistique de la question des décisions serait une erreur.

43Si le management devient plus latéral, plus coopératif au cours des prochaines années, le capital deviendra aussi moins vertical. Le paléoanthropologue Pascal Picq [5] confirme que le modèle centralisé actuel, concentré sur la performance isolée, n’est pas adapté à une vision durable de la société humaine. « En France, fille aînée du cartésianisme et du taylorisme, la productivité et la performance absolue priment dans le travail. La structure détermine les postes, elle les attribue, et chacun est prié d’exécuter au mieux sa tâche. Résultat : les salariés des grands groupes, le nez dans le guidon, n’accordent guère de temps à l’entraide et au partage qui, de toute façon, ne sont pas évaluables. Et si les choses tournent mal, le système – seul responsable – remplace les titulaires des postes. En revanche, dans un groupe où la structure n’est pas toute-puissante, il est possible d’accorder une plus large place au partage d’expérience et à l’échange. On manage alors autre chose que du temps de travail. Les entreprises les plus innovantes sont celles qui incitent leurs acteurs, à tous les niveaux, à échanger et à s’écouter mutuellement. Et là, tout le monde se sent responsable ! […] En entreprise, ça se traduit par quoi ? Par moins d’autoritarisme, plus de marge de manœuvre pour les salariés, plus de collaboration… L’innovation ne doit pas être le seul apanage des ingénieurs, mais résulter du “bricolage” collectif d’un ensemble d’acteurs : philosophes, artistes, scientifiques, designers, etc. »

Énergie : une révolution industrielle

44Pour bien prendre la mesure de la révolution qui s’annonce sous la poussée latérale, prenons l’exemple du secteur énergétique. A l’exception de quelques initiatives locales, la distribution de l’énergie est globalement centralisée, verticale, à travers le monde. Le modèle dominant est le suivant : une centrale nucléaire, un barrage hydraulique, une centrale à charbon ou à bagasse, produit de l’énergie, laquelle est ensuite transportée dans le réseau de distribution. C’est une vision verticale. Ce modèle relève du xxe siècle.

45Pour Jeremy Rifkin [6] toute révolution industrielle est issue du couple énergie-communication. La première révolution industrielle a été permise par le charbon et le chemin de fer. C’est notamment la conquête de l’Ouest américain. La seconde révolution industrielle repose sur un autre couple énergie-communication : le pétrole et la voiture. Des millions de kilomètres de routes ont été construits à travers le monde sur la base d’un carburant bon marché. Ce maillage territorial a permis le désenclavement des régions isolées, le déploiement de transports performants, le développement de la logistique.

46La prochaine révolution industrielle, qui est déjà en cours, ne peut plus reposer sur un pétrole coûteux et de plus en plus rare. Une autre source d’énergie viendra s’y substituer progressivement. Compte tenu du réchauffement climatique, il s’agira de plus en plus des énergies renouvelables à l’infini (solaire, hydraulique, biomasse…). Les énergies renouvelables, adjointes à un nouveau mode de distribution, peuvent représenter le socle d’une nouvelle donne économique, sociale et environnementale. Grâce à la puissance du réseau Internet, il est désormais envisageable d’imaginer un réseau de production et de consommation énergétique totalement décentralisé, horizontal.

47Dans la vision de Jeremy Rifkin, chaque bâtiment, chaque maison, devient une microstation énergétique. Grâce à l’utilisation de réseaux intelligents, les smart grids, un bâtiment peut communiquer via le Net avec les bâtiments voisins, sans que les propriétaires n’aient à intervenir. Ainsi, une maison qui produit un surplus d’énergie à un moment de la journée peut détecter, grâce aux smart grids, quel bâtiment est demandeur d’énergie au même moment. Elle lui cède de l’énergie, et recevra en échange sa part d’un autre bâtiment quand ses besoins augmenteront. La distribution devient latérale et collaborative. Reste à concevoir des batteries à hydrogène ou d’une technologie nouvelle capables de stocker une partie des surplus pour éviter la rupture énergétique en cas de pic de consommation aux heures les plus chargées. La région Nord-Pas-de-Calais s’est récemment engagée dans cette voie, avec la chambre de commerce et d’industrie et l’appui du cabinet de Jeremy Rifkin. Seul bémol, le coût du déploiement des réseaux et de la production d’hydrogène (très énergivore).

48Cette vision latérale, coopérative, de la question énergétique est néanmoins riche d’enseignements. Appliquée aux autres secteurs d’activité, elle nous ouvre la voie d’une organisation économique décentralisée et laisse présager la création d’écosystèmes industriels ou tertiaires, utilisant par exemple les principes de l’écologie industrielle.

Banque : un métier redéfini

49Dans la finance, le pair à pair (peer to peer) se développe. Progressivement, des particuliers décident de financer des projets proposés par d’autres particuliers, sans passer par une banque. Le plus étonnant est que cette révolution latérale tombe à point nommé puisque, sous le coup de la crise financière et des contraintes réglementaires (Bâle III), les banques cherchent à réduire leurs activités pour limiter la taille de leurs bilans (leurs engagements). Résisteront-elles au peer to peer ? A long terme, c’est le métier de la banque qui sera redéfini. L’économie collaborative apportera aux particuliers les réponses que certaines banques ne pourront plus leur apporter pour le financement de petits projets ! Si, au cours des prochaines années, cette révolution latérale permet à des milliers ou des millions de petites structures associatives, privées, publiques de se financer et de se développer de manière coopérative, les besoins en capitaux diminueront. L’avenir ne serait donc plus à la banque géante capable de financer de manière verticale une variété de projets.

50La banque de demain sera sûrement plus horizontale dans son fonctionnement, capable de répondre immédiatement à des demandes de proximité, complémentaires du peer to peer. Elle s’apparentera plus à une myriade de petites banques locales fonctionnant en réseaux virtuels, qu’aux grands groupes centralisés d’aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs tous à y gagner. La réapparition de petites structures au détriment des mastodontes actuels permettrait de limiter le risque d’une crise systémique liée à la trop grande importance des banques internationales. De grandes structures bancaires continueront sans doute d’exister dans le futur, mais la course à la taille critique ne sera plus la seule voie pour le monde bancaire. D’autant que la crise financière qui s’annonce pourrait mettre au tapis les enseignes « too big to fail » (trop grosses pour faire faillite) [7].

Notes

  • [*]
    Spécialiste des marchés financiers pendant quinze ans (journaliste à BFM, Bloomberg TV, Le Figaro, Le Journal des Finances-Investir…), Yannick Roudaut est conférencier, auteur et entrepreneur. Il crée des passerelles entre le monde de la finance, les ONG, l’économie, l’écologie, la philosophie et les questions sociales/sociétales. Expert à l’Association pour le progrès du management et au GERME, codirigeant du cabinet Alternité, il a publié L’Alter Entreprise (Dunod, 2008) et La Nouvelle Controverse (La Mer Salée, 2013).
  • [1]
    Voir, sur le site du Réseau entreprise et développement durable (REDD), R. G. Eccles, I. Ioannou et G. Serafeim, « The Impact of a Culture of Corporate Sustainability on Corporate Behavior and Performance », working paper 12-035, Harvard Business School, 2011, résumé par Chelsea Hicks et l’équipe du REDD.
  • [2]
    ISO 26000 : démarche de responsabilité sociétale des entreprises. ISO 14001 : norme relative à la démarche environnementale des entreprises. Agriconfiance : label de traçabilité, de transparence, de sécurité des aliments et de respect de l’environnement.
  • [3]
    Association pour le maintien d’une agriculture paysanne : les adhérents s’engagent à payer une cotisation annuelle, laquelle leur donne droit à un panier de légumes par semaine. L’agriculteur bénéficie ainsi d’un débouché et d’un revenu garantis.
  • [4]
    Voir REDD, op. cit.
  • [5]
    Interviewé par Yann Verdo et Muriel Jasor, Les Échos, 17 octobre 2012.
  • [6]
    Auteur de La Troisième Révolution industrielle, Les Liens qui libèrent, 2012.
  • [7]
    On dit qu’une banque est trop grosse pour faire faillite lorsque l’on estime que sa faillite mettrait en péril l’économie voire tout le système financier, et que les États ne pourraient la renflouer. A la suite de la crise financière de 2008, de nombreuses grandes enseignes américaines ont fusionné entre elles donnant naissance à des méga-banques dont la faillite serait catastrophique.
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