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Article de revue

Faire rayonner nos écoles hors de l'Hexagone

Pages 70 à 72

1La compétitivité du territoire et le rayonnement de la France se jouent sur plusieurs plans, dont celui de l’enseignement supérieur. D’abord parce que l’éducation est l’avenir de nos sociétés et le socle de leur compétitivité ; ensuite parce que la qualité de son enseignement supérieur est ce qui permet à un pays de prendre une part active dans l’économie de la connaissance ; enfin, plus généralement, parce que c’est le niveau d’éducation de sa population qui permet à une nation de tenir son rang dans l’économie mondiale.

2En France – et c’est une exception historique et culturelle –, l’enseignement supérieur souffre d’une dualité sévère entre universités et grandes écoles qui, d’une part, entrave sa visibilité et, d’autre part, le handicape dans sa place de « challenger » des meilleurs systèmes d’enseignement au monde.

3En témoignent les classements nombreux et variés. Cette dualité affecte grandement les possibilités de reconnaissance de notre enseignement sur le plan mondial, même s’il existe quelques exceptions. Dans cet environnement, les grandes écoles dites « de management » réussissent bien et tirent vers le haut la reconnaissance française dans les classements (Financial Times principalement). Elles assurent ainsi la visibilité du modèle français.

4Désormais classique en France, le cursus du 2 + 3, soit deux ans en classes préparatoires (ou équivalent) et trois ans en grande école, est extrêmement solide. Il insère en effet au cœur de son dispositif deux obligations : le séjour à l’étranger et les stages/apprentissages tout au long du cursus. In fine, cela se traduit par une « employabilité » des diplômés de ces écoles largement supérieure à celle des diplômés des universités, mais aussi de la grande majorité des business schools internationales (avec des taux qui varient de 60 % à 95 % pour le placement des diplômés quatre mois après la fin de leurs études au niveau master). A ce jour, dans le monde, 13 000 business schools, universités ou acteurs privés ou publics délivrent des diplômes de niveau master en management. C’est dire si la concurrence est rude et si les stratégies de différenciation sont importantes.

5Mais, en France, les écoles, comme les universités d’ailleurs, ont du mal :

  • à créer des pôles d’excellence mondialement reconnus : taille critique, flexibilité, attractivité du modèle français ;
  • à définir des stratégies spécifiques en dehors des critères figés des modèles universitaires français et/ou européens (au mieux) ;
  • à réformer leur positionnement pour se battre à armes égales contre l’hégémonisme du modèle d’enseignement à l’anglo-saxonne. Les meilleures d’entre elles copient le modèle Harvard, Stanford, Wharton ou MIT, mais elles ne cherchent pas à différencier systématiquement leurs approches.
Cette situation s’explique principalement par le caractère globalisé de l’enseignement supérieur en management. L’émergence des organismes d’accréditation et de normalisation, tels l’EFMD et l’AACSB, a permis de standardiser et d’homogénéiser les critères de qualité des acteurs en vue de structurer les offres et les stratégies. Mais les business schools et les universités sont désormais dans une véritable industrie au sein de laquelle les stratégies de différenciation et d’attractivité sont fondamentales. Pour ne parler que d’elles, les missions des business schools ont basculé : de la formation d’une élite locale, voire nationale, vers la préparation d’une population mondiale de travailleurs de la connaissance. Tout en améliorant la qualité/pertinence de leurs programmes, afin de répondre aux besoins économiques et d’assurer une contribution forte à la société.

Nous assisterons obligatoirement à une vague de concentration

6Le processus de globalisation de l’enseignement supérieur a engendré des tendances majeures dans l’environnement : une compétition mondiale évidente dans les groupes stratégiques d’acteurs ; une multipolarité et la nécessité d’être présent sur tous les continents ; un rapprochement des universités et des écoles pour assurer visibilité et excellence ; une hybridation des programmes de formation en vue de mieux répondre aux besoins des entreprises et des organisations ; enfin, une taille critique pour être visibles.

7Il faut donc, impérativement, mettre en place les changements de structures et de positionnement qui feront émerger des pôles d’excellence et un rayonnement de l’enseignement supérieur français (et européen) au cours des dix prochaines années. Nous assisterons obligatoirement à une vague de concentration importante des grandes écoles et des universités sur le plan mondial. Nous verrons émerger des modèles innovants, non pas seulement dans le contenu des cursus ou des programmes, mais aussi dans les stratégies de positionnement des écoles et ce, sur le même principe que ce qu’on observe pour les entreprises.

8Penser que l’éducation est un secteur à part, avec ses propres règles, c’est condamner l’enseignement supérieur français à rester à la traîne des systèmes qui se sont bâtis sur des logiques de marché et qui imposent, de facto, leurs normes et leur influence au monde entier.

9Les lignes de force dont doivent s’emparer les écoles et les universités, voire le gouvernement français, peuvent être les suivantes :

  • Des fusions, des alliances, des partenariats structurels d’écoles et d’acteurs en pleine croissance permettraient aux meilleurs de s’extirper des logiques territoriales et hexagonales dans lesquelles ils sont enfermés. Tout en revendiquant leurs racines françaises ou européennes, ils offriraient des pôles d’expertise, d’excellence mais aussi des ressources adéquates pour faire face à la concurrence mondiale.
  • Un modèle de gouvernance privée qui serait en union avec l’académique pour ces nouvelles structures « alliées » dans une logique de création de synergies territoriales et de visibilité internationale. (Les établissements d’enseignement supérieurs souffrent en effet d’un manque de moyens chronique et le gouvernement ne peut pas se substituer en permanence aux logiques de marché.)
  • Un projet pédagogique qui devrait s’appuyer sur un rapprochement, à tous les niveaux, avec les entreprises et la « réalité » économique. La complémentarité des visions, académiques et économiques, est une impérieuse nécessité.
  • Une structure multicampus ou multiprogramme pour bâtir un modèle d’école française ou un modèle d’enseignement français (voire européen) qui s’imposerait au-delà de l’Hexagone. La visibilité de notre pays au travers des positionnements globalisés des écoles permettrait de faire rayonner les expertises des territoires et de participer au développement de la compétitivité des pays où elles sont installées.
  • Une taille critique et des programmes hybrides (ingénieurs-managers, par exemple) pour former des compétences et des talents adaptés aux besoins de l’économie de la connaissance. En effet, la structure d’enseignement en silos disciplinaires ne répondra bientôt plus aux besoins des entreprises ni aux aspirations des jeunes générations.
Nous pouvons/devons créer un modèle d’enseignement du management solide et différencié, non pas à la traîne des modèles existants. Nous pouvons apporter des complémentarités intelligentes aux territoires dans lesquels nos établissements pourront s’implanter ; nous devons aussi prendre conscience de notre faiblesse en matière d’influence et de normalisation. Il est toujours temps d’y remédier si nous savons aligner nos objectifs, notre stratégie, nos ressources et nos compétences.

10Les établissements d’enseignement supérieur français ne sont pas condamnés à rester dans une tour d’ivoire : leurs dirigeants peuvent/doivent aussi réfléchir et ne pas systématiquement compter sur les ressources gouvernementales ou territoriales.

11La constitution de pôles d’excellence académiques est une nécessité si l’on veut pouvoir assurer notre place au sein de la concurrence mondiale. Rapprocher universités et grandes écoles dans une logique de complémentarité constitue une bonne méthode, si toutefois les deux entités savent garder leurs atouts respectifs. Trop d’institutions ont tendance à dupliquer des modèles existants alors qu’elles devraient plutôt mettre en avant les forces évidentes de nos enseignements et de nos cursus pour les faire rayonner au-delà de l’Hexagone ou de l’Europe.

12

SKEMA Business School compte plus de 6000 étudiants, dont 70 % de Français, répartis en Asie, Europe et Amérique. Elle est l’unique école française à posséder un campus en propre aux Etats-Unis et un autre en Chine (autofinancés), qui comptent les plus gros contingents d’étudiants français dans chacun de ces pays.

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