1L’année olympique 2012 aura vu la performance des activités académiques françaises connaître des fortunes diverses. Dans le classement de Shanghai, si l’on prend les 100 premières universités européennes, nos championnes sont en cinquième position derrière la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Benelux et les pays nordiques. De leur côté, les écoles françaises de management ont à nouveau brillé dans le classement du Financial Times, avec cinq établissements dans le top 20 depuis 2009.
2Ce score est remarquable pour des institutions qui sont apparues sur les radars internationaux il y a seulement vingt-cinq ans. La performance des écoles françaises est à présent reconnue par la communauté internationale du management.
3Mais 2012 est aussi une année de remise en question de ce modèle vertueux que nous envient bien des nations. Il serait menacé dans sa capacité à durer. Quels sont donc ces nuages qui s’accumulent sur nos grandes écoles au risque de les pousser hors du podium ?
4? Du côté des menaces, la gouvernance consulaire serait inadaptée au développement des écoles et la régionalisation de la gestion des CCI réduirait les ressources. Cet argument est discutable si l’on considère deux écoles qui ont marqué les classements depuis 2005 : HEC, qui en a pris souvent la tête, et Grenoble EM, qui s’est glissée dans le top 20 européen. Deux institutions 100 % consulaires. La question est plutôt celle de l’évolution du lien consulaire qui permettra de conserver aux écoles leur esprit entrepreneurial.
5? La masse critique est un autre argument souvent évoqué. Or, depuis 1995, les écoles ont grandi et atteignent aujourd’hui des tailles supérieures à celle de beaucoup de leurs homologues, y compris américaines. L’argument ne tient pas, ni par le nombre des étudiants ni par la variété des programmes de formation.
6? Les coûts de fonctionnement consacrés à la différenciation (accréditation, classement, recherche, international) croissent plus vite que les ressources disponibles. Cet argument rappelle celui du coût du travail en France, qui inquiète surtout les entreprises qui n’atteignent pas le marché haut de gamme. De même, les écoles n’ont pas toutes vocation à l’accréditation institutionnelle. En 2011, il y avait 650 écoles accréditées sur environ 13 000 institutions de formation au management. Moins de cinq écoles en Allemagne étaient accréditées en 2010, et toutes les autres se portaient bien. Le même raisonnement peut s’appliquer aux classements. La recherche académique consomme des ressources, certes. Mais la recherche appliquée est plus abordable et appréciée par les entreprises. Les implantations internationales sont coûteuses, mais la stratégie multi-campus n’est une obligation ni pour l’accréditation ni pour les classements. En revanche, l’excellence française en mobilité étudiante est un « plus » abordable.
7? Les ressources financières des écoles sont limitées malgré une image de luxe et de richesse. Argument pertinent puisque si l’on considère leur budget par élève, au niveau master, les françaises ne sont pas sur le podium. Malgré leur capacité à collecter des ressources diversifiées, elles ont du mal à atteindre les 10 000 euros par étudiant. Mais à ces faiblesses réelles, les écoles opposent au moins deux grandes forces : la capacité de gestion optimisée des ressources disponibles (humaines et financières) et la possibilité de qualifier dans la transparence les candidats via le concours d’entrée. Ces deux atouts sont à préserver.
Des atouts indéniables
8Les changements radicaux que connaît le métier de la formation au management sont sources d’opportunités pour le modèle français.
9? Le « business administration and management » est le domaine de formation le plus pratiqué dans le monde avec plus de 150 millions de participants. Les écoles françaises bénéficient de cette demande, en particulier dans la formation pour les professionnels. Le management « à la française », valorisant la culture générale, est très apprécié dans les pays émergents.
10? Le processus d’évaluation de la recherche en management évolue fondamentalement : il va de l’input (classement des journaux scientifiques) vers l’outcome (impact de la recherche). Cette réforme suit celle qui a vu la mesure d’efficacité de la formation aller de l’enseignement (qualité des cours) vers l’apprentissage (acquis de l’étudiant). Ces changements sont en ligne avec la tradition académique de nos écoles, connectée avec les problèmes posés par les entreprises.
11? La pénurie des ressources professorales en Occident est amplifiée par la demande croissante de formation. Les écoles françaises qui ont une longue tradition d’intégration de professionnels qualifiés parmi leurs enseignants vont pouvoir développer cette expertise.
12? Le lieu de transmission n’est plus la seule salle de classe. Le savoir et l’expérience sont délocalisés grâce aux outils numériques. Là encore nos écoles disposent d’une solide expérience, stimulée par la concurrence et les formations en apprentissage.
13? Enfin, la concurrence conduit les écoles à rendre publique leur stratégie, en validant ainsi la pertinence. La reproduction en province de ce qui a marché à Paris est sanctionnée rapidement. Cette relation directe avec la demande est un autre levier de performance.
14Ces évolutions sont autant d’atouts pour pérenniser la position des écoles. Leur capacité à optimiser l’emploi de leurs ressources, la diversité des profils des enseignants et la transparence du recrutement des étudiants sont les moteurs de cette pérennité. Ils leur permettront de mieux exécuter leur mission. C’est parce qu’elles ont cette utilité collective que les écoles sont appréciées par la communauté économique, qui n’en conteste pas le modèle hybride, lequel fournit aussi bien des managers que des présidents de la République.