1Une des questions clés des directions marketing est la justification du retour sur investissement de leurs actions. Malgré les explications sur l’importance du marketing dans la construction du capital marque sur le long terme, en réalité, l’analyse trimestrielle des résultats prime, et cela n’est pas près de changer. En fait, quand on leur demande : « Quel pourcentage d’augmentation des ventes peut-on attendre de telle dépense publicitaire ? », les hommes de marketing se sentent souvent désemparés.
2La crise économique actuelle peut-elle changer cet état des choses en remettant en valeur le rôle de l’innovation et de la création de valeur ? Rien n’est moins sûr. Les perspectives indiquent, au contraire, un resserrement des budgets marketing et des budgets communication. Malgré quelques signes de changement, comme des entreprises annonçant qu’elles rémunéraient les agences de communication sur la base des résultats de vente, la plupart des managers et directeurs marketing raisonnent encore en coût pour mille.
3Les technologies de l’information ont néanmoins ouvert de nouvelles perspectives. A commencer par le développement d’Internet, qui permet à chaque entreprise d’accéder à un marché mondial. Cette mondialisation représente une réelle opportunité pour quiconque souhaite développer ses ventes, mais également une menace car la concurrence devient mondiale. Récemment, deux nouveaux leviers sont apparus et ont permis à de nombreuses entreprises de profiter de l’opportunité que représente ce nouveau marché mondial pour développer leur activité tout en maîtrisant leurs coûts. Il s’agit de l’affiliation et du search marketing.
L’affiliation ou la rémunération à la performance
4L’essor du Web a permis à de nouveaux modèles de marketing de voir le jour. Dans un premier temps, il y a eu l’achat d’espace classique puis les bannières rémunérées à l’affichage et à l’action (clic). Mais c’est en 1996 que Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, crée avec l’affiliation une révolution dans le monde du marketing.
5L’idée consiste à rémunérer le marketing à la performance. Ainsi, les sites marchands (par exemple Amazon) proposent de commissionner sur les ventes des sites partenaires (affiliés) qui relayent leurs offres. Les sites affiliés sont des sites de contenu. Il s’agit de blogs, forums, comparateurs de prix… qui ont une audience très qualifiée et qui souhaitent monétiser ce trafic. L’affiliation repose sur une technologie de tracking (système permettant de suivre et analyser le parcours des visiteurs) grâce à laquelle il est possible d’attribuer une vente donnée à l’affilié qui l’a générée. Ce nouveau canal d’acquisition de type gagnant/gagnant présente des avantages aussi bien pour le marchand que pour l’affilié. Du point de vue du marchand, l’affiliation permet de rentabiliser son marketing. Ainsi, il devient possible d’augmenter fortement ses ventes tout en maîtrisant son coût d’acquisition. En effet, les affiliés étant rémunérés sur les ventes validées, s’il n’y a pas de ventes l’investissement se limite aux seuls frais techniques.
6Du point de vue de l’affilié, il s’agit de proposer des services ou des produits à ses visiteurs sans en avoir les contraintes (stocks, logistique, facturation…). C’est également un excellent moyen de monétiser son site.
7L’enjeu de l’affiliation est de passer d’une logique de communication à une logique commerciale : les affiliés deviennent la force de vente en ligne du marchand payée à la performance.
Google Adwords et le search engine marketing
8Avec le développement des moteurs de recherche (Google, Yahoo, Bing…), il est à présent possible de toucher des internautes en phase de recherche. Les publicitaires peuvent ainsi diffuser leur message uniquement aux personnes qui ont manifesté un intérêt pour le produit ou service proposé. Il s’agit du search engine marketing (SEM).
9A ce jour, un moteur de recherche a tiré son épingle du jeu en proposant un outil performant de recherche et un modèle marketing abouti : Google et son système de liens sponsorisés Google Adwords. Dès qu’un internaute effectue une recherche, Google lui propose deux types de résultats : les liens dits « naturels », sélectionnés à partir d’un algorithme basé sur la pertinence, et les liens dits « sponsorisés » ou « commerciaux » (Google Adwords). Ces liens sponsorisés, qui apparaissent dans la colonne de droite et en haut de la page de résultats, sont mis en vente via un système d’enchères.
10Système d’enchères. Il est donc possible de positionner une publicité sur une recherche définie (mot-clé). Après avoir défini le mot-clé, il suffit au demandeur d’indiquer le coût au clic (cost per click : CPC) qu’il est prêt à payer pour apparaître sur cette recherche et générer des clics. Google positionne alors le lien sur la page de résultats en fonction de l’offre et de la demande sur cette même recherche. Prenons un exemple : vous êtes prêt à investir 0,50 euro par clic sur le mot-clé « voiture ». A chaque fois qu’un internaute fera cette recherche, Google va montrer votre publicité à une certaine position en fonction de l’enchère de vos concurrents. Chaque mot-clé a un coût au clic différent en fonction de la concurrence qu’il génère. Les prix vont de un centime à plusieurs dizaines d’euros dans les secteurs les plus concurrentiels.
Les points forts
L’autre grande tendance est le marketing de moteur de recherche, SEM, illustré par le système de liens commerciaux de Google Adwords qui s’appuie sur le ciblage sémantique des recherches et sur une méthode d’enchères fonction des clics générés.
Avantage du SEM : il permet de mesurer précisément et au meilleur coût le trafic sur un site ainsi que la rentabilité de chaque action de publicité.
11Ciblage sémantique. Outre le fait de toucher des personnes en phase de recherche, le SEM présente l’avantage de pouvoir cibler précisément les internautes grâce à leur recherche : il s’agit du ciblage sémantique. Ainsi un vendeur de voitures d’occasion se positionnera sur la recherche « voiture d’occasion Paris » et non pas sur « voiture » qui n’est pas assez précis. En effet, le mot-clé « voiture » draine des personnes qui cherchent des voitures neuves, des renseignements techniques ou simplement des photos ou des vidéos. Cette recherche n’est donc pas assez ciblée.
12Cet exemple permet de distinguer deux grandes catégories de mots-clés : les « génériques » et les « spécifiques ». Les mots-clés dits « génériques » apportent un trafic important mais pas forcément très qualifié. Les mots-clés « spécifiques », plus précis, génèrent moins de trafic, coûtent moins cher et convertissent généralement mieux. Cet ensemble de mots-clés de niche et peu coûteux constitue la « longue traîne ». Ainsi dans notre exemple, le mot-clé « voiture » est un mot-clé générique ; la recherche « voiture d’occasion bleue Paris » fait partie de la longue traîne.
13Pertinence de la publicité. Un autre élément très important est le texte d’annonce, la publicité que l’on va faire apparaître. Ce texte doit à la fois attirer l’attention de l’internaute, mais aussi décrire très précisément le produit proposé. Si votre publicité est bien faite, même si vous enchérissez à un montant inférieur, vous pouvez avoir plus de trafic qu’un de vos concurrents qui paye plus cher. Par ailleurs, une annonce qui décrit précisément vos produits vous assure de ne pas payer pour des curieux qui ne savent pas exactement ce que vous proposez.
14Les éléments présentés ci-dessus sont les principes de base. A ceux-là, nous pouvons ajouter les options de ciblage, les mots-clés négatifs, la géolocalisation, la répartition du budget en fonction des heures de la journée, le quality score… Cependant, tous ces éléments vont dans le même sens : celui de la pertinence des résultats de recherche.
Un marketing mesurable et rentabilisable
15Une des forces de Google est de réussir (mieux que ses concurrents) à allier pertinence et rentabilité économique. Le principe de base est relativement simple. Prenons un exemple pour mieux comprendre : deux concurrents (A et B) se positionnent sur le même mot-clé. A enchérit à 0,50 €/clic et B à 0,40 €/clic. Si on regarde seulement le prix des enchères, A est positionné au-dessus de B.
16Afin de prendre en compte la pertinence, Google va introduire la notion de taux de clic (CTR). Pour 100 affichages de chacune des annonces, A reçoit 10 clics et B en reçoit 15. A a donc un CTR de 10 % et B de 15 %. Ce taux est révélateur de la pertinence de la publicité. Ainsi B, bien qu’étant en position inférieure, génère plus de clics. Il semble donc que B soit plus pertinent que A. En conséquence, Google va, petit à petit, faire passer B devant A sans pour autant le faire payer plus cher. C’est d’autant plus cohérent que Google en faisant passer B devant A va gagner davantage. En montrant 100 fois la publicité de A, le moteur de recherche gagne 10 x 0,50 € = 5 €. En montrant 100 fois la publicité de B, il engrange 15 x 0,40 € = 6 €. Google fait donc d’une pierre deux coups : il améliore la pertinence de son site et gagne plus d’argent !
17Ces différents éléments permettent de comprendre comment toucher un cœur de cible au meilleur prix. Reste à savoir comment calculer la rentabilité de cette cible.
Un retour sur investissement maîtrisé
18Parallèlement à la possibilité de cibler très précisément et au meilleur coût le trafic de son site, Internet permet d’en calculer la rentabilité. Imaginez qu’il soit possible d’établir avec précision si une personne qui a acheté une boisson dans un supermarché l’a fait parce qu’elle avait vu la publicité à la télévision, ou parce qu’elle a reçu un prospectus dans sa boîte aux lettres, ou encore parce qu’elle connaissait déjà le produit.
19Sur Internet, il est aujourd’hui possible via un outil de tracking (similaire à ceux utilisés par les plates-formes d’affiliation) de mesurer la performance des différents canaux d’acquisition. Le tracking permet donc de définir si un client a acheté grâce à l’e-mailing qu’il a reçu, la publicité qu’il a vue sur Google ou la bannière sur laquelle il a cliqué sur un site d’information. Il est alors possible de mesurer la rentabilité de chacun.
20Reprenons notre exemple de marchand de voitures. Il crée deux publicités, l’une sur « voitures d’occasion » (mot-clé 1 : MC1) et l’autre sur « voiture d’occasion bleue Paris » (mot-clé 2 : MC2). Prenons également comme hypothèse que, sur chaque voiture vendue, le marchand réalise une marge de 3,5 %. Voici les statistiques de chaque mot-clé :
- MC1 : 2 000 clics, coût au clic 0,30 €, ventes réalisées 15 000 €.
Coût : 2 000 x 0,30 = 600 € pour 15 000 € de ventes. Soit un rapport de 600/15 000 = 4 %, supérieur à la marge de 3,5 %. La publicité n’est pas rentable. - MC2 : 750 clics, coût au clic 0,35 €, ventes réalisées 10 000 €.
Coût : 750 x 0,35 = 262,5 € pour 10 000 € de ventes. Soit un rapport de 262,5/10 000 = 2,6 %, inférieur à la marge de 3,5 %. La publicité est rentable.
- ce n’est pas le mot-clé qui génère le plus de trafic qui est le plus rentable ;
- ce n’est pas non plus celui qui coûte le plus cher au clic qui est le moins rentable.
21Une stratégie globale de marketing sur Internet, construite sur la notion de retour sur investissement permet à tout site de maîtriser au mieux ses investissements et donc de maximiser sa marge. Le point primordial est de pouvoir suivre et maîtriser très précisément la rentabilité de chaque action menée sur Internet.
22L’encadré de la page suivante permet d’illustrer ce que nous avons développé à travers le cas concret d’une entreprise locale spécialisée dans les cours à domicile.
Le cas Proschool
Solution mise en place. Dans un premier temps, a été mis en place un système de tracking sur le site de l’entreprise afin de suivre les taux de conversion des formulaires de contact. Ont ensuite été définis les termes (mots-clés) en relation avec l’activité de l’entreprise et qui peuvent lui rapporter des contacts qualifiés (cours maths, cours français, cours à domicile…). Cette phase est très importante car elle permet d’identifier toutes les recherches qui ont peu de chances d’aboutir (cours de maths gratuit, cours de maths Paris, résumé cours de maths…). En outre, un système de géolocalisation permettant de cibler les internautes qui sont dans la région bordelaise a été mis en place.
Budget. Le budget étant limité, un maximum de 2 000 € par mois a été déterminé.
Résultats. Les campagnes ont été mises en ligne dans la journée et les premiers formulaires de contact ont été remplis dès la première journée. Après quelques jours, les enchères ont été ajustées (baisse des mots-clés non rentables et augmentation de ceux qui ramenaient beaucoup de formulaires).
Nombres de formulaires de contacts : + 542 % sur la première semaine par rapport à la moyenne annuelle.
Coût d’acquisition prospect : – 211 %.
Avec un budget réduit de moitié, nous avons réussi à multiplier par plus de cinq le nombre de formulaires.
Phase 2. Il est prévu dans un deuxième temps d’ouvrir un programme d’affiliation qui permettra à Proschool d’augmenter son activité tout en maîtrisant au maximum ses coûts d’acquisition
23Ce changement majeur dans la manière de concevoir le retour sur investissement de l’activité marketing en est à ses débuts. Des facteurs liés à la technologie (comme la diffusion d’Internet à la majorité de la population des pays développés, le développement de l’Internet mobile) mais également sociaux (la génération Y et son usage extensif du Web et des plates-formes de réseaux sociaux) ne feront qu’augmenter le rôle joué par ce média au détriment des médias traditionnels. L’utilisation par des réseaux sociaux comme Facebook de ce genre d’outil (Facebook Connect) ouvre en effet de nouvelles possibilités non seulement pour la vente mais pour toute action marketing.
24La capacité de réaliser une segmentation granulaire de ses clients, cibler ceux en phase d’achat, et surtout mesurer la performance des actions marketing donne pour la première fois aux marketeurs les moyens de mesurer leur retour sur investissement. Une évolution qui devrait rendre obsolète la célèbre phrase : « Je sais que la moitié de mon budget communication est inutile ; mais je ne sais pas laquelle. »