Empan 2018/3 n° 111

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Article de revue

Des soins à médiation corporelle dyadiques au sein d’un dispositif spécifique de soins psychiques : l’unité parents-bébé de Montfavet

Pages 44 à 50

Notes

  • [1]
    E. Bick (1964), « Remarque sur l’observation des bébés dans la formation des analystes », traduction française, Journal de la psychanalyse de l’enfant, n° 12, 1992, p. 14-35.
  • [2]
    Association pour la recherche et l’(in)formation en périnatalité.
  • [3]
    G. Bachelard, L’eau et les rêves, Paris, Corti, 1942, p. 178.
  • [4]
    E. Bick, op. cit., p. 3.
  • [5]
    W.R. Bion, Aux sources de l’expérience, Paris, Puf, 1991.
English version

1 Les bébés reçus sur l’Unité parents-bébé (upb) de Montfavet sont tous, par essence, des bébés en situation de vulnérabilité, soit que leurs parents se trouvent indisponibles pour assurer leur rôle et remplir leur fonction du fait d’une fragilité psychique, d’une décompensation psychiatrique, d’une errance psychosociale ; soit qu’ils aient été mis à mal, voire séparés, par les circonstances même de la naissance. L’Unité parents-bébé est implantée depuis la fin des années 1980 sur l’hôpital de Montfavet, elle émane d’un projet de la pédopsychiatrie, pour prévenir et traiter les troubles de la relation et des premiers liens parents-enfant. La perspective étant que ces premiers temps sont primordiaux dans le développement du bébé et que les difficultés psychiques du devenir parent peuvent rejaillir sur l’expérience relationnelle dont l’enfant a besoin pour étayer les différentes étapes de sa construction.

2 Ainsi, penser le soin psychique pour ces bébés passe dans notre expérience par des conditions institutionnelles qui, de fait, présupposent qu’il s’agit nécessairement d’un soin psychocorporel et dyadique, se déployant à l’adresse du parent et du bébé, un soin relationnel.

3 La période périnatale est un temps de profond bouleversement et d’intense vécu émotionnel, qui peut s’associer pour le parent à l’émergence de vulnérabilités personnelles, familiales et sociales pouvant mettre en difficulté le processus de parentalité. Il s’agit d’être attentif non seulement aux conditions de la sécurité physique des parents et du bébé, mais aussi à celles visant leur sécurité psychique et émotionnelle. Cette période périnatale est, pour la mère, un événement somato-psychique qui transforme son rapport à son corps et fait le lit de cet état spécifique de préoccupation maternelle primaire où il va être question de s’identifier au vécu du bébé et d’interpréter ses expressions et ses besoins.

4 L’upb a eu, dès sa création, pour ambition de contribuer à améliorer la prise en compte et l’accompagnement des aspects psychiques en périnatalité en lien avec l’ensemble des acteurs concernés. Elle est repérée par les professionnels de la périnatalité et de la petite enfance de la région comme une unité ressource sur le territoire. Les familles sont orientées par des praticiens libéraux (sages-femmes, médecins généralistes, pédiatres, obstétriciens), des services sociaux, dont principalement les pmi, des services hospitaliers (maternités, néonatalogie, pédiatrie) et secteur de psychiatrie adulte (public et libéral). L’unité est un dispositif de soins psychiques qui reçoit des femmes enceintes, des futurs pères, des parents avec leurs bébés de la naissance aux 18 mois. Les indications sont variées, elles visent à la fois à des interventions préventives et curatives sur la relation précoce entre :

5 – des parents en difficulté psychique dans leur expérience de la parentalité, allant d’un trouble psychiatrique à une souffrance d’ordre psychologique affectant le lien, la relation avec l’enfant ;

6 – et des bébés pouvant exprimer des troubles somato-formes, en général reliés à des difficultés de régulation interne.

7 À partir d’un accueil téléphonique assuré par un soignant, puis d’une première rencontre en consultation médicale, psychologique ou infirmière, la situation est évaluée et réfléchie avec les parents dans sa globalité en tenant compte des ressources et des soutiens déjà existants (personnels, familiaux, professionnels). En accord avec la famille, un réseau personnalisé est tissé avec les partenaires. Les soins sont ajustés en intensité et qualité aux besoins et difficultés repérées et modulés selon l’évolution de la situation. Le soin direct peut prendre la forme d’un suivi ambulatoire, en général hebdomadaire, associant psychothérapie conjointe parent-bébé, suivi médical couplé parfois à un soin à médiation corporelle. D’autres situations justifient la proposition d’un soin conjoint en hôpital de jour (hdj) mère-bébé ou père-bébé, voire parents-bébé (aussi proposé à des femmes enceintes), comprenant un accompagnement personnalisé par une soignante référente au plus près du quotidien, un soin psychothérapeutique conjoint et la possibilité d’un soin à médiation corporelle, à un rythme de 1 à 3-4 jours par semaine.

8 Un travail de réseau s’est progressivement tissé en lien avec de multiples professionnels du département et au-delà. La personnalisation progressive des liens a créé des conditions de confiance et respect nécessaires à la cohérence et aux capacités d’anticipation, cela constitue des facteurs de sécurité dans le vécu des familles à qui les soins sont proposés. Cette enveloppe créée est un maillage qui assure un portage et permet d’accorder un temps nécessaire à la rencontre et au développement de la parentalité.

9 L’unité a la particularité que la même équipe supporte l’ensemble des modalités de soin et les diverses activités dans un souci de continuité et de personnalisation du suivi. Elle peut ainsi porter une représentation narrative de ce par quoi la famille et la dyade passent, fondamentale pour soutenir le sentiment de continuité de la mère et de l’enfant. La place de la psychothérapie est centrale, avec la particularité de proposer de façon quasi systématique un soin psychothérapique conjoint mère ou père-bébé. La formation à l’observation du nourrisson selon E. Bick [1] est très singulièrement associée à la pratique de l’équipe car dispensée par l’arip[2] et développée comme un outil de soin pour intensifier l’attention aux manifestations d’un bébé et utiliser l’observation comme levier thérapeutique. La notion de référente pour une dyade ou triade reçue en hdj est un élément également important. Tout au long de la journée, la mère va ainsi pouvoir s’appuyer sur ce lien. Elle lui reconnaît sa compétence potentielle. Son rôle de liaison est essentiel avec les partenaires impliqués dans la situation. Elle rassemble les éléments d’un récit à plusieurs entrées autour de cette relation naissante.

10 Les soins à médiation corporelle ont une grande place, ils peuvent venir compléter, enrichir un suivi ambulatoire ou un soin d’hdj. Ils sont pensés en réunion clinique, le plus souvent par l’équipe, comme une médiation de la rencontre qui vise à centrer le soin sur tel ou tel aspect pathologique de la relation ou du lien. Ils sont des facilitateurs, voire des catalyseurs du soin, par le passage par l’éprouvé à la fois dans un lien transférentiel mais aussi dans le cadre très protégé de la rencontre. D’emblée, le souci de les accompagner institutionnellement a existé au travers de supervisions régulières. L’accent a été mis sur un cadre visant à créer une ambiance apaisante, sécurisante, dont le lieu, le climat et l’entourage constituaient une triple enveloppe pour faciliter la détente, le bien-être et l’accueil des émotions et ressentis.

11 Ils sont en général portés par au minimum deux soignantes, dont l’une est en position d’observatrice. Ces soins sont indiqués sur prescription médicale pour une durée de 4 à 6 séances hebdomadaires, renouvelables, et sont systématiquement adossées à l’espace psychothérapeutique conjoint mère-bébé.

12 Le soin berceuses ne sera pas développé ici, faisant l’objet d’une présentation spécifique par Trine Saupic, infirmière qui en est une des référentes, dans l’article suivant.

13 Le soin massage mère existe depuis l’origine de l’unité et est porté par des soignantes formées et référentes du soin. Il vise d’abord et avant tout à soulager un état de souffrance lié au bouleversement de la maternité. Il s’adresse aux mères qui présentent une perte de l’estime de soi (détérioration de leur image corporelle plus ou moins secondaire à la grossesse ou à l’accouchement, effondrement psychique associé souvent à une dépression), mais aussi à celles qui sont dans un état de tension musculaire continue, en général sous-tendu par une anxiété majeure, ou coupées de leur corps dans une intellectualisation défensive. L’objectif du soin est de susciter un bien-être physique et psychique dans une acceptation d’un prendre soin de soi pour permettre une reprise de contact avec ses ressentis corporels, mais souvent aussi avec l’inscription dans la mémoire du corps de la façon dont celui-ci a été traité. Il cherche à permettre un processus de renarcissisation et d’individuation, conditions de la relation paisible au bébé. Outre ses fonctions enveloppantes, contenantes et protectrices, la peau est messagère des vécus psychologique et émotionnel. Ce soin s’accompagne nécessairement d’un travail séparatif avec l’enfant, étape par elle-même source d’une élaboration du lien. L’enfant est gardé par la référente ou par la famille pendant ce temps. Le soin se déroule en trois temps : le temps de l’installation, où la mère désigne la partie du corps qu’elle souhaite être massée ; celui du massage proprement dit ; puis celui du conte, de l’histoire racontée par l’observatrice de ce qui vient de se partager sous son regard. Ce temps des mots pour tenter de formuler l’éprouvé représente peut-être un autre type de massage, une inscription du partage émotionnel dans la relation.

14 Le soin piscine mère-bébé concerne la mère avec son bébé, il s’agit d’un soin relationnel qui s’appuie sur l’observation du bébé et de sa mère dans leurs interactions. Il est également porté par deux soignantes, l’une dans l’eau, l’autre observatrice à l’extérieur du bassin. Les indications portent sur la pathologie du lien : relation fusionnelle ou distante, difficultés d’accordage, carences affectives, portage psychique défaillant ou inconstant, pauvreté relationnelle. Les objectifs se déclinent dans les différentes séquences du soin : un temps proposé à la mère et au bébé réunis dans le même bain émotionnel avec la soignante pour du jeu, des échanges corporels dans ce milieu particulier, des essais de portage autre et un bain sonore soutenu par la soignante. Il permet souvent à la mère d’observer son bébé dans son interaction avec un autre adulte. Un second temps où la mère seule est dans l’eau, le bébé restant dans la pièce aux soins de l’infirmière en dehors du bassin. Nous l’invitons à se centrer sur ses éprouvés dans un soin dont le rituel lui est raconté au préalable pour qu’elle puisse se laisser aller à ce holding. Peu importe ce qui émerge alors, l’essentiel est que nous soyons en mesure de l’accueillir.

15 G. Bachelard écrit : « L’eau nous porte, l’eau nous berce, l’eau nous rend notre mère [3]. » De fait, l’eau, par ses nombreuses propriétés, ouvre des champs potentiels au soin :

16 – elle peut inviter à la régression car elle facilite la relaxation et remet en contact avec des perceptions familières, proches du milieu amniotique intra-utérin, et peut faire émerger des vécus de grossesses antérieures. Le bercement délicat ramène à la conscience ces expériences anciennes ;

17 – l’eau élément porteur, enveloppant, contenant permet d’éprouver les limites du corps ;

18 – intermédiaire tactile, elle permet le contact sans le toucher direct, d’aller à la rencontre de l’intime tout en maintenant une distance protectrice ;

19 – un massage sans contact par un jet d’eau chaude associé à la proposition de s’allonger sur un tapis en flottaison réactive l’expérience du portage et invite à lâcher prise pour s’appuyer en confiance sur l’autre, les contacts ritualisés permettent une attention intensifiée aux appuis qui sécurisent ;

20 – l’eau détermine un « espace de jeu » ou espace transitionnel où le corps en mouvement parle, où les conflits peuvent se jouer de manière vive, où la dimension ambivalente de la relation va pouvoir s’exprimer. Elle a comme un effet de loupe grossissante des troubles de l’interaction.

21 Le soin massage bébé est le plus récent et le plus fragile des soins à médiation corporelle sur l’unité. Comme les autres soins, il est porté par deux soignantes, dont l’une est observatrice, et se déroule obligatoirement en présence de la mère. Il faut rapidement se dégager de deux écueils. Dans la mesure où le bébé lui-même focalise l’adresse du soin, il justifie une sorte de prudence de ne pas susciter de rivalité avec la mère. Par ailleurs, nous ne pouvons le présenter de façon séductrice comme un cours de massage pour bébé puisque notre projet reste une dynamique de soin. Il propose à la mère d’être dans un premier temps témoin de la capacité du bébé à être acteur du soin. De même, elle peut observer sa capacité à recevoir du bon. Un récit est fait pour soutenir le bébé dans l’expérience de son éprouvé corporel et associer progressivement la mère à la lecture de ce que manifeste son bébé. Dans un second temps, nous invitons la mère à faire l’expérience qu’elle est en mesure à son tour de donner du bon à son enfant. Par l’identification possible à la soignante qui masse, nous cherchons la levée de l’inhibition du toucher maternel, pour tendre à dépasser l’appréhension du peau à peau et faire éprouver le plaisir à entrer dans une relation d’intimité avec le bébé. Par la mise en scène d’un soin centré sur l’enfant, on introduit une distanciation qui offre à la mère de voir son bébé autrement. En nommant ce qui semble se vivre entre eux, la soignante opère une reconnaissance du style propre de cette mère dans le massage de son bébé et de sa capacité à percevoir ce qu’il reçoit de ce qu’elle lui donne. Il s’agit de favoriser le meilleur accordage tonico-émotionnel entre eux. Par son regard et sa place un peu à l’écart, l’observatrice crée une enveloppe contenante et le fil de continuité de ce que vit chacun des trois protagonistes. Elle garantit l’inscription de ce moment de partage et autorise l’accès à l’intimité sans menace que l’incestuel surgisse.

22 Le soin conte-relaxation est un soin de groupe sans les bébés. Il vise à offrir un espace de rencontre entre réel et imaginaire. Le récit d’un conte de fées suscite l’imaginaire de chacun, et par sa potentialité associative et les expériences auxquelles sont exposés ses personnages, il crée la possibilité d’une identification de ses propres mouvements affectifs et une évocation des épisodes de sa propre histoire. Probablement, il autorise de s’identifier tour à tour à l’enfant et au parent et de recontacter des représentations infantiles des liens. Il met en scène la massivité des vécus ambivalents des relations parents-enfant et symbolise les passages initiatiques de la construction psychique. Le groupe favorise le partage, l’échange des perceptions et des émotions. Cela ouvre à chacun l’opportunité d’une confrontation à un autre regard et l’expérience de se vivre comme tout à la fois semblables et différents. Le temps de relaxation qui suit peut alors faire retour au corps, à l’éprouvé, comme une proposition d’intériorisation d’un apaisement par la liaison des différents niveaux de résonance du conte.

23 Nous avons eu besoin d’un espace commun pour échanger autour de ces pratiques et pour nous accorder sur le sens que nous voulions donner aux soins psychocorporels. Une réflexion s’est mise en place une fois par mois au cours de laquelle nous avons abordé, de nos différentes places (infirmières, éducatrices, psychomotricienne, psychologues, médecin), nos représentations. Autant que cela a été possible, des supervisions se sont poursuivies pour chaque soin. Toutefois, la réduction progressive des supervisions couplée au besoin de soutenir les soignants exposés à ces pratiques et d’éviter que se constituent des groupes insuffisamment reliés à l’ensemble du grand groupe soignant a conduit à formaliser ces groupes d’élaboration mensuels. Ils correspondent aussi à une opportunité de faire circuler les représentations et ainsi d’ouvrir à la transmission ces pratiques fondées sur une expérience.

24 Dans les suites de la formation à l’observation du nourrisson selon E. Bick [4], l’équipe a acquis une capacité à formuler par des écrits ce va-et-vient incessant entre le partage émotionnel, le ressenti subjectif et l’élaboration clinique. Les comptes-rendus apportent au groupe une proposition de représentation réflexive en liant la résonance associative de chacun, les éléments théoriques évoqués et les hypothèses de travail. Cela constitue une trame qui sous-tend une pensée collective qui se cherche, tâtonne pour répondre à la question « comment ajuster le soin à ce qui fera soin ? » et continuer de créer, de transmettre.

25 Mais il nous faut insister sur les conditions institutionnelles à ce travail, au-delà de cet historique de notre organisation. Car pour créer les conditions d’une sécurité émotionnelle suffisante pour la mère, de telle sorte qu’elle ait le temps de l’ajustement, d’être plus disponible à son enfant, nous devons à la fois contenir les angoisses, la souffrance et le bouleversement émotionnel, mais également favoriser les possibilités d’attention de la mère à son bébé. Il s’agit de renforcer l’équipe dans son savoir-faire mais aussi de perpétuer un état d’esprit pour permettre un accueil bienveillant, un positionnement patient et contenant, un regard vivant et vigilant, une confiance suffisante pour ouvrir à la parole et au transfert.

26 Ce « prendre soin » délicat nécessite une réflexion continue et critique, un engagement relationnel important associé à une capacité de distanciation. Il n’est pas possible de se réfugier derrière des gestes techniques ou grilles préétablies, alors même que la complexité, la souffrance et les attaques de la pensée existent et que le sentiment d’impuissance et la violence peuvent être au premier plan. Nous devons ainsi être vigilants à détoxifier, à relancer la pensée par des hypothèses psychodynamiques, à favoriser l’expression des vécus subjectifs contre-transférentiels pour tenter de voir se dessiner la façon dont le transfert se diffracte et nous permet d’approcher ce qui est en jeu dans les liens. Cela justifie d’être attentif au climat relationnel et émotionnel de l’équipe afin que la confiance soit suffisante pour s’adosser individuellement à l’équipe, confronter son regard à celui du groupe, pour mettre en travail ce que chaque soignante recueille auprès des mères et bébés qu’elle accompagne.

27 De fait, le dispositif institutionnel semble avoir progressivement constitué comme des cercles concentriques ou comme des enveloppes en poupées russes qui dessinent comme une armature ; elle étaye et relie les soignants autour de la rencontre et des dyades.

28 Pour conclure, nous allons tenter d’énoncer ce qui constitue en quelque sorte les présupposés de ce travail. Nous faisons l’hypothèse que le passage par l’éprouvé représente un abord essentiel du vécu particulier de la période périnatale, où se cristallise la question de la frontière entre soi et l’autre, l’articulation passé-présent, les liens infantiles et les liens actuels sur fond de remise en cause des équilibres établis. Porter attention à ce qui se vit, ici et maintenant, par une inscription dans un partage émotionnel ancré dans une relation stable, fiable, garantit une enveloppe contenante. Cela passe par une implication des soignants dans la représentation d’un don qui invite à penser et à accueillir les éprouvés de l’autre. Peut-être est-il alors possible de recontacter des expériences infantiles, de recevoir du bon d’un autre pour être en mesure d’imaginer en donner à son tour.

29 Nous émettons plusieurs hypothèses qui sous-tendent notre positionnement soignant :

30 – il y aurait une valeur réparatrice à lier différents niveaux de fonctionnement : corporel, affectif et imaginaire. Cette période périnatale s’accompagne souvent de puissants processus de déliaison ;

31 – travailler à l’accordage tonico-émotionnel suppose des ajustements réciproques constants et d’intégrer la différence et l’asymétrie de la relation, cela soutiendrait le travail psychique que le parent est amené à déployer à l’égard de son enfant ;

32 – dans le cadre de ces soins, il consiste non seulement à viser l’accordage de la mère à l’enfant, mais aussi des soignants à la mère et des soignants entre eux ;

33 – nous supposons qu’il puisse y avoir une évolution de la capacité maternelle à prendre soin de son bébé en passant par l’expérience que l’on prenne soin d’elle, expérience de maternage partiel mais surtout renouvellement d’une expérience de dépendance à l’autre dans un contexte bienveillant ;

34 – il y aurait une inscription dans la mémoire corporelle du style de maternage reçu par la mère, de la façon dont elle-même aurait été traitée bébé. Dans certaines conditions, il serait possible de sortir d’une répétition de ce style avec l’enfant, par l’expérience nouvelle pour la mère d’un maternage plus ajusté et prévenant.

35 Finalement, nous tentons encore de préciser les processus à l’œuvre dans ces soins psychocorporels qui, dans notre clinique, sont une autre façon d’aller à la rencontre de la dyade et d’accepter de se laisser toucher par l’intermédiaire du partage émotionnel. Notre approche soignante se réfère à différents modèles théoriques, mais nous pourrions nous représenter être alors convoqués à opérer, pour eux, une fonction alpha, telle que décrite par Bion [5], au sujet de la fonction maternelle, transformant les éléments non assimilables projetés en représentations proposées comme une lecture de ce qu’ils traversent dans un éprouvé corporel encore insuffisamment lié.


Mots-clés éditeurs : psychothérapies mère-bébé, médiation corporelle, fonction alpha, accordage tonico-émotionnel

Mise en ligne 18/10/2018

https://doi.org/10.3917/empa.111.0044

Notes

  • [1]
    E. Bick (1964), « Remarque sur l’observation des bébés dans la formation des analystes », traduction française, Journal de la psychanalyse de l’enfant, n° 12, 1992, p. 14-35.
  • [2]
    Association pour la recherche et l’(in)formation en périnatalité.
  • [3]
    G. Bachelard, L’eau et les rêves, Paris, Corti, 1942, p. 178.
  • [4]
    E. Bick, op. cit., p. 3.
  • [5]
    W.R. Bion, Aux sources de l’expérience, Paris, Puf, 1991.
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