1 De haute mémoire, l’homme a dû se confronter aux éléments pour bâtir sa maison ; de la cabane en terre crue jusqu’à l’appartement actuel, il n’a rien fait d’autre qu’essayer de s’en protéger en utilisant leur substance. De l’abri à la brique, les techniques se sont développées, sophistiquées, complexifiées, mais le lien est le même : le plombier reste le maître de l’eau, le maçon celui de la terre, le charpentier et l’éolien celui du vent, le forgeron ou l’électricien celui du feu. La partie que l’on nomme communément (et à tort) « manuelle » se situe dans ces territoires et le sens qui s’y rattache est bien de protection, de contention : pour ne pas se dissoudre dans l’univers qui nous entoure, nous devons construire notre corps-maison qui deviendra corps-ville, corps-pays, corps-monde.
2 Ce qui différencie l’éducateur technique de l’éducateur spécialisé, c’est la maîtrise d’un (ou de plusieurs) « métier manuel » qui ne représente qu’une réponse conjoncturelle et partielle à cet impératif premier, archaïque. L’itep (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique – qui n’est pas un centre de formation) est un lieu d’accueil, de réparation, de soins, qui doit permettre à la fois « l’expression du symptôme » et la contenance des éclatements adolescents d’une jeunesse en souffrance, dans un but d’unification. L’atelier peut et doit, dans cette optique, redonner du sens en offrant une lisibilité la plus directe et graduelle possible, entre le fouillis des représentations et le fondement de ses « techniques », en remettant tout dans l’ordre. Et comme il est à la fois illusoire et maltraitant d’appréhender toutes les composantes des publics accueillis de la même manière et que l’on ne peut, par ailleurs, se démultiplier à l’infini, nous devons penser chaque espace d’une manière polyfonctionnelle, à la fois ouverte et fermée, où leur vraie place soit rendue aux outils, soit celle d’objets à usage particulier dont on doit avoir une idée de la fonction (et du nom) avant utilisation ; ils ne sont en fait qu’un prolongement de la main, elle-même outil (parmi d’autres) de l’être, du cerveau. L’outil est donc profondément rationnel, sous peine de devenir un « jouet » de plus. Il en va de même pour les machines qui, conformément à la réglementation, doivent être installées dans un atelier à part, hors de portée du jeune, qui pourra néanmoins éprouver leur existence et leur utilité de manière indirecte.
3 Ce n’est donc pas l’outil qui fait atelier, mais d’abord l’action d’intervention sur le réel qu’il illustre.
4 Il convient donc, par exemple, d’exposer le lien direct du travail du plombier avec l’eau dans toute sa trajectoire : d’où vient-elle ? Où va-t-elle ? eau propre/eau usée, eau chaude/eau froide…, à l’intérieur d’un espace uniquement consacré à ces questions, un box qui contiendra dans des armoires fermées ou des caisses à outils tout ce qui participe de la représentation de ce métier : cintreuse, coupe-tube, chalumeau, etc. Ainsi, avant d’être une question de tubes et de soudures, la plomberie représentera d’abord une part importante de la question de la domestication de l’eau et de l’air (gaz). On voit bien, par cet exemple, les transversalités qui s’ouvrent ainsi que le sens nouveau que peuvent prendre certaines sorties, balades, visites incluses dans une intervention pédagogique à l’aune de la réceptivité du jeune ; cela peut ouvrir des possibilités de trajectoires apprenantes qui vont de petits jeux (ou expériences) aquatiques jusqu’à la concrétisation d’un petit réseau d’eau avec robinet et évacuation.
5 Ainsi fixée dans sa fluidité, l’eau, élément constitutif de nos existences (sans elle, pas de vie possible) peut, au creux de toutes les métaphores, dessiner un garde-corps.
6 La terre où nous sommes, qui nous nourrit, et à qui nous serons rendus, est l’élément solide de toutes les plasticités quand sa forme minérale en fait un « pare-temps ». Du terrier à la pyramide, elle est un tout de résistance, de solidité et de protection. Elle entre dans nombre d’activités humaines liées à la maison : la maçonnerie (briques, tuiles, ciment, chaux…), la taille de pierre (ouvrages à « défier le temps »), le tournage (objets domestiques usuels), la sculpture (décor, illustration et support de pensée, etc.).
7 Divinité nourricière, elle garantit, à qui respecte ses cycles de fécondité, de la nourriture en abondance (jardinage, serre) et toute une végétalité matérialisable en poutres, cordes, fibres… pour les menuisiers, charpentiers, tailleurs et tisserands… Nous n’avons qu’elle pour éprouver notre pesanteur et fixer nos assises physiques et mémorielles : elle est notre territoire de confrontation au réel. Ainsi l’atelier « De l’utilité du beau à la beauté de l’inutile » s’accroche à l’élément terre et propose un lieu d’entrée en matière, de confrontation, où la dynamique construction/destruction passe à corps ouvert du malléable au résistant, du liquide au solide, du rugueux au poli, dans une tentative de figuration comme support de pensée et de réalisation, comme valeur d’échange, de langage. Il inscrit son espace d’élaboration entre la préoccupation utilitaire et la représentation symbolique en suivant un chemin d’humanité dont les premiers tracés remontent au paléolithique. Il vise ainsi à l’émergence, à l’extraction et à la valorisation de filons enfouis, de veines intérieures, par un travail de mineur (dans tous les sens du terme) qui court du soutènement de la galerie à l’exposition, de l’obscurité des corons à la descente en luge des terrils.
8 Il se vertébralise autour d’une palette technique simple faite d’outils de base et de propositions de travail ouvertes à même d’accueillir les désirs exprimés, pour les passer au tamis de la mise en œuvre bien avant de penser en faire œuvre et, ce faisant, vise plus à recueillir des bribes de récits dans une matérialité d’écriture où le réel s’impose qu’à évaluer.
9 Il découpe sa géographie en trois espaces :
10 – celui de la minéralité, du résistant, où le travail du béton cellulaire et de la pierre propose une graduation d’engagement et de dégagement à forte implication physique, qui nécessite la mise d’une tenue de travail (une blouse), de lunettes de sécurité et l’expression d’un projet qui peut aller de l’élément de construction (par exemple un linteau) à l’objet usuel (par exemple un cendrier) ou à la pure sculpture. C’est un lieu de bruit, de poussière, d’impact, de destru-construction, qui peut aussi accueillir (sous certaines conditions) le travail de sculpture du bois ou la réalisation de grands projets transversaux (par exemple, char de carnaval).
11 S’y mobilisent : les envies de confrontation, de marquage, de domestication de la matière.
12 S’y travaillent : la maîtrise de soi, la conflictualisation positive, la force de travail, la ténacité, l’économie du geste et la nécessité du rythme.
13 – vient ensuite l’espace de la plasticité, de la prise en main, en peau, fait de terre et de pluie, de fertilité, où dans le temps du séchage, de l’évaporation, l’empreinte qui prend corps, fragile et immémoriale, métaphorise et relie. Terrain de régression autant que de construction, d’excitation autant que d’apaisement, il n’attend que l’inattendu, la surprise, le jaillissement : terre à terre, terre à peau, pot de terre, terre cuite.
14 S’y mobilisent : la volonté d’émergence, le désir de pétrissage, de panification, de nourriture symbolique.
15 S’y travaillent : le contact direct, la mobilisation de tous les sens, le respect des étapes de fabrication, l’inventivité, la créativité introspective.
16 – Le troisième lieu, celui du dessin, de l’apprendre à voir les lignes et les valeurs, de la méthode, propose une géométrisation qui rend possible la reproduction même si on ne « sait pas dessiner » ainsi que des vagabondages graphiques en quête de sens.
17 S’y mobilisent : les capacités de rassemblement et de projection.
18 S’y travaillent : le repérage, la mesure, la concentration, la patience, le sens de la finition, l’amplitude du geste, la distanciation, l’ouverture du regard.
19 La matérialité immatérielle de l’air nous oblige, pour appréhender sa puissance de métamorphose (par exemple : état gazeux/état liquide), à entrer dans une triangulation langagière où deux éléments contraires sont convoqués pour en évoquer un troisième non réductible (oxymore). De l’air qui nous est indispensable (respiration), nous devons aussi nous protéger (cyclones, tempêtes). Ainsi la posture du soudeur, à mi-chemin entre la fusion et l’incendie (ou l’explosion), nécessite-t-elle la manipulation d’éléments antagoniques (gaz et feu) pour accomplir son ouvrage. Nous sommes là sur les territoires du non-stable, des flux (ondes radio, téléphone…), des réactions (phénomènes électriques), de la résonance (son, musique), des sources et transport d’énergie (éolien), de la portance (nuages/avions) et des alternances de pressions hautes et basses comme autant de miroirs comportementaux.
20 Aujourd’hui, le ventre de l’air s’est engrossé d’un sixième continent de véhicules ondulatoires et de virus et c’est une donnée incontournable de notre réalité : la « révolution numérique » a profondément modifié notre rapport au réel en proposant une « matérialité virtuelle », en instantanéisant l’échange (le lien ?), en ouvrant une infinité de « fenêtres » comme autant de richesses que de mises en abyme, et en laissant entrevoir un futur de bouleversement des logiques de production (imprimantes 3D, robotique…).
21 Le pendant paradoxal de cette absolue accélération est la fixité : la survitesse qui annule le déplacement et la fonction contenante de son échappée spatio-temporelle. Solitaire, le voyageur immobile ne s’ouvre plus seulement au monde mais à tous les mondes (et à tout le monde), or les images de la guerre ne sont pas la guerre, les images de l’amour ne sont pas l’amour, les images de la mort ne sont pas la mort et les images du travail ne sont pas le travail. Seule la présence de tiers (instruits) peut permettre au sujet d’accéder au décryptage, à la traduction, pour rétablir une circulation dans cet embouteillage de miroirs où le moi vulnérable peut aller jusqu’à la dissolution.
22 Nous sommes bien là sur le terrain d’intervention de l’éducateur technique car des ordinateurs, téléphones et autres tablettes, nombre de « nos » jeunes (pas si différents en cela des autres) ne peuvent se décrocher. Les rappels au règlement n’y font pas grand-chose tant l’objet semble remplir des fonctions essentielles entre obsession d’une connexion permanente, pratique compulsive de jeux ou cliquetis et manipulations venant compenser une absence de crédit en illustrant par-là la portée symbolique de cet attachement (il n’est pour s’en convaincre que d’observer les réactions qui suivent une tentative de confiscation même temporaire).
23 La mise en scène des ateliers ne peut éluder la réalité de ces phénomènes et doit s’en saisir en tant que décor (présence et relais symbolique), vecteur (outil de passage et de transformation) et donnée objective (de nouveaux métiers).
24 Il conviendrait donc d’équiper de tablettes une salle d’accueil destinée à préparer de manière collective l’entrée en matière autant qu’à servir individuellement de sas de décompression (possibilité de présence d’éducateurs spécialisés à ce moment-là ?) ainsi que les autres lieux, afin de permettre des modulations de rythme de la séquence pédagogique en proposant des illustrations en cohérence avec l’objectif préétabli (avec toutes les possibilités de ritualisation que cela ouvre). Il conviendrait aussi de créer un lieu spécifique consacré à la thématique de l’ordinateur et des multimédias (démontage, réparation, fonctionnement, réalisation de vidéos, etc.) en tant qu’ils représentent de nouveaux secteurs d’activités, des métiers, et offrent des possibilités de transversalités.
25 La matérialisation de cette réalité par des éducateurs techniques contribue à son déplacement et représente bien pour le jeune une possibilité de trajectoire d’objectivisation entre présence symbolique et distanciation, une prise d’air et une porte d’entrée en matière autant qu’un nouveau terrain d’énergisation et de confrontation, car il ne s’agira pas de gadgétiser mais bien de tenir un rôle.
26 Du soleil à la forge, entre lumière et chaleur, le feu, c’est la fusion (minerai/métal), la combustion (chaudière/chauffage), la transformation de la matière (silice/verre), la photosynthèse (pour une nature végétale), la cuisson (solidification)… qui rendent possible le travail du forgeron, du métallier, du chauffagiste, du verrier, de l’agriculteur, du cuisinier, du potier…
27 Les grandes civilisations anciennes (égyptienne, maya…) lui rendaient un culte et pour cause : à la manière des dieux, sa puissance énergétique vitale n’a d’égale que son pouvoir de destruction et, de la foudre au foyer, de l’éruption volcanique à la plaine fertilisée, c’est le lieu du pacte (guerre ou paix) où, entre incendiaire et poète, l’homme n’a eu de cesse de se rêver en « voleur de feu ».
28 Cette appréhension du réel entre concret et symbolique, archaïsmes et technicités, présent/passé, source et estuaire, ouvre des espaces de rencontre métaphoriques et de cheminements balisés où l’éducateur technique se défige de son appellation pour véritablement entrer en matière dans tous ses états et « dans tous les sens ». Par exemple, point d’échelle de valeur entre le cheminement de réalisation d’une cabane en branchages et herbes hautes et celui d’un élément de charpente plus sophistiqué ; c’est simplement la même chose. Outre que les notions d’assemblage, d’enfourchement, de lien, de triangulation, d’ossature… demeurent, il s’agit avant tout pour le jeune d’entrer dans une confrontation, une circulation, d’éprouver la matière, de s’éprouver, de se prouver et, pour l’éducateur technique, de s’affranchir de la tyrannie des représentations en restant le garant « du lieu et de la formule ». L’objet n’a pas de valeur en soi, il donne plus à entendre qu’à voir et il faut écouter ce qu’il raconte car c’est dans la dialectique du récit que les « feux, phares et balises » prennent corps. Ainsi pas de projets plus importants que d’autres par leur production d’objet ou leur ambition, mais une succession de saynètes, de mises en scène où l’atelier-machinerie plante le décor et les éclairages en ouvrant les possibles dans une unité de temps, de lieu et d’action.
29 Théâtralisation donc, c’est-à-dire posture, rôle, interprétation, figuration, dans un processus d’intégration progressive à finalité groupale, de représentation, avec la permanence de la dualité émetteur/récepteur (acteur/public) inversable comme un va-et-vient de ressentis et d’intelligibilités où la place de l’un tient la place de l’autre. Ainsi la passivité du jeune (ou son opposition) ne doit pas freiner l’action au plan technique de l’éducateur, qui se doit de maintenir sa posture au risque de la confrontation ou du rejet, ne serait-ce que pour « donner l’exemple » – d’abord parce que l’apprentissage premier passe par l’imitation (après levée des blocages, inhibitions et autres brisures de miroirs) et aussi parce que la transmission se situe dans un temps long qui n’est pas celui de la réactivité immédiate, du discours. Entre possible et impossible, il y a toute une gamme intermédiaire d’interventions où la parole (les désirs ?) du jeune doit être prise en compte comme point d’appui, impulsion motrice et apport d’énergie transformable. Il faut être adaptable tout en restant indéformable sous peine d’illisibilité. Il convient aussi de penser l’outrance, la gesticulation, la dégradation, trop souvent réduites à une « violence », comme partie intégrante du processus et non comme une butée : « face à la violence », on n’arrête pas de travailler mais on travaille avec elle en s’attachant à décrypter sa polysémie d’hydre fantasmatique aux résonances intimes et sociétales. La proposition d’atelier (tout comme les autres propositions d’ailleurs), dans le sens où elle contient une visée pédagogique (aussi adaptée soit-elle), se heurte d’abord et de plein fouet à cette réalité : ça résiste et pour tenir la posture, il faut beaucoup d’inventivité, de capacité de rebond, de ténacité ; mais au fil des ans, le mouvement de fractionnement s’est amplifié jusqu’à de plus en plus d’individuel et de moins en moins de groupal, ce qui nous met devant une contradiction majeure et doit nous pousser à réagir : il faut recréer des zones de confrontations raisonnées pour retrouver du sens (dans les trois sens du terme) en évitant (autant que possible et au vu des publics accueillis) les groupes de niveaux stigmatisants autant que le gonflement intempestif des mouvements réactifs. Le projet d’atelier multifonctionnel qui se dessine va dans ce sens, d’abord par la création d’un accueil qui assurera l’antériorité structurelle d’une prise de parole quotidienne, seule à même de garantir l’élaboration collective partagée des projets et la distribution ponctuelle des rôles, qui permettra aussi le partage de stimulations orientées (avec projections explicatives et incitatives) et qui aidera à dynamiser les mises en route tout en garantissant une zone refuge « intra--muros ». En second lieu, la globalité de la définition et la déclinaison des différents « espaces éléments » vont dans le sens du renforcement d’un « corps identitaire » (une maison) et rendent possibles la mise en place de groupes ateliers mobilisables sur un temps plus long (une demi-journée) ainsi que les croisements, échanges et coordinations des éducateurs techniques à l’œuvre (car c’est bien dans les deux sens que la dérive individualiste se dessine et qu’il faut recréer, renforcer ou adapter du groupe). Il faut ainsi imaginer le groupe comme préalable et aboutissement. Il commence à exister dès lors qu’on le nomme, lui propose un lieu d’ancrage (et d’encrage) et un terrain d’expression, de réalisation. L’accueil collectif peut permettre cela. Il peut également prendre corps autour d’un projet commun décliné et parcellisé dans les différents espaces, dont la structuration, la menée et la concrétisation sont garanties par la capacité d’élaboration d’une équipe éducative technique rassemblée (groupale), qui pourra alors opérer un resserrement allant jusqu’à l’individualisation pour permettre l’entrée en matière sans isoler du reste du groupe ; elle devra bien sûr pour cela se donner les moyens d’imaginer tous les chemins de traverse, tous les arrangements mélodiques avec la constance et la couleur d’une détermination partagée à utiliser la gamme « élémentaire » des possibles, à tisonner, sous la forge des regards, une pensée fertile pour donner à voir et à entendre, à exposer, sans s’exposer à la présence castratrice de l’œil, au sens orwellien du terme, avec son cortège d’enfermements et d’ennuis.
30 Sortir du trop-plein des phraséologies pour entrer dans une économie de langage qui ménage la « part du vide », des vagabondages contemplatifs, des silences, où les chemins de la rencontre ouvrent à l’éclosion des battements, de la fissure à la virevolte, dans une musicalité de scies, de marteaux, de tondeuses et de burins. Être avec et faire vivre le lieu (géographique et temporel) pour que l’autre puisse un jour y entrer et y « dire » quelque chose ; s’attacher aux permanences, aux saisons, à la puissance des cycles pour rythmer les tumultes et « inverser toutes les courbes », redonner corps à la langue, en prendre possession et la donner en partage comme un butin, une bolée de pollen pour tout un peuple d’abeilles, laisser sa trace, en réaliser un moulage et la monter sur un socle pour la porter bien haut comme une preuve.
31 Tordre le cou aux évidences : la complexité n’est qu’un assemblage organisé de simple, nous sommes tous des animaux sociaux (heureusement) condamnés à l’échange et dans cette circulation, le travail représente notre part de liberté, celle qui permet la dynamique et l’incarnation.
32 Promouvoir et valoriser la réalisation collective en établissant des degrés d’implication, des parts de réussite : des degrés d’implication balisés aux croisements des regards qui délimitent la place de chacun en la garantissant (tu prendras part de manière singulière à cette réalisation, d’une manière co-élaborée, énoncée et soutenue) ; des parts de réussite fondées sur l’importance de la reconnaissance de ton implication, de son caractère unique et essentiel ; ainsi la réussite n’est plus seulement dans l’habileté technique visible (le résultat) mais dans tout endroit où le geste a pris corps (le processus), et il faut pour cela en rendre conte, le raconter en paroles, photos, films, enregistrements… ou en sourires, car c’est un vrai travail de mise en germes de la rondeur des cycles pour de futures transmissions et pas une thésaurisation (pour qui que ce soit), mais bien une écriture, une réhabilitation : l’édification du Pont Neuf, de la basilique Saint-Sernin ou des pyramides a été rendue possible par l’ensemble du corps social de leur époque, des porteurs d’eau aux charretiers, des bouchers aux bêtes de somme, des lavandières aux aubergistes…, et des mendiants aux regardeurs.
33 Promouvoir les complémentarités en bâtissant un corpus solide, partagé, un orchestre symphonique, où la particularité technique raisonnée (impact des bruits, de la poussière, du feu, des silences, etc.) s’intègre dans un tout et prend rang légitimement, quand le bruit devient musique.
34 Et donner statut de respiration à la réflexion en ouvrant des portes de contemplation active et de déambulations-sources dans un au-delà des frontières où perce l’inattendu.
35 Parmi « mes mots des autres » (Valérie Rouzeau), on peut trouver dans ce texte les empreintes d’Arthur Rimbaud, de Frédéric--Jacques Temple, de François Cheng, de Jacques Prévert… et l’esprit--source d’Imasango et de Patrick Chamoiseau.
Mots-clés éditeurs : confrontation, vagabondage, éléments naturels, groupalité, fabrication, équipe
Date de mise en ligne : 06/12/2017
https://doi.org/10.3917/empa.108.0113