Notes
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[1]
Les résultats présentés pour illustrer le cas du métier d’éducateur spécialisé reposent sur une recherche effectuée entre 2012 et 2014, dans le cadre des activités du prefas Midi-Pyrénées, Plateforme de recherche, d’étude et des formations pour l’action sociale. Celle-ci avait pour objectif plus large d’analyser les modalités de construction des parcours de professionnalisation des étudiant-e-s en formation dans les métiers du social de niveau 3 (assistantes de service social, éducateur‑trice‑s spécialisé‑e‑s et conseillères en économie sociale et familiale) et de niveau 5 (aides médico-psychologiques et auxiliaires de vie sociale).
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[2]
Voir à ce propos : G. De Terssac, C. Saint-Martin, C. Thebault (sous la direction de), La précarité : une relation entre travail, organisation et santé, Toulouse, Octares, 2008.
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[3]
Voir R. Ledrut, Sociologie du chômage, Paris, Puf, 1966.
-
[4]
L’oit (Organisation internationale du travail) définit l’employabilité comme : « l’aptitude de chacun à trouver et conserver un emploi, à progresser au travail et à s’adapter au changement tout au long de la vie professionnelle ».
-
[5]
L. Demailly, Politiques de la relation. Approche sociologique des métiers et activités professionnelles relationnelles, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008.
-
[6]
« Entendu comme la préoccupation constante de développer des compétences pour l’insertion dans le marché du travail, voire en termes managériaux de se “rendre désirable” pour prendre part à des activités marchandes ou non marchandes. » (T. Périlleux, P. Vielle, P. Pochet, « Se rendre désirable. L’employabilité dans l’État social actif et l’idéologie managériale », dans Vers un changement de paradigme ?, Bruxelles, Pieter Lang, 2005, p. 301-322.
-
[7]
E. Dugué, « La gestion des compétences : les savoirs dévalués, le pouvoir occulté », Sociologie du travail, n° 3, 1994.
-
[8]
Voir notamment les enquêtes « Générations » du cereq.
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[9]
Voir à ce propos C. Saint-Martin, « Parcours de professionnalisation des étudiant-e-s en formation : regard sociologique », Empan, n° 95, 2014/3, p. 49-55.
-
[10]
Voir pour plus de détail : C. Saint-Martin, F. Rodriguez, « La professionnalisation de l’intervention sociale en Midi-Pyrénées. Analyse qualitative de parcours des étudiants en formation dans cinq métiers du travail social », étude réalisée pour le prefas Midi-Pyrénées, université Toulouse-Jean Jaurès, certop cnrs, novembre 2013.
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[11]
Études universitaires, et/ou expériences professionnelles, et/ou bénévolat, formations diverses (bafa le plus souvent ici).
1 Les réformes intervenues dans le secteur médicosocial ces dernières années sont porteuses d’enjeux renouvelés autour de la place des métiers de l’intervention sociale. L’ensemble des questions posées aujourd’hui à ces métiers, les enjeux émergents concernant plus particulièrement le métier d’éducateur spécialisé reflètent à la fois des transformations profondes des champs de l’activité professionnelle et de la formation du point de vue de son organisation et des rapports sociaux de travail qui les traversent. Dans cet article, je propose d’interroger la professionnalisation des métiers.
2 Une première manière de définir la nature des enjeux liés à ces transformations des métiers sera de les contextualiser. Du point de vue de la sociologie du travail, comment aborde-t-on ces questions ?
3 Ce sera ensuite, dans un deuxième temps, en portant un regard « compréhensif » sociologique sur les parcours des étudiants en formation [1]. Comment se construit le choix qui conduit à une formation dans le social ? Quels éléments du parcours sont susceptibles d’influer sur ces choix ? Sur quelles représentations des métiers de l’intervention sociale se fondent-ils ?
Professionnalisation et employabilité
4 Les réformes qui entourent la redéfinition du métier d’éducateur spécialisé ces dernières années sont à mettre en perspective avec le changement plus global de contexte politique, social, économique dans lequel s’inscrivent les activités de travail, et plus précisément les figures du travail telles que nous les connaissons. Le marché a imprimé ses normes, la flexibilité en tant que référent de modèles d’action traverse désormais toutes les organisations du travail. Considérée au départ comme « ressource », cette flexibilité devient « subie » par les sujets au travail, exprimée par une précarisation grandissante devenue, dans certains milieux de travail, difficile à maintenir à distance. Ainsi, la gestion individuelle de l’incertitude liée aux conditions d’emploi, de statut et de contenu de travail tend à dessiner de nouvelles configurations sociales, traduisant par là même de nouvelles scènes du travail qui interrogent le sociologue [2].
5 Le terme d’« employabilité », qui envahit le champ du travail, de la formation et du management, est également un des marqueurs forts de l’évolution des conceptions du travail. En quelques décennies, on est en effet passé d’une définition reliée à la gestion du non-emploi [3] à une définition reposant sur une vision managériale de la gestion du parcours professionnel et de l’activité des salariés [4]. Il devient l’élément de référence d’un modèle organisationnel, et de nouveaux modes de rationalisation du travail relatifs à l’évolution des systèmes productifs. Et il devient un des éléments centraux d’une nouvelle rhétorique du travail et de l’activité, contribuant aussi à redéfinir une manière de « penser la professionnalisation ». C’est en ce sens que nous souscrivons à l’hypothèse de T. Périlleux « de l’existence d’un socle idéologique commun autour de cette notion d’employabilité qui tient dans quelques thèmes clés : l’activation et la mobilisation de soi, la conception de la vie comme une succession de projets, la segmentation et l’intensification de l’activité, la capitalisation du sens de l’existence ». Flexibilité et employabilité travaillent en ce sens la « professionnalisation » des activités. Nous entendons ici professionnalisation comme « modes de construction sociale d’un groupe professionnel, autrement dit les processus qui transforment une collection d’individus à la fois en un groupe spécialisé dans la division du travail et en un acteur collectif [5] ».
6 Dans le champ de l’intervention sociale et de la formation, les dernières réformes participent de la promotion de ces modèles managériaux.
7 Les nouvelles formes de management institutionnel, par exemple, dans leurs logiques de recrutement et de définition de l’activité, travaillent la division du travail dans le champ. Celle-ci se modifie, marquée notamment par un plus grand brouillage des frontières entre les différents métiers du social. Les discours sur la professionnalisation sont progressivement associés à ce que T. Périlleux nomme « souci d’employabilité [6] », identifiés dans la volonté d’une définition sectorielle plus que professionnelle des activités (et associée aux termes de polyvalence, d’adaptabilité, de mobilité). De la même manière, l’organisation en pôles, plateformes, la promotion de la responsabilité individuelle des usagers sont quelques-unes des expressions de cette nouvelle rationalisation de l’activité dans le champ médicosocial.
8 L’employabilité travaille donc les discours mais aussi les pratiques associées à la professionnalisation des activités. Si dans la période précédente c’étaient les modèles de la qualification et de la profession [7] qui contribuaient à définir les parcours de professionnalisation, aujourd’hui ce sont les modèles de la compétence et l’employabilité qui tendent à redéfinir les processus de professionnalisation.
9 Plus précisément, c’est un tel état de fait qui justifie de s’intéresser, d’un point de vue sociologique et dans une approche systémique, aux acteurs qui participent, construisent, mettent en question, coopèrent, entrent en conflit avec des modèles de penser l’organisation, participant en cela, à partir de logiques d’action spécifiques, au développement renouvelé des dispositifs de professionnalisation.
10 C’est dans cette perspective que nous considèrerons cette catégorie d’acteurs que sont les étudiants en formation. Nous interrogeant sur les processus de socialisation professionnelle actuels, tels que pris dans les tensions, les contradictions relatives à ces bouleversements, nous nous demanderons quelles sont leurs modalités d’action, leurs stratégies, quelles « adaptations » dans la confrontation à ce système en construction.
11 S’intéresser à leur parcours à la fois d’un point de vue objectif, en identifiant les traits forts marquant les itinéraires de professionnalisation aujourd’hui, et d’un point de vue plus subjectif, en identifiant et en analysant les modalités de vécus et les significations qu’ils donnent à leur choix d’orientation, constitue une grille de lecture pertinente des enjeux qui traversent ces métiers en général et plus spécifiquement ici le métier d’éducateur spécialisé.
Quels parcours de professionnalisation avant la formation ?
12 Ce sont, pour les futurs éducateur-rice-s, essentiellement des parcours marqués par des bifurcations qui s’inscrivent dans des transitions professionnelles. Des résultats qui expriment une tendance nationale qui se confirme ces dernières années dans les cohortes des nouvelles générations [8]. Avant d’entrer en formation, ils ont donc connu différents types d’expériences.
13 Nous rappellerons quelques chiffres [9] : l’âge moyen d’entrée en formation d’es (Éducateur spécialisé) des étudiants est de 25,3 ans (âge moyen au niveau national : 30,2 ans en 2010). 50 % des futurs es ont suivi un cursus universitaire, et ont obtenu plus souvent une licence (32 %), ils sont 6 % à avoir effectué un bts ou un dut. Ils ont plus souvent que les autres répondants de notre échantillon exercé des emplois, avec une accumulation plus dense avant l’inscription dans la filière de formation. Les derniers emplois sont plus fortement ancrés dans le social, traduisant une orientation anticipée vers la formation. Un tiers à peu près des parents sont « cadres et professions intellectuelles » et professions intermédiaires – un tiers employés.
14 Ces chiffres indiquent une hétérogénéité des parcours conduisant à la formation. Cependant, une approche compréhensive des récits [10] nous a permis de repérer des éléments structurants imprimant à ces différents parcours une logique spécifique : tout d’abord, les modalités variables de conception d’un projet professionnel constituent un indicateur fécond des dynamiques d’orientation et de réorientation vers les métiers du social. Trois grands types de parcours ont ainsi été dégagés, au sein desquels le statut et la signification donnés aux expériences vécues [11] sont en relation avec la présence ou l’absence anticipée d’un projet.
15 Prenons l’exemple de leur expérience de l’université : elle sera considérée par certains : comme permettant d’acquérir des ressources complémentaires dans un parcours de professionnalisation (type 1), en ce cas le choix de la discipline sera en relation directe avec le projet professionnel ; comme un temps de maturation nécessaire, de latence, dans lequel on s’assure de capacités spécifiques en lien avec une activité dans le social (type 1), ou dans lequel on cherche à préciser ou à définir plus précisément un projet de métier (type 2) ; nous retiendrons ici l’importance de cette expérience comme « temps de maturation » par notamment l’acquisition de connaissances disciplinaires, de ressources diverses dans les parcours de professionnalisation, quels qu’ils soient. L’expérience universitaire va permettre plus concrètement d’approfondir et/ou de confirmer leur projet initial, mais également de se détourner d’un premier projet (type 2), de découvrir et confirmer des capacités pour un nouveau projet de métier.
16 De même en est-il de l’expérience de travail. Là également, c’est un domaine d’expérience qui va contribuer de manière plus ou moins directe à la constitution de ressources expérientielles concourant au développement de capacités et compétences du métier, en permettant d’approfondir ou de confirmer un choix (type 1) ou bien de constituer des expériences-découvertes, comme cet interviewé qui nous explique que c’est à l’occasion d’un travail d’été qu’on lui propose que vient le « déclic » pour une orientation vers un métier dans le social (type 2). Ce travail, il va l’effectuer en milieu carcéral, avec quelques appréhensions au départ liées aux représentations qu’il en a. Cette première expérience lui permet, en dépassant certains préjugés sur ces publics, de découvrir ses propres capacités, ressources propres dans le domaine de l’accompagnement individualisé qui lui donnent envie de poursuivre dans cette voie. D’autres encore cheminent par le biais du bénévolat qui vient révéler un intérêt pour le domaine du social (type 2).
Expériences dans les parcours et « sens du travail »
17 Ce sont encore ces expériences qui, en permettant de constituer des ressources informatives spécifiques, participent de l’étayage d’un « sens » associé aux choix d’orientation du parcours individuel (d’un point de vue normatif, mais aussi en termes de valeurs).
18 Nous montrons ainsi dans notre analyse de quelle manière ce sens du travail se construit. Le sens donné au choix d’orientation, défini ici en tant que finalité dans le parcours, est le fruit de ces expériences, rencontres, événements vécus, etc., le fruit aussi d’un milieu social au travers des valeurs, codes, normes sociales propres qui produisent et confortent des formes d’engagement en lui donnant un sens précis. Je pense notamment au principe de « justice sociale » qui a alimenté nombre de discours de justification du choix des étudiants. Mais cette production de sens est également le fruit d’une première évaluation des capacités relationnelles perçues, éprouvées, de la relation d’aide, du travail relationnel avec ou pour autrui.
19 Là où nos résultats sont questionnants, c’est que cet étayage d’un sens donné à l’orientation effectuée s’organise peu à peu autour de la définition d’une activité spécifique inscrite dans un métier défini. En effet, on relèvera l’importance donnée dans ce choix, pour tous, à la fois à l’objet et au contenu de l’activité, au type de public et de problématiques spécifiques.
Quelle interprétation donner à ces résultats ?
20 De tels résultats ne valent que dans l’appréhension des modalités constitutives d’un tel choix ; ce que l’analyse montre ici, c’est que le sens donné au travail relié au processus de production d’une « identité » spécifique relèvera d’abord de ces significations subjectives reliées et produites par et dans des expériences sociales vécues dans le parcours antérieur. En l’occurrence ici, s’opère un transfert des ressources liées au parcours biographique vers des activités déterminées, mais des apprentissages se font également au travers des expériences relatées plus haut (par le biais du bénévolat, les petits boulots dans le social), ainsi que par diverses autres expériences, rencontres, événements jalonnant les parcours. Nous pensons notamment aux voyages réalisés, aux expériences personnelles référées à leur histoire familiale qui viennent donner corps, étayer, ou renforcer cette « envie », qui sont de fait l’expression et la traduction d’un potentiel « déjà là » en pratique, contribuant ici encore à donner du sens à un projet ou à une décision d’orientation. Dans le discours des étudiants, ils se définissent comme systèmes d’affinités (« j’étais fait pour ça »).
Pour quel engagement ?
21 Enfin, l’analyse montre en quoi et comment l’orientation vers le métier, ici celui d’éducateur, vient s’élaborer à partir d’une image construite, à la fois dans la préfiguration d’un engagement de soi dans une activité particulière et de modalités relationnelles projetées (un public, une problématique). En effet, cette image est produite au travers de différents types d’influences et est articulée à un ensemble de valeurs qu’elle vient conforter. Pour nombre d’entre eux, il s’agit d’exercer un métier qui permet de faire vivre des valeurs : s’engager, sauver le monde, réparer, aider les autres.
22 Dans le rapport au travail mobilisé pour justifier ce choix d’orientation, on note en particulier le peu de mise en évidence des critères de rémunération, d’humanitaire et de promotion de carrière. Par contre, ce qui s’impose touche aux valeurs générales : l’aide, l’utilité et l’engagement. En effet, il s’agit de faire « un travail qui plaît », qui ait un contenu « enrichissant », un travail dans lequel on doit se sentir utile, qui a du sens pour soi et vis-à-vis du collectif. On retiendra pour tous, enfin, que les valeurs de « réussite », de promotion sociale ou que l’ambition d’un meilleur statut social ne sont pas des valeurs de référence ici. Ces éléments seront en fait directement référés à leur parcours de vie, pour certains, dans lequel la dimension « épanouissement personnel dans une activité » est non négligeable et prend tout son sens.
23 En clair, lorsqu’on parle d’engagement des futurs éducateurs spécialisés aujourd’hui, il convient d’intégrer les éléments multiples par lesquels se constitue le sens autour de cette activité, et notamment la question du rapport au travail. Ce qui ressort de notre analyse, c’est que, quelles que soient les formations (ici ass et es principalement), ils considèrent l’engagement de soi dans une activité comme condition de cet épanouissement et c’est en ce sens qu’ils sont déterminés à la fois sur le métier à exercer et les publics ou problématiques sur lesquelles ils souhaitent travailler. C’est, pour certains, dans le même esprit mais plus pragmatiquement un choix qui constitue un bon compromis vis-à-vis d’un engagement personnel (politique, humanitaire), le choix du métier permettant une bonne traduction de cet engagement dans une activité donnée (sans une idée du métier a priori, celui-ci se forge dans le cours des expériences diverses). C’est, pour d’autres encore, un choix de formation qui devient un compromis acceptable à l’égard d’un projet de métier initial abandonné, ou de choix de métiers simultanés – acceptable car reposant sur des formes d’engagement de soi dans le travail assez similaires, ou en tous les cas jugées comme telles, dans lesquelles la dimension relationnelle reste présente. C’est aussi, en filigrane, et plus fortement pour certains, le besoin de « sortir des études ». Cette pression à l’emploi pourra être liée à la situation matérielle, mais également à « l’envie du travail » après quelques années d’un cursus universitaire (avec l’âge, la mise en couple).
En conclusion
24 D’un côté, donc, on retiendra que ces multiples expériences qui jalonnent le parcours vers la formation constituent in fine une construction par « stockage » de ressources diverses et de compétences identifiées ici dans leur modalité de structuration – autrement dit, des savoirs d’expérience intégrés par les individus comme des ensembles de capacités ou potentiels susceptibles d’être traduits en pratiques ou activités déterminées. Et il n’y a pas de rupture des logiques de professionnalisation lors de l’entrée en formation : nous voyons, dans la question des lieux de stage par exemple, de quelle manière les stratégies opérées dans le choix d’un public, d’un secteur, d’une problématique réfèrent largement aux formes d’anticipation amorcées en amont.
25 Ce qu’il sera intéressant de relever également ici, c’est que les logiques d’action mises en évidence dans notre analyse s’apparentent à ce « souci d’employabilité » dont nous faisions état en début d’article et qui, intégré par les étudiants, performe désormais les parcours de professionnalisation dans les métiers d’es, et dans les métiers du social de manière plus générale. Elles s’expriment notamment au travers de stratégies de professionnalisation (savoir utiliser l’opportunité des situations, stratégies anticipatoires, instrumentalisation des expériences, capacité à se créer des compétences définies, adaptabilité, etc.).
26 Les capacités « d’adaptabilité » sont déjà inscrites au cœur des ressources expérientielles acquises dans les parcours. L’analyse a permis également d’en mesurer la richesse, la diversité en relation avec l’hétérogénéité des parcours. Un enjeu pour le métier d’es sera leur reconnaissance et leur traduction dans le cadre de l’organisation du travail relativement à ses formes de standardisation actuelles.
27 D’un autre côté, nous relèverons que, déjà dans le parcours en amont de la formation, il y a production d’un sens, de significations, participant de la construction d’un engagement subjectif pour une activité, un public, une ou des problématiques. La formation viendra là encore « travailler » et faire évoluer les significations données au projet, à la conception de l’activité, etc. Dans ce processus, il apparaît que la question de la ou des finalités associées à l’activité devient essentielle. Elle est un des critères par lesquels s’opère le choix pour un métier en particulier (et non le travail social en général).
28 Enfin, retenons que, dans la construction d’un sens autour du projet de métier dans le social, la question de la vulnérabilité et du risque n’est jamais très loin, qui vient entériner, confirmer ou conduire à une renégociation avec les finalités associées au choix du métier, et donc par là même au sens construit du travail. Dans notre enquête, des étudiants éducateurs le traduiront par divers questionnements autour de leur posture professionnelle future (stratégies anticipées d’adaptation), voire pour certains par la mise en question de leur projet d’insertion professionnelle.
29 « Maintenir un sens du travail acceptable » va participer du futur engagement professionnel. Il conviendra ici d’envisager dans quelle mesure les organisations, en modifiant règles et normes de travail, mettent en question le sens construit de l’activité et les modalités de constitution de l’identité des sujets au travail.
Notes
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[1]
Les résultats présentés pour illustrer le cas du métier d’éducateur spécialisé reposent sur une recherche effectuée entre 2012 et 2014, dans le cadre des activités du prefas Midi-Pyrénées, Plateforme de recherche, d’étude et des formations pour l’action sociale. Celle-ci avait pour objectif plus large d’analyser les modalités de construction des parcours de professionnalisation des étudiant-e-s en formation dans les métiers du social de niveau 3 (assistantes de service social, éducateur‑trice‑s spécialisé‑e‑s et conseillères en économie sociale et familiale) et de niveau 5 (aides médico-psychologiques et auxiliaires de vie sociale).
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[2]
Voir à ce propos : G. De Terssac, C. Saint-Martin, C. Thebault (sous la direction de), La précarité : une relation entre travail, organisation et santé, Toulouse, Octares, 2008.
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[3]
Voir R. Ledrut, Sociologie du chômage, Paris, Puf, 1966.
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[4]
L’oit (Organisation internationale du travail) définit l’employabilité comme : « l’aptitude de chacun à trouver et conserver un emploi, à progresser au travail et à s’adapter au changement tout au long de la vie professionnelle ».
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[5]
L. Demailly, Politiques de la relation. Approche sociologique des métiers et activités professionnelles relationnelles, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008.
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[6]
« Entendu comme la préoccupation constante de développer des compétences pour l’insertion dans le marché du travail, voire en termes managériaux de se “rendre désirable” pour prendre part à des activités marchandes ou non marchandes. » (T. Périlleux, P. Vielle, P. Pochet, « Se rendre désirable. L’employabilité dans l’État social actif et l’idéologie managériale », dans Vers un changement de paradigme ?, Bruxelles, Pieter Lang, 2005, p. 301-322.
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[7]
E. Dugué, « La gestion des compétences : les savoirs dévalués, le pouvoir occulté », Sociologie du travail, n° 3, 1994.
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[8]
Voir notamment les enquêtes « Générations » du cereq.
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[9]
Voir à ce propos C. Saint-Martin, « Parcours de professionnalisation des étudiant-e-s en formation : regard sociologique », Empan, n° 95, 2014/3, p. 49-55.
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[10]
Voir pour plus de détail : C. Saint-Martin, F. Rodriguez, « La professionnalisation de l’intervention sociale en Midi-Pyrénées. Analyse qualitative de parcours des étudiants en formation dans cinq métiers du travail social », étude réalisée pour le prefas Midi-Pyrénées, université Toulouse-Jean Jaurès, certop cnrs, novembre 2013.
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[11]
Études universitaires, et/ou expériences professionnelles, et/ou bénévolat, formations diverses (bafa le plus souvent ici).