Empan 2017/1 n° 105

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Article de revue

Amour et loi

À propos des droits de l’enfant

Pages 76 à 82

Notes

  • [1]
    Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale.
  • [2]
    Déclaration des droits de l’homme de 1948, Déclaration des droits de l’enfant de 1959.
  • [3]
    Article L112-4, Code de l’action sociale et des familles.
  • [4]
    Cass. 1re, 8 novembre 2005, n° 02-18.830.
  • [5]
    Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance.
  • [6]
    Article 388-1, Code civil.
  • [7]
    Article 373-2, Code civil.
  • [8]
    Aix en Provence, 5 mars 2002, Juris Data, n° 2002-194932.
  • [9]
    Archives de la Maison des droits des enfants et des jeunes (association d’accès au droit des mineurs, lieu d’écoute et d’information. Les jeunes y sont reçus lors de permanences par un binôme formé d’un professionnel de l’écoute et d’un juriste). www.droits-et-enfants.com
  • [10]
    Archives de la Maison des droits des enfants et des jeunes. Rapporté dans M. Bongrain, Les sept péchés capitaux envers nos enfants, Toulouse, érès, 2009.
  • [11]
    Article 388-1, Code civil.
  • [12]
    Article 222-22, Code pénal.
  • [13]
    J. Delga, J.-L. Rongé, « Les relations sexuelles consenties entre mineurs : de la licéité à l’illicéité », jdj (Journal du droit des jeunes), n° 321, janvier 2013.
  • [14]
    Article 227-25, Code pénal.
  • [15]
    Article 227-27, Code pénal.
  • [16]
    Les agressions sexuelles sont sanctionnées plus lourdement dans certaines circonstances : commission par plusieurs personnes, par une personne en état d’ivresse ou sous l’emprise de la drogue… Le viol, lui, est réprimé à l’article 222-26 du Code pénal. En outre, la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 réintroduit dans le Code pénal la qualification d’inceste.
  • [17]
    Article 326, Code civil et article L222-6, Code de l’action sociale et des familles.
  • [18]
    Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance.
English version

1 Pendant longtemps, l’enfant, le mineur, n’a eu une existence qu’au travers de ses parents, et plus particulièrement de son père, détenteur de la puissance paternelle. Dans l’Antiquité, un père pouvait vendre ses enfants comme esclaves, il avait droit de vie et de mort sur eux. Au xixe siècle, le droit de correction du père était absolu et lui permettait d’obtenir du tribunal un ordre d’incarcération envers son enfant indiscipliné. C’est en 1970 [1] seulement que la loi va mettre fin à la suprématie paternelle en introduisant la notion « d’autorité parentale ». Au pouvoir aveugle du pater familias se substitue la reconnaissance d’une fonction parentale, ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.

2 Parallèlement, la nécessité de reconnaître la spécificité des droits de l’enfant et de les codifier s’est peu à peu imposée. C’est le fruit d’un long travail qui aboutit, le 20 novembre 1989, à l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant (cide). Le préambule de la cide donne le ton, il fait référence aux différents textes internationaux applicables aux enfants [2]. Il affirme le rôle fondamental de la famille, « reconnaissant que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension ». Suit l’énumération des droits reconnus aux enfants : droit à un nom, à une nationalité, protection contre l’exploitation sexuelle, contre l’enrôlement dans l’armée, droits aux soins, à l’enseignement, aux loisirs…

3 Lorsqu’un État ratifie la cide, il s’engage à mettre son droit interne en conformité avec les dispositions de celle-ci. La France a ratifié la convention par une loi du 2 juillet 1990, elle est entrée en vigueur le 6 septembre 1990. Conformément au texte et à l’esprit de la cide, les impératifs du législateur français se sont alors déclinés autour du respect de la personne de l’enfant comme sujet de droits.

La loi apporte une attention particulière à l’enfant

4 Pour la cide, l’intérêt de l’enfant doit être le moteur de toute intervention : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (article 3, cide). L’adjectif « supérieur », introduit par la cide, entend souligner la suprématie du bien-être du mineur. Celui-ci ne saurait être subsidiaire, il prime sur celui des adultes et il doit être recherché coûte que coûte.

5 Cette formule de « l’intérêt de l’enfant » existait déjà dans notre droit mais la Convention en a permis une référence plus fréquente : droits et devoirs des parents, choix des prénoms de l’enfant, adoption, mesures prises par le juge des enfants… Le législateur ne donne pas de définition, tout au plus trouve-t-on une énumération des éléments qui sont censés recouvrir « l’intérêt de l’enfant » : « La prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits [3]. » De nombreuses décisions de jurisprudence ont utilisé ce critère pour trancher des différends entre les parents.

6 Un couple a deux enfants. La mère est de nationalité française et luxembourgeoise, le père de nationalité française et d’origine libanaise. Ils se séparent, les deux enfants vivent avec la mère au Luxembourg. Le père vit en Suisse. Un conflit éclate à propos du choix de l’établissement scolaire des enfants. La mère opte pour un établissement où l’enseignement est en langue allemande, le père souhaite une scolarisation dans une école francophone. Les parents mettent en avant, tous les deux, l’intérêt des enfants. Le père, ne parlant pas allemand, souligne qu’il ne pourra pas suivre la scolarité de ses enfants, ce qui est contraire à leur intérêt. Pour la mère, c’est l’inverse, puisqu’elle parle allemand. Les magistrats de première instance suivent la mère. Les conseillers de la cour d’appel estiment la demande du père bien fondée, puisque de nature à permettre une coparentalité effective, salutaire au bien-être des enfants. La Cour de Cassation quant à elle sanctionne la décision de la cour d’appel « conforme à l’intérêt du père » et contraire « à l’intérêt supérieur des enfants [4] ».

7 Une autre disposition issue directement de la cide permet de témoigner de l’attention et de la considération à l’enfant, c’est la reconnaissance d’un droit à la parole. La loi du 8 janvier 1993 l’a introduit dans le Code civil français, la loi du 5 mars 2007 [5] en a fait un véritable droit pour l’enfant. Le mineur doué de « discernement » peut demander à être entendu par le juge « dans toute procédure le concernant [6] ». Il s’agira par exemple de permettre au mineur de s’exprimer, dans le cadre de la rupture parentale et de la détermination de son lieu de vie, ou bien dans le cadre de l’adoption, ou lors de l’établissement d’un lien de filiation…

8 Le peu de formalisme de la procédure montre le souci du législateur d’ouvrir aux mineurs cette faculté. Une simple lettre écrite par l’enfant est suffisante. La demande peut être exprimée devant la cour d’appel pour la première fois et la Cour de Cassation veille au respect de ce droit puisqu’elle exige que la demande soit exprimée directement par l’intéressé et non par l’intermédiaire d’un adulte.

9 Enfin, sous l’influence de la cide, l’attention manifestée à l’enfant et la reconnaissance de ses droits s’accompagnent de la prise en compte de la cellule familiale et du respect de l’autorité parentale.

10 Cela se traduit dans les textes de loi par l’affirmation d’une autorité parentale conjointe quelle que soit la situation du couple parental : marié, concubin, réuni par un Pacs, divorcé, séparé. Dans cet esprit, le législateur érige en principe le maintien des liens de l’enfant avec ses deux parents séparés [7] et exige non seulement que chacun des parents maintienne des relations personnelles avec l’enfant mais aussi qu’il respecte les liens de celui-ci avec son autre parent.

11 La loi prévoit des modalités afin de permettre aux deux parents de participer à l’éducation de leur enfant : la résidence alternée, l’obligation de prévenir en temps utile l’autre parent en cas de déménagement d’un parent. De même, la faveur accordée par la loi aux accords parentaux est incontestablement une autre marque de la volonté du législateur de favoriser la coparentalité. Force est de constater que le législateur a le souci du respect de la personne de l’enfant. Cependant, dans une société où les rapports humains sont fragiles, instables et trop souvent dénués de tout fondement, il nous faut mesurer combien il est difficile de repérer où se situe l’intérêt de l’enfant. L’adoption de l’enfant du conjoint nous en offre une illustration.

12 La mère d’un petit garçon de 9 ans s’est remariée. Dans l’intention de recréer une famille unie, le mari demande à adopter l’enfant, le tribunal prononce cette adoption, les magistrats y voyant la marque de l’intérêt de l’enfant. Entre-temps, le couple subit une crise conjugale et le divorce est demandé. Le « père adoptif » fait appel du jugement d’adoption et demande la révocation de l’adoption au motif qu’elle n’est plus justifiée puisque le couple se sépare. La cour d’appel fait droit à sa demande « dans l’intérêt de l’enfant », dès lors que « le conjoint n’est plus en mesure d’assurer le rôle parental lié à son union avec la mère, qui motivait sa demande d’adoption [8] ». Voilà un enfant à qui l’on « donne » un père, dans son « intérêt », et à qui on le supprime quelques mois après, toujours au nom de son intérêt.

13 On fait endosser à l’enfant les événements. Écoutons Clarisse, âgée de 19 ans aujourd’hui : « J’ai perdu de ma personne dans cette histoire… j’étais une enfant qui fait ça, qui va là, au bon plaisir de mes parents, j’aurais voulu me poser, cela bouffait toute mon énergie. » La multiplication des ruptures parentales conflictuelles, l’application des parents à se déchirer rendent trop souvent la vie bien difficile aux enfants, véritables otages de leurs propres parents.

14 Ainsi, la résidence alternée a été posée comme principe qui permet à un enfant de garder des liens avec chacun de ses parents. Malheureusement, ce peut être aussi une arme dont va se servir le parent déterminé à régler un conflit avec son ex-conjoint par enfant interposé. La résidence alternée, quand elle ne résulte pas d’un accord parental, peut être demandée par l’un des parents au juge aux affaires familiales. Sous couvert d’harmonie familiale peuvent se cacher des motivations moins avouables telles que : bénéficier des mêmes droits aux allocations (logement, familiales) et aux avantages fiscaux, s’abstenir de verser une contribution pécuniaire à l’entretien de l’enfant. Certes, le juge a un pouvoir d’appréciation, mais le parent demandeur va démontrer le bien-fondé de sa demande, qui plus est au nom de l’intérêt de l’enfant.

15 Les parents de Jordan [9] se sont séparés alors qu’il avait 6 ans, il est âgé aujourd’hui de 12 ans. Dans un premier temps, tout se passait bien. Il y a un an, le père demande et obtient une résidence alternée. Jordan vient à la Maison des droits des enfants et des jeunes, sa demande est : « Je ne veux pas aller aussi souvent chez mon père. » Il faut pourtant expliquer à Jordan que son père et sa mère l’aiment et qu’il est bon pour lui de garder des liens affectifs. Après écoute et discussion, il repart, docile, avec l’intention de faire un essai. Quelques mois plus tard, les larmes aux yeux, il dit sa souffrance. Son père l’oblige, confie-t-il, à avoir les vêtements de sport en double, il lui a confisqué son portable disant qu’il parlait trop avec sa mère et que les ondes étaient néfastes. Auparavant, son père passait le vendredi soir au collège puis le conduisait chez sa mère afin qu’il prenne ses affaires pour le week-end ; aujourd’hui le père ne veut plus attendre en bas de l’immeuble où habite « son ex », il oblige Jordan à prendre son sac au collège. Jordan, malheureux, ne comprend plus rien.

16 Doit-on « comprendre » quelque chose ? Même si au cours de l’entretien nous apprenons que la mère a un compagnon depuis un an environ, que Jordan s’entend bien avec lui. Même si nous admettons que le père biologique a l’impression que sa place et son rôle sont menacés. Faut-il pour cela ébranler les repères que cet enfant s’était créés et semer un climat d’angoisse ?

17 Dans de telles situations, l’enfant n’a plus sa place d’enfant. Les dispositions de la loi peuvent bien être là pour offrir un climat d’affection, d’harmonie familiale, la volonté des parents est tout autre. Il s’agit de se déchirer et de régler un conflit conjugal par enfant interposé.

18 Le droit à la parole que le législateur accorde à ces enfants pourrait permettre d’écouter cette souffrance. Là encore, les règlements de compte conjugaux entraînent la confiscation de ce droit, la parole de l’enfant est trop souvent celle de l’adulte.

19 Rémi, 9 ans [10], vient, conduit par sa mère, à la Maison des droits des enfants et des jeunes. Ses premiers mots sont : « Je ne veux plus aller chez papa, on ne mange que des pizzas, on se couche tard, on utilise des patins pour marcher, et il ne donne pas d’argent à maman. » Après un temps d’hésitation, il ajoute : « Il y a autre chose, mais je l’ai oublié. » Si nous prenons le temps de dialoguer avec Rémi – et nous le ferons en binôme avec un professionnel de l’écoute (travailleur social ou psychologue) –, nous entendrons ses regrets sur les moments trop rares passés au foot avec papa, ses chagrins lors de soirées laissé tout seul devant la télé. La parole de Rémi au fil du dialogue devient plus personnelle, mais il y faut du temps, de la patience.

20 Face à de tels constats, les juges aux affaires familiales ne sont pas enclins à entendre les jeunes enfants. Et la loi le leur permet puisque ce droit ne concerne que le « mineur doué de discernement ». La motivation du magistrat est « discernement insuffisant permettant une instrumentalisation ». Les juges vont alors demander une enquête sociale, ce que la loi prévoit toutes les fois où « l’intérêt de l’enfant le commande [11] ».

21 Force est de constater l’impuissance du législateur dans certains domaines du droit de la famille. Que peut la loi face à la volonté aveugle de parents mus par le désir de régler des comptes, même si l’enfant en est la victime innocente ? D’autant que ce combat va se faire en toute légalité et en utilisant les termes ou dispositions de la loi. C’est dire que la loi ne fait pas tout. L’utilisation que l’on en fait ou pas reste l’essentiel.

22 La reconnaissance de la personne du mineur passe aussi par le respect de sa sexualité.

La loi assure un cadre protecteur au jeune dans la découverte de sa sexualité

23 Ce n’est qu’en sanctionnant des comportements qui peuvent porter atteinte à l’intimité, à la fragilité, que le législateur entend fournir un cadre protecteur aux adolescents dans la découverte de leur sexualité.

24 Il s’agit bien de protéger le jeune. Par conséquent, le législateur n’intervient pas dans ce qu’il estime naturel, c’est-à-dire les relations amoureuses entre mineurs, hétérosexuelles ou homosexuelles. Le législateur laisse les jeunes adolescents libres dans la découverte de leur sexualité. Deux jeunes mineurs, âgés de moins de 18 ans ou même de moins de 15 ans, peuvent vivre une relation amoureuse, il est impossible de se servir de la loi pour les réprimander.

25 C’est seulement lorsque les relations sont obtenues par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise que l’auteur, mineur, commet un délit pénal d’agression sexuelle prévu et puni par le Code pénal [12]. La surprise peut résulter d’un stratagème, ou bien du fait d’abuser de l’inconscience de la victime, alcoolisée ou droguée. La contrainte peut résulter de la différence d’âge trop importante entre les deux partenaires ou bien du très jeune âge de l’un d’eux, supposé être « victime ». Ainsi pour certains auteurs, avant 10 ans un enfant ne peut réaliser véritablement ce qu’est la sexualité, par conséquent il ne peut donner valablement son accord à une relation sexuelle [13].

26 Lorsque le partenaire amoureux de l’adolescent est majeur la loi prévoit des sanctions dans certaines situations.

27 Jusqu’à 15 ans, le législateur estime que le mineur n’a pas une volonté suffisamment éclairée lorsqu’il vit une liaison sentimentale avec un majeur et que, par hypothèse, il n’est pas consentant. Les caresses, les manifestations physiques amoureuses, même vécues sans menace ni violence, sont punissables et constituent un délit. La personne majeure qui a une relation amoureuse avec un ou une adolescente de moins de 15 ans commet « une atteinte sexuelle sur mineur » et peut donc être sanctionnée pénalement, même si les deux sont d’accord [14].

28 À partir de 15 ans et jusqu’à 18 ans, le délit ne sera constitué que lorsque la relation est le fait d’un ascendant ou bien d’une personne qui abuse de son autorité [15], par exemple un enseignant, un moniteur, un éducateur, un membre de la famille. Et ce, même si le jeune est consentant [16].

29 Pour le législateur, l’âge de 15 ans constitue en quelque sorte un âge « de raison » dans la vie sexuelle des adolescents. Le mineur de 15 à 18 ans est apte à apprécier ses relations amoureuses et à refuser celles qui lui paraissent néfastes. Le langage courant parle d’ailleurs de « majorité sexuelle ». Il faut pourtant préciser cette notion. Est-ce que cela signifie que l’adolescent(e) a une maîtrise pleine et entière de ses relations sentimentales et qu’il (elle) peut fréquenter qui bon lui semble ?

30 Inès vient à La Maison des droits des enfants et des jeunes pour avoir un conseil : « J’ai 15 ans et demi, je sors avec un garçon de 19 ans, on voudrait coucher ensemble, cela fait bientôt neuf mois qu’on se voit et ça me semble raisonnable. Le problème, c’est que mon père n’est pas au courant, au cas où il l’apprendrait, pourrait-il porter plainte pour quelque raison que ce soit ? Mon copain pourrait-il avoir des problèmes si on couche ensemble alors que je ne suis pas majeure ? »

31 Il faut expliquer à Inès que, même après 15 ans, elle reste mineure et sous la protection de ses parents. Son père a le droit et le devoir de surveiller ses fréquentations. S’il estime cette relation contraire à son intérêt, il peut lui demander de ne plus voir ce garçon. La difficulté naîtra cependant de l’appréciation de cet intérêt, la perception étant différente pour les parents et pour l’adolescente.

32 Il convient de nuancer malgré tout ce droit et devoir de surveillance de la part des parents. Le mineur a un droit au respect de l’intimité de sa vie privée. La Convention internationale des droits de l’enfant énonce ce droit. Notre Code civil prend soin d’affirmer : « Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. » C’est dire que, s’agissant des relations amoureuses de leur enfant, les parents se doivent de respecter ses sentiments, ses relations. Ce n’est que lorsqu’ils l’estimeront en « risque de danger » qu’ils pourront interdire par exemple une relation, en ayant au préalable une discussion avec le mineur.

33 L’adolescent en opposition avec ses parents peut choisir de partir du domicile parental pour vivre en concubinage avec son compagnon ou sa compagne. Dans ce cas, il est considéré comme en fugue, puisqu’un mineur est domicilié par principe chez ses parents. Ceux-ci peuvent faire appel à la police ou à la gendarmerie pour lui faire réintégrer le domicile familial. Le partenaire peut être accusé du délit de soustraction d’enfant (anciennement « détournement de mineur »).

34 Lorsque le jeune entretient une relation amoureuse admise par ses parents, il peut désirer vivre en concubinage. Que ce soit sous le toit familial ou en dehors, il n’en reste pas moins assujetti à l’autorité parentale et toujours dépendant de la protection de ses parents.

35 Lorsque le jeune mineur est dans une institution, par suite d’une mesure de protection administrative ou d’une décision du juge des enfants, le respect de sa vie amoureuse peut occasionner bien des difficultés. Loïc ne supporte pas qu’on lui interdise d’afficher des photos sur les murs de sa chambre. De plus, lorsqu’il reçoit une fille dans sa chambre, il faut que sa porte reste ouverte. Lorsqu’on lui demande s’il en a parlé avec les éducateurs ou le directeur de la structure, il répond : « Ils s’en fichent, ils sont bornés. Ils ne nous considèrent pas. »

36 Il paraît essentiel de développer au sein des institutions des groupes de parole afin que les règles de vie commune soient discutées, mais aussi comprises, admises et adaptées le cas échéant.

37 Sur le plan du droit des jeunes à la maîtrise de leur corps, le législateur est allé un peu plus loin en accordant une certaine autonomie aux « pré-majeurs ». Ainsi un mineur peut se procurer sans le consentement de ses parents des contraceptifs et ce, gratuitement, dans les centres de planification familiale. Une jeune fille peut décider de faire pratiquer une ivg sans le consentement de ses parents, lorsqu’elle veut garder le secret ou bien lorsque les parents n’y sont pas favorables. La loi, dans un souci de protection, prévoit une procédure et des modalités à respecter, tout en donnant au médecin un rôle de médiateur. En effet, même si la mineure présente sa demande toute seule, le médecin doit s’efforcer d’obtenir que les parents soient consultés, afin d’éviter la rupture du lien parental. Lorsque la mineure est bien déterminée, elle doit choisir une personne majeure pour l’accompagner dans ses démarches. Un premier entretien à caractère social est obligatoire. Après l’ivg, une consultation médicale est proposée ; elle a pour but notamment une information sur la contraception.

38 La loi reconnaît également à la mineure le droit de recourir à l’accouchement sous X [17]. En effet, lors de l’admission à la maternité, « la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé », aucune condition d’âge n’est exigée.

39 Au terme de ce survol des réformes législatives de ces vingt dernières années, nous pouvons dégager quelques éléments de réponse aux questions suivantes : « la loi peut-elle être vectrice de sentiment ? » et « quel est son rôle dans les relations amoureuses des mineurs ? ». La loi est évolutive, les différentes réformes en attestent, les progrès existent. Dans le sillage de la cide, les droits de l’enfant ont été reconnus et codifiés par le législateur français.

40 Le droit de l’enfant d’être considéré comme une personne à part entière anime tout le droit de la famille. L’intérêt de l’enfant, le droit à la parole, le droit à tisser des liens avec ses deux parents sont autant de principes qui doivent guider les rapports entre parents et enfants et orienter les décisions prises par les professionnels de l’enfance. Cependant, nous l’avons vu, la loi ne fait pas tout et le législateur est impuissant face au déterminisme des parents entraînant leur enfant dans la rupture conjugale, en en faisant un otage. À cela, on peut répondre qu’il existe un remède qui devrait être davantage développé, c’est la médiation familiale.

41 La médiation familiale se définit comme « un processus de construction ou de reconstruction du lien familial » (définition du Conseil national consultatif de la médiation familiale). Dans les conflits conjugaux et familiaux, le recours à un médiateur, professionnel impartial, indépendant, sans pouvoir de décision, peut aider à la gestion du conflit.

42 Reconnaître que le mineur est une personne passe également par la protection de celui-ci dans le cadre de sa sexualité, de ses relations amoureuses. La loi pénale prévoit des sanctions pour les actes qui portent atteinte à l’intimité de la personne du mineur. Là encore, la loi ne peut pas tout. Il est essentiel de renforcer la formation des professionnels de l’enfance, travailleurs sociaux, éducateurs, directeurs de structure, dans le domaine de la sexualité dans la période où les adolescents construisent leur identité. La loi de 2007 [18] prévoit la mise en place de celle-ci et un décret du 23 juin 2009 en précise le contenu, notamment en matière d’infraction sexuelle contre les mineurs.


Mots-clés éditeurs : majorité sexuelle, ivg, droit à la parole, intérêt de l’enfant, atteinte sexuelle sur mineur, accouchement sous X, autorité parentale conjointe

Date de mise en ligne : 23/03/2017.

https://doi.org/10.3917/empa.105.0076

Notes

  • [1]
    Loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale.
  • [2]
    Déclaration des droits de l’homme de 1948, Déclaration des droits de l’enfant de 1959.
  • [3]
    Article L112-4, Code de l’action sociale et des familles.
  • [4]
    Cass. 1re, 8 novembre 2005, n° 02-18.830.
  • [5]
    Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance.
  • [6]
    Article 388-1, Code civil.
  • [7]
    Article 373-2, Code civil.
  • [8]
    Aix en Provence, 5 mars 2002, Juris Data, n° 2002-194932.
  • [9]
    Archives de la Maison des droits des enfants et des jeunes (association d’accès au droit des mineurs, lieu d’écoute et d’information. Les jeunes y sont reçus lors de permanences par un binôme formé d’un professionnel de l’écoute et d’un juriste). www.droits-et-enfants.com
  • [10]
    Archives de la Maison des droits des enfants et des jeunes. Rapporté dans M. Bongrain, Les sept péchés capitaux envers nos enfants, Toulouse, érès, 2009.
  • [11]
    Article 388-1, Code civil.
  • [12]
    Article 222-22, Code pénal.
  • [13]
    J. Delga, J.-L. Rongé, « Les relations sexuelles consenties entre mineurs : de la licéité à l’illicéité », jdj (Journal du droit des jeunes), n° 321, janvier 2013.
  • [14]
    Article 227-25, Code pénal.
  • [15]
    Article 227-27, Code pénal.
  • [16]
    Les agressions sexuelles sont sanctionnées plus lourdement dans certaines circonstances : commission par plusieurs personnes, par une personne en état d’ivresse ou sous l’emprise de la drogue… Le viol, lui, est réprimé à l’article 222-26 du Code pénal. En outre, la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 réintroduit dans le Code pénal la qualification d’inceste.
  • [17]
    Article 326, Code civil et article L222-6, Code de l’action sociale et des familles.
  • [18]
    Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance.
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