Empan 2016/3 n° 103

Couverture de EMPA_103

Article de revue

Notes de lecture

Pages 133 à 138

English version

Flore, Documentaire de Jean-Albert Lièvre, 2014, info@flore-lefilm.com, www.happinessdistribution.com

1Flore a 70 ans, les premiers signes de la maladie sont diagnostiqués. Flore oublie, se perd, erre dans les rues, ne reconnaissant plus ni les gens ni les lieux. Flashback. Une belle jeune femme, artiste et sportive, mère de trois enfants à qui elle fait découvrir avec passion la vie, le monde, la nature et l’art lors de vacances en Corse, chaque été. Elle est belle, aime et est aimée par son mari et ses enfants. Retour au présent. Elle est veuve et ne peut plus partager son temps entre Paris et la Corse du fait de la maladie. Flore perd petit à petit ses capacités d’autonomie. Ses enfants doivent se résoudre à la placer dans un établissement spécialisé. C’est une véritable descente aux enfers pour cette femme qui régresse de jour en jour et s’étiole. Elle perd l’usage de la parole, tout centre d’intérêt, elle ne s’alimente plus. Enfermée physiquement et abrutie de médicaments, elle sombre dans la démence. Elle oscille entre la tristesse, la colère, la révolte. Son comportement est inadapté à l’environnement dans lequel elle végète. Les effets des médicaments antipsychotiques, antidépresseurs, calmants sont violents. Au lieu de l’apaiser, ils la transforment en une furie qui casse, agresse, se met en danger. Après une deuxième tentative d’hébergement dans un autre centre spécialisé et malgré l’existence d’un environnement plus agréable : parc, forêt où elle peut déambuler, ses enfants constatent que son état s’aggrave encore. Détruite, affaiblie, angoissée, elle perd de plus en plus rapidement toutes ses facultés. Conscients de l’inhumanité de la situation, les trois enfants se relayent auprès de leur mère, payant aussi une aidante pour la prendre en charge chaque jour au sein de la structure. Cette femme, par sa présence, sa proximité avec Flore, réussit à l’apaiser par instants.

2Le fils a filmé sa mère dans les phases critiques où, sous l’emprise des médicaments, elle exprime la folie face au miroir, elle grogne, crie, grimace. La dernière image de cette période la montre à quatre pattes dans le parc, grattant la terre, arrachant l’herbe et s’effondrant face au sol dans une pure souffrance. Flore ne marche plus, pèse 39 kg, la fin est proche. Ses enfants décident alors de rompre avec le système proposé pour construire eux-mêmes la prise en charge de leur mère. Ils raisonnent pour construire un projet humainement acceptable. Flore est désormais installée dans la maison de famille en Corse. Petit à petit, elle est sevrée de tout médicament. L’aide-soignante parisienne va assurer une présence rassurante jusqu’au moment où la prise en charge de Flore en Corse est opérationnelle. Une aidante d’origine tibétaine vit désormais avec Flore dans la maison. Se relaient un infirmier et un kinésithérapeute. Le fils aîné quitte Paris pour s’installer près de sa mère et les deux autres enfants feront des séjours réguliers auprès de celle-ci. Flore perçoit lors du voyage en avion que le contexte change.

3La deuxième partie du film montre comment Flore retrouve ses capacités. Elle marche à nouveau, jusqu’à faire de grandes promenades dans le maquis corse. Des premiers pas sur la terrasse jusqu’aux marches plus longues et difficiles sur les chemins du bord de mer et de montagne, sur les sentiers du gr 20, nous la voyons reprendre le goût de vivre. Elle qui ne s’alimentait plus finit par manger toute seule. Il est vrai que les mets mijotés par la jeune femme tibétaine, même mixés, ont l’air savoureux. La maison est aménagée pour limiter les risques d’accident mais seulement sur les extérieurs, terrasses, balustrades. Flore évolue au milieu des objets et des décors qui racontent l’histoire de sa vie : photos, bibelots, tableaux. Elle qui avait perdu figure humaine reprend des forces (c’est spectaculaire) et redevient jolie. La maladie d’Alzheimer est présente mais ralentie. Elle arrive à produire des bouts de phrases. Même si ce sont des fragments, on perçoit qu’elle en souffre moins. Flore réapprend à nager et retrouve le plaisir d’évoluer dans l’eau de la mer Méditerranée. Flore, grâce aux soins dont elle est l’objet, retrouve de la force et de l’autonomie. Elle a une bonne musculature et est restée mince et tonique. Elle qui était décharnée retrouve un corps souple et alerte lorsqu’elle fête ses 77 ans. Flore exprime sa reconnaissance à ses enfants et à ses aidants. L’amour que les enfants portent à leur mère est touchant, ils lui rendent ce qu’elle leur avait donné dans leur enfance pour les construire en tant qu’adultes brillants et sensibles.

4Ce documentaire est une remise en cause de la prise en charge de la maladie par la médecine et par la société. Là, il s’agit d’une prise en charge familiale. Une famille qui a certes les moyens d’assurer un lieu de vie, des emplois spécialisés dans le secteur privé. Flore et ses enfants sont issus d’un milieu très favorisé. Les enfants s’entendent très bien pour procurer à leur mère une fin de vie dans un environnement adapté et choisi. C’est une belle démonstration d’intelligence et d’amour filial. Malheureusement, seuls les très privilégiés, à condition qu’ils s’entendent entre frères et sœurs, pourraient reproduire ce modèle.

5Isabelle Furno, proviseur lycée des métiers Jacques de Romas, route de Mézin 47600 Nérac.

6isabelle.furno@ac-bordeaux.fr

Les institutions à l’épreuve des dispositifs. Les recompositions de l’éducation et de l’intervention sociale, Sous la direction de Michèle Becquemin et Christiane Montandon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014

7Cet ouvrage rend compte des « rapports complexes et souvent tendus entre institutions et dispositifs qui s’instaurent dans l’action publique, sachant que […] la notion de dispositif, sans réellement être définie, connaît un développement exceptionnel, dans les milieux politiques, administratifs aussi bien que professionnels ».

8Que signifie ce développement d’une notion bien française dont le sens évolue depuis ses origines et qui ne trouve pas sa traduction dans d’autres langues ? « La vogue des dispositifs correspond-elle à un redéploiement, à un réajustement, ou à un renouvellement des institutions ? Ou bien s’agit-il d’un phagocytage ? » réalisant une volonté de désinstitutionnaliser les prises en charge ?

9Le rapport entre institution et dispositif constitue un analyseur pertinent des logiques, souvent contradictoires, qui déterminent les recompositions actuelles de l’éducation et de l’intervention sociale. En particulier, l’orientation politique majeure déterminée par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, dite « loi handicap », implique de nouvelles conceptions pratiques, de nouvelles compositions organisationnelles, encore mal déterminées, qui sont nécessairement transversales aux structures ressortissant de l’éducation, de la formation professionnelle, des secteurs sanitaire et médico-social, de la politique de la ville, de la politique de la famille.

10L’orientation donnée par cette politique inclusive se traduit notamment par une prolifération d’organismes intitulés dispositifs, « relevant de montages hybrides, temporaires et généralement valorisés par leur caractère innovant ». Ainsi, les « institutions seraient de plus en plus surplombées par une propagation de dispositifs dont les idéologies seraient convergentes et annonciatrices d’un nouveau modèle de société ».

11En ouverture à l’ouvrage, Michel Chauvière et Christiane Montandon s’appliquent à déconstruire la notion de dispositif dans le champ social et dans le champ épistémique, suivant l’hypothèse qu’elle se situe dans le registre du nouveau management public.

12Suivent quatre parties centrées sur des analyses appliquées à différents types de pratiques :

131. Des dispositifs innovants face à l’institution scolaire : partie dans laquelle Françoise Clerc s’intéresse aux causes historiques de la rigidité de l’institution scolaire entre sa dépendance vis-à-vis de l’État et la prégnance du mythe fondateur.

142. Baptiste Besnier complète ce point de vue à partir de récits de vie d’enseignants engagés dans des actions innovantes, il mesure que ce choix ne relève pas tant d’un cadre institutionnel a priori favorable mais essentiellement de dispositions et de trajectoires personnelles. Il pose ainsi la question du rapport entre dispositif et implication des acteurs, mettant l’accent sur ce dernier terme.

153. Valérie Barry aborde les difficultés qui apparaissent dans le cadre de l’école inclusive, entre les différentes catégories de professionnels amenés de ce fait à travailler ensemble dans la construction d’une culture partagée qui en est généralement encore à ses premiers pas (notamment les professionnels de l’éducation, du sanitaire pédopsychiatrique, du médico-social).

164. À l’inverse du champ scolaire – dans le cas de la gérontologie –, Dominique Argoud montre comment les politiques n’ont donné lieu qu’à une faible institutionnalisation. L’action publique est ici mise en œuvre par « des dispositifs qui s’accumulent et s’enchevêtrent au fur et à mesure que s’élaborent de nouveaux programmes ». Même caractéristique floue et instable de l’action publique en ce qui concerne la politique d’insertion des jeunes : Frédérique Giuliani montre que leur empilement, depuis la création des missions locales, est significatif d’un déficit d’institution qui « pousse les professionnels à s’ajuster continuellement… ». Dans le même sens, Michèle Becquemin analyse l’usage du terme dispositif dans le champ de la protection des enfants en danger : elle constate une désarticulation de l’assemblage institutionnel forgé cinquante ans plus tôt.

17En revanche, pour Catherine Delcroix qui s’intéresse à la politique de la ville – aux partenariats alliant des espaces professionnels encore récemment cloisonnés –, les dispositifs mis en œuvre au travers des pmi et des cmpp produisent des résultats positifs qui permettent notamment aux parents issus de l’immigration de devenir des acteurs à part entière face aux institutions.

18La dernière partie de l’ouvrage concerne les dispositifs de recherche dédiés à l’institution : « dont la fonction est d’en renouveler la pensée et l’organisation ». Pierrine Robin mesure la portée d’une collaboration consistant à associer les publics dans la conception et la réalisation de la recherche. Les mesures de Protection des jeunes majeurs (pjm) font ainsi l’objet d’une « recherche par les pairs ». L’auteur met en évidence les apports d’une telle démarche, mais aussi les risques de confusion qu’elle est susceptible d’entraîner entre la dynamique de la recherche proprement dite, les enjeux institutionnels et les paradigmes politiques du moment.

19Toujours dans le même registre de la recherche sur l’institution, Gilles Monceau distingue trois types de dispositifs : « le dispositif politique, de type foucaldien, où s’agencent les rapports de pouvoir ; le dispositif opératoire, substrat des logiques organisationnelles d’action publique ; le dispositif analytique, socio-clinique, qui interfère avec les deux premiers afin de “faire parler l’institution”. À partir d’exemples de recherches-actions menées auprès de classes et ateliers relais et de pre (Programmes de réussite éducative), il montre que, dans ces deux cas, les connaissances nouvelles sont produites par le décloisonnement des acteurs et par la transversalité de la réflexion collective que permet le dispositif analytique. »

20Pour conclure ce résumé, la notion de dispositif semble mettre en tension deux systèmes d’interprétation. Il se dégage, d’une part, un point de vue qui situe la notion de dispositif au cœur de la stratégie de désinstitutionnalisation et d’attaque contre les acquis sociaux et, d’autre part, un regard sur le dispositif qui montre ce dernier comme un niveau d’organisation fluide et dynamique apparaissant comme une tentative de renouvellement des mentalités.

21Autant dire que le choix d’analyser la notion de dispositif se révèle utile pour mieux comprendre les enjeux actuels de la transformation de l’action sociale.

22Lin Grimaud, psychologue clinicien, membre du comité de rédaction d’Empan.

23lingrimaud@hotmail.fr

Le poids des secrets, Aki Shimazaki, Tome 1 : Tsubaki, 2005 ; t. 2 : Hamaguri, 2007 ; t. 3 : Tsubame, 2007 ; t. 4 : Wasurenagusa, 2008 ; t. 5 : Hotaru, 2009, Arles, Actes Sud

24Oui, Monsieur Horibe est vraiment un méchant homme.

25Oui, Mariko est une Luciole qui a bu de l’eau sucrée.

26Oui, le prêtre est bon comme une hirondelle.

27Oui, j’aime le secret si triste de Yukio et Yukiko.

28Oui, j’aime tous les personnages de ce roman sauf Monsieur Horibe.

29Oui, J’aime le poids de leurs secrets et de leurs origines à tous.

30Oui, se souvenir des camélias, des myosotis, leurs fleurs préférées.

31Oui, se souvenir des coquelicots, ma fleur préférée.

32Oui, se souvenir des deux bombes d’Hiroshima, de Nagasaki et du séisme à Tokyo.

33Oui, se souvenir de la cruauté des Japonais envers les Coréens.

34Oui, se souvenir des persécutions et des charniers.

35Oui, refuser la cruauté des hommes toujours au travail de la haine.

36Oui se souvenir de l’amour car l’amour existe dans le flot des pages de ce long roman, délicat, subtil, opaque, translucide. Une rosace de vies.

37Oui, Tsubaki prend un bon départ dans la vie parce que le poids des secrets n’est plus. Mariko lui a transmis le plus lourd. Tsubaki prend son envol comme une hirondelle.

38Oui, les grands-mères quand elles parlent, c’est merveilleux. Elles inventent l’avenir, transcendent le passé. Je suis si fière d’être une grand-mère ! Moi aussi, je transmettrai des secrets. Comme Mariko, et ma descendance, comme Tsubaki, prendra son envol.

39Oui, j’ai passionnément aimé ce roman. Cinq petits volumes, dans leur coffret bleu, de toute beauté.

40La gorge nouée de tant d’humanité, j’ai lu, emportée par leurs secrets. Les miens peut-être.

41Oui, lire est une grande chance, un grand miracle.

42Oui, lire un tel roman peut sauver la vie car il nous transmet ce que veut dire être humain, jusqu’à la fleur, jusqu’à l’hirondelle.

43Marie-José Annenkov

44mj.annenkov@gmail.com

Le présent infini s’arrête, Mary Dorsan, Paris, P.O.L., 2015

45Plus de 700 pages pour décrire par le menu le quotidien d’un appartement thérapeutique de la banlieue parisienne où sont accueillis des jeunes en très grande difficulté. Mary Dorsan nous dit tout, dans les moindres détails, les repas, les sorties, les tenues, les affrontements, les collègues, les jeunes, le thé, son mari, son fils, ses copines, le supermarché, les bouquins et elle nous dit également qu’elle compte les mots ! Je ne sais pas si elle sait que compter vient de conter et que le « p » a été rajouté justement pour distinguer les deux verbes… Compter et conter aussi, elle sait le faire, nous embarquer avec elle dans cet appartement, sentir les (mauvaises) odeurs, marcher sur le lino jaune, voir le ciel au-delà du rideau qui se déglingue ; sa manière de nous emmener avec elle, de nous attirer dans son monde, et de nous submerger de détails, comme si la vie risquait tellement d’échapper, écrasée par la maladie mentale, qu’il faut lui opposer tous les reliefs possibles, souvent minuscules.

46On est noyé, mais ça ne nous empêche pas d’y revenir, c’est un livre attachant au sens des liens qui attachent. Comme les patients dont elle nous parle. J’ai pensé qu’ils étaient là, dans leurs manifestations (et le mot est à prendre au sens propre et très sale, parfois aussi) et que la violence envahissante ressentie par toute l’équipe – à laquelle il faut adresser tout le respect et l’admiration qu’elle mérite – est ce qui traverse le plus le livre : ces patients jeunes nous envahissent également, on en est envahi. Très bien.

47Et pourtant… pourtant… je regrette que l’infirmière Mary Dorsan ne nous ait pas transmis plus d’espoir pour ces jeunes, qui m’ont semblé enfermés et réduits à la description de leurs symptômes, de leur violence, de leur rejet. Mary Dorsan nous livre tout nu tout cru ce qui se passe, certes. Elle sait écrire, certes. Elle s’en tient au fait, aux faits dans leur brutalité. À tel point qu’on a l’impression que l’écriture chosifie ceux qui déploient tant d’énergie, de violence et de passion pour exprimer leur mal de vivre. De s’enfoncer ainsi dans autant de détails, je me suis demandé si elle était comme l’infirmière qui ne s’autorise pas à penser grand-chose et attend du médecin qu’il dépose son savoir sur les observations qu’on lui rapporte.

48Mais les patients ? Ils sont là, omniprésents, envahissants, incroyablement violents très souvent et pourtant, comme personnes, ils m’ont paru presque absents. Leur caractère, leur personnalité, la singularité de chacun sont décrits seulement au travers de leurs symptômes, que rien ne transcende ou presque.

49Ce livre a commencé à cause d’un crachat. Mary Dorsan nous raconte même que son acte lui a permis de parler avec le jeune Thierry débordé de violence, mais elle reste arrêtée dans sa vision : un crachat, c’est mal, surtout si l’on est infirmière. Pourtant, travailler avec la folie apprend que le oui peut être un non et le non, un oui. Travailler avec la folie apprend à reconnaître celle que l’on porte en soi et qui est le propre de l’homme. C’est d’ailleurs la seule manière de reconnaître l’humanité qui nous traverse tous, fous ou pas fous, et de ne pas s’arrêter à la barrière qui sépare soignants et soignés.

50Il me semble que ce livre, à trop vouloir s’en tenir aux faits, s’y limite. C’est peut-être efficace et juste du point de vue d’une certaine littérature d’aujourd’hui, mais ce faisant, il écrase le réel sur lui-même et y réduit l’humain.

51Blandine Ponet, membre du comité de rédaction d’Empan.

52blandine.ponet@wanadoo.fr

Un atelier théâtre en cmp. Un groupe thérapeutique et éducatif pour enfants, Gérard Chimisanas, Toulouse, érès, 2015

53L’auteur introduit le lecteur au cœur de l’atelier théâtre qu’il conduit depuis de nombreuses années. Il en propose une radiographie longitudinale où chaque composante fonctionnelle – la médiation théâtrale, le groupe, le cadre, la relation thérapeutique – est explorée en lien avec les missions de l’institution et la demande des parents. À chaque étape, l’ouvrage propose des récits cliniques relatifs à un enfant ou un groupe ainsi que des approfondissements techniques et théoriques, dans le souci de fournir outils et pistes de réflexion aux psychologues, éducateurs, soignants qui mènent ou souhaiteraient mener un atelier théâtre et plus largement un atelier médiatisé dans leurs institutions.

54La préface de Rémy Puyuelo ouvre le champ en caractérisant ce qui fait la difficulté « à être » des enfants présentés dans cet ouvrage, « plus préoccupés de cohésion identitaire que de satisfaction pulsionnelle »… « Nous ne pouvons les aborder que dans une dialectique individu, groupe, institution… » « Plus la cohésion identitaire est précaire, plus le corps est sollicité comme lieu et temps d’un psychisme à advenir ». Le paradigme de la symbolisation est exposé minutieusement comme processus pour cette advenue : « mises en corps », « mises en images », « mises en mots et en sens »… « Quand la mise en scène est possible, on peut mettre en place des scénographies éducatives. » La médiation théâtrale permet une assignation de place qui va permettre à l’enfant de se loger à la fois spatialement et dans un rôle codifié. Ce modèle identitaire a l’avantage de ne pas le forcer à occuper directement sa place de sujet, et par le biais de cette trouvaille, d’oser « prendre la parole » en attente de sa parole.

55Le cadre-dispositif de l’atelier théâtre est pensé et traversé d’une clinique psychanalytique de la relation intersubjective et du lien groupal. L’aménagement de l’accès au jeu théâtral favorise des effets de présence par la mobilisation de l’affect, de la pensée, de l’imaginaire, de la narrativité dans un espace de co-étayage groupal. Le processus de déplacement dans un centre médico-psychologique, et par l’entremise du jeu théâtral, et celui de condensation par les entourages d’analyse en après-coup vont produire un espace transitionnel de création d’objets internes et relationnels. S’appuyant sur la maintenance et la contenance du cadre, les enfants s’approprient ce lieu d’expérimentation des problématiques humaines que devient l’atelier théâtre. L’associativité corporelle et groupale va accompagner les dires verbalisés par le sujet ; l’atelier théâtre devient ainsi une scène d’intelligibilité de la pulsionnalité et de l’ambivalence, et d’expression des mouvements identificatoires et transférentiels et des angoisses afférentes à la rencontre d’autrui.

56La scène du jeu théâtral ouvre celle du groupe, de l’institution et de l’inconscient. De nombreux enfants et groupes ont parcouru ce cheminement, chaussés par l’élan du jeu théâtral et revêtus de la pensée du cadre-dispositif, sans savoir ce qui allait advenir, une création partagée et singulière. Par le jeu Angèle investit ses fantasmes, Cortot fait transition entre jeu et observation, dans le cadre Yann élabore sa continuité psychique, Flore attaque sans merci puis abrite son agressivité et son ambivalence en elle-même, Alice a découvert un espace intermédiaire entre social et familial où l’interne et l’externe pouvaient s’articuler.

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