Empan 2014/3 n° 95

Couverture de EMPA_095

Article de revue

La professionnalisation des éducateurs spécialisés au risque des ECTS

Pages 36 à 41

Notes

  • [*]
    Fabienne Chat, cadre pédagogique et formatrice, etes (École de travail éducatif et social), 17 avenue Théophile-Roussel, 48100 Marvejols. chat.fabienne@gmail.com
  • [1]
    X. Gallut, A. Qribi (sous la direction de), La démarche qualité dans le champ médicosocial. Analyses critiques, perspectives éthiques et pratiques, Toulouse, érès, 2010, p. 146.
  • [2]
    Ibid., p. 149.
  • [3]
    R. Gori, La fabrique des imposteurs, Paris, Éditions lll, 2014, p. 93.
  • [4]
    Santé, protection sociale, solidarité, n° 2011-12 du 15 janvier 2012, p. 333.
  • [5]
    P. Meirieu, Pédagogie, des lieux communs aux concepts clés, Paris, esf, 2013, p. 34.
  • [6]
    Ibid., p. 38.
  • [7]
    G. Le Boterf, Professionnaliser. Construire des parcours personnalisés de professionnalisation, Paris, Eyrolles, 2010.
  • [8]
    Ibid., p. 106.
English version

1La mise en place des ects (European Credits Transfer System) touche directement les écoles du travail social. En effet, l’arrivée, depuis la rentrée 2013, des crédits européens vient bouleverser de plein fouet l’organisation des formations des futurs éducateurs spécialisés, telles qu’elles étaient conçues jusqu’à présent. Elle fait suite et s’ajoute à la réforme de 2007 qui avait déjà bien troublé le fonctionnement des établissements de formation et, de ce fait, les cursus des étudiants. Formatrice associée dans plusieurs écoles d’éducateurs, ainsi que dans des établissements du sanitaire et du médicosocial, sur la question de l’écriture au travail, j’ai pu suivre de près l’évolution du métier, des formations et des écarts que l’on pouvait constater entre formation et professionnalisation. Aujourd’hui, cadre pédagogique et formatrice à l’etes (École en travail éducatif et social), c’est avec un intérêt accru que je suis questionnée par les changements d’organisation que nous imposent les ects.

2Depuis 2003, dans le cadre de l’harmonisation des cursus d’enseignement supérieur européens, le cursus universitaire français s’organise désormais autour de trois diplômes : la licence, le master et le doctorat. Ce dispositif lmd est associé à une organisation modulaire des études et permet d’accroître la mobilité des étudiants européens. Dans le secteur du travail social, l’arrêté du 25 août 2011 précise que les formations d’éducateurs spécialisés doivent répondre aux obligations européennes afin « d’harmoniser » les diplômes entre les pays qui composent l’espace européen. Les ects font aujourd’hui office de monnaie commune et leur mise en place entraîne de fait des réajustements pédagogiques.

3Mais quels sont les enjeux de cette harmonisation européenne des cursus de formations supérieures du travail social ? S’agit-il d’ailleurs d’une harmonisation ou bien d’une normalisation associée à une plus grande reconnaissance d’un diplôme actuellement de niveau licence ? Mais de quelle qualité de la formation et de quelle mobilité parlons-nous ? Et que deviennent certaines valeurs du métier ? S’agit-il d’une réelle opportunité pour la professionnalisation – pour les étudiants, les formateurs, les employeurs ? Et quel sens donner aux évaluations que ce dispositif génère ? Quels en sont les enjeux pour les écoles, les centres de formation ? Je vais essayer de répondre à quelques-unes de ces questions de la place qui est la mienne maintenant, fondée sur une relation d’accompagnement de proximité avec les étudiants. Je reviendrai brièvement sur l’histoire du système lmd et sur son arrivée dans le champ de la formation des travailleurs sociaux, notamment des éducateurs spécialisés. J’évoquerai bien sûr les interrogations que cette mise en crédits a pu susciter au sein de notre école, notamment en termes de volume de formation, d’évaluation et de relations avec les sites qualifiants, puisque la formation des éducateurs spécialisés reste une formation professionnalisante.

Quelques années avant l’euro, déjà les ects

4C’est à la Sorbonne, en 1998, qu’a été pensé l’espace européen de l’enseignement supérieur, sur une initiative intergouvernementale (Italie, France, Allemagne, Grande-Bretagne), confortée l’année suivante par la déclaration de Bologne qui réunissait 29 pays. Aujourd’hui, ce « processus de Bologne » rassemble 46 pays signataires, engagés à mettre en place un cursus de formation lmd unifié, conduisant à des diplômes « lisibles et comparables », autorisant une plus grande flexibilité dans la construction de parcours individuels de formation.

5L’esprit qui anime la directive concernant la mobilité européenne et l’harmonisation des parcours de formations post-bac est certainement celui d’Érasme de Rotterdam (1465-1536), grand intellectuel de dimension européenne, doté d’idées novatrices, particulièrement en éducation. En tant qu’homme, philosophe, théologien et humaniste, il a toujours plaidé l’unité et la réconciliation. L’esprit de Bologne, comme celui de la charte Erasmus, est de créer, à la suite d’Érasme, une génération européenne, en plaçant les peuples au cœur d’une Europe unie et pacifiée. Erasmus est aussi l’acronyme de « European community Action Sheme for the Mobility of the University ». Le programme Erasmus n’a d’ailleurs pas attendu l’harmonisation des diplômes lmd : en 1971, le principe d’une coopération dans le domaine de l’éducation est acté par les ministres de l’Éducation des neuf pays de la Communauté européenne. Cinq ans plus tard, ce même groupe de travail définit un programme d’action dans le cadre de cette même coopération. Il faudra cependant attendre le 15 juin 1987 pour que le Conseil des ministres de l’Éducation adopte, après avoir été rejeté trois fois, le programme Erasmus.

6À ses débuts, en 1987, Erasmus comptait 700 étudiants français parmi les 3 000 qui avaient choisi de tenter l’aventure. Déjà de l’histoire ancienne, puisque le nouveau programme Erasmus Plus prévoit 2,1 millions de personnes en mobilité sur la période 2014-2020, contre 1,5 millions sur 2007-2013, en permettant à 20 % des diplômés de séjourner dans un pays européen pendant une période d’au moins trois mois. L’harmonisation des cursus à l’échelle de l’Europe visant une plus grande cohérence des parcours étudiants lors de cette mobilité, ainsi qu’une entrée facilitée dans la vie active. Au niveau du travail social, la mise en œuvre de ces dispositions contribue à ancrer les formations post-baccalauréat, ainsi que les écoles qui y préparent, dans l’espace européen de l’enseignement supérieur. Mais cela n’est pas sans incidences sur la mise en place des parcours de formation.

Les réformes se succèdent et il faut suivre

7La mise en place des ects dans les formations d’éducateur spécialisé est précisée par un arrêté du 25 août 2011 (dans le titre IV intitulé « Espace européen de l’enseignement supérieur », art. 17-1), qui fait donc office de commande pour les établissements de formation. Il y est précisé que « l’obtention du diplôme d’État d’éducateur spécialisé donne lieu à l’attribution de 180 crédits européens (ects), […] que la formation préparant au diplôme d’État d’éducateur spécialisé est structurée en modules de formation […] valorisés en crédits ects […] répartis sur six semestres. La valeur de l’ensemble des modules composant chacun des cinq premiers semestres ne peut dépasser 30 crédits ects. Le sixième semestre est valorisé par la réussite aux épreuves de certification et emporte l’acquisition de 30 crédits supplémentaires. L’organisation pédagogique de la formation en semestres, modules et crédits européens correspondants […] sont détaillées au dossier de déclaration préalable […], au titre des pièces démontrant la capacité pédagogique de l’établissement de formation à assurer la préparation des candidats à l’obtention du diplôme d’État d’éducateur spécialisé conformément aux principes des textes réglementant ce diplôme. À la demande de l’étudiant, les établissements de formation peuvent établir, en cours de cursus, une attestation descriptive du parcours suivi mentionnant, à titre indicatif, les crédits correspondant aux modules validés. »

8Il me semble ne trahir personne en affirmant que pour l’ensemble des centres de formation de travailleurs sociaux, qu’ils soient instituts régionaux ou écoles associatives, la réforme de la mise en crédits européens est venue bouleverser les organisations, obligées de redéfinir les places de chacun, de repenser leur ingénierie pédagogique et de formation.

9À l’etes, le phénomène a certainement été plus aigu, puisque jusqu’à la rentrée de septembre 2010, l’école ne formait que des Moniteurs éducateurs (me) et des Aides médico-psychologiques (amp). La première promotion d’éducateurs spécialisés n’est donc sortie qu’en juillet 2013. Parallèlement à l’accompagnement, nouveau pour nous, de ces premiers étudiants éducateurs, il nous fallait également nous engager dans une autre ingénierie pédagogique intégrant la mise en place des crédits européens, avec semestrialisation, modularisation des parcours, évaluation par modules et semestres, tout cela pour chacun des domaines de compétences associés au diplôme. Alors que la première promotion concernée par ces changements arrivait deux mois plus tard, en septembre 2013.

Une formation qui prend du volume

10Le système des ects n’est pas qu’un dispositif d’équivalence des diplômes. Il prend en compte le volume de travail de l’étudiant, chaque crédit correspondant à un volume de charge de travail. Aux heures de cours suivies s’ajoutent donc le temps passé en stage ainsi que les heures de travail personnel de l’étudiant estimées nécessaires aux apprentissages. Une année scolaire de deux semestres comporte environ 38 à 40 semaines de formation. La charge de travail d’un étudiant oscille entre 1 500 et 1 800 heures par an.

11Sachant qu’un crédit ects équivaut à 28 heures de travail, un parcours « type » doit donc permettre à l’étudiant d’acquérir 30 crédits en un semestre et 60 en une année, à travers 1 680 heures de formation. Ce calcul est assez incompréhensible et le volume de travail personnel de l’étudiant disproportionné. Par exemple, pour le domaine de compétence 1 « Accompagnement social et éducatif spécialisé », l’étudiant doit bénéficier de 450 heures de cours sur la première année, de 781 heures de stage et de 505 heures de travail personnel afin d’atteindre le nombre d’ects semestriels requis. Comment a-t-on pu penser un tel projet, sachant qu’il est impossible de consacrer autant de temps à du travail personnel, et qu’à 7 heures de cours seraient associés, a minima, 7 heures de travail personnel ? Aux 1 450 heures de formation théorique et 2 100 heures de formation pratique (communément appelées stage) s’ajoutent donc 1 490 heures de temps de travail personnel, pour arriver à un volume total de 5 040 heures.

12La question de la qualité des formations a déjà été largement traitée dans le cadre de la réforme de 2007, mais les ects suscitent les mêmes interrogations. A. Qribi écrivait déjà : « La réforme s’impose. Elle rentre en vigueur à partir de septembre 2007. Elle bouleverse l’architecture ancienne et contraint ses acteurs à des adaptations rapides, souvent dans l’improvisation et la précipitation [1]. » Quelques mois après l’entrée en vigueur du système ects, nous pourrions reprendre les mêmes mots et les mêmes critiques que nombre d’auteurs (Vauchez, Chavaroche, Qribi, Gaberan) ont adressés à la réforme de 2007, notamment face au « risque d’une autonomisation forte des blocs de compétences [2] ». Entre les membres de notre équipe pédagogique, des discussions s’engagent sur les contenus des modules existants dans les différents domaines de compétences. De fait, certains domaines de formation sont inhérents à plusieurs domaines de compétences et peuvent par conséquent être intégrés à différents modules. Le travail d’ingénierie qui en découle ne convainc personne. Nous avons le sentiment d’être en situation de devoir rendre une copie compatible avec le droit d’exister en tant qu’organisme de formation. Nous devons jongler afin de créer des liens entre les différents modules et domaines de formation. Les contenus de certains domaines de compétence sont tellement proches qu’il en va parfois de notre crédibilité auprès des étudiants. Ainsi, le projet d’activité est référencé dans le DC1, alors que la démarche conception et mise en place du projet éducatif l’est dans le DC2. Visiblement, comme le dit l’un de mes collègues, les concepteurs des outils sont rarement ceux qui les utilisent. La logique de cette réforme ne nous est pas toujours compréhensible.

Évaluer toujours plus

13Avant de poursuivre ma réflexion du côté de l’évaluation, je voudrais d’abord citer Roland Gori pour qui « l’évaluation se révèle aussi comme un métarécit de légitimation sociale des savoirs et des pratiques ; par la pseudo-objectivité quantitative et formelle de ses procédures, elle impose un mode de rationalité pratico-formelle pour penser le monde, soi-même et autrui [3] ».

14De fait, la question de l’évaluation dans un tel contexte est compliquée. Ainsi, le mot « savoir » apparaît des dizaines de fois dans le référentiel de formation. Nous faudrait-il alors évaluer tous ces « savoirs » ? A minima, il nous faut construire un total de 28 évaluations, au rythme de 5 à 6 par semestre. Mais que cherchons-nous à évaluer ? L’adaptation des étudiants au nouveau dispositif ? N’oublions pas que nous sommes en formation professionnelle d’adultes, que les évaluations sont à privilégier dans le cadre d’une dynamique de groupe, dans une logique d’autoévaluation et de retour réflexif sur son propre apprentissage, d’autant plus qu’éducateur spécialisé est un métier d’équipe. Or, que nous propose le bo Santé, protection sociale, solidarité[4] du 15 janvier 2012 en matière d’échelle de notation ects ? Que 10 % des meilleures notes admises doivent obtenir la note A (excellent, résultat remarquable), 25 % des suivantes la note B (très bien, résultat supérieur à la moyenne), 30 % des suivantes la note C (bien, travaille généralement bien), puis 20 % de D et 10 % de E. Le premier semestre de l’année 2013-2014 nous a déjà confrontés à des réactions pour le moins inattendues de la part de certains étudiants, exprimant leur désaccord sur les notes qui leur ont été attribuées par rapport à d’autres : eux-mêmes estimant mériter mieux. Selon moi, ce système d’évaluation peut réactiver certains réflexes purement scolaires, risquant d’infantiliser plutôt que de responsabiliser les étudiants.

15D’aucuns pensent que les ects peuvent aider à réintroduire le contrôle continu dans la formation d’éducateur spécialisé. J’ai été tentée un court instant de les rejoindre. Comparée à certains domaines de compétences de la formation d’amp, la formation d’éducateur spécialisé n’avait pas d’équivalent en matière d’évaluation des connaissances. Mais s’il s’agit de réintroduire des évaluations, celles-ci ne peuvent-elles pas prendre la forme d’évaluations formatives, dans le cadre de l’espace de réflexion d’un sous-groupe où l’intersubjectivité est au travail ? Il est question en effet pour nous de construire ces évaluations en leur donnant du sens dans un processus de professionnalisation, car il s’agit bien de cela. Il me semble aussi important de préciser que notre travail de formateur ne nous oblige pas, bien au contraire, à mettre de côté notre formation initiale d’éducateur spécialisé, qui vise à accompagner chacun selon son rythme et son parcours d’étude et de vie. Nous croyons en l’éducabilité, quels que soient le trajet et les difficultés de chacun. Selon nos valeurs et notre éthique, il nous paraît inconcevable de barrer le chemin à un étudiant dont le démarrage serait plus lent que celui des autres. Se référant au pédopsychiatre Philippe Jeammet, Philippe Meirieu insiste sur « le caractère paradoxal de ce qui se passe lorsqu’un apprenant accumule les défaites : il finit par organiser son propre échec parce que c’est la seule chose qu’il puisse vraiment réussir [5] ». Il n’est pas rare de compter parmi les étudiants en formation d’éducateur spécialisé des personnes ayant interrompu un parcours universitaire avant validation. Lors des entretiens de sélection, nous pouvons percevoir chez certains un réel désir de s’engager dans un cursus nouveau, faisant alterner école et engagement sur le terrain. Pour eux, des évaluations de savoirs par trop scolaires risquent de réveiller des souvenirs parfois douloureux, entraînant vers un nouvel échec, avec non-remise de travaux ou absences à répétition. Notre présence est à ce moment-là essentielle, afin de permettre à l’étudiant de « se dégager de cette spirale infernale, [ce qui] suppose de reconnaître que l’on a besoin d’aide et d’un accompagnement [6] ». C’est l’un des enjeux des accompagnements personnalisés auxquels nous tenons tant tout au long des parcours de formation. Entre motivation et réussite, un travail d’apprentissage se développe dans le cadre d’une rencontre singulière. L’autoévaluation proposée à l’étudiant lui permet de se positionner en tant qu’acteur et, au final, auteur de son propre parcours de formation.

16Nous sommes d’accord pour dire que les évaluations de type purement scolaire ne suffisent pas et ne peuvent être posées en seule règle. Pourtant, certains étudiants s’attendent à cela et il nous faut donc consacrer du temps à expliquer un système qui nous apparaît pourtant comme peu pertinent : en effet, nous préparons d’abord à des métiers de la relation et de l’accompagnement. Il nous semble fondamental de maintenir le cap de l’entraide mutuelle dans le processus de formation, du travail en sous-groupe, de l’auto-socioconstruction des savoirs, associés à une pédagogie différenciée, alors même que le risque est que le système nous conduise à tenir une posture inverse. Il nous faut ainsi revenir au métier et tisser des liens, construire le sens de notre travail et ne pas le lâcher, retrouver du temps pour partager, élaborer, penser, bien que l’ingénierie devienne particulièrement chronophage. Découper les contenus pédagogiques en semestres, puis en modules associés à des domaines de compétence, nous oblige à réinterroger la place des formateurs dans l’organisation, leurs responsabilités de filières, les dispositifs d’évaluation et de validation. Certaines écoles ou centres de formation ont choisi de nommer un coordinateur ou responsable de formation et de lui déléguer le travail d’organisation et de coordination. Le choix de l’etes a été que chaque cadre pédagogique intervienne avec un même niveau de responsabilité dans le dispositif et son processus, soit à la fois concepteur et acteur. Ce qui permet à chacun de mieux comprendre les enjeux du système, mais aussi d’en constater certaines incohérences.

Une formation professionnalisante

17Guy le Boterf [7] nous rappelle que pour professionnaliser, ou pour aider à la professionnalisation, il est essentiel de mettre en œuvre une alternance ayant pour pivot central les situations professionnelles. Depuis la mise en place des ects, il serait intéressant de faire un sondage auprès des professionnels de l’éducation spécialisée afin de vérifier combien d’entre eux connaissent le nouveau dispositif. Pourtant, les sites qualifiants sont chargés d’attribuer des crédits aux étudiants stagiaires qu’ils reçoivent. En remplissant les évaluations et en validant les stages, ainsi que les écrits professionnels qui y sont produits par les étudiants, les tuteurs de terrain valident de ce fait l’attribution de crédits. Idem pour l’une des deux parties du DC3 sur la communication professionnelle.

18Professionnaliser, toujours en référence à Le Boterf, c’est « mettre en œuvre des fonctions de tutorat et d’accompagnement de parcours [8] ». Les tuteurs de formation sont un soutien essentiel dans la formation en alternance. Combien de rencontres entre les écoles, les tuteurs et l’étudiant ont-elles effectivement lieu aujourd’hui durant un cursus de trois ans ? Combien d’écoles ou d’instituts de formation ont réduit les visites de stage à une seule, celle concernant le stage long, alors qu’elles permettent rencontre et partage entre l’établissement de formation, le site qualifiant et l’étudiant stagiaire, et qu’il s’agit de la seule instance où les trois signataires de la convention de stage sont présents. À l’etes, nous avons fait le choix, déterminé, de maintenir cet espace et ce temps de visite. C’est un choix engageant en temps et en budget, mais qui pose la question même du sens de notre pédagogie qui serait alors remise en question sans ces visites singulières. Comment se laisser uniquement guider par une logique financière lorsqu’il s’agit de la qualité de l’accompagnement de futurs professionnels ? Comment réussir, sans cela, à construire une ingénierie pédagogique qui considère que chaque étudiant doit bénéficier d’un parcours unique ? Il me semble que nous ne pouvons pas, d’un côté, crier haut et fort en nous appuyant sur la loi de 2002 que le résident est au centre du dispositif, acteur de son projet … et ne pas permettre aux futurs professionnels d’être au cœur de leur projet de formation professionnalisante. La mise en place des ects renforce aujourd’hui cette incompréhension. On nous rappelle l’importance de la formation en alternance intégrative, alors que dans un même temps les liens entre lieux de la pratique et centres de formation se distendent.

19Comme un ouragan, la réforme de 2007 s’est abattue sur les formations en travail éducatif et social, et nous en voyons maintenant encore toutes les incohérences à travers un découpage qui, en touchant à la transversalité du métier, altère le sens de nos interventions. En septembre 2013, la mise en place des ects est venue renforcer ce détricotage. Hélas, l’orage gronde et se rapproche encore. La refonte des diplômes du travail social est en route …


Mots-clés éditeurs : formation, éducateur spécialisé, professionnalisation, évaluation, ECTS

Mise en ligne 25/09/2014

https://doi.org/10.3917/empa.095.0036

Notes

  • [*]
    Fabienne Chat, cadre pédagogique et formatrice, etes (École de travail éducatif et social), 17 avenue Théophile-Roussel, 48100 Marvejols. chat.fabienne@gmail.com
  • [1]
    X. Gallut, A. Qribi (sous la direction de), La démarche qualité dans le champ médicosocial. Analyses critiques, perspectives éthiques et pratiques, Toulouse, érès, 2010, p. 146.
  • [2]
    Ibid., p. 149.
  • [3]
    R. Gori, La fabrique des imposteurs, Paris, Éditions lll, 2014, p. 93.
  • [4]
    Santé, protection sociale, solidarité, n° 2011-12 du 15 janvier 2012, p. 333.
  • [5]
    P. Meirieu, Pédagogie, des lieux communs aux concepts clés, Paris, esf, 2013, p. 34.
  • [6]
    Ibid., p. 38.
  • [7]
    G. Le Boterf, Professionnaliser. Construire des parcours personnalisés de professionnalisation, Paris, Eyrolles, 2010.
  • [8]
    Ibid., p. 106.
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